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» Le Saint-Père accueillit cette pensée avec une satisfaction extraordinaire >> et la fit sienne en la fécondant par les observations les plus sages. Une » épreuve de l'article destiné à la Civiltà Lui ayant été présentée ensuite, il » l'approuva entièrement, sauf quelques légères modifications par-ci par-là. » En attendant, Il établit une nouvelle Congrégation de théologiens sous la >> présidence de S. Em. le cardinal Fornari, afin qu'on recherchât avec zèle » les monuments qui attestent la définibilité de ce mystère, et qu'on entre>> prît en même temps d'examiner les erreurs actuelles qui, par leur étroite » liaison avec le dogme du péché originel, présentent une nouvelle preuve » d'opportunité, quant à la définition tant désirée. En conséquence on dressa » une liste de questions ou de points principaux auxquels pussent être rap» portées les erreurs qui dominent dans les diverses parties de l'Europe.

» Cette liste, conformément aux intentions de Sa Sainteté, fut imprimée » par nous et envoyée, avec une lettre du cardinal Fornari, à beaucoup de » personnes renommées, capables de fournir des lumières sur les mauvaises » doctrines les plus répandues dans leurs pays respectifs. Notre article plut universel!ement; il fut imprimé à part en Toscane et en Piémont; plusieurs » journaux le reproduisirent entièrement ou en résumé, et nous en avons vu >> deux traductions anglaises, deux françaises (G), une allemande et une espagnole. Nous eûmes ainsi la joie de voir la Civiltà cattolica contribuer » pour ainsi dire dès sa naissance, aux gloires de la Bienheureuse Vierge et de » son privilége spécial, lequel, par une ancienne tradition, fut toujours aimé » singulièrement et défendu avec un zèle actif dans notre Compagnie 1 (H). » Les opinions politiques de la Civiltà cattolica, en fait de pouvoir et de gouvernement, ont donné lieu à des reproches et à un mécontentement, dont les estimables rédacteurs conviennent que l'effet dure toujours. De là vient,

1

(G) L'article dont parle ici la Civiltà a été reproduit par les Annales, t. v, p. 372 (4a série).

1 Memor., p. XLV et XVI.

(H) Le Journal de Bruxelles supprime ici le paragraphe suivant qui se trouve dans le Journal de Liége:

« L'article de la Civiltà cattolica, dont il est question dans ce passage, fut recommandé à notre attention par une lettre du R. P. Calvetti, en date du 23 février 1852. Mais à cette époque, le journal romain qui aurait dû nous arriver dès le commencement en échange du nôtre, né nous était guère connu que de nom, et jusqu'aujourd'hui même nous n'avons pas reçu la livraison 46, qui contient l'article. Quant à la liste des questions à résoudre, on nous a fait l'honneur de nous l'adresser au mois de juin 1852, et nous y avons fait une double réponse, sans connaître alors le but spécial qu'on avait eu en proposant ces questions. >>

selon eux, que, tandis qu'ils comptent quelques dizaines d'abonnés dans l'Ecosse puritaine, ils n'en ont que trois ou quatre dans la catholique Irlande. Aussi ne cachent-ils pas que, s'ils avaient pu prévoir un semblable résultat, ils n'auraient pas touché cette matière 1. Du reste, voici comment ils s'expliquent et quelle est leur doctrine sur cette question :

« Un principe fixe pour nous, c'est que les gouvernements monarchiques, aristocratiques ou populaires, sont tous non-seulement possibles selon la » Raison, mais qu'il faut les respecter et leur obéir, s'ils sont légitimement >> établis; qu'en conséquence c'est une égale trahison de se révolter contre une » république pour la remettre entre les mains d'un seul chef, et de s'insur»ger contre un monarque pour se gouverner d'après la voix du peuple. Que >> si nous avons longuement raisonné contre les chartes modernes, il n'en faut » pas conclure que nous désapprouvions les Chambres et les Parlements, con>> sidérés comme tempérament du gouvernement monarchique.

>> Nous avons fait observer à différentes reprises que la monarchie, tem» pérée par des assemblées électives, peut être la forme la plus convenable, > mais que, pour être telle, elle doit être pure des principes hétérodoxes de l'indépendance de la Raison, sur lesquelles s'appuient de fait les nouvelles » constitutions de l'Europe.

>> C'est uniquement à ces principes que nous avons fait la guerre dans nos » écrits touchant la question sociale, et nous croyons l'avoir fait de telle manière que tous les catholiques, quelles que soient leurs opinions en matière » de pure politique, doivent être d'accord avec nous; puisque sans nous faire » juges de la convenance ou de l'opportunité de telle ou telle forme de gou» vernement, chose que nous abandonnons au jugement des hommes qui sont >> plus versés que nous dans les affaires civiles, nous tâchons de nous élever à » la connaissance du droit naturel et divin et d'en déduire les conséquences >> pratiques, en nous laissant diriger par le fil de la logique 2. »

(Extrait du Bien Public, qui l'a extrait du n° de janvier 1855 (t. xxi, p. 428), du Journal historique de Liége.)

QUELQUES OBSERVATIONS.

Après avoir lu tout l'article du Journal de Bruxelles, répéton ici le démenti formel qui lui est donné par le Journal officiel de Rome:

« Pour qu'il n'y ait pas de doute sur l'erreur dans laquelle est tombé le » Bien Public, dans un long article qu'a reproduit le Journal de Bruxelles, » sous la date du 17 courant, n° 16, nous sommes autorisés à déclarer que

1 Memor., p. LVI.

Memor., P. XII.

» SA SAINTETÉ, au milieu des soins importants de son suprême ministère, » s'occupe à bien autre chose qu'à donner des inspirations aux journaux. » Ainsi tombe et doit être tenu COMME FAUX tout ce qui a été dit avec » détail à ce sujet dans l'article en question. ».

On voit que ce démenti porte essentiellement sur l'assertion, ou l'insinuation que S. S. Pie IX donne une direction à la rédaction de la Civiltà cattolica. C'était un devoir pour les journaux catholiques de reproduire cette déclaration du journal romain. Aussi, le Journal de Bruxelles n'a pas manqué de le faire, ainsi que le Bien Public de Gand, qui a fait remarquer que c'est au Journal historique de M. Kersten qu'il avait emprunté cet article. Mais nous sommes encore à attendre que M. Kersten enregistre cette déclaration. La Civiltà cattolica, non plus, n'a pas jugé à propos de rétracter l'assertion si hasardée qu'elle avait émise, tout à son avantage, dans ses Memorie. Et ainsi ses lecteurs pourront continuer à croire ce qu'elle avait avancé si témérairement.

Nous faisons observer, avec une certaine consolation, que ce sont les mêmes Revues qui, ayant émis des assertions inexactes contre les Annales de philosophie, n'ont pas voulu admettre de rectification. La Civiltà devait encore aux Annales, en cette circonstance, d'avertir qu'elle avait induit ses lecteurs en erreur en avançant que le S. Père n'avait pas dédaigné de lui suggérer les matières à traiter et la polémique à engager. Nos lecteurs savent maintenant que cela est loin de la vérité. Et à ce propos, et aussi pour d'autres publications et d'autres circonstances, il nous semble que c'est mal servir le Saint-Siége, que de supposer toujours que l'on n'agit que par son ordre, que c'est lui qui parle quand on parle soi-même, et que c'est lui que l'on attaque, quand on est attaqué pour des opinions toutes particulières. Il nous semble qu'il serait bien plus avantageux, bien plus vrai, bien plus filial, de se présenter seul, et quand il y a quelque coup qui menace, ou quelque trait qui est lancé, de ne pas dire, c'est l'Église que vous attaquez; mais de faire comme Nisus, de se découvrir et de dire: c'est moi, c'est moi seul qui ai parlé, et sur qui vous devez diriger vos coups:

Me me adsum qui feci, in me convertite ferrum.
(En. ix, 427.)

2. Une autre observation que nous devons faire, c'est de féliciter la Civiltà cattolica du grand succès de sa publication; avoir 11,318 abonnés dans la seule Italie; cela prouve qu'il y a encore d'immenses ressources dans les esprits italiens si agités en ce moment. Il y a là un espoir fondé de pouvoir convertir toute la génération actuelle. Mais nous le disons à la Civiltà, ce ne sera pas, quand les esprits demandent d'où leur viennent les vérités de dogme et de morale, de leur répondre que l'homme seul et sans aide (aidé pourtant de sa nourrice), peut voir le soleil quand il fait jour, (vérité concrète), ou savoir que 2 et 2 font 4 (vérité abstraite); ce ne sera pas non plus en lui enseignant que la parole n'est pas nécessaire pour le premier développement des idées religieuses et morales; ces vérités ou sont inutiles ou sont dangereuses; mais ce sera de leur prouver que l'homme « n'a pas inventé les vérités » qu'il est obligé de croire, et les préceptes qu'il est obligé de pra>>tiquer. » Voilà ce qui mettra fin aux doutes, et ce qui conservera les esprits dans les croyances de cette Église qui s'élève brillante et majestueuse, au milieu de la belle Italie, et auprès de laquelle l'Italien passe comme un étranger, ou comme s'il se devait à luimême les croyances qu'il possède. Et à ce propos, nous croyons que si la Civiltà voulait bien reproduire le beau travail de M. de Rougemont que nous publions dans ce cahier des Annales, elle donnerait sur l'origine de la vérité, sur la nécessité de la Révélation et de l'Église, plus de notions profitables que n'en renferment tous les articles qu'elle a déjà publiés sur la force de la Raison humaine. Elle poserait ainsi les bases véritables d'un accord solide et non compromettant, entre la science et la foi. C'est à cet accord que nous donnons la main, et non à celui qui, posant des principes rationalistes, se contente de quelques conclusions catholiques plus ou moins sincères, comme nous en voyons tant autour de nous.

A. B.

Polémique philosophique.

EXAMEN DU LIVRE INTITULÉ
LE DEVOIR

PAR M. JULES SIMON,

ANCIEN MAÎTRE DES CONFÉRENCES DE PHILosophie a l'École normale. (3o article 1.)

DE L'IDÉE DE LA JUSTICE EN TANT QUE RÈGLE morale. Nous avons vu dans l'article précédent que la règle morale ne doit pas se demander aux idées de la Raison. Nous avons prouvé d'une manière péremptoire, nous l'espérons du moins, que les idées de la Raison ne sont point innées, universelles, nécessaires, absolues; que, lors même qu'elles posséderaient ces caractères, elles ne seraient pas pour cela la règle une, fixe, immobile, et surtout la règle réelle qui nous a été donnée pour nous conduire et nous guider. Nous pourrions donc clore ici la discussion, et nous en aurions dit assez pour renverser de fond en comble la théorie de M. Simon, et même de tous ceux qui vont chercher dans la Raison la règle morale. Mais la vérité gagne toujours à ce que l'on fasse briller tous ses avantages; et l'erreur perd en proportion des vices que l'on y découvre, comme la vie s'échappe plus vite à mesure que le sang trouve plus de voies pour s'écouler. Nous poursuivrons donc la théorie de M. Simon jusqu'au bout. Nous espérons que nos lecteurs trouveront dans le spectacle de plus en plus frappant du triomphe de la vérité, un dédommagement aux instants qu'ils auront accordés à cette lecture.

On se rappelle que M. Simon prétend trouver la règle de nos actions dans les idées de notre Raison. Il nous reste à savoir de lui quelle idée, de toutes les idées de la Raison, aura l'heureux privilége de commander à l'homme et de s'imposer à ses respects.

Or, nous dit M. Simon, « le maître de la passion et de la vie

1 Voir le 2 article au no précédent, ci-dessus p. 133.

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