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Église. Mais si vous voulez en rappeler la discipline, il faut en rétablir les principes, l'autorité de l'Église. Jésus-Christ a transmis à ses apôtres, et ceux-ci aux évêques, le pouvoir d'enseigner ses dogmes. Il ne l'a confié ni aux magistrats, ni au roi, ni aux administrations civiles; vous êtes tous soumis à l'autorité de l'Église, parce que nous la tenons de Jésus-Christ. On vous propose aujourd'hui de détruire une partie des ministres, de diviser leur juridiction, de renverser les limites établies par les apôtres. Nulle puissance humaine ne peut y toucher. « (Ces dernières paroles, qui heurtaient les opinions des députés philosophes, excitèrent de violents murmures dans les rangs de la gauche.) L'orateur continua: »Les évêques ne peuvent être destitués que par ceux qui les ont institués. Ce sont les principes purs de la discipline ecclésiastique, et non les abus, que nous réclamons; non des projets arbitraires destructifs de la discipline ecclésiastique, et par conséquent de la religion. >>

L'archevêque d'Aix a parcouru ensuite les textes de tous les conciles, invoqué l'autorité des saints Pères, les ordonnances des premiers empereurs catholiques... « L'empereur Marcellin, dit-il, a reconnu qu'il ne lui appartenait pas de déterminer le nombre et les divisions. des métropoles, que la hiérarchie ecclésiastique ne pouvait jamais être soumise aux lois de l'empire... C'est à l'Église à déterminer les liens de la subordination que lui doivent les fidèles, et à exercer toute l'autorité nécessaire pour maintenir l'unité ecclésiastique.

« Les canons de l'Église statuent qu'un évêque ne peut exercer sa juridiction sur un diocèse étranger; ainsi, si vous voulez réunir des diocèses, changer leurs

limites, vous priverez une partie des fidèles de l'administration de l'Église. Il ne vous appartient pas de limiter l'autorité des évêques; ce n'est qu'en leur nom que les pasteurs, qu'ils délèguent, peuvent administrer les sacrements, et nul ne peut y suppléer. Les ordonnances d'Orléans et de Blois ont reconnu la puissance des évêques. >>

L'orateur a continué à peu près le même système de réfutation pour prouver que l'Assemblée nationale n'avait pas le droit de toucher aux chapitres ni aux cathédrales, dont le comité ecclésiastique proposait la suppression. L'autorité des conciles lui a fourni le texte de cette seconde partie de son discours; tous ont ordonné spécialement les prières publiques et communes, et rien ne pouvait empêcher les chanoines de donner un si bel exémple aux fidèles... Tous les conciles attestent l'efficacité de ces prières publiques pour la prospérité des empires.

Déjà, dans le huitième siècle, les chapitres étaient séparés des paroisses. Le concile de Trente a déterminé les cas dans lesquels les évêques ne pouvaient rendre de jugements sans le consentement des chapitres.

« Les chapitres faisaient le choix des évêques : lorsque le clergé, les parlements, les universités, réclamaient la liberté des élections, c'étaient les droits des chapitres qu'ils réclamaient. Aujourd'hui, le comité ecclésiastique ne craint pas de proposer que les pasteurs, les évêques, soient nommés par les électeurs des départements; ces électeurs s'empareraient de la puissance ecclésiastique. Des corps d'électeurs qui peuvent être composés en grande partie de protestants nommeraient les évêques catholiques!

« Le comité ecclésiastique va proposer encore de détruire la supériorité des évêques sur leurs pasteurs, en soumettant leurs jugements aux synodes diocésains. Les évêques ne tiennent-ils pas leur autorité de l'Église de Rome? n'est-elle pas le centre de la communion des fidèles?

« Sans doute il faut réformer les abus, et provoquer un nouvel ordre de choses. Nous pensons que la puissance ecclésiastique doit faire tout son possible pour concilier vos vœux avec l'intérêt de la religion; mais c'est avec bien de la peine que nous voyons les coupables desseins de faire disparaître la puissance épiscopale.

« Si vous ne recourez pas à l'autorité de l'Église, vous méconnaissez cette unité catholique qui forme la constitution de l'empire. Nous ne pouvons, en aucun cas, renoncer aux formes prescrites par les conciles. Nous vous proposons donc de consulter l'Église gallicane par un concile national. C'est là que réside le pouvoir qui doit veiller au dépôt de la foi; c'est là qu'instruits de nos devoirs et de vos vœux, nous concilierons les intérêts du peuple avec ceux de la religion. Nous venons donc déposer entre vos mains la déclaration de nos sentiments. Nous supplions, avec les instances les plus respectueuses, le roi et l'Assemblée nationale de permettre la convocation d'un concile national. Dans le cas où cette proposition ne serait pas adoptée, nous declarons ne pas pouvoir participer à la délibération (1). »

Ce discours est sagement pensé. L'archevêque ne

(1) Moniteur, séance du 29 mai.

s'oppose pas, comme on le voit, à la réforme des abus, il fait même entendre qu'on adopterait la plupart des changements qu'on proposait de faire; mais il veut, avant tout, qu'on les fasse de concert avec l'Église assemblée dans un concile national. Que d'embarras et de maux on aurait évités en suivant cette voie!

Le lendemain, Treilhard, président du comité ecclésiastique, dont les évêques de Clermont et de Luçon venaient de se retirer, vint défendre le plan du comité. Il examina deux questions: Les changements proposés sont-ils utiles? avez-vous le droit de les faire? et les résolut affirmativement.

Pour résoudre la première, il entra dans un long détail d'abus qu'il sut exagérer, mais dont une partie était réelle, et bien propre à faire impression sur des auditeurs déjà prévenus. La réponse à lui donner était bien simple: l'Église ne se refusait pas à les réformer, et même, en grande partie, selon les vœux de l'Assemblée. Elle demandait seulement qu'on reconnût l'autorité compétente.

Pour résoudre la seconde question, l'orateur avança les erreurs les plus graves sur la juridiction des évêques et sur leur élection. Il représenta les évêques, successeurs des apôtres, comme ayant une juridiction universelle, illimitée, et la démarcation des évéchés comme une simple affaire de police qui, selon lui, a toujours appartenu à l'État; ce qui est contraire à tous les monuments de l'histoire. C'est cet argument, faux et contraire aux faits historiques, qui est entré profondément dans l'esprit de l'Assemblée, car il est devenu la base de tous les discours prononcés en faveur du projet.

« Si le partage des diocèses, continua l'orateur, ne

fait pas partie du dogme et de la foi, l'élection des pasteurs n'appartient pas davantage à la foi et au dogme. Saint Matthias fut élu par les disciples; tous les fidèles concoururent ensuite à l'élection des sept diacres. Le pueple élisait les pasteurs, les évêques les ordonnaient (1). »

Cette assertion était aussi fausse que la première. Les évêques ne se bornaient pas à ordonner les élus, mais ils confirmaient le choix du peuple, et c'est par leur confirmation seulement que l'élection recevait sa validité. Le peuple, par son élection, désignait simplement ceux qu'il voulait avoir. L'Église, cherchant à lui donner un évêque qui pût lui être agréable, approuvait son choix lorsqu'il était bien fait, et procédait à l'ordination.

Le troisième et dernier jour, 31 mai, la discussion prit plus de vivacité. Les évêques s'en étaient retirés ; M. de Boisgelin avait suffisamment exprimé leurs sentiments. Mais deux curés, Leclerc et Goulard, prirent leurs places, et défendirent avec une inébranlable fermeté les droits de l'Église. Leclerc, du bailliage d'Alençon, ouvrit la séance par un discours remarquable.

Si votre comité, dit-il, s'était contenté de vous proposer la réforme des abus qui se sont introduits dans l'administration ecclésiastique; s'il vous avait demandé de protéger les règles de l'Église, nous aurions tous applaudi à son travail : mais il n'a présenté que suppressions et destructions. Déjà les maisons religieuses n'existent plus; il ne reste point d'asile à la piété fervente. Les évêchés, les archevêchés, les collégiales et les cathédrales sont menacés de proscriptions; et, dans un royaume où l'on fait profession de la religion (1) Moniteur, séance du 30 mai.

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