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l'échafaud, dont ses compagnons d'infortune, à l'exception de l'ex-capucin Chabot, lui donnèrent l'exemple.

Fabre-d'Églantine n'était point vendu à l'étranger, comme l'avait dit Saint-Just dans son rapport. Les intérêts de Pitt et de Cobourg le touchaient beaucoup moins que ses intérêts particuliers. S'il vola la révolution, il le fit pour son propre compte; mais ses concussions et ses falsifications de décrets n'avaient pas solidement établi l'édifice de sa fortune. La veuve du lauréat de l'Académie des jeux floraux, réduite à la misère, implorait, quelques années plus tard, les secours du gouvernement directorial.

DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

HÉBERT

(JACQUES-RÉNÉ),

Né à Alençon, en 1755; mort à Paris, sur chafaud, le 24 n ars 1794

La vie de ce bas valet de la révolution serait indigne d'occuper une place dans l'histoire, et son nom seul devrait y être enregistré comme le représentant des plus viles passions, s'il ne se rattachait à une conspiration qui voulut faire descendre la France au dernier degré de l'échelle sociale, anéantir en un jour les précieuses conquêtes de la philosophie, et créer un gouvernement qui eût surpassé les fureurs et les excès des tyrans les plus célèbres. Hébert était venu chercher fortune à Paris quelques années avant la convocation des États-Généraux. Contrôleur dans un petit théâ tre, puis serviteur dans une grande maison, deux fois il fut chassé

pour vol. Il se trouvait sans aucune ressource, lorsque les troubles qui précédèrent et suivirent la formation de l'Assemblée nationale, lui ouvrirent une carrière où il devait acquérir une si triste célébrité. Il la dut à la publication d'un sale pamphlet périodique, intitulé le Père Duchesne, qui rendait compte des événements du jour en langage des halles, et prodiguait les injures les plus grossières à tous ceux qui ne partageaient pas ses horribles opinions. Comme on le pense, le nombre en était considérable. Lorsque les décrets de la Constituante eurent supprimé la plupart des monastères, il épousa civilement une ex-religieuse du couvent de la Conception, Marie-Madeleine-Françoise Goupil, et il crut, ce jour-là, avoir plus fait que Voltaire et Jean-Jacques Rousseau ensemble, pour la propagande des principes philosophiques.

Hébert fut un de ces vils instruments dont se servent les chefs de parti pour remuer de fond en comble la lie des sociétés. Tandis que leurs patrons, choisissant le plus beau rôle, se font un nom fameux par de grandioses conceptions, ces misérables valets de maîtres puissants reçoivent en partage les plus basses fonctions, ne recueillent que dégoûts, humiliations et mépris pour leurs services; lorsqu'ils meurent à la tâche, couverts de boue et d'ignominie, ils demeurent éternellement cloués sur le poteau de la postérité, où chaque génération vient à son tour insulter leur mémoire. Ce sont les boucs émissaires de la politique, que l'on chasse dans le désert, chargés des malédictions des peuples et frappés de la colère divine.

Le gouvernement révolutionnaire se servit du Père Duchesne pour se mettre plus directement en communication avec les masses ignorantes. Aujourd'hui que l'instruction a pénétré si avant parmi les classes dites prolétaires, une pareille feuille, rédigée sans goût, sans convictions, remplie des injures les plus plates et des expressions les plus cyniques, serait repoussée par le bon sens de tous; mais en 1789, le peuple passait, pour ainsi dire, d'une nuit profonde à un jour éblouissant; la vive lumière

de la Constitution, au lieu d'exercer sur lui une salutaire influence, au lieu de l'éclairer, le frappa d'aveuglement. Ce n'est donc point le peuple que nous devons accuser, mais ceux qui le privèrent si longtemps de l'exercice de ses droits, aussi bien que les imprudents tribuns qui voulurent trop tôt lui en accorder la pleine jouissance. Poussé par ses patrons occultes, Hébert fut nommé membre de la Commune révolutionnaire qui s'installa à l'Hôtel-de-Ville dans la nuit du 9 au 10 août 1792. Substitut du procureur, au mois de décembre, il dut cette nouvelle dignité à sa coopération aux journées de septembre. C'est alors, qu'enivrée de ses faciles triomphes, la Commune essaya de concentrer tous les pouvoirs dans ses mains, et ourdit contre la Convention un long complot, qui, plusieurs fois déjoué par les Girondins, finit par avorter complètement au mois de mars 1794, et conduisit les Hébertistes devant le tribunal de Fouquier-Tinville.

D'abord il fut question d'égorger une partie des représentants du peuple. Toutes les mesures avaient été prises pour enlever les députés dont on voulait se défaire, lorsque les Girondins, avertis à temps, dénoncèrent les conjurés à la tribune (10 mars 1793), firent décréter la Commune de Paris, nommèrent une commission de douze membres pour rechercher et poursuivre les coupables, et firent arrêter le rédacteur du Père Duchesne. Malheureusement, cet acte d'énergie n'eut aucune suite; la populace des sections demanda à grands cris la liberté de son journaliste; l'Assemblée intimidée n'osa résister à cette manifestation; Hébert fut rendu à la Commune, et travailla impunément au nouveau complot qui amena la fatale journée du 31 mai. Dans le procès des Girondins et de Marie-Antoinette, Hébert se fit remarquer par ses impudentes et atroces dépositions. Chargé de procéder à l'interrogatoire des enfants de Louis XVI, il conçut l'horrible projet de leur faire signer contre leur mère la plus infâme des dépositions. Le jeune prince, dont l'intelligence était affaiblie par un tempérament lymphatique et par les mauvais traitements qu'il subissait, récita stupidement la leçon qu'on lui avait fait apprendre, et répéta

devant les commissaires que Marie-Antoinette et MTM Elisabeth avaient abusé de lui dans un commerce incestueux. Muni des déclarations de l'enfant, consignées dans un procès-verbal authentique, Hébert courut au tribunal révolutionnaire et les remit à FouquierTinville qui osa en faire usage. Mais le président écarta de la procédure cette odieuse accusation, et en apprenant la conduite du substitut du procureur, Robespierre ne put cacher plus longtemps le dégoût que lui faisait éprouver le plus vil de ses agents. « Ce n'était donc pas assez qu'elle fut une Messaline, « s'écria-t-il, il fallait encore que ce scélérat en fit une Agrip<< pine. »

Pache (1) avait été nommé maire de Paris. Cet ex-ministre Girondin, à la suite de quelques différends avec le parti de Brissot, avait été forcé de rendre son portefeuille et s'était jeté dans les bras des plus ardents révolutionnaires. Autour de lui se réunirent un grand nombre de Cordeliers mécontents du modérantisme de

(1) PACHE (Jean-Nicolas), né en Suisse, ministre de la guerre et maire de Paris; mort dans son domaine de Thym-le-Moutiers, près Charleville, en 1823. Secrétaire du ministre de la marine, puis précepteur des enfants de M. de Castries, avant la convocation des États-Généraux, Pache avait dû son élévation à son propre et seul mérite, car, si nous en croyons Mme Roland, il était le fils d'un portier. Adjoint à Roland, pour aider ce ministre dans ses nombreux travaux, puis à Servan à qui Louis XVI avait confié le portefeuille de la guerre, il partagea la disgrace des ministres Girondins et resta sans emploi (juin 1792). Après le 10 août, il fut chargé d'une mission dans les départements méridionaux. A son retour, il succéda à Servan, et fut nommé ministre de la guerre. Pache, libre alors et n'ayant plus de patrons, voulut voler de ses propres ailes et se jeta dans le parti populaire, à l'encontre de ses anciens protecteurs les Girondins. Ceux-ci, froissés de ce qu'ils appelèrent l'ingratitude de leur ancien protégé, parvinrent à lui faire enlever son portefeuille (2 février 1795); mais l'ex-ministre fut dédommagé de cette disgrace par les électeurs qui le proclamèrent maire de Paris. Choisi par les Hébertistes pour remplir les fonctions de Grand Juge dans leurs projets de gouvernement militaire, il ne trempa point précisément dans le complot et se trouva accolé, contre sa volonté, à cette faction dégoûtante. C'est ce qui l'empêcha d'être traduit avec Chaumette devant le tribunal révolutionnaire. Remplacé par le Jacobin Fleuriot, Pache se retira des affaires publiques et s'ensevelit dans la plus profonde obscurité. On a de lui deux mémoires apologétiques, dans lesquels il se justifie de l'accusation portée contre lui d'avoir pris part à la conjuration de Babeuf (1795).

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