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à cette époque parmi ces peuples; il dit comment les Toltèques surent en prendre avantage, et les ruses qu'ils mirent en œuvre, pour se rendre d'abord maîtres de Cholollan, puis de la plupart de leurs autres villes, où ils fondèrent leur puissance.

Telle est l'analyse succincte du Codex Gondra, qui ajoute quelques pages intéressantes à l'histoire primitive des peuples civilisés de l'Amérique septentrionale et remplit une lacune, dont le vide eût été vivement senti1. Un autre avantage qu'en retire l'histoire, c'est que ce manuscrit démontre d'une manière palpable, par la nomenclature des lieux parcourus par les Toltèques, dans leur émigration vers le plateau aztèque, qu'ils ne pouvaient être venus que de la Tulha, dont les ruines gisent près d'Ococingo. L'abbé BRASSEUR DE BOURBOURG.

Je ne parle pas dans cette analyse de quelques autres pages détachées qui appartiennent au même MS, mais avec l'ensemble duquel elles n'ont aucun rapport. Ce sont quelques détails sur la marche que les Mexicains suivirent avant que d'arriver à se fixer dans la lagune de Tenochtitlan, mais ces pages étant incomplètes, n'offrent pas grand intérêt.

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Ive SÉRIE TOME XI.

N° 65;1855. (50° vol. de la coll.) 22

Polémique philosophique.

EXAMEN DU LIVRE INTITULÉ
LE DEVOIR

PAR M. JULES SIMON,

ANCIEN MAÎTRE DES CONFÉRENCES DE Philosophie a l'École normALE. (5o et dernier article 1.)

IV. CRITIQUE DU SYSTÈME THÉOLOGIQUE PAR M. SIMON.

Comment M. Simon critique le système théologique, qui pose Dieu pour seule base légitime de la morale. -Ce système ne contredit aucun devoir et les consolide tous. La volonté divine et le précepte divin sont l'unique fondement solide de la morale.

La Vérité est une; et voilà pourquoi tous les rayons qu'elle envoie frapper l'œil de notre intelligence, forment une gerbe lumineuse où tout se tient et s'enchaîne, comme les rayons du soleil répandus dans l'atmosphère. Oui, toutes les vérités se tiennent; vous ne pouvez en toucher une que l'ébranlement ne se prolonge, par une subite et secrète ondulation, à toutes les autres. L'œil peut perdre de vue quelques-unes de ces ondes, mais elles n'en existent pas moins. L'ensemble des vérités peut donc se comparer à un vaste réseau dont on ne saurait détacher une maille, sans qu'il en tombe à l'instant plusieurs autres, et qu'il n'y ait un égal danger pour le reste. C'est pour cela que l'œuvre de l'erreur est si funeste; car jamais elle n'attaque une vérité seule. L'impitoyable logique, qui n'est en cela que la main de la nécessité, ou plutôt que la main de Dieu, la pousse malgré elle de négation en négation, jusqu'à ce qu'effrayée de la destruction qui se fait autour d'elle, elle se sente obligée de suspendre sa marche dévastatrice. Telle est l'histoire de toutes les erreurs qui ont passé sur le monde, qu'elles fussent de bonne foi, ou qu'elles eussent pris l'infâme dessein de séduire les

1 Voir le 4 article au numéro précédent ci-dessus, p. 267.

généraitons humaines. Mais, outre ces négations avouées, l'œil scrutateur du philosophe marque la place de leurs pas, si la vue du précipice ou la crainte de se perdre aux yeux des hommes ne les eussent heureusement retenues.

Nous nous plaisons à reconnaître la bonne foi de M. Simon, mais si la bonne foi retient les intelligences sur le penchant de l'erreur, elle n'empêche pas la logique de faire son œuvre. Or, la logique nous a montré, non-seulement que la théorie de M. Simon est fausse, mais qu'elle est incomplète, mais qu'elle conduit à la négation des devoirs religieux, et des devoirs de l'homme envers soimême, et au rejet des devoirs de charité, ou, en les transformant en devoirs de justice, au plus vaste Socialisme qui fut jamais; enfin, qu'en détruisant le Conseil elle écrase l'homme sous un joug insupportable, le désespère, et par suite le conduit à s'insurger contre toute loi morale. C'est un nouvel exemple de l'enchaînement des vérités entre elles, et de l'impossibilté d'en ébranler une sans ébranler les autres; car, une fois la morale rendue impraticable à l'homme, quelle vérité une logique rigoureuse laisserait-elle debout?

Mais à toutes ces objections M. Simon peut faire une réponse qui pourrait jeter le trouble dans quelques intelligences. Il pourrait dire que la Justice n'étant autre chose que Dieu même, et l'idée de la Justice que Dieu aperçu sous le rapport de sa justice infinie1, rejeter la Justice comme fondement de la morale, c'est prétendre que Dieu ne peut pas être la source des devoirs; il pourrait dire que la justice peut être et est effectivement obligatoire; et que si l'on reconnaît à Dieu une autorité suprême sur notre activité, on doit par conséquent reconnaître le même pouvoir à la Justice.

Nous devons enlever à M. Simon ce dernier refuge, s'il est tenté d'y avoir recours. Une telle réponse ne serait, en effet, de sa part qu'une flagrante contradiction. Nous en trouvons la preuve dans le jugement qu'il porte sur ce qu'il appelle le système théologique, c'est-à-dire sur l'opinion de ceux qui placent Dieu comme la seule base légitime de la morale. Mais pour expliquer ceci, reprenons les choses de plus haut.

1 Le Devoir, p. 267, 204.

M. Simon range en trois classes les systèmes opposés au sien. Il y a le système théologique, qui consiste à chercher la justice « dans » la contemplation de la nature ou de la volonté divine. » Il y a le système de la nature qui cherche a à expliquer la justice par l'ordre » qui règne dans l'univers. Enfin d'autres systèmes « l'ont cher>chée seulement dans l'étude attentive de la nature humaine. Mais > parmi eux les uns ont étudié l'homme dans l'histoire, et les autres » dans la conscience : C'est le système historique et le système psy» chologique 1. »

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Nous n'avons pas à voir si cette classification est complète ou non, quoiqu'il fût facile de citer tel et tel système qui ne rentrent pas dans les trois catégories de M. Simon. Nous partageons pleinement la critique de M. Simon sur le système de la nature et les systèmes historique et psychologique 2. Il s'agit ici de suivre la critique qu'il a portée sur le système théologique.

Nous diviserons en trois classes, dit-il, les philosophes qui se rattachent à ce système, savoir: Ceux qui font dépendre les lois de la morale, de la volonté indifférente de Dieu, ce qui revient à dire que, si Dieu l'avait voulu, le bien serait le mal, et le mai serait le bien; Ceux qui font dépendre les lois de la morale de la nature de Dieu; Et les mystiques.

Nous accordons volontiers à M. Simon sa critique des philosophes de la première classe, quoique son argumentation contre eux laisse beaucoup à désirer, et ne soit pas décisive, comme il semble le croire. Mais nous ne pouvons manquer à faire nos réserves contre une phrase beaucoup trop absolue à notre avis: « Sans doute, on » peut concevoir deux ordres de prescriptions divines; le premier dépendant de la nature de Dieu, et qui constitue la loi naturelle, la loi morale proprement dile; le second dépendant uniquement » de la volonté de Dieu, et qui est la forme même du culte par le» quel il veut être honoré ".» M. Simon, dans cette phsase, tombe dans l'erreur de presque tous nos modernes philosophes depuis Kaut il exagère la nécessité et l'immutabilité de la loi morale.

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Ignore-t-il donc que dans la loi morale proprement dite il y a deux parties profondément distinctes : l'une absolument nécessaire, immuable, et qui forme ce que les jurisconsultes ont appelé le droit primuire; l'autre d'une nécessité conditionnelle, hypothétique et subordonnée à tel ou tel fait, à tel ou tel état de choses dépendant uniquement de la libre volonté de Dieu, et qu'on a appelée le droit secondaire?

Passons aux philosophes a qui attribuent la vérité morale non » à la volonté de Dieu, mais à sa nature. » Pour ceux-là, voici ce qu'en dit M. Simon :

«Ils ont sans doute raison en principe, et on ne peut se dissimuler que Dieu étant la justice par essence, c'est en Dieu seul qu'il faudrait étudier la justice, si cette entreprise ne dépassait pas les forces de l'humanité. Mais il faut bien, en tout, tenir compte du possible, et le dogme de l'incompréhensibilité divine met un éternel obstacle à ce que nous puissions tirer l'explication des lois morales de la contemplation de la nature de Dieu. >>

A la suite de ces paroles vient une sage explication de l'incompréhensibilité divine, à part quelques expressions et propositions rationalistes que nous ne saurions adopter,

Prenons acte, d'abord, de cet aveu formel de M. Simon : ils ont sans doute raison en principe. Cet aveu est la ruine totale de sa théórie. Si les philosophes théologiens ont raison en principe, donc c'est la nature de Dieu qui est la source, le principe, le seul principe de l'obligation morale. Donc M. Simon a en tort de remonter au droit pour en conclure le devoir, de placer le droit humain à la tête de nos obligations 2. Il fallait aller chercher le principe de l'obligation morale dans la nature de Dieu, et non pas dans une vaine abstraction comme l'idée de la justice. Sans doute, surgira après cela la question de savoir à quoi nous oblige la nature de Dieu, et de connaître le signe, la règle, le critérium qui doit nous manifester nos devoirs. Alors on pourra prétexter l'incompréhensibilité divine, et prétendre que la nature de Dieu, fondement et principe de nos devoirs, ne peut nous servir de signe pour les con

Le Devoir, p. 289, 290, 291 et 292.

2 Ibid., p. 252, 253, 254, 256 et 264.

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