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maître absolu dans la ville, au mépris de l'ancienne autorité politique de l'Évêque et du Maître-Échevin; lui seul tenait les clés des portes et commandait aux compagnies bourgeoises, aussi bien qu'à la garnison française 1. Quant à l'administration civile et à l'exercice de la justice, rien n'y fut changé; les magistrats municipaux conservèrent leur double attribution, et continuèrent à être élus par leurs concitoyens suivant les formes établies.

Le connétable de Montmorency s'était emparé de Metz dès le 10 avril, sans coup férir, et Henry II y était entré le 18. Ce prince en repartit le 21 pour se diriger sur Strasbourg, qui lui ferma ses portes, et dont il ne voulut pas entreprendre le siége. Il parcourut ensuite la Basse-Alsace, et se rendit maître de plusieurs places de cette province, entre autres

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1 « Le Roi envoya un gouverneur, nommé d'Esclavolles, qui, dès qu'il fut entré dans Toul, se saisit des portes et clés de la ville, et se fit rendre tous les honneurs et droits appartenant à un gouverneur. En sorte que, quoique notre ́cité eût toujours été gouvernée par des maîtres-échevins, qui tenaient les clés des portes, et qui marchaient par la ville avec quatre massiers ou hallebardiers devant eux, tout cela leur fut ôté pour en orner ledit gouverneur, ce qui fâcha si fort le sieur Jean Boileau, maître-échevin en ladite année 1552, qu'il quitta la ville de Toul, et s'en alla demeu rer au Pont-Saint-Vincent, où il mourut, n'ayant pu souffrir la honte de se voir ainsi privé des honneurs dûs à sa charge. » Mémoires de Jean Dupasquier, p. 173.

de Wissembourg. Henry était dans cette ville, lorsqu'il envoya le sieur de Grammont à l'Evêque, au Chapitre et aux bourgeois de Toul, pour leur demander une somme considérable destinée à la réparation des fortifications de leur ville, et pour exiger d'eux un nouveau serment de fidélité. Les uns et les autres députèrent des commissaires au Roi, pour le prier de ne rien changer à la formule du serment qu'ils avaient prêté récemment entre ses mains, donnant pour motifs, qu'ils ne pouvaient entièrement se soustraire de l'obéissance qu'ils devaient à l'Empereur, qui, sous le prétexte de ce changement, ordonnerait sans doute aux garnisons de Luxembourg et de Thionville de courir sur eux.

Le Roi, qui ne voulait pas, pour une vaine formule, indisposer contre lui ses nouveaux sujets, leur fit répondre, de son camp de Wissembourg, sous la date du 14 mai, qu'il se contentait de leur premier serment 1, et qu'il adressait au gouverneur

« Voici en quels termes les magistrats messins prêtèrent serment à Henry II, lors de l'entrée de ce prince dans leur ville, le 18 avril: on doit supposer que celui des Toulois devait être le même quant au fond: « Nous...... ayant entendu de vous que pour le bien du Saint-Empire, recouvrement et conservation de la dite liberté, a été, ces jours passés, fait et accordé entre vous et les princes de ladite Germanie, ligue offensive et défensive, à l'encontre de Charles V, pour les biens de laquelle ligue vous vous êtes acheminé jusqu'en cette ville; ne voulant défavoriser ladite ligue,

d'Esclavolles, le contingent de contributions fixé par son Conseil, et destiné à payer les travaux à exécuter aux fortifications de Toul. Cette contribution était ainsi répartie : la ville devait verser deux mille écus au soleil, l'Évêque douze cents, le Chapitre mille, l'abbaye de Saint-Mansuy mille, l'abbaye de Saint-Èvre cinq cents, celle de SaintLéon deux cent cinquante, et le Chapitre de SaintGengoult, aussi deux cent cinquante.

Henry, après avoir parcouru le Luxembourg avec son armée, arriva le 12 juin devant Verdun, qui lui ouvrit ses portes, et où il laissa pour gouverneur le sieur de Tavannes, avec douze cents hommes de garnison. De là, le Roi poursuivit ses conquêtes dans les Ardennes, où il s'empara d'un grand nombre de petites places, telles que Danvillers, Yvoi, Montmédi, etc., et termina ainsi cette campagne de trois mois, qui ne fut pour ses soldats qu'une glorieuse promenade, mais qui dota la France d'une belle province, connue depuis sous le nom des Trois-Évêchés.

(1552.) Cependant Charles-Quint, après la paix de Passau, qui prononçait une amnistie générale

nous jurons de ne jamais supporter ledit Empereur, ains au contraire, de vous porter toujours honneur, faveur, assistance, suppliant votre majesté de nous vouloir prendre en sa protection et sauve-garde, sans préjudice des droits du SaintEmpire.» Histoire de Metz, par Viville, t. 1o, p. 216.

entre les princes allemands et lui, et qui obligeait tous les sujets de l'Empire qui s'étaient rangés sous les bannières de la France, à s'en retirer dans un bref delai, voyant qu'Henry II refusait de restituer les villes dont il s'était rendu maître, sous le titre de protecteur et de vicaire du Saint-Empire, résolut de les arracher à tout prix de ses mains. Dès le 20 septembre, il passe le Rhin à Strasbourg et repousse les troupes du marquis de Brandebourg, qui, dans leur retraite, ravagent la Lorraine, et viennent camper le long des rives de la Moselle, jusque sous les murs de Toul. Le 19 octobre, l'armée de Charles V paraît devant Metz et en commence le siége; lui-même la rejoint un mois après, pour en diriger les opérations en personne. Henry Il avait été loin de se laisser surprendre ; il avait pris, au contraire, toutes les précautions pour s'affermir dans ses nouvelles conquêtes. Le commandement des villes de Metz, de Toul, de Verdun, et des autres places susceptibles d'être attaquées, avait été confié à des hommes d'un courage et d'une habileté reconnus. Le duc de Nevers avait remplacé d'Esclavolles à Toul, et le duc François de Guise avait été envoyé à Metz avec le titre de lieutenant-général. Ce dernier prince, petit-fils de René II, duc de Lorraine, se couvrit d'une gloire immortelle par sa défense de Metz. Nous n'entrerons pas dans les détails de ce siége, ce serait sortir de notre sujet; nous dirons seulement qu'il fut un

des plus beaux faits qui aient illustré les armes françaises.

La ville de Toul était alors plongée dans une vive inquiétude; elle s'attendait de jour en jour à se voir attaquée par les troupes de Charles-Quint, aussitôt après qu'elles se seraient emparées de Metz, et elle redoutait de la part de l'Empereur un châtiment sévère. Mais l'anxiété fut portée à son comble parmi les Toulois, lorsque le bruit se répandit que le projet d'Henry II était de faire brûler leur ville, si Charles-Quint s'en approchait avec son armée, et s'il manifestait l'intention de l'assiéger. Les Toulois, alarmés, écrivirent au Roi pour le supplier de renoncer à un si cruel expédient, et de se contenter de faire raser leurs fortifications. Henry s'empressa de les rassurer et de leur promettre que jamais il n'aurait recours à une telle mesure; en même tems il donna de nouveaux ordres pour mettre la ville en état de soutenir un siége. Le duc de Nevers, gouverneur de Toul, ne négligea rien pour y parvenir; il fit réparer les parties de murailles délabrées par le tems, creuser et élargir les fossés, et démolir une foule de maisons élevées sur les glacis de la place. Son dessein était même de se servir de l'église cathédrale, comme d'un cavalier, et d'y placer des pièces d'artillerie; mais le Chapitre réclama, et obtint du gouverneur qu'il renoncerait à ce projet, moyennant le paiement d'une somme de douze cents livres, qui furent employées

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