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et ne se remplissent pas par équipollent. La cour de cassation la jugé ainsi, sans cependant décider la question en principe. Dans l'espèce, on invoquait un procèsverbal du juge de paix qui constatait le peu d'importance des objets mobiliers de la communauté et, par suite, l'inutilité de l'apposition des scellés. La cour s'est bornée à dire, ce qui est évident, que cet acte ne pouvait être considéré comme un inventaire suffisant (1). Dans un autre procès, la femme se prévalait d'un état du mobilier, mais cet état ne comprenait point les autres effets, valeurs, marchandises et créances de la communauté; il ne répondait donc pas au vœu de l'article 1456, qui exige un inventaire de tous les biens. La femme alléguait encore une déclaration au bureau de l'enregistrement pour le payement des droits de mutation. La cour d'Amiens a jugé que ces actes n'équivalaient pas à un inventaire (2).

405. Il n'y a pas d'inventaire, partant la femme est déchue de la faculté de renoncer. Elle renonce néanmoins; cette renonciation est nulle. On demande si la femme peut se prévaloir de la nullité. La cour de cassation a décidé que la femme ne peut pas se dégager des effets d'une renonciation qui lui serait préjudiciable (3); l'arrêt ne donne pas d'autre motif, de sorte que la décision n'est qu'une affirmation. Elle est, du reste, de toute évidence. La déchéance est prononcée contre la femme et dans l'intérêt des créanciers; si la renonciation est nulle, la nullité concerne uniquement les créanciers, donc ceux-ci peuvent seuls l'invoquer. C'est l'application du principe qui régit les nullités. quand elles ne sont pas d'ordre public; or, la déchéance de l'article 1456 et la nullité qui en résulte sont de pur intérêt privé.

(1) Rejet, 30 avril 1849 (Dalloz, 1850, 1, 117).
(2) Amiens, 22 mars 1855 (Dalloz, 1855, 2, 282).
Cassation, 6 juillet 1869 (Dalloz, 1869, 1, 479).

No 2. QUAND LA FEMME DIVORCÉE, SÉPARÉE DE CORPS OU DE BIENS, PEUT-ELLE OU DOIT-ELLE RENONCER?

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406. L'article 1463 porte : « La femme divorcée ou séparée de corps, qui n'a point, dans les trois mois et quarante jours après le divorce ou la séparation définitivement prononcés, accepté la communauté, est censée y avoir renoncé, à moins qu'étant encore dans le délai, elle n'en ait obtenu la prorogation en justice, contradictoirement avec le mari, ou lui dûment appelé. Cette disposition modifie le droit d'option que l'article 1453 accorde à la femme quand la communauté est dissoute. L'article 1453 donne implicitement à la femme un délai de trente ans pour exercer son droit. Lorsque la communauté se dissout par la mort du mari, la veuve a trente ans pour se prononcer, sous la condition qu'elle fasse inventaire dans les trois mois, et sauf le droit des créanciers d'agir contre la veuve après l'expiration du délai de trois mois et quarante jours. Il en est autrement lorsque la communauté est dissoute par le divorce ou la séparation de corps. La femme divorcée ou séparée de corps a aussi le droit d'option; elle peut, de même que la veuve, accepter la communauté ou y renoncer immédiatement. Mais elle doit se prononcer au plus tard dans le délai de trois mois et quarante jours, prorogé, s'il y a lieu, par le tribunal. Si elle reste dans l'inaction, elle sera censée avoir renoncé, par cela seul qu'elle n'aura pas accepté dans ce délai. Quelle est la raison de la différence que la loi fait entre la veuve et la femme divorcée ou séparée de corps? La première a trente ans pour exercer son droit d'option, la seconde n'a qu'un délai de trois mois et quarante jours. Quand la communauté se dissout par le divorce ou la séparation de corps, le mari est en possession de la communauté, et c'est contre lui que la femme doit former sa demande en partage si elle entend accepter. Régulièrement elle acceptera, puisque le divorce ou la séparation de corps n'impliquent pas que la communauté soit mauvaise. Et si elle accepte, elle se hâtera d'exercer ses droits; car la haine qui divise les

époux, le scandale d'une rupture judiciaire exciteront la femme, demanderesse ou défenderesse, à agir de suite; elle n'a aucune raison pour attendre, tout la porte à poursuivre le mari à outrance. Si, au lieu de réclamer sa part dans la communauté, la femme garde le silence, qu'en faut-il conclure? C'est que la communauté est mauvaise et que la femme n'a pas de droit utile à exercer. Voilà pourquoi la loi dit qu'elle est censée renonçante (1).

407. La loi ne parle pas de la femme séparée de biens. Faut-il l'assimiler à la femme séparée de corps ou divorcée? On admet généralement l'affirmative, parce qu'il y a même raison de décider, et même raison plus forte.. Cela n'est pas tout à fait exact. Le motif que nous venons de donner pour la séparation de corps et le divorce ne s'applique que dans une très-faible mesure à la séparation

de biens; la demande de la femme concerne uniquement ses intérêts pécuniaires, et ces intérêts peuvent être compromis sans qu'il y ait aucune faute à reprocher au mari. Mais il y a une autre considération qui doit porter la femme à agir le plus tôt possible. Pourquoi a-t-elle demandé la dissolution de la communauté? C'est parce que sa dot ou ses reprises sont en péril; c'est à cause de ce danger que la loi fait rétroagir le jugement, afin d'empêcher le mari d'achever la ruine de la femme. La même raison doit engager la femme à accepter de suite et à demander le partage si la communauté présente des avantages. Que doit-on donc conclure de son inaction? C'est que la communauté est mauvaise, que la femme n'a aucun intérêt à l'accepter, partant qu'elle est renonçante (2).

En théorie, cela est très-vrai, mais il reste une difficulté de texte et de principes. L'article 1463 déroge à la règle établie par l'article 1453 peut-on étendre une disposition exceptionnelle? Le silence que la femme garde pendant trois mois et quarante jours entraîne la déchéance du droit d'option peut-on prononcer une déchéance par voie d'analogie? Dans l'opinion générale, comme nous allons

(1) Comparez Troplong, t. II, p. 24, no 1574.

(2) Voyez les autorités citées par Aubry et Rav, t. V, p. 415, note 13,

le dire, l'article 1463 établit une présomption de renonciation est-ce que les présomptions légales peuvent être étendues d'un cas à un autre? Voilà bien des motifs de douter. Le texte confirme ces doutes: il ne parle que de la femme séparée de corps et de biens; si l'intention du législateur avait été de mettre la femme séparée de biens sur la même ligne que la femme séparée de corps ou divorcée, pourquoi ne l'aurait-il pas dit? Il faut qu'il y ait une raison de ce silence; la loi parle de la femme veuve, puis de la femme séparée de corps ou divorcée, elle ne dit rien de la femme séparée de biens. Pourquoi cette omission (1)?

Ce que disent les auteurs n'est rien moins que satisfaisant. La séparation de biens, dit-on, se confond avec la séparation de corps, puisque celle-ci emporte toujours séparation de biens (art. 311). L'argument peut se retourner contre ceux qui l'invoquent. Si la loi avait entendu parler de la séparation de biens en général, soit qu'elle procède de la séparation de corps, soit que le tribunal la prononce sur la demande de la femme, l'article 1463 aurait dû dire: la femme séparée de biens, ce qui aurait compris la femme séparée de corps; mais l'expression femme séparée de corps ne comprend pas la femme séparée de biens. D'autres auteurs se tirent d'embarras par le moyen commode des présomptions qu'ils imaginent: l'article 1463, disent-ils, repose sur une présomption, laquelle résulte de probabilités; or, les probabilités de renonciation sont plus grandes en cas de séparation de biens qu'en cas de séparation de corps; donc il y a présomption plus forte, et partant la femme séparée de biens doit aussi être renonçante par argument a fortiori. Qui ne voit que ce raisonnement consiste en présomptions de l'homme, dont on se prévaut pour étendre une présomption légale? Ce qui est contraire à tout principe. Duranton, toujours mesuré dans ses opinions, s'exprime avec hésitation. « La femme séparée de biens, dit-il, est présumée ne pas vouloir accepter une communauté en désordre »; puis il ajoute Du reste, il est

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toujours plus régulier de faire la renonciation » (au greffe)(1). La jurisprudence ne nous offre pas plus de lumières. Un arrêt d'Agen ne fait que reproduire la doctrine des auteurs que nous venons d'analyser (2). Il y a un arrêt en sens contraire de la cour de Rouen qui décide que l'article 1463 ne s'applique pas à la femme séparée de biens (3).

Que l'intention des auteurs du code ait été de ne pas comprendre la femme séparée de biens dans l'article 1463, cela ne nous paraît guère douteux. Rappelons-nous que l'article 1444 déclare nulle la séparation de biens si elle n'a pas été exécutée par le payement réel des droits et reprises de la femme, ou au moins par des poursuites commencées dans la quinzaine qui a suivi le jugement. A quoi tendent ces poursuites et quel est l'objet du payement? A remplir la femme de tout ce qui lui revient en cas de séparation, donc à lui donner, outre ses reprises, sa part dans la communauté. La femme doit donc, si elle veut accepter, poursuivre de suite la liquidation de la communauté. Si elle ne le fait pas et si elle ne réclame pas ses reprises, le jugement qui a prononcé la séparation est nul, c'est-à-dire que la communauté n'est pas dissoute. Dans ce système, il n'y avait pas lieu de s'occuper du délai après lequel la femme séparée était censée renonçante; la femme devait, si elle voulait la dissolution de la communauté, agir et se prononcer, par conséquent, dans la quinzaine; il n'y avait donc pas lieu de lui appliquer le délai de trois mois et quarante jours la disposition de l'article 1463 lui est étrangère.

:

Le code de procédure (art. 174) a dérogé à l'article 1444, comme nous l'avons dit plus haut, en ce qui concerne les droits qui appartiennent à la femme sur la communauté; il lui donne un délai de trois mois pour faire inventaire et de quarante jours pour délibérer. Il en résulte que la femme ne doit plus exécuter le jugement dans la quinzaine, ni, par conséquent, prendre qualité dans ce délai,

(1) Odier, t. I, p. 428, no 456. Marcadé, t. V, p. 618, no III de l'art. 1463. Duranton, t. XIV, p. 584, no 459.

(2) Agen, 14 mai 1861 (Dalloz, 1861, 2, 226).

(3) Rouen, 10 juillet 1826 Dalloz, au mot Contrat de mariage, no 2250).

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