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pour qui j'en ai reçu de vous, je vous attendrai avec grande impatience, pour rire avec vous du rôle que vous aurez joué, « dans le trouble d'une nation aussi crédule qu'avide de nouveau • tés..... Prenez votre parti d'après nos arrangements. Tout est disposé. Je finis; notre courrier part, je vous attends pour ré<< ponse. >>

"

Robespierre ne fut ni l'homme de la révolution, ni celui de l'étranger. C'était un esprit inquiet et remuant, avide de renommée; poussé au pouvoir par un instinct d'ambition, il entrevoyait vaguement la route qui pouvait l'y conduire; mais sans courage, sans audace, il se consuma en stériles tentatives, en tâtonnements infructueux: commettant assez de crimes pour faire de son nom un objet d'horreur et pas assez pour arriver à ses fins. Eminemment égoïste, froid, hypocrite et patelin, il s'était bâti une réputation d'incorruptibilité et de vertu, qui n'aurait pas résisté au grand jour de la vie publique. Aussi, se garda-t-il bien de se produire dans le monde. C'était un homme contrefait, qui avait besoin, pour cacher ses difformités, d'un sombre manteau: le manteau de Robespierre fut la famille du menuisier Duplay, au sein de laquelle il s'efforça de faire oublier sa vie privée. Enfin, le gouvernement révolutionnaire, dont il fut un des principaux fauteurs, n'était pas chez lui un but, mais seulement un moyen de parvenir. Une fois ses derniers rivaux terrassés, il est indubitable pour nous qu'il aurait changé de système, qu'il aurait cicatrisé les plaies dont il avait couvert notre malheureuse France, et qu'il aurait cherché ailleurs que dans la terreur son nouveau point d'appui bien supérieur en cela à Bonaparte qui, étant parvenu au trône par les armes, ne ferma point les portes du temple de Janus après avoir revêtu la pourpre impériale, et qui périt bientôt par les armes. Les seuls gouvernements solides sont ceux qui renient leur origine, quelle qu'elle soit, et qui refont l'esprit public au lieu de se traîner à sa remorque. Un soldat couronné doit brùler son uniforme le lendemain de son sacre; un usurpateur, faire alliance avec les principes lé

gitimistes, et une monarchie restaurée donner la main à la révolution qu'elle remplace. La morale publique s'effarouche de ces apostasies; mais les cours d'Europe nous ont prouvé depuis longtemps que ce n'est pas avec de la morale que l'on gouverne les peuples.

DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

THEOT

(CATHERINE),

Née près d'Avranche en 1725; morte à Paris en juillet 1794.

L'immortalité de l'ame et l'existence d'un Être suprême venaient d'être proclamées. Cet acte solennel, qui avait arraché la France à l'athéisme et au culte indécent de la déesse Raison, avait été salué dans toute la république par des cris d'enthousiasme. Tous les esprits gravitèrent aussitôt autour de ces nouvelles idées, et une réaction religieuse se manifesta dès les premiers jours qui suivirent la fête du 20 prairial. Les deux Comités de sûreté générale et de salut public s'effrayèrent alors de l'immense popularité que Robespierre avait acquise en cette occasion; ils voulurent opposer une digue aux tendances théocratiques du dictateur. Leurs

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agents supa..ernes furent chargés de découvrir et de forger au besoin quelque complot, dans lequel on pourrait compromettre assez de prêtres, pour prouver aux révolutionnaires tous les dangers dont l'Etat était menacé par la restauration des principes religieux. Le secrétaire-rédacteur du Comité de sûreté générale, Sénart, se mit en campagne, et il signala bientôt à ses patrons une société secrète d'illuminés, qui pouvait servir au but que l'on se proposait.

Cette société tenait ses séances occultes chez une vieille femme, rue Contrescarpe, section de l'Observatoire, quartier Saint-Jacques. Un ex-chartreux, dom Gerle, lui servait de principal acolyte, et quelques centaines d'esprits faibles, de cerveaux malades, séduits par les brillantes promesses, les paroles mystiques et les pratiques superstitieuses des deux illuminés, venaient chaque jour écouter leurs sermons et se livrer en commun à l'exercice d'un culte bizarre. Ce dom Gerle était un ancien député à l'Assemblée nationale. On l'avait vu, dans la mémorable réunion du Jeu de Paume, se joindre un des premiers au cortège de Bailly et apposer son nom au bas du serment constitutif. Depuis, il avait donné des preuves fréquentes de monomanie religieuse, et plusieurs fois ses collègues lui avaient refusé la parole pour des motions extravagantes et excentriques. Ainsi, dans la séance du 13 juillet 1790, il avait voulu entretenir l'Assemblée des visions d'une sorte de prophétesse, nommée Suzanne Labrousse, qui se réfugia plus tard à Rome, et y fut enfermée au château Saint-Ange, par la police pontificale. Suivant lui, cette prophétesse avait annoncé à un grand nombre de personnes, longtemps avant l'année 1789, la glorieuse révolution qui venait de s'accomplir; elle lui avait même communiqué, en 1778, un ouvrage qui prédisait, avec un grand nombre de détails, la convocation des Etats-Généraux, l'abolition des vœux monastiques, la réforme des abus, le rappel du clergé à sa pureté primitive, et la fédération de tous les peuples du globe, pour ne former plus qu'une vaste congrégation de frères.

A la même époque. vivait à Paris une autre prophétesse, qui

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