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DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

BARBAROUX.

(CHARLES-JEAN-MARIE)

Nó a Marseille, le 6 mars 1767; mort à Bordeaux, sur l'échafaud, le 25 juin 1798.

Le député Fonfrède, d'abord excepté de la proscription, était monté à la tribune quelques jours après le mouvement populairu qui chassa les Girondins de l'Assemblée. «Il faut, dit-il « avec force, que nous prouvions au plus tôt l'innocence de nos collègues ! Quant à moi, je le dis à haute voix, je ne reste ici « que pour les défendre. Hâtez-vous, car une armée s'avance « de Bordeaux pour punir l'attentat commis contre eux ! »

«

Lyon, Bordeaux, Marseille avaient en effet levé l'étendard de la révolte contre la Convention nationale. A la nouvelle de la révolution du 31 mai et du 2 juin, plusieurs départements s'étaient insurgés; le midi, le centre, l'ouest et une grande partie

du sud-est de la France menaçaient de secouer le joug de Paris, et vingt départements à peine restaient à la Montagne.

Un grand nombre de Girondins, s'étant dérobés à la surveillance des gendarmes commis à leur garde, se portèrent alors sur le théâtre de l'insurrection. Buzot, Guadet, Louvet, Salles, Pétion, Lesage, Cussy et Kervélégan se réunirent dans le cheflieu du Calvados; le député Barbaroux, de Marseille, vint les y rejoindre, et ils créèrent aussitôt un Comité central des départements. Le fédéralisme devenait ainsi une terrible réalité. Les plans utopiques déroulés par Barbaroux au ministre Roland, quelques semaines avant la journée du 10 août, allaient être mis en œuvre; Paris était cassé, la France n'avait plus de capitale, et chaque ville levait son armée.

Inflexibles conséquences de la lutte des partis! Chacun, sans le vouloir, poussait son adversaire aux extrêmes limites du crime ou de l'erreur, au paroxisme des passions les plus violentes. La Gironde avait déposé contre Robespierre une accusation de dictature; celui-ci avait répondu à cette attaque par une accusation de fédéralisme. Or, à cette époque, fédéralisme et dictature n'étaient encore que des idées spéculatives, la discussion les développa, les mûrit et les fit passer peu à peu à l'état de fait accompli. Proscrits et mis hors la loi, les Girondins n'eurent plus d'autre ressource que d'en appeler aux départements, et les Montagnards, de leur côté, pour sauver l'unité de la république, durent recourir à des moyens de répression mesurés aux immenses dangers de la patrie. La terreur, la guerre civile, la permanence de l'échafaud, le siége de Lyon, les noyades de Nantes, funèbres résultats de cette prise d'armes : sur quelle mémoire tombera votre responsabilité? Ceux qui se firent les instruments de cette justice sommaire doivent-ils seuls en porter le poids? Une part n'en revient-elle pas à ceux qui les provoquèrent?

A peine arrivé dans le Calvados, Barbaroux adressa à ses commettants une proclamation virulente. C'était un appel à la guerre civile. Soixante-quatre départements répondirent au ma

nifeste; et tous les ennemis de la république, royalistes ou constitutionnels, affectant alors un républicanisme modéré, vinrent se grouper sous le drapeau des Girondins qui n'étaient plus maîtres de repousser ces alliances compromettantes. Aussi est-il permis de dire que leur triomphe, quelle que fût la pureté de leur intention, n'eût pas été celui de la démocratie, et qu'une immense réaction, dont il est impossible de mesurer le terme, eût suivi la chute des Montagnards.

« MARSEILLAIS, dit Barbaroux, au milieu des nouvelles persécutions dont je m'honore d'être la victime, je n'ai pu répondre aux témoignages d'estime que vous m'avez donnés. Ma réponse est dans mes actions : c'est en combattant la nouvelle tyrannie qui s'est élevée dans Paris; c'est en portant dans les départements où j'ai pu pénétrer la statue brisée de la Liberté; c'est en ralliant les Français autour d'elle pour la relever; c'est en la couvrant de mon corps et en mourant pour elle, que je suis, que je serai digne de vous. >>

Barbaroux accusait ensuite la Commune de servir les haines et les intrigues du parti émigré. Selon lui, il existait à Paris un comité formé par Calonne et composé d'étrangers qui, coalisé avec les dictateurs et d'infidèles magistrats, commandait ou apaisait les révoltes contre la représentation nationale; dirigeait les bureaux de la guerre ou de la marine; dévorait les finances; anéantissait par l'agiotage le crédit public; détruisait par ses mesures perfides la masse de nos subsistances; spéculait enfin sur la fourniture de nos armées et les laissait manquer de tout. Il énumérait à ses commettants les agents supposés de cette coalition coupable l'ex-comte espagnol de Gusman, qui avait été chargé de distribuer des assignats de cinq livres aux soldats, le 2 juin, pendant que le commandant Henriot assiégeait la salle de la Convention nationale; Proli, fils naturel du prince de Kaunitz, ministre de l'empereur; Baron, qui avait été l'ami intime de Calonne; Desfieux, Loys, Hassenfratz, premier commis de Pache pendant le ministère de celui-ci; Pio, ex-secrétaire d'ambassade à la cour

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de Naples; Marat, Danton, Robespierre et Lacroix. La trahison de Dumouriez, les succès obtenus par les insurgés de la Vendée, le choix des généraux envoyés contre l'armée royaliste lui semblaient autant de preuves évidentes de l'accord secret qui existait entre Pitt et les terroristes.

<< Pour qui, ajoutait Barbaroux, les trahisons des dominateurs de Paris sont-elles encore un doute? Pour qui leurs calomnies envers nous ne sont-elles pas encore usées? Accapareurs de toutes les places, pour eux ou pour leurs parents, ils nous appelaient intrigants, nous qui avions fait décréter que les représentants du peuple seraient exclus de toutes les places pendant six ans! Gorgés d'or, dans leurs superbes voitures, ils nous accusaient de corruption, nous qui vivions du pain des pauvres, et parcourions les rues en vrais apôtres de la liberté ! Fabre-d'Églantine, dont le frère, vendeur d'orviétan à Commerci, est aujourd'hui colonel à Commerci; Fabre-d'Églantine avouait à Marat, dans le Comité de salut public, douze mille livres de rentes acquises dans une seule année; et Brissot restait trente-six heures à Paris, sous le coup des assassins, faute d'argent pour son voyage. Danton se mariait et constituait à sa femme quatorze cent mille livres de dot, le même jour où je recevais, pour sortir de Paris, un secours d'argent au nom de Marseille et de la main des commissaires!...

<< Français, levez-vous et marchez sur Paris! Marchez sur Paris, non pour combattre les Parisiens qui vous tendent les bras, mais pour fraterniser avec eux, avec eux, mais pour leur tendre aussi les bras, mais pour les délivrer de l'oppression de leurs tyrans! Marseillais ! Bretons! vous avez, le 10 août, sur la place du Carrousel, vaincu la tyrannie des rois ; c'est là que le rendez-vous est encore donné pour renverser la tyrannie des dictateurs! Marchez sur Paris, non pour dissoudre la représentation nationale, mais pour assurer sa liberté..... Marchez sur Paris, non pour soustraire les députés proscrits au glaive des lois, mais pour exiger, au contraire, qu'ils soient jugés par un tribunal national, mais pour faire juger aussi tous les représentants du peuple, tous les ministres, tous les admi

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