Page images
PDF
EPUB

gouvernement. Les mêmes ministres ont ajouté qu'il était dans le cabinet le médiateur de toutes les querelles d'amour-propre. Là, comme en Grèce, il continuait ses fonctions de juge-de-paix. Mais son nouveau portefeuille fit envie, et, quelques jours après avoir signé le traité de la quadruple alliance, il céda les Affaires étrangères sans retrouver son Gibraltar. Ce repos lui était depuis long-tems devenu nécessaire. Sa santé, délabrée par une aussi longue croisière, n'avait pas été rétablie par un ministère de cinq années. Il voulut et crut en vain profiter de sa liberté pour aller prendre les eaux de Savoie ; la politique vint lui enlever ce soulagement. Une impertinence du roi de Naples exigeait une explication, M. de Rigny fut chargé d'aller la demander, et il oublia le pénible état de sa santé pour donner encore cette preuve de dévouement. Il s'acquitta de sa mission avec l'énergie d'un soldat à qui le moindre ménagement eût semblé de la faiblesse. Son langage fut noble, sévère, dur même; et au sortir d'un palais dont il avait humilié le maître, il monta sur une frégate qui l'attendait dans le port de Naples pour le ramener en France. L'excuse officielle l'y avait déjà devancé par la voie de terre. Ce fut là son dernier service. Un ou deux mois après, en novembre 1355, une maladie aiguë conduisit l'amiral de Rigny au tombeau. Il était peu riche par lui-même; son désintéressement et sa générosité, attestés par tous ses

compagnons d'armes, avaient constamment diminué le fruit de ses épargnes; mais un mariage honorable venait de lui donner une grande fortune et une femme digne de lui. En rentrant dans la vie privée, il avait pu conserver la haute position que lui avaient faite ses services. Il se livrait enfin à l'espoir d'être père. La mort vint le frapper au moment où il avait tant de motifs de tenir à une vie qu'il avait si souvent exposée pour son pays.»

M. de Rigny avait remplacé M. Tardieu dans la députation de l'arrondissement de Toul.

Alexandre de Rigny, frère de l'Amiral et général de brigade, doit être cité également dans cette histoire, comme l'un des Toulois qui soutiennent dignement dans nos armées l'honneur de leur ville natale.

A toutes ces illustrations militaires et politiques dont Toul revendique la gloire, nous ajouterons deux noms qui figurent aussi avec un bel éclat sur cette liste de nos célébrités; ce sont MM. Virla et Liouville. Virla, ingénieur en chef des ponts-etchaussées, auquel le port de Cherbourg doit les plus admirables travaux, et qui résista aux offres brillantes du pacha d'Égypte, pour consacrer ses talens tout entiers à la prospérité de son pays. Liouville, qui n'a pas trente ans, membre des académies des Sciences de Paris et de Berlin, professeur titulaire à l'école polytechnique, et qui, dès l'âge de vingt-quatre ans, était déjà examina

teur pour l'admission à cette école. Génie transcendant, devinant comme Pascal plutôt qu'étudiant les Sciences 1.

[ocr errors]

Ici se termine notre histoire; nous avons fait connaître sur quelles solides preuves reposait l'antiquité de la ville de Toul; nous avons montré cette cité, gauloise avant Jules César, gallo-romaine sous la domination de Rome dans les Gaules, franke sous nos rois de la première race, lorraine pendant la courte durée du royaume de ce nom, puis française, puis passant des mains de Charles-le-Simple, en 925, dans celles de Henri I de Germanie, puis ville libre et impériale, gouvernée temporellement par ses évêques, et relevant des empereurs d'Allemagne, puis enfin redevenant française, sous le roi de France Henri II. Nous avons narré la vie de ses quatre-vingt-onze évêques; nous avons retracé les querelles politiques qui, durant tout le moyenâge, ne cessèrent d'éclater entre ceux-ci et ses bourgeois, et entre ses bourgeois et son Chapitre. Nous avons dit quelles étaient les franchises munici

1

L'exemple de M. Liouville entretient dans l'esprit de la jeunesse de Toul, l'ardeur la plus louable pour l'étude. Il y a quelques années, trois jeunes gens de la même ruc (de la Petite Boucherie), habitant à quelques pas l'un de l'autre, furent reçus à l'école polytechnique. Ce sont MM. Déglin, fils d'un ferblantier; Hoff, fils d'un boulanger, et Mosback, fils d'un brasseur.

pales dont elle avait joui depuis un tems immémorial; nous avons exposé, autant qu'il nous a été possible de le faire, ses institutions, ses mœurs et ses coutumes; nous avons raconté les guerres qu'elle a entreprises, les sièges qu'elle a soutenus; nous avons montré son vaste diocèse démembré en 1776, et supprimé définitivement en 1790; nous avons dit l'esprit qui l'anima et les faits qui se passèrent chez elle dans les tems qui précédèrent et qui accompagnèrent la révolution de 89; nous avons cité tour-à-tour, et selon qu'ils se présentaient dans leur rang historique, tous ceux de ses enfans qui s'illustrèrent dans l'Église, dans les armes, dans les sciences et dans les hauts emplois publics; il ne nous reste plus, pour compléter notre œuvre, qu'à jeter un coup-d'œil statistique sur son état actuel et sur celui de son arrondissement.

La ville de Toul, située dans une vallée fertile, près des bords de la Moselle, sur la grande route d'Allemagne à Paris, et entourée de riches vignobles, aurait pu atteindre un degré de prospérité dont elle est loin encore aujourd'hui. Nancy, sa voisine, connue à peine comme ville dès le quatorzième siècle, a pris un essor bien autrement rapide, et tient un rang beaucoup plus élevé que Toul, tant par sa population que par ses richesses. Quelle est la raison de cette différence? Nous croyons qu'elle résulte des conditions d'existence primitive des deux cités. Toul, dont l'origine se

perd dans les tems qui ont précédé l'ère chrétienne, jouissait d'institutions qui lui étaient propres et dont elle était jalouse; elle ne cherchait pas à attirer à elle les populations; clle vendait au contraire son droit de bourgeoisie. Elle était bien la capitale du pays des Leukes, et passait pour la plus considérable de leurs cités, mais n'étant devenue plus tard ni un grand centre de gouvernement, ni le séjour habituel des empereurs romains ou des rois franks, comme Trèves et Metz, elle ne put acquérir le développement que celles-ci atteignirent, quoiqu'elle rivalisât avec elles sous le rapport de ses franchises et de son antiquité. Ses évêques, comme princes temporels, et comme chefs d'un immense diocèse, contribuèrent sans doute à répandre sur elle un assez beau lustre, mais ils la firent briller plutôt par sa renommée que par ses richesses matérielles. Une succession d'évêques, d'ailleurs, ne peut être comparée à une famille princière dont les membres, nés sur les marches du trône, se succèdent sans interruption, et n'ont à s'occuper que des besoins terrestres de leurs peuples. Les vacances de siége, les minorités d'évêques, et les guerres injustes suscitées par des voisins puissans, paralysèrent aussi bien souvent tous les germes de prospérité dans la ville de Toul.

Nancy, au contraire, est ville ducale dès sa naissance; ce sont des princes régnans qui la fondent, qui la bâtissent et qui s'y installent; ils la créent

« PreviousContinue »