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DE LA

VILLE DE TOUL

ET DE SES ÉVÈQUES.

LOUIS D'HARAUCOURT,

SOIXANTE-SEPTIÈME ÉVÊQUE.

(1437.) Après la mort d'Henry de Ville, le Chapitre élut pour lui succéder Frédéric de Clisentaines, grand - aumônier de Lorraine, chef du conseil d'Isabelle et gouverneur du duc de Calabre, élection que le Pape ne voulut point confirmer, sous le prétexte qu'il s'était réservé la collation de l'évêché de Toul. Les chanoines, blessés de ce refus, prirent d'abord la résolution d'aller plaider en cour de Rome contre le Pape même ; mais ils en furent bientôt détournés par la crainte

des frais énormes et des longueurs d'un procès de ce genre; ils adoptèrent un terme moyen qui, sans consacrer le droit d'élire qu'ils revendiquaient, le laissait au moins intact pour l'avenir. Louis d'Haraucourt, alors évêque de Verdun, désirait ardemment changer de siége; les chanoines de Toul le postulèrent auprès du Pape, et obtinrent d'autant plus facilement l'accueil de leur demande, que le Saint-Père trouvait par là l'occasion de plaire au duc de Bourgogne, en donnant l'évêché de Verdun à Guillaume Filâtre, que ce prince lui avait particulièrement recommandé.

Louis d'Harancourt était fils du bailli de SaintMihiel, et avait mené une conduite fort peu régulière dans les commencemens de son épiscopat, à Verdun. Ses désordres étaient arrivés à un tel point que le Chapitre se crut obligé de l'accuser près du Pape, accusation dont Louis se vengea en excitant dans sa ville épiscopale les plus sanglantes divisions. Ce prélat avait senti cependant qu'il ne pouvait conserver un siége souillé par ses propres scandales, et s'était fait postuler par les chanoines de Toul. Envoyé en même tems par René d'Anjou en qualité d'ambassadeur auprès d'Eugène IV, au concile de Bâle, il obtint de ce pontife le pardon de sa conduite passée, en rejetant sur sa grande jeunesse les torts dont il s'était rendu coupable. Louis d'Haraucourt fit oublier par la sagesse de son administration la mauvaise renom

mée qui l'avait précédé dans Toul. Son esprit élevé et l'étendue de ses connaissances lui méritérent de la part de René d'Anjou un honorable témoignage d'estime et de considération. Ce prince, avant de partir pour l'Italie, le nomma l'un des trois régens de ses états, et plus tard il l'établit chef de son conseil. Dans ces hautes fonctions, l'évêque de Toul, conciliant avec habileté la prudence et la fermeté, s'attira la bienveillance des Lorrains, et la reconnaissance de leur duc.

Sous son épiscopat, se renouvelèrent dans Toul les interminables démêlés des chanoines et des bourgeois; les premiers furent contraints de se retirer à Vaucouleurs et d'y séjourner six semaines, jusqu'à ce qu'ils eussent cédé aux prétentions de leurs adversaires. Dans la prévision de nouvelles insultes de la part de la bourgeoisie, et pour se mettre efficacement à l'abri de ses attaques, les chanoines firent élever une tour fortifiée dans leur château de Void, et la garnirent de tout ce qui était nécessaire à la résistance d'un long siége.

Vers le même tems, les prévôts de Foug et de Bouconville, l'abbé de Gorze et le seigneur d'Apremont vinrent, à la tête de quelques troupes réglées et de leur milice, piller les deux faubourgs de Toul et y faire des prisonniers. Le Maître-Échevin usa de représailles et s'empara de l'un des prévôts, ainsi que de plusieurs seigneurs qui furent échangés ensuite avec les prisonniers toulois. René

d'Anjou n'oublia pas, dans cette circonstance, que nos bourgeois avaient combattu pour lui à Bulgnéville, et qu'ils lui avaient donné huit cents livres pour l'aider à payer sa rançon; il témoigna aux magistrats son chagrin des insultes faites à leur ville par ses sujets de Foug et de Bouconville, et leur promit d'en punir les auteurs.

Durant l'éloignement de ce prince de ses états, Gérard, seigneur de Pulligny, alla se plaindre à Isabelle, duchesse de Lorraine, que la magistrature touloise avait refusé de lui rendre justice contre quelques-uns de ses bourgeois qui avaient brûlé deux maisons du village d'Ochey, dont il était propriétaire. Cette princesse en référa au Maître-Échevin de Toul, qui lui députa un des membres du corps municipal, avec mission de lui expliquer que l'incendie des maisons d'Ochey ne pouvait être reproché aux Toulois; qu'ils n'avaient agi en cela que par de justes représailles; qu'ils étaient alors en guerre avec Antoine de Vaudémont, dont Gérard de Pulligny était vassal, et que ce dernier figurait dans les rangs des troupes du Comte, lorsqu'elles vinrent défier les bourgeois au combat. La Duchesse, satisfaite de ces explications, n'insista pas sur ses réclamations. Peu de tems après, elle écrivit aux magistrats de Toul, pour les prier d'accorder le droit de bourgeoisie à l'un des officiers de sa maison, assurant aux mêmes magistrats qu'en reconnaissance de cette grâce et des services que les

Toulois avaient rendus au Duc, son époux, elle prendrait sous sa garde et protection spéciale tous ceux qui lui seraient recommandés de leur part '.

Trois ans plus tard, Charles VII, roi de France, vint en Lorraine, suivi d'une armée considérable, sous le prétexte apparent de servir d'auxiliaire au duc René, son beau-frère, dans la guerre qu'il allait entreprendre contre les Messins, mais bien en réalité, comme quelques-uns le croient avec beaucoup de raison, pour chercher à s'emparer des trois Évêchés et les réunir à sa couronne. Quoiqu'il en soit des motifs qui ont dirigé ce prince, après six mois d'une guerre désastreuse où Français, Lorrains et Messins ensanglantèrent les rives de la Moselle, et où se couvrit de gloire la noble cité de Metz, Charles réussit à se faire payer par cette dernière des sommes énormes, et à conclure à ce prix avec elle un traité de paix, le 28 février 1445. Ce résultat lucratif lui inspira probablement le désir d'exiger aussi de la ville de Toul une forte contribution, et pendant qu'il séjournait encore à Nancy, il fit déclarer aux Toulois qu'il les prenait sous sa protection, à l'exemple des rois ses prédécesseurs, à la condition, qu'ils lui paieraient chaque année la somme de deux mille francs, et qu'ils lui ver

La suscription de la lettre de la Duchesse était ainsi conçue : « Aux très honorables, très nobles, et bons amis ly Maître-Échevin et citoyens de toute l'université de Toul.»

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