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il

y a besoin de quelque chose de plus grand que ce misérable monde.

» J'attends ce soir, s'il plaît à Dieu, quel-qu'un à qui je vais parler de vos affaires (1). Je n'ai pu le faire qu'en courant à demain donc. Encore deux mots :

» C'est avec bien de la peine que je trouve un moment, chère amie, mon temps est si occupé que je ne puis plus guère en disposer. La malheureuse madame de Labédoyère m'a occupée tous ces jours-ci; j'ai eu le bonheur de voir son mari mourir comme un véritable chrétien. Sa sainte mort doit réjouir tous les coeurs auxquels il reste une ombre de zèle pour la vrai religion de l'Évangile; elle doit calmer toutes les haines. Ne me mêlant à rien de terrestre, j'ai pu tout franchir, tout dire, et prêcher la repentance et la rémission des péchés par le sang du Sauveur... Oh! que cette mission est belle, c'est elle qui fait régner quand les rois de la terre tremblent. Oh! quand sentirons-nous que tout n'est rien; que Dieu seul est grand, tendre, aimable? que nous resterait-il, si nous n'avions recours à lui? Ah! je en vous conjure, pensez souvent à cela, chère Louise; et re

(4) L'empereur de Russie.

présentez à votre amie, que la religion vivante donne un bonheur au-dessus de tous les bonheurs. J'ai senti depuis des années qu'elle m'était confiée, et sa résistance que j'ai prévue m'a fait de la peine. Ah! dites-lui bien que mon coeur lui est dévoué et désire ardemment son bonheur.

>> Tout va devenir encore plus sombre, on ne peut s'attendre à aucune autre chose qu'à des calamités. C'est à nous à voir si nous voulons être sauvés.

» J'ai revu l'Ange, ou plutot le véritable chrétien (1); il a déjà pensé à ce qui peut convenir à la duchesse, et pris des mesures pour ses fils; il a écrit à son ministre pour le séjour de la duchesse.

>> Je finis ma lettre à la hâte, chère amie, je ne sais encore comment je l'ai écrite, je n'ai pas un moment pour vous embrasser. J'ai dit à Paul (2) de me donner une lettre; il n'écrit pas, mais il est bien. Si vous voyez mon Paul (3), dites-lui mille amitiés.

>> Ecrivez-moi ici encore votre réponse chère, à M. de Vacy.

(1) L'empereur Alexandre.

(2) Boutikim.

(3) Son fils.

>> Paul est revenu hier, rempli d'intérêt pour vous; il veut vous écrire aussi. »

J'aurais donné tout au monde pour avoir l'exaltation religieuse de cette bonne madame de Krüdner, car elle console de tout.

XIX.

Sang-froid de la Reine en présence des événements. — Le premier acte politique de Louis XVIII. Un conseil de Talleyrand. — Les fils Étonnement

Les origines oubliées.

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'de Lannes et de Berthier. et manque de mémoire d'une duchesse de fabrique impériale. — Réponse piquante à une impertinente question. Lettre de M. le baron de Krñdner. — Madame Armand écrit au nom de la prophétesse. - Les nouveaux chrétiens.-Résolution des souverains relativement Curieuse déclaration. La Reine demande à habiter Lettre du préfet de Chambéry.

à la Reine. Prégny.

La Reine, calme et résignée, était loin d'être insensible à tous les chagrins qui l'accablaient; mais, malgré ses douleurs, cela ne l'empêchait pas de juger les événements avec sang-froid, à moins qu'il ne s'agît des malheurs qui frappaient ses amis; elle lisait les infamies qui se publiaient sur le compte de sa famille et sur le sien, avec autant de tranquillité que si c'eût été une ancienne histoire dans laquelle elle au24

III.

rait été parfaitement désintéressée. Un jour, je l'entendis faire une exclamation d'approbation qui me surprit fort. « Voilà qui est bien! me dit-elle, c'est la première action vraiment politique que fait Louis XVIII; je gagerais qu'il a été conseillé par M. de Talleyrand qui connaît la France, et qui sait bien que ce n'est que par des actes pareils que l'on peut se concilier la nation.

-Et qu'a-t-il donc fait? lui demandai - je presque impatientée de lui voir trouver des éloges pour ses ennemis ?

Il vient de rendre une ordonnance relativement à la formation de la Chambre des Pairs, et les fils de Lannes et de Berthier, qui sont en bas âge, y ont été compris. Il fait par là l'amalgame de la nouvelle et de l'ancienne noblesse, et c'est fort habile: de cette manière, il rassure l'armée et calme bien des mécontentements; car, il faut le dire, le plus souvent les hommes ne sont mus que par leurs intérêts; beaucoup de bonapartistes se rallieront à lui lorsqu'ils verront qu'on ne repousse pas tout ce qui est des leurs. Le Roi a tout à gagner à cela. Les enfants de cette nouvelle noblesse qu'il adopte, qu'il classe parmi l'ancienne, seront élevés dans les idées du corps

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