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mais il faut toujours qu'elle le fasse dans le délai de trois mois et quarante jours, sous peine de nullité de la séparation. En ce sens, l'article 1463 ne lui est pas applicable (1). Nous laisserons donc de côté la femme séparée de biens, pour ne nous occuper, comme le fait l'article 1463, que de la femme divorcée ou séparée de corps.

408. Le délai établi par l'article 1463 donne lieu à une légère difficulté. Il commence à courir, d'après les termes de la loi, après le divorce ou la séparation de corps définitivement prononcés ». Les mots définitivement prononcés se rapportent au jugement qui a prononcé le divorce ou la séparation de corps. Cela n'est pas douteux en ce qui concerne la séparation de corps, puisqu'elle existe en vertu de la sentence du juge. La loi entend par jugement définitivement prononcé le jugement qui ne peut plus être attaqué par les voies ordinaires; alors seulement la séparation de corps est définitive, et la femme doit songer au règlement de ses intérêts pécuniaires. C'est l'interprétation donnée par la cour de cassation (?); elle est admise par tous les auteurs. Le divorce ne se prononce pas par jugement; le juge admet seulement le divorce, et il autorise le demandeur, en cas de divorce pour cause déterminée, à se retirer devant l'officier de l'état civil pour le faire prononcer (art. 258). Quand le divorce est demandé par consentement mutuel, les parties doivent se présenter ensemble et en personne devant l'officier de l'état civil pour faire prononcer le divorce; si elles ne se présentent pas dans les vingt jours, le jugement demeurera comme non avenu (art. 294). Le délai de l'article 1463 ne peut donc pas courir, en cas de divorce, du jour où le jugement est passé en force de chose jugée ; il court du jour où l'officier de l'état civil a prononcé le divorce (3).

409. Quels sont les droits de la femme divorcée ou séparée de corps? L'article 1463 dit qu'elle est censée avoir renoncé à la communauté quand elle ne l'a point

(1) Colmet de Santerre, t. VI, p. 278, no 115 bis I.

(2) Rejet, 2 déc. 1834 (Dalloz, au mot Contrat de mariage, no 2129).

(3) Rodiere et Pont, t. II, p. 316, no 1042. Aubry et Rau, t. V, p. 415, note 15, § 517.

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acceptée dans les trois mois et quarante jours. Elle peut donc accepter, mais elle doit le faire avant l'expiration de ce délai. L'acceptation peut être expresse ou tacite, puisque la loi ne distingue pas; cela a été contesté; nous renvoyons à ce qui a été dit plus haut (no 380). La femme peut aussi renoncer dans ce délai; on admet même qu'elle le peut avant le jugement quand il s'agit de la séparation de biens et, par conséquent, de la séparation de corps. A notre avis, la renonciation à un droit qui n'est pas ouvert ne se conçoit pas (no 352). Quel que soit le parti que la femme veuille prendre, elle n'est pas obligée de faire inventaire. Cela aussi a été contesté; mais peut-il être question d'une obligation légale sans loi? La jurisprudence s'est prononcée en ce sens (1). Il n'y avait d'ailleurs aucune raison pour exiger un inventaire; la veuve ne doit pas même faire inventaire quand elle renonce dans les trois mois, c'est seulement pour conserver le droit de renoncer après ce délai qu'elle est obligée de faire inventaire. Or, la femme divorcée ou séparée de corps ne peut pas conserver le droit de renoncer, puisqu'elle est réputée renonçante en vertu de la loi.

410. L'article 1463 dit que la femme divorcée ou séparée de corps peut, si elle est encore dans le délai de trois mois et quarante jours, en obtenir la prorogation en justice contradictoirement avec le mari ou lui dûment appelé. Cette prorogation est de droit dans tous les cas où la loi accorde un délai pour faire inventaire et pour délibérer. Il a été jugé que la femme jouit du même bénéfice dans le cas où des contestations qu'il n'a pas dépendu d'elle de faire cesser l'ont empêchée d'exercer le droit d'option qui lui appartient dans le délai de trois mois et quarante jours. Dans l'espèce, la question n'était guère douteuse; car le mari avait consenti à la prolongation du délai en ne considérant pas la femme comme renonçante malgré l'expiration du délai. Comme la disposition de l'article 1463 a pour objet unique les intérêts des époux, la cour a pu dé

(1) Rouen, 10 juillet 1826, et Grenoble, 12 février 1830 (Dalloz, au mot Contrat de mariage, nos 2250 et 170). Comparez Marcadé, t. V, p. 615, no 1 de l'article 1463; Rodière etPont, t. II, p. 448, no 1170.

cider que la femme était en droit d'opposer au mari ses propres agissements (1).

411. Aux termes de l'article 1463, la femme divorcée ou séparée de corps est censée renonçante quand elle n'a pas accepté la communauté dans le délai de trois mois et quarante jours. Le mot censé exprime-t-il une présomption? et cette présomption admet-elle la preuve contraire? La plupart des auteurs enseignent que la loi établit une présomption de renonciation, mais que la femme n'est pas admise à la preuve contraire (2). S'il y avait présomption, il faudrait dire que la preuve contraire est admise. En effet, l'article 1352 pose en principe que la présomption légale peut être combattue par la preuve contraire; il n'y a que deux exceptions à cette règle la seule que l'on pourrait invoquer dans l'espèce est la seconde, c'est-à-dire que la loi déniant à la femme l'action en justice sur le fondement de la présomption qu'elle établit, nulle preuve contre la présomption n'est reçue. Mais peut-on dire que la loi dénie l'action en justice à la femme divorcée ou séparée de corps qui n'accepte pas dans le délai légal? La loi déclare la femme déchue de son droit d'option; or, ce droit s'exerce sans action judiciaire; cela est si vrai que l'acceptation de la femme peut être tacite, elle résulte d'un fait de la femme, indépendant de toute action judiciaire. Le texte qui consacre l'exception n'étant pas applicable, la femme peut invoquer la règle; si donc il y avait présomption, la femme devrait être admise à prouver qu'elle n'a pas entendu renoncer, et que, partant, elle est encore en droit d'accepter.

Nous ne croyons pas que la loi établisse une véritable présomption (3). L'article 1463 déroge à la disposition de l'article 1453, qui donne à la femme le droit d'option, en termes absolus, sans exiger que ce droit soit exercé dans

(1) Rennes, 26 juin 1851 (Dalloz, 1852, 2, 246).

(2) Rodière et Pont, t. II, p. 449, no 1171. Marcadé, t. V, p. 616, no II de l'article 1463. Agen, 21 décembre 1869 (Dalloz, 1870, 2, 160).

(3) Voyez, en sens contraire, Colmet de Santerre, t. VI, p. 277, no 119 bis II. L'auteur enseigne que la femme divorcée ou séparée de corps peut toujours accepter, de même que la veuve peut toujours renoncer. Cette opinion tient au système de l'auteur que nous avons combattu (no 400).

un certain délai et quelle que soit la cause qui a entraîné la dissolution de la communauté. La règle est donc celle-ci: La femme a trente ans pour exercer son droit d'option; après ce délai, elle devient étrangère à la communauté ; l'article 1463 ne dit pas que la femme est censée renonçante; mais le résultat est le même, son droit d'option est prescrit, elle ne peut plus accepter; elle est donc dans la situation de la femme qui a renoncé. L'article 1463 déroge à cette règle quand il s'agit de la femme divorcée ou séparée de corps; tandis que la femme veuve a trente ans pour exercer son droit d'option, la femme divorcée ou séparée de corps doit l'exercer dans les trois mois et quarante jours. Si elle ne le fait pas, qu'en résultera-t-il? La loi dit qu'elle est censée renonçante; elle ne peut plus accepter, elle a perdu son droit d'option, comme la femme veuve le perd après trente ans.

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On objecte le texte. L'article 1463 ne dit pas que la femme est renonçante, il dit que la femme est censée renonçante, ce qui marque qu'il y a une simple présomption. Nous répondons que le mot censé n'indique pas toujours une présomption. L'article 785 dit que l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier. Est-ce une simple présomption? Non, certes, c'est une disposition de la loi qui déclare l'héritier renonçant étranger à l'hérédité. y a une certaine opposition entre la réalité et le fait, car le successible renonçant a été héritier. C'est cette opposition que le mot censé exprime. L'article 883 dit, dans le même sens, que chaque héritier est censé avoir succédé seul aux objets compris dans son lot; ici la fiction est complète. Mais la fiction n'est pas une présomption. Dans le cas de l'article 1463, il se peut aussi que la décision de la loi soit une fiction; elle suppose que la femme renonce par cela seul qu'elle n'accepte pas; cette supposition peut ne pas être fondée. Ne serait-ce pas pour marquer cette idée que la loi se sert de l'expression que la femme est censée avoir renoncé? Toujours est-il que le mot censé, souvent employé par le code civil, ne marque pas une présomption.

Nous n'admettons qu'une seule exception à l'arti

cle 1463, c'est le cas où la femme aurait été induite à ne pas accepter par les manoeuvres frauduleuses du mari; elle serait admise, dans ce cas, à accepter. C'est le droit commun; l'exception de fraude et de dol n'a pas besoin d'être écrite dans loi, elle est de droit. La femme peut attaquer, pour cause de dol, l'acceptation qu'elle a faite de la communauté (art. 1455); elle peut aussi demander la nullité de la renonciation expresse qui lui a été surprise par dol. Pourquoi ne pourrait-elle pas revenir sur la renonciation tacite de l'article 1463? Il y a un arrêt de la cour de Bruxelles en ce sens (1).

No 3. FORMES DE LA RENONCIATION.

412. La renonciation à la communauté, de même que la renonciation à la succession, est, en principe, un acte solennel, et la solennité est la même. L'article 1457 porte Dans les trois mois et quarante jours après le décès du mari, la femme survivante doit faire sa renonciation au greffe du tribunal de première instance dans l'arrondissement duquel le mari avait son domicile; cet acte doit être inscrit sur le registre établi pour recevoir les renonciations à succession » Nous renvoyons, pour les motifs et les détails, au titre qui est le siége de la matière (t. IX, n° 428).

413. Quand on dit que la renonciation est un acte solennel, cela suppose qu'il s'agit des rapports de la femme survivante avec les tiers créanciers. Entre le mari et la femme ou leurs héritiers, la renonciation peut se faire par voie de convention, bien entendu qu'elle n'aura d'effet qu'entre les parties contractantes. La cour de Nîmes l'a jugé ainsi et sa décision a été confirmée par un arrêt de rejet. Si la loi prescrit un acte authentique pour la renonciation et la publicité, c'est uniquement dans l'intérêt des créanciers qui doivent savoir si la femme accepte ou si elle renonce, afin qu'ils sachent contre qui ils doivent diriger leurs poursuites. Quand leur intérêt n'est pas en

(1) Bruxelles, 16 février 1856 (Pasicrisie, 1857, 2, 288).

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