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la société des Amis de la Constitution, qui ne tarda pas à se former, et à laquelle succéda, en 1793, le club des Amis de la Liberté.

Le 14 juillet 1790, la ville de Toul célébra avec enthousiasme l'anniversaire de la prise de la Bastille, et la fête de la Fédération. La garnison, composée du régiment de Vigier - Suisse, et du régiment de Royal - Normandie, cavalerie 1, se rendit à la Cathédrale, à la suite de la garde nationale, et une messe y fut chantée en grande pompe par M. de Champorcin. Après l'office, les autorités allèrent se placer sur une estrade élevée au fond de la nef, au-dessous de l'orgue, et le Maire, M. Bicquilley, et après lui, l'abbé Mongin, professeur de rhétorique au collège Saint-Claude, prononcèrent des discours patriotiques analogues à la circonstance. Les autorités, la garde nationale et la troupe se rendirent ensuite sur la place Dauphine, qui prit dès ce jour le nom de place de la Fédération, où tous prêtèrent le serment d'être fidèles à la Nation, au Roi, à la Loi. Cette formalité accom

et

M. le prince de Chalais, colonel du régiment de Royal Normandie, avait offert de donner seize mille livres à la ville, en pur don, pour l'aider à achever le quartier de cavalerie, commencé en 1780, et de lui prêter vingt mille livres pendant dix ans, sans intérêt, pour le même objet. La Révolution empêcha la réalisation de ces offres.

plie, le cortège revint de nouveau à la Cathédrale, où M. l'Évêque entonna le Te Deum.

Ce fut la dernière cérémonie religieuse où M. de Champorcin officia pontificalement. La constitution civile du Clergé ayant été sanctionnée par le Roi, le 24 août suivant, ce prélat refusa d'y adhérer, et quelques mois après, il quitta Toul, émigra, et ne rentra en France qu'en 18031.

M. de Champorcin laissa peu de regrets dans son diocèse, et encore moins dans la ville de Toul, où l'anoblissement du Chapitre et ses manières non conciliantes lui avaient aliéné les esprits.

Cette année 1790 fut signalée dans notre province par les troubles de Nancy, troubles sanglans au milieu desquels périrent de bien nobles victimes du patriotisme et de l'humanité. La garde nationale de Toul fut appelée à concourir au rétablissement de l'ordre dans cette ville infortunée que la révolte de sa garnison menaçait des plus grands dangers.

Cinq cents hommes partirent de Toul le 27 août, commandés par M. Louis Gouvion, entrèrent dans Nancy, y furent logés militairement, et y séjournèrent jusqu'au trente. Comme l'agitation des esprits était extrême dans cette ville, et que toutes sortes de moyens de séduction y étaient employés

M. de Champorcin mourut peu de tems après son retour d'émigration,

par une certaine classe d'habitans pour entraîner les gardes nationaux dans le parti de la garnison, M. Gouvion jugea à propos de ramener à Toul la troupe qu'il commandait; sa municipalité lui envoya d'ailleurs l'ordre de le faire, pour garder la ville dans le cas où M. de Bouillé, s'il était forcé à la retraite, la laissât exposée à la vengeance des rebelles. Ce général était arrivé à Toul dès le 29, et avait fait partir les deux régimens qui en formaient la garnison, pour rejoindre son armée à Frouard. Le 30, il chargea M. Poirot de Sellier, notable habitant de Toul et citoyen plein de zèle, d'aller à Nancy distribuer une proclamation qu'il venait de publier.

Le même jour il reçut une députation du Directoire du département, et une autre de la garnison de Nancy, et le lendemain il partit de très bonne heure pour aller se mettre à la tête de ses troupes sur la route de Pont-à-Mousson. M. Gouvion, commandant de la garde nationale de Toul, demanda au général de l'accompagner, et arrivé sous les murs de Nancy, il le pria de lui permettre de prendre un fusil, et de combattre au premier rang. Ce brave Toulois, dont le courage ne connaissait aucun danger, reçut la mort à l'attaque de la Porte Neuve, quelques minutes après l'assassinat du magnanime Des Isles. Dans le même moment plusieurs autres de nos concitoyens partis volontairement de Toul, et qui s'étaient réunis aux gar

des nationaux de Metz, ainsi qu'aux grenadiers du régiment de Vigier, combattaient à la porte Stanislas '

Le deux septembre, dit Léonard, on fit à Nancy l'enterrement de M. de Vigneulle, commandant de la garde nationale de Metz, et de M. de Gouvion, commandant de celle de Toul, qui avaient été tués l'un et l'autre dans l'affaire du 31. Les administrateurs du Directoire du département, ceux du district, les officiers municipaux en habits de cérémonie et en crêpes, les généraux, tous les officiers de la garnison, et une grande quantité de citoyens en habit noir, se rendirent à l'hopital Saint-Fiacre, hors de la ville, où étaient déposés les corps des deux commandans des troupes nationales; on les enterra avec tous les honneurs funèbres, et leurs tombeaux furent arrosés des larmes de tous les honnêtes citoyens 2.

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La ville de Toul fit célébrer un service solennel

I « Plusieurs volontaires de Toul étaient venus demander à MM. de Vigier la grace de marcher avec eux. Elle leur fut accordée avec plaisir. Parmi ces braves citoyens qui venaient faire le noble sacrifice de leur vie à la patrie, on distinguait Félix - Sébastien Poirot de Sellier, né gentilhomme, qui vint accompagné de Louis-Joseph, son fils unique, et de deux de ses neveux, Louis - Joseph et Alexandre - Victor Poirot de Valcourt. » Relation de l'affaire de Nancy, par Léonard, page 136.

2 Affaire de Nancy, page 160.

en l'honneur de Gouvion, et la délibération qu'elle prit à cet égard commençait par ces mots : « Entre les citoyens de Toul qui ont partagé les dangers du 31 août dernier, nous n'en avons perdu qu'un seul, mais un des plus éclairés, et aussi l'un des plus vertueux patriotes dont cette ville puisse s'honorer : c'est Louis Gouvion, frère du major-général de la garde nationale de Paris, lieutenant-colonel de celle de Toul, capitaine du génie, mort à Nancy les armes à la main, pour la défense des lois et de la liberté. »

Dans cette même année 1790, l'Assemblée nationale, poursuivant le cours de ses réformes, avait, dès le 13 février, supprimé les ordres religieux et aboli les vœux monastiques. Cette mesure, qui fut à elle seule une révolution dans l'Église de France, causa à la ville de Toul un préjudice immense, au moins durant les premières années qui suivirent son exécution. Qu'on se rappelle en effet que Toul, avant 1789, possédait de nombreuses maisons religieuses 1, toutes très riches et qui alimen

'Avant 1789, il y avait à Toul un évêque dont les revenus dépassaient cent mille livres; un chapitre de la Cathédrale composé de trente-sept chanoines, dont chaque prébende était de trois mille livres; deux abbayes de Bénédictins dont les biens fonciers étaient immenses, et rapportaient ensemble plus de cent vingt mille livres. En outre une abbaye de chanoines réguliers, une maison de Cordeliers,

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