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XVII.

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Séjour à Aix. M. Finot, préfet de Chambéry. La Reine demande qu'on l'oublie. - Le comte de Monti, ou le noble de mauvaise mine. -Grande colère de M. Appel. On va se couper la gorge. Sang-froid prodigieux de la Reine entre l'Allemand et le Piémon- Les brigands d'Anne Radcliff. — Un mouchard facile à trouMécompte du gouverneur-général de la Savoie. - Naguère Les hommages regrettés. — M. de Le comte de Ségur, poëte ordinaire de

tais.

ver.

et maintenant, contraste.

Marcadet, ambassadeur.

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la Reine. Son hôpital ambulant. Les romances de M. le comte de Sémonville.

La dent du chat. Une lettre de

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M. de Sémonville. Sa comète. Sa petite boîte de buis et la monture d'Alexandre. Le régime du général Bachelu. - Autre lettre de M. de Sémonville. - Le docteur Pasquier. L'homme qui a signé le plus d'adhésions et prêté le plus de serments. - Un gendre dans chaque parti. Un fils de madame de Staël. dame Doumerc.

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En quittant la France, où les haines de partis et une malveillance exclusivement politique ne pouvaient s'acharner que contre la Reine, je croyais qu'excepté la rencontre de

quelques détachements de troupes ennemies, nous n'avions aucune mauvaise chance à redouter. Toutefois, par précaution, je m'étais munie de trois lettres que j'avais reçues de l'empereur Alexandre; c'était là ma sauvegarde, au cas où j'eusse été arrêtée par des Russes ou par d'autres troupes alliées. Ces lettres étaient celles que j'ai déjà transcrites; elles sont les seules qui me soient restées d'une correspondance assez étendue que j'ai eue avec ce souverain, et qui m'a été prise par les ordres de M. Decazes, d'une manière qui ne fait guère honneur aux bons procédés et aux convenances gardés par sa police. Mon voyage pour rejoindre la Reine s'était passé sans accident; j'avais touché la Suisse, ce pays libre, hospitalier, dont mon imagination avait toujours poétisé le séjour; mais la réception qui venait d'être faite par les Genevois à la Reine avait détruit mon beau rêve, et ne me laissait aucune confiance sur ce qui nous attendait ailleurs.

A peine étions-nous à Aix, qu'un souvenir bienveillant pourtant y accueillit la Reine: M. Finot, qui était encore à Chambéry en qualité de préfet, s'empressa de mettre à ses pieds l'expression de son dévouement, et de

lui faire toutes les offres de services imaginables. La Reine, qui sentait les difficultés de sa position, et combien celle de M, Finot, comme préfet, était précaire, puisque la Savoie allait être enlevée à la France, lui fit dire verbalement par monsieur de Voyna, (qui passait par Chambéry pour se rendre à Paris), qu'elle le remerciait de ses offres obligeantes et de ses bonnes intentions; que le meilleur moyen de la servir était de ne pas venir la voir; mais de lui donner avis s'il s'ourdissait quelque chose contre elle, et d'avoir l'air en même temps de l'oublier entièrement.

Cet oubli, que la Reine réclamait de l'autorité civile qui était encore debout, ne fut point imité par l'autorité sarde qui, s'emparant militairement du pays, dirigeait partout des troupes au nom des souverains alliés. Dès le lendemain de son arrivée à Aix, la Reine recut la visite du maire de la ville; il était accompagné d'un homme de fort mauvaise mine, à la voix rauque, au visage sinistre, qui nous dit être envoyé par le gouverneur-général de toute la province, et se nommer M. le comte de Monti, d'une ancienne famille du

pays. La Reine salua ces messieurs et les fit asseoir; M. de Monti, dont les manières étaient

aussi communes que les traits ignobles et la physionomie repoussante, se hâta de prendre la parole dans un mauvais français que nous avions de la peine à comprendre, mais avec un ton d'impolitesse et d'outrecuidance qui se traduisait de lui-même en toutes les langues. Il annonça à la Reine que le gouverneur-général l'avait chargé d'ordres exprès qui la concernait (la Reine fit un signe de tête équivalent à une adhésion,) qu'il devait la voir tous les jours; (la Reine répéta le même mouvement d'un air résigné); et M. de Monti continua, en ajoutant qu'il devait la voir seule.

A cette singulière notification, nos regards se portèrent avec épouvante sur cette tournure de bandit, qui résumait assez bien, dans un personnage de cette espèce, le type des brigands italiens dont les romans d'Anne Radcliff nous ont peint les allures et le caractère;

je

me crus sous l'influence de quelque vision du château d'Udolphe; et l'idée que la Reine devait recevoir souvent une pareille visite me causait une terreur telle, que j'attendais avec anxiété ce qu'elle allait répondre.

M. de Monti, que personne n'avait interrompu, finit par dire à la Reine, en élevant

fortement la voix, qu'elle était mise sous sa surveillance immédiate.

Ces dernières paroles attirèrent l'attention de M. Appel: habitué qu'il était à ne comprendre que peu de chose aux conversations qui avaient lieu en Français, il n'avait il n'avait presque point prêté l'oreille à ce qui se disait; toutefois il en avait entendu assez de la part de M. de Monti. Il ne fit qu'un saut en quittant sa chaise, et s'élançant sur lui, il l'interpella violemment pour qu'il eût à répéter les expressions dont il venait de se servir. Celui-ci, fort de l'autorité du gouverneur-général, répéta plus brièvement les mêmes choses que M. Appel, dans sa vivacité, lui permit à peine d'achever.

« Surveiller la Reine! s'écria-t-il dans son mauvais français, personne iei n'a le droit de se mêler de ce qui la regarde, que moi !

M. de Monti, dans son baragouin, parlait de la dignité de sa race, de l'importance de ses fonctions, et des pouvoirs sans limites du gouverneur-général dont il était le réprésentant. M. Appel se nomma, en déclarant qu'il était l'aide-de-camp du prince de Schwartzenberg, qui commandait en ce moment toutes les armées des alliés; il ajouta que par le seul fait

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