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où on a décrété l'abolition des ordres, les nobles et les ecclésiastiques devoient se retirer; il falloit même les renvoyer, pour être conséquent. On les a gardés par tolérance, par modération, et pour qu'ils fussent témoins des opérations. Mais n'étant point élus par la nation, ils ne la représentent point les ordres n'existent plus; ses députés ne sont donc que des intrus dans l'assemblée. Qu'ils se retirent s'ils veulent, elle n'en sera que pus véritablement nationale.

Provocation d'un officier citoyen par un officier de l'état-major.

Citoyens, qui veillez pour notre sureté, nous vous devrons d'immortelles actions de grace; mais si vous substituez l'esprit militaire à l'esprit civique, vous ne serez bientôt que des esclaves, et notre servitude sera votre ouvrage.

Je vous dénonce un exemple que vous ne devez pas suivre; un officier que vous devez punir, et des dangers qui vous menacent. Le 14 avril, un lieutenant non soldé du district de Saint-Germainl'Auxerrois étoit de garde au trésor royal. Voici la consigue qu'il reçut, signée du duc d'Aumont:

« Le commandant du poste du trésor royal ne s'opposera pas à la sortie des espèces du trésor royal, tant le jour que la NUIT, pour le service de la capitale et des provinces; il surveillera seulement, par lui-même et par ses sentinelles, à ce qu'il ne se fasse pas d'enlèvemens furtifs, ou qui annonceroient du mystère, et qui ne seroient pas avoués par le suisse, ou par les commis de Tintérieur ».

L'officier pensa, avee raison, que cette consigne n'étoit ni intelligible ni praticable; il pensa qu'il ne devoit laisser sortir des espèces du trésor royal, sur-tout de nuit, que sur une lettre de voiture, sur un laissez sortir du directeur du trésor royal; il pensa que l'aveu verbal du suisse ou d'un commis

ne devoit pas suffire à la sureté publique; il alla faire le rapport de cette consigne à M. Bailli et à M. de la Fayette. M. de Gouvion en prit lecture, et ne la jugea pas à l'abri de critique.

Le duc d'Aumont se transporta au poste pour prier cet officier de la lui rendre; il essuya un refus: il en demanda lecture; elle lui fut donnée, d'une manière à la vérité humiliante, à une dis tance où il ne pouvoit pas l'arracher à l'officier.

Le lendemain, le sieur Bazancourt, major de la division du duc d'Aumont, accompagna l'officier, qui alla relever M. Collard (c'est l'officier de Saint-Germain-l'Auxerrois); celui-ci remit la consigne à l'officier qui lui succédoit, et, dans le moment, le sieur Bazancourt provoqua le sieur Collard,

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Ils se rencontrèrent le lendemain au bois de Boulogne, armés de pistolets. L'agresseur proposa de tirer jusqu'à ce que l'un des combattans restat sur la place. Le provoqué offrit d'essuyer deux coups de feu et d'en rendre deux. Cette condition ne fut pas acceptée, et on se retiva.

S'il s'agissoit de savoir quel est ici le brave ou le spadassin, nous déciderions facilement, par ce principe généralement connu, que qui veut le plus, veut aussi le moins. Celui qui n'a pas accepté les deux coups de feu ne vouloit point se battre, et il ne cherchoit qu'à escobarder; mais à dieu ne plaise que sous l'empire de la liberté, nous regardions autrement qu'avec indignation l'action la plus contraire aux principes du citoyen, ou que nous admirions l'espèce de courage qui n'est point employé au service de l'état. Nous dirons seulement qu'un officier citoyen qui avoit fait ou qui croyoit avoir fait son devoir en dénoncant la consigne très-justement suspecte du duc d'Aumont, ne devoit, sous aucun prétexte, par erainte ni par considération, se trouver dans un lieu où il pouvoit avoir à défendre sa vie contre

un officier, son supérieur, qui n'avoit que le droit de le punir s'il s'étoit écarté de son devoir.

Il est évident que la démarche du sieur de Bazancourt, avoit pour objet d'intimider le sieur Co lard, afin qu'il ensevelit cette consigne dans le secret. Or, c'étoit le duc d'Aumont qui seul pouvoit se plaindre des procédés du sieur Collard: quel métier faisoit le sieur Bazancourt?

Les principes d'un citoyen libre sont de ne jamais exposer sa vie que pour la défense de la cause publique. S'il est outragé, les loix existent pour le venger; mais si l'outrage, le danger sont tels que les loix ne soient point assez puissantes, ou pour l'en préserver, ou pour l'en venger, il a le droit de résistance à l'oppression; c'est à lui à ne pas manquer son coup.

Citoyens, pères ou enfans de familles, où en seriez-vous si, chaque fois que votre conscience ou un zèle exagéré vous auront inspiréquelque chose pour le bien public, vous en êtes comptables, à la pointe de l'épée, au premier spadassin qu'on soudoyera contre vous? Sachez que le faux point d'honneur suffiroit seul pour détruire la liberté. Le seul véritable honneur aujourd'hui, c'est d'être libre, et d'obéir aux loix.

Et moi qui remplis un devoir, en dénonçant un fait qui me force à oublier que le sieur Collard est un de ceux qui s'est le plus signalé les 12, 13 et 14 juillet, je m'adresse au général, et je lui dis:

Si vous visez à acquérir dans l'état une prépondérance dangereuse, et à vous environner de satel lites affidés, afin de pouvoir à votre gré, comme le traitre Mouk, rétablir le despotisme royal, ou com. me le traître Cromwell, dissiper le corps législatif, vous feindrez d'ignorer ce fait; mais si vous êtes l'ami de la liberté, vous vous en ferez rendre compte, et le spadassin ne restera pas impuni.

Nos frères de la garde nationale de Dole nous ont fait passer des observations sur l'extrait d'une lettre inséré dans un de nos précédens numéros, relatives à l'affaire des paysans du village de Souvans. La longueur de ces observations, et le défaut d'espace nous empêchent de les publier dans ce numéro. Nous les renvoyons à l'ordinaire prochain. Au reste, nous pouvons dire d'avance qu'il en résulte que c'est pour les garde- chasses de la dame de Brun que le triste événement que nous avons rapporté a eu lieu. Nous nous ferons aussi un devoir de publier les observations des paysans de ce village, de quelque part qu'elles nous soient adressées.

La ville de Dole est la patrie du brave ARNÉ. Nous savons que des officiers municipaux ont écrit à ce digne soldat citoyen que s'il vouloit se rendre à Dole, on lui donneroit une place dans la garde nationale, et qu'on y attacheroit des appointemens. Arné a préféré rester avec nous, et est toujours simple grenadier: il a cependant des mours, de l'éducation, de la piété filiale, du courage, du patriotisme. Citoyens, aucun de nous ne fera-t-il à son district la motion de lui offrir la première place vacante? Oh! quel district réparera, en l'accueillant, l'injustice ou l'oubli de tous les autres !

Nous nous proposions de publier encore quelques idées sur les jurés; mais nous apprenons que ce point a été décidé à l'assemblée du vendredi 30. Les jurés sont admis au criminel. Le civil reste à la disposition des législatures suivantes. C'est toujours un grand pas fait vers la liberté individuelle. Ce seroit perdre cet avantage, que de se hâter de décréter ce réglement, sans donner le temps à ceux qui doivent le voter de réfléchir sur le grand principe de l'unanimité et sur l'importance de la formation du juré.

Accusation

Accusation de M. PÉRAUD contre l'abbé MAURY, D'EPRÉMESNIL et MIRABEAU cadet.

Le procès de M. Péraud contre les chefs de l'aristocratie n'est pas un des événemens les moins extraordinaires de la révolution. Il fait connoître de nouveau quel est l'esprit de ces hommes sanguinaires; il prouve tout ce qu'ils sont capables de hasarder ou d'entreprendre pour bouleverser l'assemblée nationale, et pour nous mettre en guerre les uns contre les autres.

Monsieur Péraud occupoit une place, le 8 de ce mois, dans la tribune à droite du président de l'assemblée nationale, à la séance du soir. Le sieur Daugeard comparoissoit à la barre. On se rappelle avec quelle indécence le sieur d'Eprémesnil insulta l'assemblée dans la personne de son président. Le tumulte, plus indécent encore, que la côté aristocrate fit à ce sujet, indigna tous les eitoyens qui remplissoient les tribunes, et l'un d'eux, qu'on n'a pu distinguer, s'écria: Voyez donc quel bruit font les calotins!

Monsieur Péraud étoit sur le premier rang, seul en habit noir, et regardant la scène extraordinaire qui se jouoit au-dessous de lui. L'abbé Maury promenoit alors ses regards sur la tribune, comme cherchant une victime. Dès qu'il eut distingué Monsieur Péraud, il cria: Messieurs, l'on m'insulte; voilà Monsieur qui m'insulte; et il montra le sieur Péraud.

Aussi-tôt tout le côté aristocrate, qui ne demandoit qu'une occasion de faire diversion à l'affaire du sieur Daugeard, ou à prolonger le tumulte, s'éleva contre Monsieur Péraud; on le menaça de la voix et de la canne. Divers membres du clergé ou de la noblesse crioient: Descends, * Ff

N°. 42.

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