Page images
PDF
EPUB

Mais dans les pays où non-seulement les villes, mais les États confédérés s'administrent par des lois exceptionnelles, commé aux États-Unis, parviendrat-on à l'unité de système dans la réforme des prisons? Non, encore moins que partout ailleurs; car de la liberté de trouver bon ce qu'on a le droit de créer pour soi-même, naît cette conviction d'amour-propre, que tout autre ferait incontestablement moins bien nos affaires.

[ocr errors]

De là ces paroles du philantrope le plus remarquable de ce pays : « Nulle part un système con>>sistant dans une série de mesures fondées sur des >> principes uniformes et dirigées vers la même fin. >> C'est à cette conviction qu'on a dû son admirable rapport servant d'introduction au code de réforme et de discipline des prisons, et la rédaction de ce code qui y fait suite. Travail précieux, mais tellement controversé, qu'il est plus que douteux qu'on l'adopte jamais dans toutes ses dispositions.

M. Ch. Lucas a divisé en trois époques parfaitement distinctes, ses observations sur la marche de la réforme aux États-Unis ; et tout, dans les deux premières, lui a semblé offrir une suite d'épreuves et de tatonnemens dont il était impossible de tirer un seul principe disciplinaire qui, « par la généralité de son application, » puisse révéler quelques traces d'un système péni>> tentiaire aux États-Unis: » Puis, il signale quelques-unes des disparates nombreuses qu'il a le plus particulièrement remarquées.

[ocr errors]

2

Livingston. Introduction au Code de Réforme. Voyez Ch. Lucas, vol. 1, p. 42 et 141.

[blocks in formation]

Mais arrivant à la troisième époque, celle qu'il appelle restauration du système pénitentiaire, il ajoute :

«1 Nous croyons en avoir assez dit

pour prouver » qu'aucun plan systématique de réforme disciplinaire » n'avait été suivi aux États-Unis ; que l'histoire de ces » établissemens pénitentiaires qui s'est passée en tâton>> nemens et en essais ne révèle aucune idée générale, » soit théorique, soit pratique, qui puisse donner quel» que effet d'ensemble à tous ces efforts isolés. Il n'y a >> encore que des résultats partiels, des faits épars et » décousus entre eux, qui ne peuvent avancer la solu» tion de ce grand problême de la réforme péniten» tiaire tant qu'on ne sentira pas le besoin de les » rapprocher, de les unir, et d'en déduire cet ensemble » de règles et de principes nécessaire pour tracer enfin » à la réforme une voie précise et uniforme. »

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Tout cela est vrai : mais ce qui ne l'est pas, c'est que << tel est le caractère de l'époque où nous nous trou>> vons»; car s'il est constant qu'on sente le besoin de tracer ENFIN à la réforme une voie précise et uniforme, il ne l'est pas moins que c'est pour les ÉtatsUnis une tentative inutile; que cette uniformité pénitentiaire ne peut exister que dans un pays monarchique, et jamais sous un gouvernement fédératif ou d'union. '

3

1 Vol. 2, p. 87 et 88.

2 Vol. 2, p. 87 et 88.

3 MM. de Beaumont et de Tocqueville après avoir jeté un coup-d'œil sur l'ensemble de la réforme pénitentiaire aux États-Unis, en concluent « Qu'évidemment il y a lacune dans un système de prisons qui présente » de semblables anomalies. » Page 29.

Du reste M. Ch. Lucas est de cette opinion: car c'est lui qui a dit en parlant de la Suisse et des ÉtatsUnis, qu'un tort trop général était «< de parler de ces >> deux États fédératifs comme s'il s'agissait d'un de >> nos États monarchiques, où l'unité est partout à>> la-fois, dans le gouvernement, dans les mœurs, » dans les lois, et qui présentent ainsi une civilisation » homogène. » ›

Disons-le en passant ; un gouvernement qui réunit tant d'avantages, est assurément le meilleur gouvernement possible; et c'est précisément parce que le nôtre tient de cette forme et à cette forme, qu'il me semble démontré qu'en France plus que partout ailleurs, on peut arriver, et prochainement, à la réalisation d'un système de réforme pénitentiaire UNIFORME

ET PRÉCIS.

Ce travail est encore à faire pour la France. Et, disent MM. de Beaumont et de Tocqueville, '

[ocr errors]

" Diverses voix s'élèvent en ce moment pour » indiquer au gouvernement la marche qu'il doit >> suivre.

« Les uns demandent l'établissement de Colonies >> agricoles dans les parties encore incultes du sol >> français, sur lesquelles on utiliserait les bras des » condamnés et des pauvres. >>

Je partage cette opinion en ce qui concerne les condamnés libérés, et c'est celle que j'ai hasardée dans mon précédent ouvrage.

1 Vol. 2, p. 345.

2 P. 2 et suivantes.

3

3 La ville du Refuge Paris 1832, chez Ladvocat et chez Victor Magen, quai des Augustins, No 21; Lille, chez Vanackere fils.

« Il en est d'autres qui frappés surtout du danger » que présentent pour la société les condamnés libérés >> dont la corruption s'est accrue dans la prison, pen» sent qu'on remédierait à une grande partie du mal, » si, pendant la détention des criminels, on les sou» mettait à un système pénitentiaire, qui, au lieu de >> les dépraver davantage les rendît meilleurs. »

Telle est la difficulté que nous allons essayer de

surmonter.

« Persuadés que la réforme morale du criminel est » impossible et que sa présence dans la société est un >> danger toujours imminent, quelques écrivains, » dont l'un vient d'être couronné par l'Académie >> française, voudraient que tous les malfaiteurs » fussent déportés hors de France. »

C'est du milieu de ce choc d'opinions diverses dont, (selon ces messieurs), quelques-unes ne seraient pas inconciliables entre elles, qu'il leur a semblé « qu'il » pouvait être utile d'introduire dans la discussion » quelques documens authentiques sur l'un des points >> importans qui sont en litige » et, telle est l'origine du voyage qu'ils ont entrepris aux États-Unis, sous les auspices du gouvernement.

Sans doute ce voyage était avantageux, et surtout honorable. Aussi ne le tairons-nous point, le travail que nous venons soumettre à notre tour à l'examen critique du public et du gouvernement, n'est-il comme je l'ai dit, qu'une sorte d'éclectişme philantropique

C'est que M. Esnest de Blosseville s'est ressouvenu du mot de Dalembert à Jean-Jacques, et qu'il a craint de donner dans le pont-auxánes.

où le jugement a pu nous égarer, mais dans lequel au moins avons-nous marché sans préventions et sans partialité.

Résumons-nous donc, et disons: la réforme du système des prisons est tout à-la-fois nécessaire et possible en France. Voyons par quels moyens on y peut arriver.

[merged small][merged small][ocr errors]

Il y a peu d'expressions qui provoquent à tant d'enthousiasme et d'élan que ce mot réforme. Le monde est si plein de rêveurs et de mécontens de toute espèce, d'amours propres et de vanités en désarroi, de mécomptes imprévus et d'espérances froissées, que pour peu qu'il apparaisse sur l'horizon social un tout petit mouvement philosophique ou moral, politique ou religieux; voilà que des milliers d'oisifs de toutes ces choses poussent des hurlemens de joie, et se précipitent avec tant d'ardeur et de zèle sur la voie des réformes, qu'on serait de temps à autre véritablement dupe de leur bonne foi, si à travers ces semblants de dévouement et de conviction, l'on ne voyait percer dans leurs actes comme dans leurs écrits, l'insatiable désir de se faire un nom dans la camaraderie littéraire, où, plus souvent encore, de

« PreviousContinue »