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DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

CHARETTE

(FRANÇOIS-ATHANASE de la CONTRIE),

Né à Gouffé, près d'Ancenis (Bretagne), le 21 avril 1763; fusillé à Nantes, le 29 mars 1796.

La Vendée, proprement dite, formée par le démembrement de l'ancienne province du Poitou, se divisait communément en trois parties; chacune d'elles avait emprunté son nom à la nature topographique du pays : le Bocage, la Plaine et le Marais. Le Bocage, qui renferme les trois quarts de ce département, était tout couvert de bois, de coteaux, de haies vives, et coupé par une multitude de petits cours d'eau; son aspect aujourd'hui est encore sauvage et pittoresque; on voit que la civilisation y lutte à la fois contre des obstacles moraux et contre des barrières physiques. Le Marais, situé sur les côtes de l'Océan, offrait, comme son nom

TOME II.

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l'indique, des marais salants, divisés en compartiments nombreux par des langues de terre plantées de frênes, d'aubiers, de saules, de peupliers, et parsemées de chétives habitations couvertes de branches, appelées cabanes dans le pays. Enfin, la Plaine, fraction méridionale de la Vendée, mieux cultivée, moins âpre que le Bocage et le Marais, plus heureuse qu'eux, devait échapper en grande partie aux désastres de la guerre civile. Mais quelques autres départements eurent aussi le triste privilége d'offrir aux agitateurs des éléments dont ils se hâtèrent de profiter La LoireInférieure, entre autres, fut un des premiers qui engagèrent contre le gouvernement révolutionnaire cette lutte sanglante qui devait se terminer par l'affreuse hécatombe de Quiberon. Nous allons nous transporter un instant sur cette partie du théâtre de l'insurrection, pour y voir surgir, au milieu du sang et des larmes des populations, un des chefs les plus célèbres de l'armée royale et catholique.

Le 10 mars 1793, tandis que les Vendéens se dirigeaient sur Saint-Florent, le tocsin sonnait dans les paroisses qui entourent Machecoult. Les patriotes étaient en majorité dans cette ville; ils s'armèrent à la hâte pour repousser les insurgés dont ils apercevaient, au loin dans la campagne, les bandes nombreuses. Le lendemain, au point du jour, six mille paysans entouraient Machecoult, aux cris sauvages de: Tue! tue les républicains! Le commissaire Maupassant, ex-député à l'Assemblée nationale, essaya, avec une poignée de gardes nationaux, d'arrêter les royalistes: « Mes amis, dit-il aux siens, nous allons marcher contre « les rebelles; mais songez que ces rebelles sont vos concitoyens; <«< dans leurs rangs peut-être se trouvent des amis, des pa<< rents que la modération et l'humanité président à la triste <<< mission dont nous charge la patrie! » Mais aucune digue ne peut arrêter les Vendéens; ils pénètrent dans la place; le généreux commissaire est impitoyablement massacré; le curé consţitutionnel de Tort périt d'un coup de baïonnette dans la tête; le juge de paix Pagnot est mis en pièces, et cinquante patriotes sont

immolés, sur les ordres d'un comité royaliste, établi et présidé par le barbare Souchu. A Montaigne, à Légé, à Guiové, le sang coule également, et les insurgés, réunis sous le drapeau de La Roche-Saint-André, s'emparent de Pornic, dont ils sont chassés le lendemain par les gardes nationaux revenus de leur terreur panique.

Saint-André prit la fuite pour se dérober à la colère des siens, qui lui imputaient la défaite de Pornic. Les paysans se rendirent alors au château de Fond-de-Close, près de Garnache, où se trouvait un lieutenant de vaisseau en retraite, nommé Charette; ils lui offrirent le commandement de leur petite troupe et le conduisirent à Machecoult. Là, ils lui firent jurer sur l'évangile qu'il périrait plus tôt que d'abandonner leur parti.

Athanase Charette de la Contrie était d'une ancienne famille, dont la noblesse équivoque se perdait dans la nuit des temps. féodaux. Un de ses aïeux, Perro Caretto, marquis de Final, était venu, dit-on, s'établir en Bretagne vers le milieu du XIII° siècle, et y avait épousé une des demoiselles d'honneur de la duchesse Alix, Jeanne Dubois de La Salle. Le jeune Athanase avait été adopté par un de ses oncles, conseiller au parlement de Rennes, qui le fit entrer de bonne heure dans une école de marine. Aspirant en 1779, garde-marine en 1781, lieutenant de vaisseau en 1789, Charette, après avoir servi sous les ordres de MM. de la Bouchetière et Lamothe-Piquet, renonça tout à coup à une carrière qui n'avait pas été sans honneur pour lui; il obtint sa retraite en 1790. Son père, en mourant, ne lui avait laissé qu'un mince patrimoine. Prodigue et fastueux, Charette chercha dans les chances aléatoires du jeu le moyen de satisfaire ses goûts effrénés; il y perdit le peu qui lui restait. Il se résigna alors à épouser une de ses parentes, beaucoup plus âgée que lui et veuve de M. Charette de Bois-Foucaud. Les revenus considérables de cette dame fermèrent un instant les yeux du jeune homme sur les disproportions d'âge, de goût et de caractère qui existaient entre eux; mais il ne tarda pas à les apercevoir. Quelques mois après, profitant de

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