Page images
PDF
EPUB

ils jetèrent sur le pavé les meubles et les registres des préposés. Le lendemain de ces scènes de désordre, la garde nationale fut licenciée par un arrêté du directoire du département, et l'ordre fut donné à un régiment de ligne de marcher sur Toul, et de seconder les autorités dans l'exécution de la loi. Cette dernière mesure devint inutile, car les fauteurs de ces troubles, effrayés par la crainte d'une punition sévère, s'éloignèrent de la ville, ou se cachèrent au fond de leurs maisons, et la perception des droits fut rétablie sans obstacle. Un petit nombre de coupables furent poursuivis, et payèrent leurs méfaits par quelques jours de pri

son.

Il ne faut pas chercher la cause de cette émeute populaire ailleurs que dans la fermentation des esprits, habitués depuis sept ans à entendre dire qu'il était beau de secouer le frein de toute autorité et de toutes entraves. Ce qui agissait aussi sur la population de Toul, dans sa haine contre lés barrières, c'est que depuis 1790 les octrois et toute espèce de perception de droits aux portes de la ville avaient été supprimés, et qu'elle était persuadée que cet état de choses devait durer toujours; comme s'il était possible de gouverner et d'administrer convenablement sans revenus et sans impôts.

L'affaire du brisement des barrières fut en quelque sorte le dernier acte du mouvement révolu

tionnaire dans notre ville. Après cet événement, elle se reposa de l'agitation dans laquelle elle avait vécu pendant dix années. Au reste, ce calme était commun à toute la France, et l'époque du Consulat fut pour le royaume une ère à la fois de repos intérieur, d'espérance et de gloire.

Dès le 2 prairial an 3, le Conseil municipal avait autorisé les habitans du faubourg de Saint-Mansuy à ouvrir leur ancienne paroisse, et à y exercer sans bruit le culte catholique. L'année suivante il permit à quelques prêtres assermentés de dire des messes basses dans la petite église de la Maison-Dieu. Enfin, en 1797, en vertu d'un décret rendu par le Directoire, décret néanmoins de pure tolérance, on rouvrit la Cathédrale et Saint-Gengould. L'ancien curé constitutionnel de cette première église

y

vint reprendre ses fonctions, et plusieurs prêtres et chanoines, rentrés d'émigration, desservirent la seconde. Cet état de choses dura jusqu'en 1802, époque de la mise à exécution du Concordat intervenu entre le Pape et le gouvernement français.

Celui-ci, dans cette convention fameuse, reconnaissait que la religion catholique, apostolique et romaine était la religion de la grande majorité des citoyens français, et le Pape, de son côté, reconnaissait que cette même religion avait retiré et attendait, encore en ce moment, le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte

catholique en France, et de la profession particulière qu'en faisaient les consuls de la République. En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, on convint, entre autres choses, de ces points principaux: 1° que la religion catholique, apostolique et romaine serait librement exercée en France, et que son culte serait public, en se conformant aux réglemens de police que le Gouvernement jugerait nécessaires pour la tranquillité publique; 2° qu'il serait fait, par le Saint-Siége, de concert avec le Gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français; 3° que les évêques feraient eux-mêmes une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses, qui n'aurait d'effet que d'après le consentement du Gouvernement; 4° que les évêques nommeraient aux cures, mais que leur choix ne pourrait tomber que sur des personnes agréées par lui ; 3° qu'enfin toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres, non aliénées et nécessaires au culte, seraient mises à la disposition des évêques.

D'après ces clauses, les cent trente-cinq anciens évêchés de France, avant 1789, les quatre-vingttrois créés en vertu de la constitution civile du clergé, de 1790, et les vingt-quatre érigés dans les pays récemment conquis et réunis à la France, furent supprimés. Par sa bulle du 29 novembre 1801, Pie VI, de concert avec le Gouvernement, établit leur place soixante nouveaux siéges, partagés en

dix métropoles. Cette organisation offrait le moyen de réparer une grande injustice envers notre ville, en y fixant le siége dont le diocèse devait être formé par les départemens de la Meurthe, de la Meuse et des Vosges, et ce nouveau diocèse aurait hérité de l'éclat dont avait brillé l'ancien évêché de Toul. Mais le berceau du christianisme en Lorraine, la ville épiscopale de saint Mansuy, de saint Gérard, du saint pape Léon IX et de tant d'illustres prélats, fut dédaignée alors jusqu'à l'oubli, car cette fois, il n'y eut ni lutte ni hésitation: on ne songea même pas à elle.

Deux curés titulaires furent nommés, l'un à la Cathédrale, érigée de nouveau en paroisse, sous l'invocation de Saint-Étienne, et l'autre à SaintGengould. De toutes les autres églises, tant paroissiales que conventuelles, deux oratoires. seulement furent conservés, celui de l'hospice SaintCharles, et celui de la Maison-Dieu.

Aucun événement digne de l'histoire ne se passa dans notre ville sous le règne de Napoléon. La seule mesure locale intéressante qui ait été prise fut celle de l'établissement d'une école secondaire. Depuis la fermeture du collège Saint-Claude, en 1791, des cours de latinité étaient faits par deux professeurs

1 M. Aubry, élu curé constitutionnel de Saint-Étienne en 1791, fut nommé curé de Saint-Gengould en 1802, et M: Lallement fut nommé curé de Saint-Étienne.

seulement, dans l'ancienne abbaye de Saint-Léon, que la ville avait provisoirement obtenue du Gouvernement pour cette destination. Un arrêté de celui-ci, du 7 pluviose an XII, ayant spécialement affecté ce bâtiment au collège de la ville, le Conseil municipal décida qu'on y établirait l'école secondaire, avec cinq professeurs dont un de mathématiques, et qu'ils jouiraient d'un traitement de quatre cents francs chacun. Ce traitement était bien minime, mais la ville avait si peu de revenus qu'il lui fut impossible alors de faire davantage. Cependant l'école prospéra, notamment sous la direction de l'abbé Leclerc, docteur en médecine, homme savant et habile administrateur. Mais les ressources de la ville ne permettant pas de donner un professeur à chaque classe, les études étaient loin d'avoir la force qu'elles ont aujourd'hui. Les réglemens universitaires défendaient d'ailleurs l'enseignement de la philosophie et des sciences physiques dans les écoles secondaires.

La suppression de l'octroi en 1790, avait empêché la réalisation de beaucoup de choses utiles dans la ville de Toul. En vain plusieurs membres éclairés du conseil municipal réclamèrent-ils, sous le Consulat et l'Empire, le rétablissement de cet impôt, leurs vœux ne furent pas exaucés, et peu d'améliorations s'effectuèrent. Les rues n'étaient pas éclairées, ni pavées convenablement; il n'existait aucune école communale de filles ou de gar

« PreviousContinue »