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Aux méthodes infructueuses du passé peuvent succéder des méthodes plus efficaces et plus appropriées à l'esprit scientifique moderne. Or la méthode par excellence, c'est la méthode sériaire de classification et de concordance; c'est la méthode que nous voyons pratiquer par St-Paul et les Pères de l'Eglise primitive, lorsqu'ils s'efforcent d'établir la concordance des doctrines évangéliques avec les doctrines philosophiques et religieuses du monde ambiant. Aussi avec cette méthode ils ne convertissent pas seulement des individus, mais des collectivités d'indi vidus.

Avec cette méthode, le point de vue doctrinal, au lieu d'être un point de vue d'unité simple, d'exclusion et d'anathême, devient un point de vue d'unité intégrale, de comparaison, de classification, de réunion sériaire des doctrines d'après leurs rapports, leurs affinités, leurs harmonies. Telle est la voie qui s'ouvre devant le catholicisme et qui le conduira à la conversion, non seulement de quelques individualités, mais encore des diverses sociétés religieuses du globe et à réaliser le catholicisme intégral.

Mais, dira-t-on, le catholicisme des premiers siècles s'est divisé luimême. Le catholicisme primitif s'est divisé d'abord en catholicisme grec et en catholicisme latin. Le premier s'est ensuite divisé en grec oriental et en greco-russe, avec les diverses sectes qui s'y rattachent. Le second s'est divisé en catholicisme romain et en catholicisme de la réforme du Nouveau-Monde, avec les diverses sectes qui en découlent. Comment pourra-t-il, ainsi tronqué, répondre à sa mission de ralliement universel? Ne devrait-il pas commencer par établir la concordance entre ses diverses fractions?

Ceci est incontestable. La première œuvre qui sera à accomplir, ce sera de faire cesser, non la division ou la spécification des diverses branches issues de la même souche, mais leur séparation absolue, leur schisme systématique, leur antagonisme exclusif; ce sera de leur faire reconnaître la solidarité qui les lie toutes, quoique branches poussées en sens divers, à la même tige, le catholicisme des premiers siècles, dont elles tirent les sucs nourriciers; ce sera d'établir la concordance entre elles et de réaliser leur ralliement, au moyen duquel seulement se développera l'arbre du catholicisme intégral, qui pourra abriter et porter les croyances religieuses du globe.

Chacune de ces branches s'est effectivement étendue sur la terre orientale par de nombreux représentants. Elles s'y disputent à l'envi l'espace, à

savoir l'empire des consciences. Elles y végètent à côté des oliviers francs, poussés sur cette terre, matrice des religions, et qui n'attendent que le moment où ils seront greffés sur les branches de l'arbre catholique, pour le transformer en arbre du catholicisme intégral.

Nous y trouvons d'abord la théologie grecque, la fraction du catholicisme oriental des premiers siècles, qui s'est maintenue en Orient après le schisme, communément appelé schisme d'Orient.

. Cette théologie se divise aujourd'hui en diverses fractions confessionnelles :

1o Les Grecs, qui relèvent du patriarche de Constantinople et qui sont dans la Roumélie, dans la Bulgarie, dans l'Asie mineure;

2o Les Grecs, qui relèvent du patriarche de Jérusalem: ce sont tous ceux de la Syrie, de la Mésopotamie;

3o Les Grecs, qui relèvent du patriarche d'Alexandrie;

4o Les Gréco-Slaves, qui dépendaient primitivement du patriarche de Constantinople et qui aujourd'hui ont érigé des patriarches indépendants, comme ceux de Servie, de Croatie, etc.;

5o Les Hellènes de la Grèce proprement dite, qui sont sous la direction du Saint-Synode;

Enfin les Gréco-Russes, issus de la branche grecque, forment aujourd'hui une Eglise à part, ayant des tendances doctrinales distinctes de celles des autres Grecs. Nous en ferons l'objet d'une étude spéciale.

Sous le rapport dogmatique et liturgique, ces diverses fractions ne diffèrent guères entr'elles. Leurs dogmes et liturgie sont à peu de chose près ceux dont nous venons de parler. Bien plus, les Grecs modernes se vantent d'avoir conservé invariablement ces dogmes et usages liturgiques de l'ancienne Eglise catholique d'Orient. Ils confessent donc euxmêmes que, depuis ce temps, ils n'ont subi aucun progrès, aucun développement, qu'ils se sont immobilisés dans une contemplation stérile des anciennes doctrines. Nous parlerons des différences liturgiques et doctrinales entre les Grecs et les catholiques romains dans notre étude sur la théologie gréco-russe, qui est la partie la plus vivace et la plus féconde du catholicisme gréco-oriental, tout en ne différant pas essentiellement de celui-ci sous le rapport dogmatique et liturgique.

DIXIÈME ÉTUDE.

DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE ROMAINE.

Les catholiques romains sont répandus dans tout l'Orient. Ils se composent: 1o d'Européens qui se sont établis en Orient ou qui y séjournent; 2o d'individus ou de communautés converties au catholicisme romain par les missionnaires dans les divers pays de l'Orient.

On appelle Latins ou Francs les catholiques romains qui sont originaires de l'Occident ou qui se convertissent individuellement à l'Eglise latine. Ils ont des patriarches, des archevêques, des évêques. Les principaux patriarches sont le patriarche latin de Jérusalem avec dix-sept archevêques ou évêques.

On appelle Uniates ou Eglises unies les fractions détachées des diverses sectes orientales et qui se sont ralliées doctrinalement au Saint-Siège, quoiqu'elles aient conservé leurs rites, leur liturgie et leur organisation disciplinaire. Ces diverses fractions existent alternativement entre les deux divisions du schisme d'Orient. A diverses reprises elles ont pactisé avec leurs anciens nationaux du schisme d'Orient: telles sont celles des Arméniens-unis, des Grecs-Melchites et récemment les Uniates de Pologne. En tout temps elles ont manifesté une certaine indépendance de Rome. Cet état intermédiaire entre l'Eglise romaine, dont elles adoptent les doctrines et la discipline, et les Eglises orientales, dont elles conservent les rites et l'esprit d'indépendance de Rome, fait des Uniates un excellent instrument d'union entre l'Orient et l'Occident, tout en les faisant participer à l'universalisme des deux Eglises catholiques.

Les principaux Uniates sont: 1° les Maronites, descendants des anciens Monothélites en Syrie qui ont adhéré au concile de Trente, tout en conservant leurs usages et leur organisation ecclésiastique; 2o les Grecs-Melchiles, Grecs d'Asie, ralliés au catholicisme romain ou restés fidèles au Saint Siège, tout en conservant le rite grec, leur organisation hiérarchique, et dont le principal élément sont les Grecs-Arabes et les Cophtes-unis; 3° les Arméniens-unis ou Méchiles, qui ont été unis à

l'Eglise romaine depuis 1831, et qui sont répandus dans l'Anatolie, la Roumélie, la Syrie et la Perse; 4° les Syriens et Jacobites, habitants de la Syrie et de la Mésopotamie qui sont restés unis au Saint-Siège, ou anciens Jacobites qui se sont ralliés vers la fin du dix-huitième siècle ; 5o les Chaldéens, fraction de la nation chaldéenne qui s'est ralliée à l'Eglise romaine; 6o les Cophtes et Abyssins catholiques, répandus en Egypte et en Abyssinie; 7° enfin les Gréco-Slaves et Uniales de la partie orientale de l'Europe, qui se trouvent en Bosnie, en Illyrie, en Dalmatie, en Valachie, en Bulgarie, mais surtout la portion nombreuse des Uniates de l'empire russe.

Quant aux doctrines du catholicisme romain, ce sont celles du catholicisme des sept premiers conciles œcuméniques. Mais à ces doctrines il en a ajouté d'autres.

Pendant que le catholicisme grec est resté invariablement attaché aux doctrines des sept conciles œcuméniques, ce dont il se félicite mal à propos, pendant que, s'absorbant dans une contemplation stérile du passé, il est resté dans une immobilité doctrinale, rejetant les conciles postérieurs ou n'en assemblant plus, le catholicisme romain a continué l'œuvre du développement religieux, en définissant, par ses conciles et par ses papes, de nouveaux points du dogme restés douteux, en éclaircissant de nouvelles questions, en ajoutant aux anciennes affirmations dogmatiques de nouvelles affirmations dogmatiques, c'est-à-dire, en tirant du trésor du Père de famille des choses nouvelles et des choses anciennes.

Au septième concile œcuménique il a ajouté la nomenclature des conciles suivants: 8° quatrième concile de Constantinople; 9° premier concile de Latran; 10° deuxième de Latran; 11° troisième de Latran; 12o quatrième de Latran; 13° premier concile de Lyon; 14o deuxième concile de Lyon; 15° concile de Vienne en Dauphiné; 16° concile de Constance; 17° concile de Bâle; 18° concile de Trente..

A ceux-ci l'on peut encore ajouter 19° le concile de Pise; 20o le concile de Florence; 21° le cinquième concile de Latran; 22o enfin le concile disséminé qui a proclamé le dogme de l'Immaculée-Conception.

Et dans ces conciles ont été agitées, définies, proclamées en dogmes les questions les plus diverses de la théologie; telles sont entr'autres : la procession du Saint-Esprit, du Père et du Fils, filio-que ; le concours de la grâce et de la nature; la foi ne justifie pas sans les œuvres ; la vertu sanctifiante des sept sacrements; la présence réelle et la tran

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substantiation; le péché originel; la rémission des péchés et le salut par la rédemption du Christ et par l'Eglise; le sacerdoce; les pouvoirs de l'Eglise, son infaillibilité; le culte des saints, des images et des reliques; l'Immaculée-Conception de la Sainte Vierge, etc.

Tout cela dénote de la part du catholicisme romain une vitalité que ne peuvent pas revendiquer les Eglises issues du schisme d'Orient. Mais que de questions encore douteuses, que de problèmes théologiques à résoudre! Quel immense champ d'activité doctrinale s'ouvre encoredevant le catholicisme romain! Quelle vaste série de définitions à ajouter à celles du passé, qui ne semblent être que le frontispice du temple de l'unité universelle et intégrale!

En effet, la découverte, toute moderne des documents religieux des Chinois, des Boudd'histes, des Brahmanistes, des Mazdéens, et une étude plus approfondie des doctrines hébraïque, islamique, nestorienne, arienne, etc., ouvrent un champ nouveau à explorer dans les hautes questions de la théodicée, de la cosmologie et de l'anthropodicée ; surtout elles font naitre pour les grandes divisions modernes du catholicisme ancien une tâche nouvelle: celle d'opérer la classification, la série, la coordination de toutes les doctrines nombreuses que présentent sur ces questions les théologies diverses. L'on peut hardiment dire que sous ce rapport la plus grande tâche est encore à accomplir.

Et pour l'accomplissement de cette tâche la Providence a élevé trois grands ouvriers théologiques, enfants de la même mère, qui après s'être un instant (séculaire) reniés comme frères et repoussés réciproquement, vont maintenant se donner le baiser d'amour et participer, chacun selon sa spécialité, à la grande œuvre de l'alliance religieuse universelle. Ces ouvriers sont les Eglises catholique romaine, gréco-russe et de la Réforme du Nouveau-Monde.

Chacun de ces ouvriers, par ses aptitudes et la nature de son enseignement, a sa fonction à remplir dans cette grande œuvre.

Celle de l'Eglise romaine en Orient consiste, suivant ses tendances, suivant ses aptitudes et suivant la nature de son enseignement et de son organisation, à préparer l'unité intégrale des dogmes et des croyances religieuses par les voies suivantes.

D'abord elle a pour mission de rattacher au pasteur universel, dont elle proclame l'autorité spirituelle avec une constance remarquable depuis de nombreux siècles, toutes les brebis répandues par le monde, par conséquent aussi celles d'Orient, soit individuellement, soit collec

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