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pouvant se douter d'un pareil procédé ; seulement elle me disait :

«Ma lettre à mon frère était bien mal écrite; il y avait peut-être quelques fautes, car j'étais si fatiguée que je ne l'ai pas relue, et je suis toute honteuse de penser qu'on ait vu une lettre de moi si peu soignée. » Nous n'apprêmes que plus tard tout le parti qu'on avait tiré de cette lettre.

VI.

Le Champ-de-Mai. -Les cardinaux de Bayonne et de Cambacérès.

Les évêques de Nanci, de Versailles, de
Enthousiasme du peuple et de

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L'archevêque de Tours. Parme, de Liége et de Meaux. l'armée. Les princes d'Essling et de la Moskowa; les ducs de Dantzick, de Valmy, de Conegliano; le maréchal Serrurier. - Les princes Lucien, Joseph et Jérôme.-M. Dubois, député. — Adresse des représentants. La constitution proclamée. - Allocution de l'Empereur à l'armée et aux gardes nationaux. Distribution des aigles.- La Reine et ses deux fils au Champ-de-Mars. Son album. Fatales prévisions. Les lettres de Boutikim. - Mots dictés par l'empereur Alexandre. Ses anciens et ses nouveaux sentiments. Opinion du duc de Vicence.- Ouverture des Chambres. – Madame, mère de l'Empereur. -- Le beau jeune homme et le mot d'une royaliste. - Discours de Napoléon. La duchesse de Mouchy et le monstre.

Le 1er de juin était le jour fixé pour la cérémonie appelée le Champ-de-Mai (1); les

(1) Voici la relation officielle du gouvernement :

« Aujourd'hui 1er juin, dès la pointe du jour, le canon des Invalides a annoncé la solennité du Champ-de-Mai, par des salves qu'ont répétées

préparatifs en avaient été faits avec faste et grandeur au Champ-de-Mars.

La Reine se rendit à cette cérémonie avec ses deux fils; des places leur avaient été destinées dans une tribune construite derrière le

le fort de Vincennes et l'artillerie placée sur toutes les hauteurs de Paris. A peine était-il huit heures, que déjà toutes les rues qui conduisent au Champ-de-Mars et toutes les avenues de l'École-Militaire étaient remplies d'une foule immense, attirée par le désir d'assister à cette imposante cérémonie. Les troupes de ligne et la garde nationale, rassemblées devant leurs casernes et sur les places publiques, se mettaient de toutes parts en marche, tandis que les colléges électoraux des départements et les députations des armées de terre et de mer se rendaient dans le local qui avait été construit pour leur réunion, sur le terrain de l'École-Militaire faisant face au Champ-de-Mars.

» A neuf heures, ce vaste cirque était rempli dans toute son étendue : les députations de l'armée occupaient l'extrême droite et l'extrême gauche, et les colléges électoraux se trouvaient placés au centre, c'està-dire en face du trône de l'Empereur.

>> Cette assemblée nationale, où dix-huit à vingt mille personnes étaient assises, rappelait les immenses amphithéâtres où se réunissait le peuple romain dans les grands jours de fête. Ce qui ajoutait à la beauté du coup d'œil, c'était cette multitude d'aigles tricolores, destinées aux armées et aux gardes nationales, qui bordaient entièrement l'enceinte extérieure. Le mélange de l'or, de l'argent et des couleurs produisait l'effet le plus pittoresque. On apercevait vis-à-vis le trône un autel d'une forme élégante et simple, sur les marches duquel se trouvaient un grand nombre de prélats; on remarquait parmi eux les cardinaux de Bayonne et de Cambacérès, l'archevêque de Tours, les évêques de Nanci, de Versailles, de Parme, de Liége et de Meaux, etc., etc.

>> Tandis que cette assemblée se formait dans le plus grand ordre, vingt mille hommes d'infanterie de ligne et trente mille de gardes nationales, rassemblés dans la plus magnifique tenue, se mettaient en

fauteuil de l'Empereur. En face du trône on avait élevé un autel où l'on devait bénir les drapeaux; les aigles nouvelles que l'Empereur allait distribuer à son armée étaient portées par des officiers rangés près de l'estrade où il était. Tous les colonels, tous

bataille au milieu du Champ-de-Mars, et les tertres qui l'environnaient se couvraient de la population entière de Paris.

» A onze heures, le canon des Tuileries a annoncé le départ de Sa Majesté. Au premier coup qui s'était fait entendre, le cri de Vive l'Empereur! a éclaté de toutes parts ; et les acclamations du peuple, répétées par l'armée, se sont bientôt confondues depuis l'École-Militaire jusqu'aux bords de la Seine.

» A midi, l'artillerie de l'Esplanade des Invalides a fait connaître que l'Empereur approchait; les tambours ont battu aux champs; le cortége de Sa Majesté était composé d'un grand nombre de voitures, et il était précédé et suivi d'une nombreuse et brillante cavalerie.

>> A midi, les pages, les chambellans, les officiers d'ordonnance, les aides de camp de l'Empereur se sont groupés sur les marches du trône; les ministres, les maréchaux de l'empire, les grands-officiers, parmi lesquels on remarquait les princes d'Essling et de la Moskowa, les ducs de Dantzick, de Valmy, de Conegliano, et le maréchal Serrurier se sont placés dans les tribunes à côté du trône. L'Empereur était accompagné de ses trois frères, les princes Joseph, Lucien et Jérôme; les princes Joseph et Jérôme ont pris place à droite de l'Empereur, et le prince Lucien à gauche. Sa Majesté était vêtue d'une tunique et d'un manteau de velours incarnat; les princes, ses frères, portaient une tunique et un manteau de velours blanc brodé en or. Dès que l'Empereur a paru sur l'estrade, les vingt mille personnes qui formaient l'assemblée se sont levées spontanément; les trois cents officiers portant les aigles ont agité les drapeaux dans les airs, aux cris mille fois répétés de Vive l'Empereur! vive la nation!

» Sa Majesté ayant pris place sur son trône, la messe a été célébrée

les généraux, tous les députés se trouvaient réunis. C'était une nouvelle élection impériale que le peuple et l'armée faisaient du souverain. Aussi l'allégresse paraissait-elle universelle, du moins dans la foule. Mais tous ceux qui faisaient partie de cette représentation

par S. Em. le cardinal Cambacérès. Après l'office divin, l'assemblée centrale, composée de cinq membres de chaque collége électoral, a été conduite par le grand-maître des cérémonies sur les marches du trône. M. Dubois, député de Maine-et-Loire, a lu d'une voix forte l'adresse suivante, è, que l'assemblée nationale, réunie au Champ-de-Mai, a votée à l'Empereur :

« SIRE,

» Le peuple français vous avait décerné la couronne, vous l'avez déposée sans son aveu ; ses suffrages viennent de vous imposer le devoir de la reprendre un contrat nouveau s'est formé entre la nation et Votre Majesté. Rassemblés de tous les points de l'empire autour des tables de la loi où nous venons inscrire le vœu du peuple, ce vou, seule source légitime du pouvoir, il nous est impossible de ne pas faire retentir la voix de la France, dont nous sommes les organes immédiats, de ne pas dire en présence de l'Europe, au chef auguste de la nation, ce qu'elle attend de lui, et ce qu'il doit attendre d'elle. Nos paroles sont graves, comme les circonstances qui les inspirsent. Que veut la ligue de rois alliés, avec cet appareil de guerre dont elle épouvante l'Europe et afflige l'humanité ?

» Par quel acte, par quelle violation avons-nous provoqué leur vengeance, motivé leur agression?

» Avons-nous, depuis la paix, essayé de leur donner des lois ? Nous voulons seulement faire et suivre celles qui s'adaptent à nos mœurs.

» Nous ne voulons point du chef que veulent pour nous nos ennemis, et nous voulons celui dont ils ne veulent pas.

>> Ils osent vous proserire personnellement, vous, Sire, qui, maître

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