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prit. Dans les premières années du seizième siècle, le nombre des femmes publiques devint si grand dans la ville de Toul, que les justiciers furent contraints de prendre un arrêté pour le restreindre. En même tems, ils leur enjoignirent de ne plus faire leur demeure dans les quartiers habités par les honnêtes gens, et leur assignèrent les rues du Moulin-à-vent et du Terreau, comme étant destinées à l'avenir à gens de leur état. Le même arrêté les obligeait de porter au bras gauche une pièce de drap jaune, afin qu'on pût les reconnaître 1.

JEAN, CARDINAL DE LORRAINE, SOIXANTE-TREIZIÈME ÉVÊQUE,

(1517.) Les abus des dignités ecclésiastiques furent portés à leur comble dans les commencemens du seizième siècle, et le prélat dont nous allons parler nous en fournit un déplorable exemple. Non seulement alors un enfant était évêque et cardinal, mais il possédait jusqu'à dix évêchés à la fois, et était en même tems abbé d'autant de

Archives de l'Hôtel-de-ville, sous l'année 1510 (18 juillet).

monastères : funeste infraction aux anciennes règles de l'église, qui détourna trop souvent les premiers pasteurs de leur véritable caractère, et qui justifia bientôt, jusqu'à un certain point, les reproches de la réforme.

Jean de Lorraine, cinquième fils de René II, déjà en possession de l'évêché de Metz, depuis l'âge de sept ans, fut élu évêque de Toul, à celui de dixneuf, sur les instances et par la protection de son frère aîné, Antoine, duc régnant. Les papes Léon X, Clément VII et Paul III lui donnèrent successivement le chapeau de Cardinal, les évêchés de Luçon et de Verdun, les archevêchés de Narbonne, de Rheims, de Valence, de Lyon, d'Alby, de Mâcon, de Die, d'Agen et de Nantes, et le dotèrent de la commande des abbayes de Gorze, de Fécamp, de Cluny, de Saint-Ouen, de Saint-Mansuy et de Marmoutier. En 1518, Léon X l'institua légat du Saint-Siége dans la Lorraine et les Trois Évêchés, et, deux ans plus tard, François Ier, roi de France, le nomma son ambassadeur à Rome. Lorsque ce dernier prince brigua la couronne des Césars, après la mort de Maximilien, concurremment avec Charles d'Autriche, il envoya Jean de Lorraine auprès des électeurs de l'Empire, afin de les exciter à la placer sur sa tête. On sait que François 1er échoua dans cette ambitieuse tentative, et que son compétiteur fut proclamé sous le nom de Charles-Quint.

Jean de Lorraine, qui devait nécessairement

succomber sous le poids de tant de fonctions éminentes, ne vint jamais résider à Toul ; il habita presque constamment Rome jusqu'à sa mort.

Ce prélat n'était pas encore de retour d'Allemagne, lorsque Charles-Quint donna avis de son élection à toutes les villes de l'empire germanique. Dans la lettre que le nouvel empereur écrivít, à cette occasion, au Chapitre et aux bourgeois de Toul, il demanda au premier, pour droit de joyeux avènement, une prébende de chanoine qu'on s'empressa de lui accorder, et dont il gratifia, à la sollicitation du duc Antoine, le sieur de Saint-Hillier, maître des requêtes de l'hôtel du prince lorrain. Quant aux bourgeois, Charles-Quint les somma de lui adresser une somme de deux mille florins d'or pour le même objet; mais épuisés par les nombreuses contributions extraordinaires qui ne cessaient de peser sur eux depuis quelque tems, nos ancêtres ne cédèrent qu'à regret au vœu de l'Empereur. Jean Poirson, le Maître-Échevin, ayant réparti cet impôt sur la population, celle-ci éclata en murmures, et faillit se révolter contre l'autorité de son premier magistrat. Cependant elle paya, et à peine ce don gratuit fut-il effectué, que le roi François Ier, de son côté, vint réclamer pareille somme de deux mille florins d'or, dont la ville de Toul, prétendait-il, était redevable à ses prédécesseurs pour droit de garde et de protection. Cette demande inattendue acheva de porter le désespoir

et l'exaspération dans le cœur des Toulois. Ils envoyèrent des députés au Roi, pour le supplier de diminuer le montant de cette somme, ou au moins d'en ajourner le paiement, mais François demeura sourd à leurs prières ; il refusa tout délai comme toute diminution, et la malheureuse ville de Toul, qui venait d'être pressurée par l'empereur d'Allemagne, le fut de nouveau jusques à extinction par le roi de France. Fatale conséquence de la position d'une faible cité entourée de princes puissans qui, sous le masque d'une protection le plus souvent sans effet, la rançonnaient impitoyablement à l'envi les uns des autres.

Deux années ne s'étaient pas écoulées, qu'une calamité d'un autre genre vint s'appesantir sur les Toulois. En 1522, la peste qui étendit ses ravages dans la Lorraine et le Barrois, enleva trois cent cinquante personnes, en moins de deux mois, dans la ville de Toul, qui comptait alors cinq mille habitans. Les chanoines de la Cathédrale désertèrent lâchement la cité, et allèrent s'enfermer dans leur château de Void, où ils séjournèrent pendant toute la durée du fléau. Conduite indigne que l'Histoire doit flétrir, car la place des ministres de Jésus-Christ est toujours là où il y a des infortunes à soulager et des plaies à guérir. Un tel oubli de leurs devoirs de la part des chanoines eut pour résultat de fortifier encore davantage la vieille inimitié des bourgeois à leur égard, et de leur faire

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