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la débition directe incombait à M. Errera. (Loi du 22 frimaire an VII, art. 41 et 42; loi du 6 juin 1850, art. 1er.)

Pour obtenir payement de ces droits et de ces amendes, l'administration décerna une contrainte, qui fut déclarée nulle par un jugement du tribunal civil d'Anvers du 5 février 1880, dont voici le texte :

Quant au premier moyen :

Attendu qu'il se rapporte à tous les titres donnés en gage et dépend spécialement de l'interprétation à donner à l'article 23 de la loi du 22 frimaire an VII;

Attendu, à ce sujet, que des articles 2, 3 et 4 de la dite loi on peut conclure que, sauf les exceptions à formuler par la loi, tous actes civils, judiciaires ou extrajudiciaires, sont frappés d'un droit d'enregistrement fixe ou proportionnel; mais qu'il résulte clairement des articles 20 à 25 de la loi que la formalité de l'enregistrement ne doit être remplie, endéans un délai déterminé, qu'à l'égard de certaines catégories d'actes spécialement énumérés ; que tous les autres, par conséquent, peuvent rester indéfiniment soustraits à l'enregistrement; que celui-ci ne devient réellement obligatoire pour eux que "lorsqu'on veut en faire usage soit par acte public, soit en justice, ou devant toute autre autorité constituée " (art. 23);

Attendu que l'État belge, admettant que, parmi les titres donnés en nantissement, il n'en est aucun dont l'enregistrement fût requis endéans un délai fixe, soutient que, dans les actes litigieux, il en a été fait usage ou par acte public ou devant une autorité constituée ;

Attendu que l'État n'insiste pas, il est vrai, sur la qualité d'acte public, et proclame lui-même, dans sa conclusion du 27 février 1879, qu'il s'agit de quatre actes sous signature privée;

Attendu qu'au surplus on ne saurait y voir des actes publics ou authentiques; qu'il faudrait, en effet, pour cela qu'ils eussent été reçus en la forme voulue, devant un officier public capable et compétent à raison du lieu et de la matière; qu'on y voit bien intervenir un officier public, le secrétaire communal, ici demandeur, De Craen, mais à titre de partie contractante, et non à titre de fonctionnaire constatant les déclarations des parties; que ce n'est donc pas lui qui reçoit les actes; qu'il est même incapable d'imprimer l'authenticité à des actes auxquels il est partie intéressée; que sa compétence devrait, du reste, se restreindre au territoire d'Anvers et aux actes dont, aux termes des lois, il peut se trouver appelé à délivrer des expéditions probantes, et que les actes litigieux, qui ne sont pas de cette espèce, ont été faits à Bruxelles autant qu'à Anvers en la forme habituelle des conventions sous signature privée ;

Attendu que les soutènements de l'État doivent donc s'entendre en ce sens qu'il a été fait usage des titres donnés en gage devant une autorité constituée;

Attendu que, sans doute, donner en gage un titre au porteur, c'est tirer parti de la valeur qu'il représente; qu'Errera a donc, dans le sens de l'article 23 de la loi du 22 frimaire an VII, fait usage des valeurs dont question au procès, mais qu'on ne saurait dire que ce soit devant une autorité constituée;

Attendu qu'en esset, en se chargeant de placer une partie de l'emprunt de 1874, il a traité avec les représentants de la ville d'Anvers, non point comme autorité exerçant une partie de la puissance publique, mais comme administration gérant le patrimoine de la cité; que, dans cette négociation, il n'a pas même été question du domaine public de celle-ci, mais uniquement de ses intérêts en quelque sorte privés;

Attendu que c'est là aussi ce que portent clairement les actes de nantissement, lorsqu'ils constatent que les sûretés sont données soit à la ville d'Anvers, soit à son collège échevinal, représentés, l'une comme l'autre, par le bourgmestre et le secrétaire communal;

Attendu que si ce dernier n'intervient pas comme un officier public, devant lequel contractent la ville d'Anvers et son banquier, s'il se joint simplement au bourgmestre pour compléter la représentation de la personne morale de la ville, les deux fonctionnaires réunis n'agissent point davantage à titre d'autorité; qu'ils ne commandent, ni n'imposent rien, ne poursuivent l'exécution d'aucune loi, d'aucun règlement, mais stipulent, comme stipulerait un particulier, les conditions jugées indispensables à la bonne et loyale exécution de la convention synallagmatique faite pour l'émission de l'emprunt de 1874;

Attendu que la disposition finale de l'article 23 de la loi du 22 frimaire an VII est donc sans application au procès; qu'il est, dès lors, superflu d'examiner si, pour les raisons déduites dans les autres moyens d'opposition, les titres donnés en gage par Errera seraient dispensés d'enregistrement, même si le gage avait été constitué par acte authentique;

Attendu que l'amende comminée par l'article 42 de la loi invoquée n'est due qu'en cas de contravention à l'article 23. (PASIC., 1881, III, 122.)

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Ce jugement, dont l'administration interjeta appel, fut confirmé par un arrêt de la cour de Bruxelles du 14 décembre 1883, ainsi conçu :

Sur le moyen d'opposition à la contrainte fondé sur ce que les actes de nantissement litigieux n'auraient point le caractère d'actes authentiques et qu'ils ne constitueraient que des actes sous seing privé, rentrant dans la catégorie de ceux que l'article 5 du décret du 4 messidor an XIII exempte de la formalité de l'enregistrement :

Attendu qu'en réponse à ce moyen, la partie appelante, tout en reconnaissant que les actes de nantissement dont s'agit ne constituent point des actes authentiques proprement dits, soutient qu'ils ne sauraient être envisagés comme actes sous seing privé, mais que, dans le système des lois fiscales et notamment de la loi du 22 frimaire an VII, ils revêtent le caractère d'actes publics, assujettissant les titres dont il est fait usage à l'enregistrement prescrit par l'article 23 de la dite loi; qu'elle base ce système principalement sur le rapprochement des articles 20, 41, 42, 68, 69 et 70, § 3, de la loi de l'an VII;

Attendu, quant à l'article 20, qu'il n'a point pour objet de déterminer la nature des actes y mentionnés, mais uniquement de prescrire le délai endéans lequel les actes publics doivent être enregistrés; qu'il ne proclame, en aucune façon, que tous les actes des administrations centrales et municipales devraient être enregistrés comme actes publics; mais qu'il se borne à ordonner l'enregistrement, dans le délai de vingt jours, de ceux de ces actes qui sont assujettis à cette formalité; Attendu que les articles 41 et 42, qui comminent certaines pénalités contre les fonctionnaires qui contreviendraient à la prescription de l'article 20, n'attribuent pas davantage la nature d'actes authentiques ou publics à tous les actes des administrations centrales et municipales;

Attendu que la partie appelante se base, sans plus de fondement, sur le § 3, no 2, de l'article 70, qui exempte de la formalité de l'enregistrement les actes de l'administration publique non compris dans les articles précédents, pour en conclure que tous les actes quelconques des administrations centrales et municipales relatifs à des intérêts civils, alors même que l'administration n'y intervient que comme partie contractante, constitueraient des actes publics dont l'enregistrement serait, comme tels, obligatoires;

Attendu qu'il résulte, en effet, du rapprochement des diverses dispositions de la loi de l'an VII que les actes de ces administrations n'ont le caractère d'actes publics par l'intervention du secrétaire, que lorsqu'ils sont reçus et dressés par ce fonctionnaire en qualité de fonctionnaire public, agissant en acquit de la mission dont la loi l'a investi et donnant ainsi aux actes qu'il dresse le caractère de publicité et d'authenticité;

Qu'ainsi notamment l'article 26, qui détermine les bureaux dans lesquels les actes doivent être soumis à l'enregistrement, l'article 29, qui désigne les personnes auxquelles est imposée l'obligation d'acquitter les droits, les articles 33 et suivants, qui comminent certaines pénalités pour défaut d'enregistrement des actes, les articles 41, 42, 49 et autres, qui prescrivent certains devoirs relatifs à l'obligation de l'enregistrement, mentionnent tous expressément les secrétaires des administrations centrales et municipales pour les actes qu'ils sont tenus de soumettre à la formalité de l'enregistrement, au même titre que les notaires, huissiers, greffiers et autres fonctionnaires publics, chacun pour les actes que les lois leur donnent mission de recevoir et auxquels ils ont caractère pour donner l'authenticité ;

Qu'en effet, l'article 30 les range en termes exprès au nombre des fonctionnaires publics auxquels il assure le moyen de se faire rembourser par les parties le payement des droits dont ils sont tenus de faire l'avance sur les actes qu'ils reçoivent ;

Attendu que le sens de ces diverses dispositions devient plus évident encore lorsqu'on les rapproche, tant de la loi du 19 décembre 1790, qui a servi de base à celle de l'an VII et qui,

spécialement dans ses articles 22, 23 et 24, assimilait l'acte public à l'acte authentique, que de l'avis de la régie de l'enregistrement qui a préparé l'adoption de la loi de l'an VII;

Que, s'expliquant sur certaines réclamations qui s'étaient produites, la régie insistait, dans cet avis, sur la nécessité qu'il y avait de maintenir les dispositions précédemment en vigueur, qui assujettissaient les secrétaires des corps administratifs à faire enregistrer, dans les délais prescrits, tous les actes qu'ils reçoivent et qui sont sujets au contrôle, faisant observer qu'il était facile de ne pas rendre cette obligation onéreuse à ces fonctionnaires, en prenant la précaution de faire consigner les droits par les parties qui poursuivent des adjudications ou tout autre acte de la compétence des administrations: on ne voit pas pourquoi ", y était-il encore dit, "les contribuables qui s'adressent aux tribunaux seraient plus favorisés que ceux qui ont besoin du ministère des notaires ou des secrétaires des corps administratifs ";

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Attendu que ces observations établissent clairement que, dans la pensée des auteurs de la loi de frimaire an VII, les actes publics dont font mention les articles 20 et 23 sont exclusivement ceux que dressent les secrétaires des administrations comme officiers publics, en exécution des pouvoirs dont ils sont revêtus et auxquels ils donnent ainsi le caractère d'authenticité, au même titre que le font les notaires et autres officiers publics pour les actes que les lois les appellent à recevoir et à dresser;

Attendu que tout doute disparaît à cet égard en présence des dispositions du décret du 4 messidor an XIII;

Attendu, en effet, que l'article 3 de ce décret autorisant la tenue, par ces établissements publics, de deux registres, l'un pour les actes de police intérieure et sans aucun rapport avec des personnes étrangères à l'établissement, l'autre pour les actes d'administration temporelle et extérieure, exempte le premier de ces registres de l'obligation du timbre, en faisant défense d'y inscrire aucun acte sujet à l'enregistrement;

Que l'article 4 prescrit que s'il était porté sur ce registre des actes reçus par le secrétaire ou autres officiers de l'établissement et qui constateraient qu'on s'est présenté devant lui pour rédiger les conventions y portées, ces actes seront sujets à l'enregistrement comme ceux des administrations centrales et municipales ; qu'enfin l'article 5 proclame expressément que tous les autres actes qui seraient consignés sur le registre en papier timbré, en forme de délibérations des membres de l'établissement, même avec le concours des particuliers, ne seront considérés que comme actes sous seing privé, qu'il suffira de faire enregistrer lorsqu'on voudra en faire un usage public, excepté ceux qui renfermeraient des dispositions translatives de propriété, d'usufruit ou de jouissance de biens immeubles, lesquels doivent être enregistrés dans les trois mois de leur date;

Attendu que l'on ne saurait évidemment faire rentrer les actes de nantissement dont il s'agit dans l'espèce dans la catégorie des actes que l'article 4 de ce décret soumet à la formalité de l'enregistrement, puisqu'ils n'ont point été dressés par le secrétaire communal requis, en cette qualité, de rédiger les conventions des parties qui se présentaient devant lui; que ce fonctionnaire n'y est intervenu et n'a apposé sa signature au bas de chacun d'eux, de même que le bourgmestre, que comme représentant, avec ce magistrat, la ville d'Anvers, l'une des parties contractantes;

Attendu, d'autre part, que ces contrats ne renferment aucunes dispositions translatives de propriété, d'usufruit ou de jouissance de biens immeubles; qu'ils sont donc expressément réputés actes sous seing privé par l'article 5 précité, et dispensés, par suite, de la formalité de l'enregistrement, aussi longtemps qu'il n'en est point fait un usage public;

Attendu que l'on opposerait vainement l'arrêté royal du 22 juillet 1826, qui déclare rapporter l'article 5 du décret de messidor, puisqu'il ne pouvait, sous l'empire de la loi fondamentale, appartenir au gouvernement d'abroger, par un simple arrêtê royal, la disposition d'un décret qui, luimême, avait acquis force de loi pour n'avoir pas été annulé par le pouvoir compétent;

Attendu que les considérations qui précèdent rendent superflu l'examen des autres moyens invoqués à l'appui de l'opposition. — (PASIC., 1884, II, 107.)

L'administration a déféré cette décision à la censure de la cour de cassation, mais son pourvoi a été, par arrêt du 2 juillet 1885, déclaré non recevable pour vice de forme.

Il est regrettable que la cour suprême n'ait pas pu s'occuper du fond de l'affaire. La difficulté soulevée n'intéresse pas seulement le droit fiscal, et la cour d'appel de Bruxelles l'a tranchée par des motifs qui sont loin de porter la conviction.

I L'article 23 de la loi du 22 frimaire an VII, sur lequel s'appuyait la demande de l'administration, porte: " Il n'y a point de délai de rigueur pour l'enregistrement de tous autres actes que ceux mentionnés dans l'article précédent, qui seront faits sous signature privée ou passés en pays étranger..., mais il ne pourra en être fait aucun usage, soit par acte public, soit en justice ou devant toute autre autorité constituée qu'ils n'aient été préalablement enregistrés. "

Devant la cour d'appel, non plus qu'en première instance, on n'a pas contesté que, dans les quatre actes de nantissement, il eût été fait usage, dans le sens légal de ces mots, des titres de créance qui y étaient mentionnés. L'affirmative, en effet, n'est pas douteuse; il suffit, pour s'en convaincre, de consulter un arrêt rendu par la cour de cassation le 29 juillet 1864 et inséré dans la PASICRISIE de 1864, I, 315.

Mais le tribunal d'Anvers et la cour d'appel ont repoussé les prétentions de l'administration pour le motif que, dans l'espèce, l'usage qui avait été fait des titres de créance n'aurait pas eu lieu par actes publics, ni devant une autorité constituée.

La question qui se pose d'abord est donc celle de savoir si les quatre actes de nantissement indiqués plus haut constituaient des actes publics au regard de l'article 23 de la loi du 22 frimaire an VII.

II. L'article 20 de cette loi s'exprime en ces termes : " Les délais pour faire enregistrer les actes publics sont, savoir de quatre jours pour ceux des huissiers et autres ayant pouvoir de faire des exploits et procèsverbaux;... de vingt jours pour les actes des administrations centrales et municipales assujettis à la formalité de l'enregistrement.

Si l'on peut dire, avec l'arrêt du 14 décembre 1883, que ce texte "ne proclame en aucune façon que tous les actes des administrations centrales et municipales devraient être envisagés comme actes publics", au moins est-il évident qu'il qualifie d'actes publics ceux des actes de ces administrations qui sont assujettis à l'enregistrement et qu'il prescrit que ces actes publics soient présentés à la formalité dans un délai de rigueur.

Quels sont donc, parmi les actes des administrations communales, ceux qui sont assujettis à l'enregistrement?

Au point de vue des lois fiscales, comme au point de vue du droit public et du droit civil, les actes administratifs se divisent en deux classes: la première comprend les actes qui émanent de l'administration agissant en qualité d'autorité dépositaire d'une fraction de la puissance publique, dans

l'ordre des intérêts généraux, en vue d'assurer l'exécution des lois et règlements; la seconde classe se compose des actes dans lesquels l'administration prête son concours à l'intérêt particulier et ceux où elle s'engage et stipule au sujet de ses intérêts privés, comme personne civile en contact avec un particulier ou une autre personne civile.

Les actes de la première classe sont affranchis de la formalité de l'enregistrement, comme ils échappent, d'ailleurs, à l'obligation du timbre; les actes de la seconde classe y sont, en général, assujettis.

Ces propositions sont admises par tout le monde: elles ressortent, au surplus, de la combinaison des articles 70, § 3, no 2, de la loi du 22 frimaire an VII, avec l'article 12, no 1, alinéa 8, et l'article 16, no 1, alinéa 2, de la loi du 13 brumaire an VII sur le timbre.

Ajoutons que les articles 68 et 69 de la loi du 22 frimaire an VII comprennent dans leur énumération générale les actes relatifs aux intérêts civils des communes, et que le § 2, no 3, de l'article 69 tarife même expressément au droit de 50 centimes par 100 francs (anjourd'hui remplacé par un simple droit fixe de 2 fr. 40 c. au vœu de la loi du 4 juin 1855) " les adjudications au rabais et marchés pour constructions, réparations, entretien, approvisionnements et fournitures, dont le prix doit être payé par les administrations communales ".

La division des actes administratifs en deux classes, telle qu'elle a été caractérisée plus haut, était établie en termes précis par l'article 13 de la loi des 5-19 décembre 1790, dont la loi du 22 frimaire an VII s'est visiblement inspirée.

Cet article 13 disposait ainsi : " Tous les procès-verbaux, délibérations et autres actes faits et ordonnés par les corps municipaux et administratifs, qui seront passés à leurs greffes et secrétariats, et qui tendront directement et immédiatement à l'exercice de l'administration intérieure et de police, seront exempts de la formalité et des droits d'enregistrement. A l'égard de tous les actes ci-devant assujettis aux droits de contrôle, et qui pourront être passés par les dits corps municipaux et administratifs, notamment les marchés et adjudications d'entreprises et les baux des biens communaux et nationaux, ils seront sujets aux droits d'enregistrement dans le délai d'un mois.

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Cet article ne faisait que reproduire littéralement, pour l'impôt de l'enregistrement institué en remplacement du droit de contrôle, la règle qui gouvernait l'application de ce dernier droit. En effet, un décret des 10 avrilII mai 1790 statuait que " les actes relatifs aux élections des municipalités, corps administratifs, délibérations et généralement tous les actes de pure administration intérieure seront seuls exempts de la formalité du contrôle et du papier timbré dans les lieux où ces droits sont en usage; et à l'égard de tous autres actes ci-devant assujettis aux droits de contrôle et de formule, ils continueront d'y être sujets comme par le passé...

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