-Fouquier-Tinville, accusateur public;

Hermann, prési

dent; - Leroi, Renaudin, Villate, Prieur, Chatelet et Girard, jurés; -Étienne Foucauld, Gabriel Toussaint, Scellier et François-Pierre-Gabriel Delaunay, juges;-Bayanval, Benoît, Lanne, Verney et Dupommier, agents subalternes et faiseurs de listes.

En entendant leur condamnation, les accusés se livrèrent presque tous à des actes aveugles de fureur. Hermann lança un livre à la tête du président. Fouquier, plus calme que ses complices, prit la parole une dernière fois.

Après avoir fait, dit-il, une procédure dans laquelle les seuls auteurs des crimes que l'on nous impute n'ont point paru, on prononce contre nous la mort, quoique les vrais coupables n'aient été que déportés. Où est la justice! mais la postérité jugera. Je n'ai plus qu'un mot à dire : je demande que l'on me fasse mourir sur-le-champ, et que vous montriez autant de courage que j'en ai. >>

Le lendemain, ils furent conduits au supplice sur trois voitures. L'échafaud avait été dressé sur la place de Grève et un peuple immense remplissait les quais, les ponts, et se pressait à toutes les fenêtres. Quand Fouquier-Tinville parut, la foule fit entendre un murmure d'indignation. Les mêmes femmes qui avaient suivi, pendant le règne de la terreur, les exécutions de la place de la Révolution, qui avaient dansé la Carmagnole autour des cadavres de Vergniaud, de Malesherbes, de Mme Élisabeth et de Danton; ces furies de guillotine se montrèrent les plus acharnées contre l'exaccusateur public, oubliant que c'était à lui qu'elles avaient dù si longtemps un pareil spectacle. Fouquier faisait peur à voir sur la charrette, en fendant les flots épais de la populace. Sa figure était bouleversée, son teint jaune, ses yeux hagards, ses muscles contractés. Il semblait souffrir mille agonies, et ressentir à la fois toutes les terreurs qu'il avait fait éprouver à ses dix-huit cents victimes. Quand la hache l'eut frappé, le peuple demanda sa tête; le bourreau la prit par les cheveux et la promena tout autour de l'échafaud.

La femme de Fouquier-Tinville est morte à Paris de froid et de faim, il y a quelques années, dans l'allée d'une maison de la tue Saint-Denis.

Gardons-nous bien d'imaginer que tous ces excès, dont nous venons de tracer une esquisse rapide, avaient leur source dans la haine de l'aristocratie et dans un amour effréné de la chose publique, compromise par les complots des factions. La patrie, la république, la liberté, n'étaient rien pour les membres du tribunal révolutionnaire et pour les agents subalternes des Comités; ils ne pensaient point à elles quand ils répandaient à flots le sang de leurs concitoyens. Chez les uns, nous trouvons un amour effréné de l'or, et ceux-là travaillaient à leur fortune sur la plice publique de nos grandes villes, comme les malfaiteurs travaillent sur les grands chemins: ils dépouillaient ceux qu'ils assassinaient. Chez les autres, qui vécurent et qui moururent pauvres, ne laissant à leurs veuves et à leurs enfants qu'un nom taché de sang pour tout héritage, nous découvrons une sorte de monomanie, une folie rouge, qui leur faisait trouver une affreuse volupté dans l'exercice de leurs fonctions de bourreau. Ceux-là tuaient, comme le joueur joue, comme le libertin se livre à la débauche, comme l'ivrogne se plonge dans l'ivresse. Dans une société paisible et régie par les lois ordinaires de la justice humaine, ils auraient été arrêtés par le code, à leur premier meurtre; dans une société bouleversée, régie par les lois temporaires de la nécessité et d'e terrible justice providentielle, ils purent abuser de leurs p chants criminels et pousser jusqu'à son paroxisme leur aveugle fureur. Fouquier-Tinville fut de ces derniers. Républicains ou royalistes, amis ou ennemis, tricolores ou blancs, peu lui impor tait la couleur de ses victimes; le sang de l'aristocrate était d un aussi beau rouge que celui du Montagnard, et c'est tout ce qu'il fallait à ce monstre.

FIN DU DEUXIEME VOLUME.