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qu'il s'interposât afin de rétablir l'ordre, et de mettre la Reine à même de partir quand il lui plairait. Ce général était un ancien militaire, bourbonniste prononcé, on ne savait trop pourquoi, mais au fond très-brave homme; il était dans ses intentions de faire le bien et d'éviter tout désordre; mais dans ces premiers moments, les passions politiques étaient tellement déchaînées, qu'il fallait encore prendre des précautions pour faire son devoir sans qu'on vous en sût mauvais gré parmi les énergumènes qui faisaient partie de la faction dominante; car les dénonciations contre les autorités qu'on ne supposait pas pures royalistes se succédaient avec rapidité. – M. Liger Belair (c'est ainsi que se nommait le nouveau général) ne trouva rien de mieux, pour éviter une collision entre les Autrichiens et les gardes royaux, que d'envoyer à ces derniers un ordre de se rendre immédiatement à une revue, qu'il fit sur la place, de tous les militaires qui se trouvaient à Dijon pour quelque motif que ce fût.

Pendant ce temps, M. de Voyna fit hâter le départ de la Reine, qui emporta de cette ville un souvenir très-pénible. M. de Nan..., comme garde-du-corps, arrivant de Paris,

resta à l'auberge à surveiller ce qui se passait; sa rage ne connut plus de bornes lorsqu'il vit que sa proie allait lui échapper, et les gestes les plus menaçants accompagnèrent les paroles furieuses qu'il adressait à M. de Voyna et à la Reine qui s'éloignait, suivie et protégée par une escorte autrichienne.

A quelques lieues de là, elle trouva le quartier- général de l'armée d'occupation. Plus loin, il n'y avait plus de troupes autrichiennes, et ce fut au tour de la Reine de protéger M. de Voyna les habitants des campagnes quittaient leurs travaux pour se précipiter au-devant de sa voiture; on lui jetait des bouquets d'oeillets rouges par la portière, et les cris de vive l'Empereur! l'accueillaient partout. A un relai, elle entendit ces paroles : « Les bons s'en vont, les mauvais restent. »

A Dôle, une émeute d'un genre diamétralement opposé à celle de Dijon attendait la Reine: le peuple, par affection, ne voulait pas laisser partir M. de Voyna, et il courut un véritable danger. En voyant un officier autrichien avec la Reine, on crut que c'était lui qui la conduisait prisonnière, et ni plus ni moins on voulait le tuer pour la délivrer. Elle eut mille peines à faire comprendre à ces

braves gens que c'était volontairement qu'elle s'éloignait, que M. de Voyna l'accompagnait, et qu'elle lui avait déjà de grandes obligations; il fallut qu'elle parlât elle-même à la foule qui se pressait autour de sa voiture. Un vieillard, d'une figure on ne peut plus respectable, qui portait la parole pour les autres, et qui faisait répéter à la Reine ce qu'elle avait tant de peine à leur persuader, lui répondit : — « Bien vrai, ce que vous dites la? car, voyez-vous, vous n'avez qu'un mot à dire ! » La Reine remercia ses officieux protecteurs et arriva enfin à Genève, où je la rejoignis trois jours après.

Elle descendit à l'hôtel du Sécheron, et, pour faire moins de dépense à l'auberge, elle envoya tout de suite ses chevaux à sa campagne de Prégny, qui était située à très-peu de distance, dans une des plus belles positions des bords du lac. Elle comptait aller s'y installer dans quelques jours, lorsque je serais arrivée, ainsi que les effets et les meubles qu'elle at

tendait de Paris.

XVI.

Le bonheur dans un châlet.

Courtes illusions. Ordre de quitter

-

Genève. -- M. de Voyna parlemente. Les petits potentats inexorables. Un sursis. Madame-Mère et le cardinal Fesch.

-

Les

vivat qu'il faut éviter. - Une visite à la montagne. - M. Gausse ou l'ermite docteur.—Le vrai misanthrope.—Un proscrit au désespoir. -Le passe-port de M. Gabriel Delessert et le rouleau de pièces d'or.

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Les petits chiens aboyant après

les gros qui ont une patte cassée.

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--

Deux mil

Circonspection et fran

Une visite à Coppet; madame de Staël et sa fille. lions prêtés par Necker aux Bourbons. chise. Un mot de madame de Staël sur Napoléon. · Le duc et la duchesse de Bassano, fugitifs. - Voyage à Prégny. Le rêve du

châlet est détruit. - Le baron de Talleyrand.

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le lac, dit la Reine. Une grande grâce. La Reine se rend à Aix. Le comte de Séllón. - Une rouerie diplomatique. La pá

role tenue.

La Reine commençait à respirer, car elle se supposait au terme de son voyage, et se croyait dans un lieu de repos; ses passe-ports, signés par les ambassadeurs de toutes les

grandes puissances de l'Europe, la dirigeaient vers la Suisse, pays libre qui était resté étranger à la guerre, et où son imagination lui avait toujours représenté le vrai bonheur dans un châlet. Les illusions de la Reine ne furent pas de longue durée. Dès le lendemain de son arrivée, le gouvernement de Genève lui fit signifier qu'elle eût à s'éloigner, vu qu'il ne lui était pas permis de séjourner sur le territoire de la république. M. de Voyna parlementa; il s'appuya sur les passe-ports, sur l'ordre positif de son souverain, qui lui enjoignait de ne quitter la Reine que lorsqu'elle serait en sûreté dans la Suisse, qu'elle avait désignée pour sa résidence. Les potentats, placés à la tête du nouvel état de douze lieues carrées, ne voulurent rien entendre. M. de Voyna était furieux. Que devait-il faire? Il ne pouvait ramener la Reine en France; ni la conduire ailleurs qu'en Suisse, puisqu'elle n'avait pas de passe-ports pour un autre pays. Il demanda le temps d'écrire à Paris pour recevoir de nouveaux ordres; on lui accorda quelques jours, qu'il mit à profit à cet effet.

Madame-Mère et le cardinal Fesch, auxquels on avait donné des passe-ports pour l'Italie, et qui étaient aussi sous la sauvegarde

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