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pêcher la confusion. Cette dévote procession arriva à Chaliguy, où elle gîta sous des tentes que le duc de Lorraine y avait fait préparer avec toutes sortes de rafraîchissemens pour le clergé et pour le peuple. Le 17, au matin, elle entra dans l'église de S. Nicolas. Le Cardinal y officia; il y fit un discours pendant la messe, dans lequel, après s'être étendu sur le zèle de Sa Sainteté pour le gouvernement de l'Église, il conjura toute l'assemblée de s'humilier devant le Seigneur, et de lui demander la paix que l'hérésie voulait ôter à son épouse. A l'issue de son exhortation, il prit les rcliques de S. Nicolas que René d'Anjou avait fait enchâsser dans l'or et l'argent, les donna à baiser au peuple, ensuite il acheva la messe. Le même jour, le clergé et le peuple en sortirent dans le même ordre qu'ils y étaient entrés. Le Cardinal tenant en main un crucifix, fermait le clergé; suivait après lui la noblesse de Lorraine qui s'était rendue à S. Nicolas, ensuite les magistrats et les bourgeois de Toul.

› On rentra dans cet ordre dans l'église Cathédrale et on y chanta le TE DEUM en musique, pour terminer la cérémonie. La libéralité du cardinal surpassa la pompe de la procession; il fit donner cinq cents écus aux pauvres qui se trouvèrent sur les chemins, et ne voulut point que les prêtres ôtassent les chappes dont ils étaient revêtus, dans une pluie qui survint pendant la marche, de peur de troubler par ces pré

cautions la piété du peuple; il aima mieux donner une somme d'argent pour dédommager l'Église de ce qu'elle pouvait en souffrir. Mais rien ne parut plus admirable que cet air de modestie et de dévotion qui était peint sur son visage.

» Les villes voisines attirées par l'exemple de leur prélat s'efforcèrent à l'envi de le suivre. La ville de Nancy se distingua dans cette occasion, non-seulement par la piété des princes de Lorraine qui se mirent à la tête de leurs sujets; mais aussi par les aumônes qu'elle répandit dans le sein des pauvres : de sorte qu'on ne vit jamais plus de ferveur, plus de religion et plus de piété.

. Il serait à souhaiter, continue le même auteur, qu'on eut recueilli tout ce que le zèle fit faire à ce cardinal pour l'éducation et l'instruction de ses diocésains: il leur rendait tous les devoirs d'un pasteur; il les portait tous dans son sein; son parfait dégagement de toutes choses éteignait en eux l'amour du monde; son humilité les empêchait de se laisser emporter à l'orgueil, enfin tout prêchait dans ses actions, et ses peuples trouvaient en lui un parfait miroir de la piété chrétienne.

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Quelques affaires du royaume l'ayant appelé à la cour, il écrivit à Jean de Buxet, évêque de Christopole, son suffragant; il le pria de réconcilier un grand nombre d'églises du diocèse, qui avaient été souillées par les hérétiques qui avaient brûlé les reliques des saints, ouvert les tombeaux,

égorgé les curés, et violé les femmes et les filles qui s'y étaient refugiées 1.»

Sous l'épiscopat de Charles de Lorraine, florissait à Toul François de Rosières, chanoine, archidiacre de la Cathédrale, et vicaire-général du diocèse, auteur de plusieurs ouvrages de théologie, de politique et d'histoire, et entr'autres du livre intitulé: Stemmata Lotharingia et Barri ducum. La cour d'Henry III crut remarquer que l'auteur de cet ouvrage n'avait eu d'autre but en le composant, que de chercher à démontrer que les ducs de Lorraine pouvaient faire valoir de légitimes prétentions au trône de France. Rosières fut donc accusé d'avoir écrit des choses contraires à la vérité, et d'avoir parlé de plusieurs de nos rois d'une manière peu respectueuse. Henry III le fit arrêter à Toul, et nomma des commissaires pour instruire son procès. Rosières justifia les passages incriminés de son livre, en citant les textes de plusieurs auteurs qu'il avait copiés, et s'excusa sur la manière inconvenante dont il avait parlé des rois Louis XI, Henry II et Henry III. Néanmoins, on le conduisit directement de Toul à la Bastille, où il fut enfermé depuis le mois de février 1583 jusqu'au 26 avril suivant, et d'où il fut tiré pour comparaître devant le conseil du Roi, en présence d'Henry III, de Catherine de Médicis, du cardinal de Bourbon,

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du cardinal de Vaudémont, notre évêque, et des ducs de Guise et de Mayenne. Là, après s'être mis à genoux, il demanda pardon d'avoir mal et calomnieusement écrit plusieurs choses répugnantes à la vérité de l'histoire, attestant devant Dieu qu'il avait failli en cela plus par imprudence que par malice. Le Roi, à la sollicitation de la Reine-mère et du duc de Lorraine, lui accorda sa grâce 1.

L'évêché de Verdun étant venu à vaquer le 10 avril 1584, Charles de Lorraine fut postulé par le Chapitre de cette ville, qui réussit à lui faire accepter ce nouveau siége. Louise de Vaudémont, reine de France, écrivit alors aux chanoines de Toul 2, pour les prier d'élire son jeune frère, An

François de Rosières mourut à Toul le 29 août 1607, âgé de 73 ans, et fut enterré dans la nef de la Cathédrale, où l'on voyait autrefois son épitaphe gravée sur un grand marbre noir, avec son portrait au-dessus, et ses seize quartiers, tant paternels que maternels, inscrits à droite et à gauche.

2 « Je m'assure qu'est assés avertis, qu'il a plû à notre S. père le Pape de pourvoir Mr. le cardinal de Vaudémont, mon frère, à l'évéché de Verdun, et que par ce moïen, il convient faire une provision nouvelle de votre évéché, comme donc étant avertis de ce je pusse supplier le roi mon seigneur de vouloir recommander mon petit frère Antoine a sa sainteté, à ce qu'il lui plut de le pourvoir de votre-dit évéché, et que puis après j'eusse entendu que ce négoce seroit d'autant plus avancé, si de votre part vous en faisiés instance en la meilleure forme, et avec les raisons plus per

toine, à la place du Cardinal. Les chanoines, pour complaire à la Reine, eurent la faiblesse d'élire cet enfant qui était à peine âgé de douze ans; mais Grégoire XII, plus sage et plus ferme en ceci que quelques-uns de ses prédécesseurs, ne tint aucun compte de l'élection du Chapitre, refusa nettement de la confirmer, et résista à toutes les sollicitations de la cour de France. Le siége épiscopal de Toul ne resta vacant que quelques mois, après lequel tems le Pape nomma administrateur du diocèse ce même Charles de Lorraine, promu récemment à Verdun, et qui conserva jusqu'à sa mort les deux évêchés. Dès que cette nouvelle nomination fut connue de Rodolphe, empereur d'Allemagne, ce prince écrivit au cardinal Charles des lettres de félicitation; et loin d'exiger, selon l'ancien usage, que le Prélat vînt recevoir de ses mains l'investiture du temporel de son évêché, il se contenta dans ces mêmes lettres, de manifester le désir qu'il veillât au maintien du peu d'autorité qui restait aux empereurs sur la ville de Toul, et de ne pas s'opposer à la levée du subside qu'il allait bientôt demander à ses habitans.

(1585.) Le parti de la ligue acquérait chaque

tinentes que vous pouvez penser. Croïés messieurs que je m'emploïerez toujours de tout mon pouvoir pour vous en general. Je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde. Ecrite à Paris le 6. de fevrier 1585. LOUISE. » Dans Benoît, p. 661.

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