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encore davantage quand on aura compris que l'instruction des générations naissantes doit être tout ensemble le développement du sens moral et la culture des facultés intellectuelles.

397. Si la femme fait inventaire dans le délai de trois mois, elle conserve la faculté de renoncer. Pendant quel laps de temps? La loi ne le dit pas, et elle n'avait pas besoin de le dire; en faisant inventaire, la femme conserve son droit d'option; or, elle a trente ans pour l'exercer, soit qu'elle veuille accepter, soit qu'elle veuille renoncer (no 374). Mais ce droit est limité par celui des créanciers. Ceux-ci, dit l'article 1459, peuvent, après l'expiration du délai de trois mois, poursuivre la femme comme commune jusqu'à ce qu'elle ait renoncé, et elle doit les frais faits contre elle jusqu'à sa renonciation. L'article 1459 se rapporte aux deux articles qui précèdent; la femme qui a fait inventaire dans les trois mois peut opposer aux créanciers qui la poursuivent l'exception dilatoire résultant du délai de quarante jours que la loi lui accorde pour délibérer; c'est seulement à l'expiration du délai de trois mois et quarante jours que les créanciers ne peuvent plus être repoussés par l'exception dilatoire. Encore la veuve peut-elle, suivant les circonstances, demander au tribunal de première instance une prorogation du délai de trois mois et quarante jours; cette prorogation est, s'il y a lieu, prononcée contradictoirement avec les héritiers du mari ou eux dûment appelés (art. 1458). Si le délai est prorogé, l'exception dilatoire l'est également. Par contre, si l'inventaire est clos avant l'expiration des trois mois, la femme peut être poursuivie après l'expiration des quarante jours depuis la clôture de l'inventaire (art. 1460).

Le code dit que les créanciers peuvent poursuivre la femme comme commune. Est-ce à dire qu'il établisse une présomption d'acceptation? On dit d'ordinaire que la veuve est présumée acceptante si elle ne renonce pas dans le délai de trois mois et quarante jours (1). Cela n'est pas exact. Si la veuve n'a pas fait inventaire, elle est plus que

(1) Demante, Cours analytique, t. VI, p. 272, no 111.

présumée acceptante, elle est acceptante, puisqu'elle est déchue de la faculté de renoncer (art. 1459); et si elle a fait inventaire sans se prononcer, c'est dans le but de conserver la faculté de renoncer; dès lors son droit d'option reste intact, il serait contradictoire de lui conserver son droit de renonciation et de la présumer acceptante. Le seul effet que produise son abstention après le délai de trois mois et quarante jours, c'est qu'elle n'a plus d'exception dilatoire; elle peut être poursuivie, et les frais des poursuites seront à sa charge si elle renonce.

398. Quelle est la situation de la femme quand elle n'a pas fait inventaire? Elle est déchue de la faculté de renoncer. C'est l'opinion consacrée par la jurisprudence, sauf quelques hésitations dans l'application du principe. Cette déchéance résulte du texte et de l'esprit de la loi. Le texte est si clair, que l'on s'étonne qu'il ait donné lieu à une controverse. Aux termes de l'article 1456, la femme qui veut conserver la faculté de renoncer doit faire inventaire dans les trois mois. Donc si elle ne fait pas inventaire, elle ne conserve pas la faculté de renoncer; c'est bien dire qu'elle la perd, qu'elle en est déchue. Si la déchéance n'est pas prononcée littéralement, elle résulte nécessairement du texte; en effet, si la femme conservait la faculté de renoncer sans faire inventaire, l'article 1456 n'aurait plus de sens. On l'avoue, mais on prétend que cette disposition doit être combinée avec celle de l'article 1459, qui porte: « La veuve qui n'a point fait sa renonciation dans ledélai ci-dessus prescrit n'est pas déchue de la faculté de renoncer, si elle ne s'est point immiscée et qu'elle ait fait inventaire. » Cet article est une conséquence de l'article 1456 et, loin de le modifier, il le confirme. Ces mots et qu'elle ait fait inventaire énoncent une condition; si la femme a fait inventaire, elle n'est pas déchue; donc si elle n'a pas fait inventaire, elle est déchue. Il n'y a qu'une légère difficulté de texte : l'article 1459 ne répète pas que l'inventaire doit être fait dans les trois mois, mais fallait-il que l'article 1459 répétât ce qu'avait dit l'article 1456? Quel est l'article qui exige l'inventaire comme condition du droit de renonciation? C'est l'article 1456;

c'est donc cette disposition qui est le siége de la matière, et non l'article 1459; celui-ci ne fait que s'en rapporter à ce qui vient d'être d'it; il a uniquement pour objet de décider quelle est la conséquence du défaut de renonciation dans le délai ordinaire de trois mois et quarante jours: la femme peut-elle encore renoncer? peut-elle être poursuivie? C'est cette dernière question que l'article 1459 décide. La première question était déjà résolue; en effet, l'article 1454 avait dit que la femme qui s'est immiscée ne peut plus renoncer, et l'article 1456 avait dit que la veuve qui n'a pas fait inventaire dans le délai de trois mois ne peut plus renoncer. Si la loi répète ce qu'elle a déjà dit, c'est pour faire une réponse complète à la question de savoir quelle est la situation de la femme après l'expiration du délai de trois mois et quarante jours (1).

Voilà les textes. Quant à l'esprit de la loi, il ne saurait être douteux, puisque le texte est clair; et le texte, quand il est clair, nous apprend d'une manière certaine ce que le législateur a voulu dire. On peut trouver la loi trop rigoureuse, mais telle est la loi, il faut s'y tenir. Demandera-t-on le motif de cette rigueur? Les auteurs du code ont dérogé aux coutumes, d'après lesquelles il fallait toujours un inventaire pour que la femme pût renoncer, même dans le délai de trois mois; mais aussi l'inventaire pouvait être fait après ce délai. Le code est moins sévère dans la première hypothèse, il permet à la femme de renoncer dans les trois mois, sans qu'elle doive faire inventaire. Dans la seconde hypothèse, le code est plus sévère; après le délai de trois mois, la femme est déchue du droit de renoncer, à moins qu'elle n'ait fait inventaire dans ce délai. Donc, ou la renonciation dans le délai de trois mois, ou un inventaire : tel est le système de la loi. Pourquoi exige-t-elle un inventaire quand la femme ne renonce pas de suite? Parce que c'est la seule garantie qu'aient les créanciers, comme Pothier l'a déjà dit; or, pour que l'inventaire soit une garantie, il doit être fait le plus tôt pos

(1) Aubry et Rau, t. V, p. 418 et suiv., note 30, § 517, et les autorités .qu'ils citent. Il faut ajouter Bruxelles, 10 avril 1851 (Pasicrisie, 1851, 2,212).

sible après la dissolution de la communauté. Le législateur a dû tenir compte des droits des créanciers, aussi bien que des droits de la femme.

Que tel soit le système du code, on n'en saurait douter si l'on consulte les observations du Tribunat. L'article 1461, tel qu'il fut voté par le conseil d'Etat, était ainsi conçu

Si la veuve meurt avant l'expiration des trois mois et quarante jours, les héritiers peuvent renoncer à la communauté. Les héritiers peuvent renoncer après ledit délai, et nonobstant le défaut d'inventaire, tant qu'ils ne se sont pas immiscés. Ainsi le projet était moins sévère pour les héritiers de la veuve que pour la veuve; il admettait les héritiers à renoncer malgré le défaut d'inventaire. Cette différence entre la veuve et les héritiers s'expliquait: la veuve est en possession de la communauté, elle peut facilement divertir, tandis que les héritiers peuvent ne pas être en possession. Néanmoins le Tribunat critiqua la disposition du projet; il n'admettait pas que les héritiers pussent renoncer alors qu'il n'y aurait eu aucun inventaire, ni de leur part, ni de la part de la femme. Il faut toujours un inventaire, dit le Tribunat, pour éviter des fraudes à l'égard des tiers (1). Si cette obligation est même imposée aux héritiers, à plus forte raison fallait-il la maintenir pour la veuve. Que l'on n'objecte pas que le Tribunat ne parle pas du délai dans lequel l'inventaire doit être fait; ce point n'était point en cause, il était réglé par l'article 1456, et le Tribunat ne songeait pas même que l'article 1459 y eût pu déroger. Il suffisait d'accorder aux héritiers un délai de trois mois pour faire inventaire.

399. Il nous faut encore combattre l'opinion contraire, parce qu'elle a trouvé un défenseur dans un des meilleurs interprètes du code civil. Colmet de Santerre se prévaut des articles 1456 et 1459, combinés avec les articles 794 et 800. Le droit de l'héritier et celui de la femme sont analogues. Qu'est-ce que la loi dit de l'héritier qui veut jouir du bénéfice d'inventaire? Il doit d'abord faire une déclaration au greffe; sous ce rapport, la situation du

(1) Observations du Tribunat, no 12 (Locré. t. VI, p. 380).

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successible et celle de la femme diffèrent celle-ci jouit de plein droit de son bénéfice d'émolument, à condition de faire inventaire. Cette condition est commune à l'héritier. Ici il y a analogie parfaite. L'article 794 dit que la déclaration d'un héritier qu'il entend ne prendre cette qualité que sous bénéfice d'inventaire n'a d'effet qu'autant qu'elle est précédée ou suivie d'un inventaire des biens de la succession. Quand cet inventaire doit-il être fait? Dans les délais qui seront ci-après déterminés », répond l'article 794. Quels sont ces délais ? L'héritier a trois mois pour faire inventaire, dit l'article 795. Voilà une disposition identique à celle de l'article 1456, qui exige aussi de la veuve qu'elle fasse inventaire dans les trois mois si elle veut conserver ses droits de femme commune. Continuons la comparaison. Le délai de trois mois semble être un délai fatal pour le successible si l'on s'en tient à l'article 794, de même que le délai paraît fatal pour la veuve en vertu de l'article 1456. Mais l'article 800 explique l'article 1456; l'héritier conserve, après l'expiration du délai de trois mois, prorogé s'il y a lieu, la faculté de faire encore inventaire et de se porter héritier bénéficiaire s'il n'a pas fait d'ailleurs acte d'héritier. En définitive, le délai de trois mois n'est pas fatal; l'héritier peut toujours accepter sous bénéfice d'inventaire, tant qu'il n'a pas accepté purement. et simplement, en faisant acte d'héritier. Tel est aussi le droit de la femme commune, d'après l'article 1459 : elle n'est pas déchue de la faculté de renoncer, pourvu qu'elle ait fait inventaire, tant qu'elle ne s'est pas immiscée; l'article 1459 ne dit pas que l'inventaire doive être fait dans un certain délai, donc il peut toujours être fait tant que la veuve ne s'est pas immiscée (1).

La comparaison est ingénieuse, mais elle est fausse. L'article 794 ne dit pas, comme l'article 1456, que le successible qui veut conserver la faculté d'être héritier bénéficiaire doit faire inventaire dans les trois mois; il dit, ce qui est bien différent, que l'inventaire doit être fait dans

(1) Colmet de Santerre, t. VI, p. 274, no 115 bis 1. Comparez Mourlon, t. III, p. 92, no 216.

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