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Nous nous en expliquerons dans l'une des divisions suivantes.

Encore une fois, ces conseils ne doivent être que de véritables conseils de famille, une véritable égide pour le pouvoir exécutif contre l'inexpérience et les sottes tracasseries des uns, les inimitiés jalouses des subordonnés, les délations haineuses, les calomnies des jaloux ou des envieux, et l'inévitable mauvaise foi des administrés. Les conseils doivent être un flambeau qui éclaire, et non pas une torche qui incendie! La notoriété de leurs actes doit être constatée sur des registres exprès, et ces actes être soumis eux-mêmes à l'approbation, à la modification ou à l'annihilation de l'autorité compétente pour en juger en dernier ressort.

Autrement, on empreint Messieurs les conseillers d'un caractère de suprématie et d'infaillibilité qui n'est pas conséquent avec leur titre, et qui cependant tarde rarement à stygmatiser toutes leurs déterminations.

En un mot comme en mille, un conseil présuppose des conseillers, et des conseillers ne sont ni des censcurs, ni des contrôleurs, ni des administrateurs.

Voilà pourquoi je disais à l'instant : « que dans la >> commission consultative attachée à chaque prison, » il sera d'une bonne et sage administration de faire >> entrer des hommes spéciaux de plus d'un genre, car » toutes les questions de morale, d'industrie et de » législation jaillissent de l'administration d'un péni

>> tencier. »

Ainsi donc, il se composera de Magistrats civils et judiciaires, d'Ecclésiastiques et d'Industriels, et aussi de quelques-uns de ces hommes également recommandables par leur fortune et par leur mérite personnel.

A ces conditions, je conçois tout le bien immense et positif qui résulte de la création d'un conseil attaché à l'administration responsable de chaque prison ou pénitencier de même que dans le cercle vicieux où ces conseils tournent aujourd'hui partout où il s'en trouve, il m'est évident qu'ils ne servent qu'à corroborer le désordre par leur inévitable inexpérience, ou à le susciter par leur despotisme de position et de tous les moments!

Passons aux attributions.

TROISIÈME DIVISION.

DES ATTRIBUTIONS.

ON sent probablement que je ne viens pas ici formuler un réglement d'attributions; d'abord, parce qu'il serait extrêmement difficile de le faire avec quelque apparence de raison, à l'égard d'une institution qui n'est pas clairement constituée; puis ensuite, parce que j'ai la plus intime conviction qu'un réglement d'attributions, aussi bien qu'un réglement de police,' ou comme on dit, un code disciplinaire, est une œuvre impossible à créer et à préciser.

Ce que je viens dire, parce que cela doit parfaitement bien se faire comprendre, c'est qu'il faut établir dans l'échelle administrative des pénitenciers, une hiérarchie tellement forte et puissante, que rien ne puisse la rompre ni même l'ébranler.

Et qu'on ne s'imagine pas que par là, j'introduise l'arbitraire et le despotisme dans l'administration? Je l'assieds sur des bases solides, et rien de plus. L'armée est de toutes nos institutions celle qui marche avec le plus d'ordre et de précision. Et pourquoi cela? C'est que la puissance hiérarchique y est inviolable. Qui voudrait être capitaine de vaisseau, je vous le demande, sans l'immense autorité qui l'environne ? Et pense-ton qu'une population de la nature de celle qu'il faut contenir dans nos prisons, soit plus facile à manier que celle des marins ?

J'ai vu, moi, des Inspecteurs de service s'opposer à l'exécution des mesures d'ordre prescrites par leur Directeur ; j'en ai vus, qui plus est, s'y refuser lors même qu'elles étaient revêtues de l'approbation du Préfet, ayant encore la haute administration de nos établissemens de maisons centrales; et ces mêmes employés se faire de leur quasi-révolte un titre cauteleux à la reconnaissance des prisonniers! Sait-on où tout cela conduit? A l'assassinat des chefs supérieurs ; et ce n'est pas en accoutumant les détenus à se faire obéir à coups de poignards, qu'on parviendra jamais à les façonner au servage de la vertu !

Oui, mille fois oui : il faut une hiérarchie puissante et forte dans l'organisation du personnel des prisons; ou bien, il faut, quoiqu'on entreprenne, renoncer à l'espoir de vaincre les affreux penchans des scélérats qui les habitent.

Tout cela effraye; et l'on se demande si c'est un dictateur que je veux placer à la tête d'un pénitencier. Oh! mon Dieu ! non; car cette épouvantable charge élève celui qu'on en revêt au-dessus des lois ; c'est la

pire de toutes les autocraties; et l'autorité dontje veux investir les chefs de nos prisons n'est rien moins que cela, je le prouverai bientôt.

Je soutiens qu'on ne peut rédiger un code disciplinaire des prisons en ce sens, qu'il précise d'une manière formelle les attributions des employés et le mode de punitions à infliger aux condamnés. Mais est-ce à dire pour cela que je veuille armer le pouvoir d'exécution d'aucune espèce d'arbitaire et d'irresponsabilité ? ce serait absurde. Est-ce à dire que la loi constitutive du système pénitentiaire ne puisse formuler des régles générales, et à leur appui, des instructions qui tracent pour ainsi dire autour des agens, des limites qu'ils ne doivent jamais dépasser? non sans doute toutes ces choses sont nécessaires, justes et de plus indispensables même à l'action légale du pouvoir dans l'intérêt de sa propre responsabilité. Autrement, que deviendrait-il? Car de la faculté de tout faire sans rendre compte de rien, naît l'impossibilité de justifier d'aucune de ses actions; et le chef d'un pénitencier doit être à même de justifier d'une manière prompte et légale, toutes celles qu'il commet.

On lui dira, par exemple: - Vous avez le droit de suspendre un de vos subordonnés de l'exercice de sesfonctions. Mais tout autant cependant, que vous en rendrez compte de telle ou telle manière, à telle ou telle autorité supérieure, et sous telle ou telle condition de responsabilité. On lui dira: -Vous avez le droit de punir dans la personne des détenus le vol, l'injure, la débauche, l'intempérance, la fainéantise, toutes les actions et tous les vices qui vous paraîtront compromettre la sûreté de votre établissement, ou entraver la

régénération morale à laquelle vous tendez: mais on ne lui dira pas, tel délit, telle faute, tel vice seront punis de telle ou telle manière, parce que s'il y a similitude dans la nature de l'infraction, il n'y a jamais identité dans les circonstances qui y ont donné lieu ; et que la moralité du délinquant, comme cela se voit dans plusieurs circonstances imprévues, peut provoquer des modifications à l'infini, dans l'infliction de la peine à prononcer.

Et c'est en cela que tous les réglemens disciplinaires que j'ai lus ou vu promulguer depuis que j'appartiens à l'administration des prisons, m'ont parus inexécutables dans presque toutes leurs dispositions.

Il en est de même de ce qu'on appelle réglement d'attributions. Il en existe d'aussi bien faits qu'on a pu, mais tellement incohérens dans leurs dispositions, qu'ils produisent à chaque instant des conflits on ne peut plus funestes à l'ordre et à la marche régulière qui devraient constamment régner dans l'administration locale d'une prison ou d'un pénitencier.

Les attributions des divers employés doivent être nécessairement en rapport avec le titre hiérarchique qu'ils occupent sur l'échelle administrative de l'institution à laquelle ils appartiennent. Mais elles ne seraient qu'éventuelles, si les pouvoirs supérieurs avaient le droit de briser, ou seulement d'entraver les pouvoirs qui les suivent immédiatement. A chacun son droit: autrement tout ne sera qu'incertitude et cahos.

Mais ce droit, pour qu'il soit établi convenablement, il faut qu'il résulte de la nature même des devoirs imposés, et non pas d'une prodigalité de modes d'exécution qui, fussent-ils vingt fois plus multipliés, ne sauraient jamais préciser tous les cas de leur application.

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