Page images
PDF
EPUB

Ce travail théologique de l'antiquité (1) est donc incomplet et défectueux dans ses résultats. Il faudra que ce travail soit repris et continué dans tous ses détails par les disciples de Celui qui a prononcé ces mémorables paroles: Allez et enseignez les nations; afin qu'il acquière le caractère à la fois universel et intégral.

L'Evangile de Christ marque en effet une ligne de démarcation dans le travail d'élévation de l'édifice religieux. L'esprit évangélique est cet esprit universel et intégral, qui contient en lui les germes de tous les dogmes théologiques; il est destiné à se répandre par ces germes jetés aux quatre vents du monde, à toutes les latitudes, dans tous les terrains; à attirer, à remuer les sucs nourriciers de doctrines contenus dans les sols les plus divers; à produire une nouvelle végétation doctrinale, qui, tout en étant appropriée à chaque région, soit plus harmonique, plus synthétique et plus appropriée aux besoins universels de l'humanité.

A dater de la prédication de l'Evangile, a du commencer un travail d'intususception, de ralliement, de transformation, d'affinité, de concordance et de réunion sériaire de tous les éléments doctrinaux, produits dans le cours des siècles et dans les différentes régions du globe terrestre.

Ce travail présentera trois périodes bien distinctes.

'La période confuse, où les divers éléments doctrinaux ont été réunis dans ce laboratoire qui s'appelle la théologie de l'Eglise primitive, confusément, à l'état de neutralité vague, dans une sorte d'équilibre, sans sortir de l'état de germes, peu développés. Néanmoins, dans leur faible état de développement par les écoles ou hérésies de l'Eglise primitive, l'on aperçoit déjà la destination universelle et intégrale des doctrines chrétiennes dont elles sont l'expression rudimentaire. La plupart des écoles ou hérésies portent plus ou moins, le cachet ou l'empreinte des rapports du christianisme avec les systèmes théologiques de l'antiquité. Ainsi les chrétiens judaïsans étaient une transition du monothéisme hébraïque et le germe du futur arianisme. Les Gnostiques portaient plus particulièrement l'expression du panthéisme brahmanique, l'opposé du

(1) Nous voulons toujours parler de cette antiquité dont les élémens religieux sont encore vivants au sein de l'humanité et font encore partie intégrante de son corps.

monothéisme hébraïque. Les Manichéens avaient un rapport intime avec le mazdéisme. La doctrine d'Origène et de son école se rapproche du boudd'hisme; Cerynthe, Sabellius et Arius reproduisent d'une manière plus caractéristique le monothéisme hébraïque; l'école d'Alexandrie, s'il n'est pas prouvé qu'elle ait eu des rapports avec l'éclectisme chinois, puisque sa parenté directe avec le platonisme est seulement en évidence, peut être considérée du moins comme un écho mystérieux de ce vaste syncrétisme de la théologie chinoise; car il existe des rapports intimes avec certaines parties essentielles de la théologie chinoise et les doctrines de l'école d'Alexandrie. Nous pourrions démontrer les mêmes rapports variés dans les doctrines des Pères de l'Eglise primitive.

La période qui a suivi celle-là, période dans laquelle se trouve encore la société chrétienne, est celle qui a commencé après le concile de Nicée Dans cette période, que nous appelerons diffuse, les divers germes doctrinaux issus de l'Evangile se sont successivement développés, mais en tendant plutôt à se spécifier, à s'isoler, qu'à se grouper, se classer, se coordonner en séries, ne produisant à raison de cela que des synthèses incomplètes, et aboutissant, en dernier lieu, à ce pêlemêle des doctrines multiples et diverses, qui constitue l'état actuel de l'humanité.

Quel est en effet aujourd'hui le spectacle des théologies issues de la prédication évangélique depuis le concile de Nicée, au 4me siècle de l'Eglise ?

Divers corps de doctrines se développent, côte à côte, sans lien de solidarité visible. Et pourtant, en regardant de près, l'on verra que l'œuvre d'assimilation, d'intususception, d'affinité, si elle ne se fait plus d'une manière confuse, comme par les écoles de l'Eglise primitive, n'en continue pas moins, mais d'une manière diffuse dans chacun des systèmes théologiques qui se sont produits depuis le concile de Nicée.

Nous voyons en effet l'arianisme avec son dérivé le semi-arianisme renouer l'anneau du monothéisme hébraïque; or l'arianisme, sans compter le mahométisme, qui en est l'expression la plus virtuelle, mais qui forme une théologie sui generis, possède encore ses représentants sur la terre orientale. A l'autre extrémité de la chaîne théologique, nous voyons le nestorionisme avec ses dérivés, monophysites, monothélites, qui possèdent, tous, leurs représentants modernes

dans la même région, renouer l'anneau du panthéisme brahmanique et boudd'histe. Nous voyons enfin le catholicisme renouer les anneaux intermédiaires de synthèse universelle, si bien commencée par les théologies mazdéenne et chinoise.

Mais le catholicisme oriental se divise lui-même ensuite en trois branches distinctes, quoiqu'ayant toutes trois pour lien fondamental et commun la doctrine théologique élaborée par les sept conciles, à partir de, et y compris, celui de Nicée. Ce sont le catholicisme grec, dont l'expression la plus virtuelle est le catholicisme grecorusse; le catholicisme romain qui est une continuation du catholicisme oriental, et le catholicisme de la Réforme, qui est aussi issu du catholicisme oriental, quoiqu'il semble au prime abord n'avoir qu'une origine occidentale. (1). Nous appellerons ce dernier, catholicisme du Nouveau-Monde, où il a son siége principal.

Or ces trois catholicismes, avec les rameaux nombreux qui en sont issus, quoique se concentrant chacun sur un siége régionnaire distinct, possèdent néanmoins actuellement leurs nombreux représentants dans ce vaste Orient, où ils sont nés et où ils se disputent l'empire des âmes. De sorte qu'on peut dire avec raison que l'Orient, qui a été le berceau mystique de toutes les religions du globe, est aujourd'hui l'immense caravansérail, où toutes se rencontrent dans leur pèregrination séculaire et universelle, pour y réparer leurs forces épuisées, et s'y donner mutuellement le baiser de paix. C'est un prilége que ne possède aucune partie du globe terrestre.

C'est donc l'Orient qui est destiné à devenir le théâtre de ce vaste travail de conciliation, de concordance, de synthèse des religions existantes, travail qui sera la tache de la troisième période, de la période harmonique ou intégrale, qui est devant nous. Cette période est celle où les diverses doctrines religieuses, arrivées à un état de maturité, devront se juxta-poser, se classer, se réunir en série universelle et intégrale, travail immense qui demandera la réunion de conciles plus nombreux et plus universels que ceux du passé; car, dans ce travail, l'unité et la variété doivent se marier, l'hypothèse, rompue par l'analyse, doit faire place à la synthèse, et la syndoxie doit concilier l'orthodoxie et l'hétérodoxie.

(1) Nous démontrerons cela dans les études que nous publierons sur les doctrines comparées de la Réforme.

Mais laissons-là ces considérations théoriques sur l'avenir religieux du monde et revenons au présent, c'est-à-dire, à l'étude comparée de celles des religions de l'Orient que nous n'avons pas encore examinées, et qui sont, comme nous l'avons dit, les religions issues directement de la prédication évangélique.

Nous entrons là sur un terrain battu et rebattu. Ausssi le lecteur nous dispensera-t-il de lui présenter une analyse de chacune de ces théologies. Nous nous contenterons seulement de signaler leur état actuel en Orient et de faire ressortir par des traits rapides leurs rapports, leurs affinités, leur parenté avec les systèmes théologiques que nous venons d'analyser, et comment chacune d'elles développe plus ou moins les principes fondamentaux de la théologie.

SEPTIÈME ÉTUDE.

DE LA THÉOLOGIE ARIENNE ET DE SES DÉRIVÉS.

Après la mort de Jésus-Christ, ceux qui l'avaient vu et entendu s'étaient partagés en deux croyances: ceux qui avaient des doutes sur la divinité et ceux qui y croyaient; ceux qui restaient attachés au monothéisme pur et ceux qui admettaient les doctrines trinitaires. Le monothéisme hébraïque restait debout comme une affirmation nécessaire, pour que le dogme trinitaire n'aboutît pas, par une exagération du tri-théisme, au polythéisme pur. De là la protestation du monothéisme hébraïque; soit qu'elle se fût perpétuée en-dehors de l'Eglise, soit qu'elle se fut introduite au sein de l'Eglise, comme par les partisans de Cerynthe. Dans le sein même des trinitaires, s'était formé le parti monothéiste, par l'invasion des doctrines de Platon. Ainsi Sabellius n'admettait point des personnes en Dieu; il n'admettait que les attributs, aboutissant à la négation de la personnalité du Verbe, incarné dans le Christ.

Arius chercha à combiner le monothéisme hébraïque et la doctrine de Platon avec la révélation évangélique. Il crut expliquer la personnalité du Verbe, en présentant, à l'exemple de Platon, le Verbe comme une créature distincte, typique, engendrée, pour servir de modèle aux hommes, comme une manifestation du Dieu éternel, mais inférieure au Père, qui est plus grand que le Fils et qui est le seul vrai Dieu. Il ne niait donc pas le Verbe, ni son incarnation en Christ. Seulement il rétrécissait la notion de ce Verbe au-dessous de ce quelle se trouve être dans le platonisme et, par suite de la controverse, il était allé jusqu'à la négation de la consubstantialité du Verbe avec Dieu. Toutefois, malgré cette imperfection, le monothéisme arien est supérieur au monothéisme hébraïque, en ce qu'il joint à la notion du Dieu un, celle du verbe de Dieu et de son incarnation en Christ et qu'il ouvre ainsi une éclaircie, par laquelle pourra être aperçue toute la doctrine catholique de l'incarnation et de la trinité.

« PreviousContinue »