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priété immobilière; par suite, l'acte qui constate la dation en payement doit être transcrit, d'après les lois qui, en Belgique et en France, exigent la transcription des actes translatifs de droits réels immobiliers (1). En est-il de même du prélèvement qui se fait en immeubles? La question est controversée; nous y reviendrons au titre des Hypothèques. Si l'on admet les principes que nous venons d'exposer, il faut décider qu'il n'y a pas lieu à transcription. Il est certain que le prélèvement ne doit pas être rendu public comme opérant transmission de la propriété, puisqu'il n'est pas translatif de propriété. La cour de cassation de France l'a jugé ainsi; elle a décidé que le prélèvement ne constitue ni un partage proprement dit, ni une dation en payement. Toutefois la cour ajoute que c'est une opération déclarative de propriété; ici naît un doute, car, d'après notre loi hypothécaire, les actes déclaratifs de propriété sont aussi soumis à la transcription; c'est cette question dont nous ajournons l'examen.

La cour de cassation tire du principe qu'elle consacre une conséquence très-logique. On suppose que l'immeuble prélevé par l'époux est grevé d'un privilége ou d'une hypothèque non inscrits; le créancier peut-il encore prendre inscription après le prélèvement? Si l'on admet que le prélèvement ne doit pas être transcrit, l'inscription peut toujours être faite utilement, puisqu'il n'y a aucun changement dans la situation des parties intéressées; le créancier privilégié ou hypothécaire conserve le droit de prendre inscription, tant qu'il n'y a pas d'acie translatif de propriété qui ait été transcrit (2).

541. Il a été jugé que les prélèvements exercés par la femme acceptante ne sont pas soumis au droit de mutation; nous dirons plus loin qu'il en est autrement des reprises de la femme renonçante. L'arrêt de la cour de cassation établit nettement le caractère du prélèvement. La femme, dit la cour, qui exerce ses reprises sur les biens

(1) Loi hypothécaire belge, art. 1er. Loi française du 23 mars 1855, art. ler, § 1er.

(2) Rejet, chambre civile, 20 juillet 1869 (Dalloz, 1869, 1, 497). Aubry et Rau, t. V, note 49, § 209.

de la communauté agit en la double qualité de créancière et de commune; elle se paye sur des biens sur lesquels elle ne peut, sans doute, réclamer un droit de préférence à l'égard des autres créanciers de la communauté, mais dont elle n'est pas moins copropriétaire par indivis avec son mari ou ses héritiers; le prélèvement qu'elle exerce est, au point de vue des droits d'enregistrement, l'une des opérations du partage, avec lequel il se confond (1). Il en serait ainsi alors même que la femme dont les reprises excèdent la valeur des effets qui composent la masse, fait l'abandon de la communauté aux héritiers du mari, à la charge par eux de payer ses reprises. Peu importe, dit la cour, comment les prélèvements se font, c'est-à-dire comment les reprises s'exercent; la créance de la reprise reste toujours la même, que le prélèvement se fasse en prenant certaines valeurs de la masse ou qu'il s'effectue par le payement d'une somme d'argent; il n'est, dans l'une et l'autre hypothèse, qu'un règlement entre époux et une opération de liquidation destinée à déterminer la consistance de la communauté et n'impliquant aucune transmission de propriété. Dans l'espèce, il y avait, en apparence, transmission de propriété, puisque la femme abandonnait aux héritiers du mari ses droits sur la communauté. La cour de cassation répond que la femme ne peut pas transmettre une propriété qu'elle n'a point; la masse indivise appartient, à la vérité, aux deux époux, mais ils ne peuvent la partager qu'après que les prélèvements ont été faits; donc ce sont les biens, déduction faite des prélèvements, qui constituent la masse partageable, et qui forment la propriété indivise des communistes. Quand les prélèvements absorbent et au delà les biens de la communauté, il ne reste rien pour la masse partageable; la femme ne cède donc rien de cette masse aux héritiers; partant, l'abandon qu'elle leur fait n'opère aucune transmission de propriété. La femme, dit la cour, ne se dessaisit pas, au profit des héritiers du mari, d'un droit de propriété ou'elle n'avait point; elle leur cède ses droits

(1) Cassation, 3 aout 1858 (Dalloz, 1858, 1, 310).

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sur les biens de la communauté qu'elle pouvait prendre tous à titre de prélèvement, donc sans transport de propriété (1). Sur ce dernier point, il nous reste quelque doute. La femme a le droit de prendre toute la communauté à titre de prélèvement, sans qu'il y ait transmission de propriété, cela est certain. Mais quand la femme abandonne toute la communauté aux héritiers du mari, elle ne prélève pas, elle cède ses droits sur l'actif, et c'est en vertu de cette cession que les héritiers du mari deviennent propriétaires; sans la cession, ils n'auraient eu aucun droit sur les biens que la femme leur a abandonnés; s'ils ne deviennent propriétaires que par la cession, ne faut-il pas en conclure que l'abandon constitue un transport de propriété?

542. En cas d'insuffisance des biens communs, la femme peut agir contre le mari (art. 1472). Si le mari ou ses héritiers lui donnent en payement de ses reprises des meubles ou des immeubles, il y a dation en payement proprement dite, donc transport de propriété, avec toutes les conséquences qui en résultent : nécessité de la transcription et payement des droits de mutation. Ce principe est admis par la doctrine et par la jurisprudence, et il ne saurait être contesté. La femme qui agit contre son mari est une créancière ordinaire, elle n'exerce pas son droit par voie de prélèvement sur les biens du mari, car elle n'a aucun droit sur ces biens, sinon le droit de gage qui appartient à tout créancier. Il est vrai que l'article 1472 dit que la femme exerce ses reprises sur les biens personnels du mari, mais la loi s'exprime ainsi par opposition aux biens de la communauté qui se trouvent insuffisants; elle n'a pas pu donner à la femme un droit de prélèvement sur des biens qui ne font pas partie de la communauté. La femme doit, par conséquent, procéder par voie de saisie, comme font tous les créanciers (2).

(1) Cassation, 1o decembre 1864 (Dalloz, 1865, 1, 17).

(2) Cassation, 3 août 1858 (Dalloz, 1858, 1, 310). Mourlon, t. III, p. 96, nc 226.

§ III. Des créances de l'un des époux contre l'autre.

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543. L'article 1478 porte : Après le partage consommé, si l'un des deux époux est créancier personnel de l'autre, il exerce sa créance sur la part qui est échue à celui-ci dans la communauté ou sur ses biens personnels. >> On appelle d'ordinaire ces créances des récompenses entre époux; la loi ne se sert pas de cette expression; l'article 1479 qualifie de créances personnelles celles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre. Ces créances diffèrent, en effet, des récompenses; celles-ci sont soumises à des règles spéciales qui ne s'appliquent pas aux créances entre époux, il vaut donc mieux s'en tenir à la terminologie du code.

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544. Quand l'un des époux est-il créancier personnel de l'autre? L'article 1478 donne un exemple : « Comme lorsque le prix de son bien a été employé à payer une dette personnelle à l'autre époux; puis la loi ajoute : “Ou pour toute autre cause. » L'exemple est emprunté à Pothier, il faut y faire une restriction. Si le prix provenant de la vente d'un propre est versé dans la communauté, celle-ci devra une récompense à l'époux propriétaire de l'immeuble aliéné (art. 1433), et si les deniers servent ensuite à payer une dette personnelle à l'autre conjoint, celui-ci devra une indemnité à la communauté ; il y aura, dans ce cas, lieu à une double récompense, sans que l'époux propriétaire de l'héritage devienne créancier personnel de son conjoint. Pour que l'époux qui vend un propre, afin de payer la dette de son conjoint, devienne créancier personnel de celui-ci, il faut que le prix soit remis directement au créancier ou que le prix lui ait été délégué; il en serait de même si l'immeuble était donné en payement de la dette. Dans tous ces cas, le prix n'étant pas versé dans la communauté ni employé par elle, il n'y a pas lieu à récompense; l'époux dont le propre a servi à acquitter une dette de son conjoint devient créancier personnel de celui-ci. La distinction est importante; il en résulte que l'on n'applique pas à l'époux

tréancier les règles spéciales qui régissent les récompenses. Nous reviendrons sur cet point. Il nous faut voir encore quelles sont les autres causes en vertu desquelles, d'après l'article 1478, l'un des époux peut devenir débiteur de l'autre. Les auteurs les énumèrent; elles sont rares et appartiennent à la théorie plutôt qu'à la pratique.

Le contrat de vente peut avoir lieu entre époux dans les trois cas prévus par l'article 1595. C'est plutôt une dation en payement. Si l'époux doit 10,000 francs, et qu'il donne en payement un immeuble qui en vaut 15,000, il est créancier de 5,000 francs, dette personnelle entre époux.

L'article 1438 prévoit le cas d'une dot constituée conjointement par le père et la mère, et décide qu'ils sont censés avoir doté chacun pour moitié. Si la dot est payée en biens personnels à l'un des époux, celui-ci a sur les biens de l'autre une action en indemnité pour la moitié de la dot: c'est encore une créance personnelle. La loi dit, il est vrai, que l'époux a une action sur les biens de l'autre, mais c'est pour marquer que la dette ne se poursuit pas sur les biens de la communauté; ce n'est pas une récompense, c'est une dette entre époux.

Le mari garantit la vente que la femme a faite d'un propre; il est poursuivi par l'acheteur et obligé de payer les dommages-intérêts résultant de l'éviction; l'article 1432 dit qu'il aura un recours contre la femme soit sur sa part dans la communauté, soit sur ses biens personnels. En disant que le mari a une action sur la part la femme a dans la communauté, la loi suppose que que la communauté est dissoute; est-ce à dire que le mari ne puisse agir qu'à la dissolution de la communauté? Nous reviendrons sur la question, elle se présente pour toutes les créances que les époux ont l'un contre l'autre.

Les donations que l'un des époux fait à l'autre constituent encore le donateur débiteur personnel à l'égard du donataire. Aux termes de l'article 1480, ces donations ne s'exécutent que sur la part du donateur dans la communauté et sur ses biens personnels. Ce sont les termes de l'article 1432; on ne voit pas d'abord pourquoi la loi le dit, puisque tel

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