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son avocat à ses côtés « Je n'ai plus de défenseurs, dit-il; ils se sont évanouis : Je reste seul avec ma conscience, qui ne me reproche rien. Je meurs calme et innocent. >>

Custine montra d'abord un grand courage. Gardé à vue au greffe de la Conciergerie, en attendant son exécution, il se jeta à genoux pour implorer le pardon du ciel, demanda un prêtre catholique, et écrivit à son fils une lettre touchante.-« << Rappelletoi, lui disait-il, la mémoire de ton père dans les beaux jours de la république; fais tous tes efforts pour la réhabiliter dans l'esprit de la nation, pour laquelle il meurt innocent (1). »

Mais comme si le caractère de Custine ne dut pas se démentir jusqu'au dernier moment, cette énergie fut de courte durée ; son courage l'abandonna, et il fut pris d'un violent désespoir. Monté sur la charrette de l'exécuteur public, les larmes lui vinrent aux yeux à l'aspect de l'échafaud; il tendit ses bras suppliants vers la foule, stupéfaite de voir un général, blanchi sous le harnais, pleurer comme une faible femme en voyant s'approcher la mort. Bientôt le malheureux officier arriva au paroxime de la douleur; ses yeux se voilèrent de pleurs abondants; ses dents claquaient; tous ses membres étaient agités par un tremblement nerveux, et il laissait échapper de ses lèvres des paroles incohérentes et sans suite. La terreur l'avait paralysé, lorsque la hache mit fin à son affreuse agonie.

Custine n'était point lâche cependant; mais, comme nous l'avons dit, une grande surexcitation était toujours suivie, chez lui, d'une sorte d'atonie qui le laissait sans force et sans volonté. Dur, violent, emporté, son caractère lui avait fait beaucoup d'ennemis; excellent soldat, payant de sa personne, mais mauvais général il eût rendu sans doute d'importants services à l'État, si on l'eût placé sous les ordres d'un chef habile et entendu, qui lui eût im

(1) CUSTINE (Renaud-Philippe de), fils du général, s'était d'abord essayé dans la carrière diplomatique. Son père l'ayant nommé aide-de-camp, il avait été envoyé en mission à Paris et s'était lié avec les Girondins. Il périt sur l'échafaud le 3 janvier 1794

primé une direction raisonnable. Voluptueux et s'adonnant à la boisson, ces deux passions eurent sur lui une déplorable influence, elles contribuèrent à énerver son ame, et ne lui avaient plus laissé que de rapides et rares éclats auxquels succédait bientôt un complet affaissement.

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