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* jours en rapport avec les progrès que l'esprit public lui fait faire; loin d'être découragés par leurs défaites, ou consternés par la découverte de leurs complots, ils trouvent dans leur honte et dans leur rage de nouvelles forces, de nouvelles ressources; à mesure qu'ils perdent du terrain, ils se rallient, ils doublent les rangs autour de ce qui leur reste à défendre; en sorte qu'on pourroit prédire que la dernière victoire que nous remporterons sur eux sera celle qui nous coûtera le plus cher.

Il est des momens où l'on ne sauroit envisager, sans frémir pour eux, les dangers qu'ils sèment autour de nous, et où leur courage étonne ceux même qui en détestent l'objet. Nous venons de sortir fort heureusement d'une crise dont le travail et les douleurs pouvoient se reproduire encore, parce que les différens germes de discorde et de guerre ont été plutôt étouffés qu'extirpés. La méche étoit allumée sur un baril de poudre, selon l'expression d'un monstre social (1). La poudre a été mise à l'écart, mais la mêche fume

encore.

Les contre révolutionnaires avoient formé un complot, dont voici les principales bases. 19. Jeter le désordre dans les régimens, les armer contre les gardes nationales du royaume. 2o. Forcer l'armée à se débander, afin que les soldats, gagnés par l'aristocratie, pussent se rendre à Paris ou dans les environs, et pour cet effet, cesser, dès la première circonstance favorable, le payement des troupes. 3°. Soulever la portion souffrante du peuple de Paris contre l'assemblée nationale. 4°. Faire lancer au même moment par

(1) L'allé Maury, député du clergé de Pèrore et prédicateur du roi. C'est ainsi qu'il désignoit la motion de dom Gerle sur la religion catholique, et cela sur la terrasse des Tuileries, à haute voix, en plein jour.

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le châtelet des décrets de prise de corps contre les membres les plus distingués du bon parti, afin de les présenter au peuple sous le jour le plus odieux, et de jeter, par leur mort, la terreur chez tous les patriotes.

L'exécution de ce plan se snivoit par tout avec une ardeur, un secret, une tenue capables de leur en faire espérer la réussite. A Lille, quatre régimens formant la garnison, avoient été mis en guerre ouverte entr'eux, par les soins des sieurs de Livarot et Noyelles.

Oa apprit ici, avec autant de douleur que d'alarme, que les régimens de la Couronne et de Royal-des-Vaisseaux, provoqués par les chasseurs de Normandie et de Colonel Général, avoient fait feu les uns sur les autres, par pelotons, dans tous les quartiers de Lille, pendant la journée du 8 avril; qu'ils s'étoient rangés en bataille vers le soir, sur deux places différentes, s'attendant réciproquement, pour engager une action générale; que les chasseurs de Normandie et Golonel-Général s'étoient réfugiés dans la citadelle avec de Livarot, qui avoit sur le champ expédié l'ordre aux deux autres régimens de sortir de la ville; enfin, que la garde nationale s'étoit emparée des portes, afin de conserver deux régimens dont le patriotisme n'étoit pas douteux.

Cet événement, qu'il étoit possible de prévoir et de prévenir, d'après la dénonciation que nous avions faite ci-devant des manoeuvres employées pour jeter le désordre dans la garnison de Lille (1), fit briller de joie les visages des aristocrates, réchauffa leur audace.

Dès

que cette nouvelle est suffisamment répandue, M. Necker écrit à l'assemblée nationale, pour lui demander d'être autorisé de faire un emprunt 40 millions à la caisse d'escompte, pour sub

de

(1)ide n°. 36, page 20.

venir au service d'avril et de mai: le ministre adoré vouloit un refus sec, qui lui donat un prétexte pour interrompre le cours du payement de l'armée, et pour suspendre, tout d'un coup, le jeu de la machine politique.

En même temps les aristocrates jetoient sur le pavé tous les domestiques dont ils pouvoient absolument se passer, et même ceux qui leur étoie t nécessites; ils refuso.ent de payer leurs dettes les plus légitimes, en se jouant, prune fausse commisération, des ouvriers ou des fourni seurs, leurs créanciers. D'exécrables fibiles étoient de nouveau, ou mis au jour, ou réimprimés et di tribués publiquement à un peuple avide de tout sayoir, et que l'on croit facile à égarer.

Enfin, et pour mettre en jeu le quatrième ressort, le chatelet procédoit a une inforn.ation sur l'affaire depuis si long-temps négiée, du 6octobre; et ce qui surprendra, sans doute, c'éto't Mirabeau le vicomte et ses adhérens, dout on recevoit les dépositions.

Tel étoit l'état des choses, lorsqu'un député, aussi indiscret que bien intentionné, proposa, pour arrêter les laches calomnies dont on noircissoit l'assemblée nationale, au sujet de la religion, de déciéter que le culte catholique seroit le culte

national.

Le danger d'une telle motion n'étoit pas seulement dans ses propres vices, mais encore dans les circonstances où elle éto't présentée; non-seulement elle tendoit à faire décréter par l'assemblée ce qui n'est pas dans son pouvoir, ce qui est au-dessus de son pouvoir; mais elle pouvoit mettre le fer à la main à des catholiques peu éclairés, contre leurs frères, qui n'ont pas une croyance aussi orthodoxe.

On venoit d'. fficher dans le Languedoc ce placard incendiaire. « L'infame assemblée nationale vient de mettre le comble à ses fortfaits, en nommant un protestant pour la présider ». Et ce

placard avoit été soutenu par l'assassinat de quatre à cinq protestans, afin de joindre l'exemple au précepte. La motion de dom Gerle, et le parti que Tassemblée nationale prendroit à cet égard, pouvoient donc être de la plus dangereuse conséquence. Les aristocrates de l'assemblée nationale et leurs adhérens, crurent ce moment favorable pour faire éclater leur complot, pour jeter le trouble dans toute la France, pour commencer une scission qui pût bientôt être suivie de la dissolution de l'assemblée nationale.

Les diverses branches du plan de contre-révolution n'étoient pourtant pas encore assez fortes. La mésintelligence n'avoient point éclaté dans les garnisons de Douai, de Metz, de Strasbourg, et autres; la demande des 40 millions à emprunter à la caisse d'escompte étoit renvoyée au comité des finances; le peuple souffroit sans se plaindre; on espéroit dans les prochains arrangemens de finances dont on s'occupoit; la procédure du chatelet n'étoit pas en état d'être décrétée: mais les contre-révolutionnaires ne doutoient pas que la chaleur d'une querelle de religion ne murit toutà-coup leurs dispositions.

Les aristocrates ecclésiastiques s'assemblèrent lundi soir dans l'église des Capucins Saint Honoré, avec Cazalès, d'Eprémesnil, Virieu, Montlausier, Mirabeau le vicomte, et autres mauvais citoyens, à qui il ne manquoit, pour les mettre de nveau à ce que tous les siècles ont produit d'hommes pervers, que de couvrir leurs infàmes projets du voile de la religion.

:

Là, Montlausier prononça un discours dans lequel il établit le plan qu'on devoit suivre dans la séance du lendemain demander que la religion catho ique fùt déclarée religion nationale exclusive; que les biens du clergé fussent uniquement con sacrés à l'entretien de cet établissement national: et, dans le cas où ce parti seroit rejeté par les patriotes, faire une protestation contre le dé

cret, et la porter au roi, pour la lui faire sanc

tionner.

Là, Maury osa dire que si le roi avoit la pusillanimité de ne pas sanctionner leur protestation, il faudroit la faire imprimer sur le champ, et la répandre dans les rues, afin de faire connoître au peuple qu'il étoit gouverné par un imbécille de roi qui ne maintenoit pas le culte de ses pères.

Là, les patriotes de l'assemblée nationale furent traités, par ceux même qui avoient déposé le matin au châtelet, ou qui devoient déposer le lendemain, d'assassins, de régicides, de brigands qui avoient

voulu tuer la reine.

Là, fut faite et signée la protestation, ou déclaration de foi des aristocrates; là, ils prirent la résolution de se rendre à l'assemblée le lendemain, armés, et habillés de manière à pouvoir se présenter chez le roi, dans le cas où il faudroit faire usage de la protestation.

Dans le même moment, l'on apprenoit que les deux régimens qui s'étoient retirés dans la citadelle de Lille reconnoissoient l'erreur où les avoient jetés les manoeuvres scélérates de leurs chefs; qu'ils avoient écrit à la municipalité de Lille, et au ministre de la guerre, pour déclarer qu'ils avoient arrêté et constitué prisonnier dans la citadelle le sieur de Livarot; qu'ils professoient hautement qu'il auroit déjà expié ses crimes, si sa mort ne devoit pas être l'ouvrage des loix; que les soldats qui avoient été blessés avoient déclaré en mourant que l'on avoit affiché dans leurs quartiers ces mots : Notre roi est prisonnier à Paris; allons le délivrer; qu'on leur avoit distribué de l'argent; qu'on avoit payé la dépense qu'ils faisoient dans les cabarets, etc. Le repentir des chasseurs de Lorraine et du régiment de Colonel-Général; la facilité avec laquelle ils s'étoient apperçus qu'on les avoit trompés; enfin, la vigoureuse précaution qu'ils avoient prise contre le traître Livarot, anéanssoient les coupables espérances que les aristo-,

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