spécialité sociale, et ce sont, je ne cesserai de le répéter, des hommes spéciaux qu'il faut attacher à l'administration des prisons, quel que soit le rang qu'ils y occupent. Sine quá, non.

Il me reste enfin à parler d'un contrôle prévu par la loi; c'est celui des Maires, Juges d'instructions, Présidens de Cours d'assises, Préfets, Commissaires de Police, tous commis à cet égard par les dispositions du chapitre II du titre septième du code d'instruction criminelle (liv. II ).

Eh bien ! je ne crains point de l'affirmer, toutes ces dispositions sont en désharmonie complète avec un mode d'unité de système pénitentiaire. Il me serait trop facile d'en fournir d'irrécusables preuves. Je me bornerai à dire que la loi qui constituera la réforme pénitentiaire, si tant est qu'elle soit jamais rendue, devra modifier le code d'instruction criminelle concernant les prérogatives, qu'en matière de prisons, il confère aux magistrats dont je viens de parler. Autrement on doit renoncer à toute espèce de tentative à l'égard d'un véritable système de réforme pénitentiaire.

CINQUIÈME DIVISION.

DE LA POLICE INTÉRIEURE.

Si je maintiens d'une part, qu'il est illusoire de s'essayer à formuler pour les employés supérieurs des

TOME III.

18.

prisons ou pénitenciers, des réglemens de discipline ou d'attributions; d'autre part, je soutiens qu'il est indispensable de leur prescrire de certaines limites audelà desquelles ils ne pourront se fourvoyer.

Autrement, il y aura bien unité de système quant à la forme matérielle de votre institution pénitentiaire; mais vous courrez risque d'avoir autant de modes d'administration morale qu'il y aura de chefs, puisque chacun d'eux pourra faire exécuter à son gré le système particulier de régénération qu'il aura conçu, et que, conséquemment, il regardera comme le meilleur et le plus infaillible. Cela ressemblera beaucoup à cette liberté d'instruction sollicitée de toutes parts avec un si persévérant acharnement, et que je regarde, moi, ainsi que je l'ai déjà dit, comme l'élément le plus subversif et le plus rapide de la désorganisation totale de l'ordre social tout entier.

... Or, c'est précisément en ce qui concerne le mode de police intérieure des prisons, qu'il est convenable de tracer aux agents qui les administrent des limites qu'ils ne devront jamais dépasser.

Nous avons précédemment considéré l'administration intérieure sous les rapports de l'instruction religieuse, morale et industrielle, de même que sous ceux du travail, de l'entretien des prisonniers et de la comptabilité. Et nous avons démontré comment pour tout cela, il y avait nécessité d'établir une complète unité de système et d'exécution.

Maintenant nous allons considérer la police intérieure sous les points de vue suivans:

1° L'uniforme;

20 Le coucher;

3° Les châtimens ;

4° Les récompenses;
5o La gymnastique;
6o La discipline;

et nous expliquerons comment il convient de régulariser partout ces diverses branches du service administratif, d'une manière précise et constamment régulière.

PREMIER POINT.

DE L'UNIFORME.

Il s'agit seulement de quatre principales catégories Les délits politiques;

Les prisonniers pour dettes;

Les délits militaires;

Les crimes et délits contre les personnes et les propriétés.

I

Lesquelles catégories se subdivisent en catégories exceptionnelles à l'égard

Des familles royales;

Des ministres des cultes;

Des récidives;

Des forçats;

Des prisonniers de guerre.

Je ne parle ni des prévenus ni des accusés, qui

1re partie, chap. 5.

n'appartiennent à la classe des condamnés qu'après que le jugement qui peut les atteindre est devenu définitif. Or, pour tous les prisonniers, l'uniforme doit-il être le même, à quelque catégorie qu'ils appartiennent ? Non.

L'uniforme des prisons n'a qu'un but aux yeux de l'administration qui l'impose, c'est d'éviter l'évasion des condamnés, ou d'en faciliter la recherche et la reprise: mais dans nos mœurs, en France, l'uniforme des prisons est une souillure pour qui l'a justement endossé, et ces mœurs dont la puissance a tant de force et d'empire vous les froisseriez horriblement et imprudemment, en l'imposant aux catégories de détenus qu'elles n'ont pas environnées d'un caractère d'infamie.

Conséquemment, dans votre nouveau système de réforme pénitentiaire, vous n'assujettirez point à l'uniforme des prisons, ni les condamnés politiques, ni les prisonniers pour dettes.

Quant aux prisonniers de guerre, un temps viendra je l'espère, où les gouvernemens s'estimeront assez pour ne pas les abandonner à l'humiliante pitié des vainqueurs; et, alors, des réglemens moins inhumains que ceux qui existent aujourd'hui, détermineront la nature et l'espèce de vêtemens qui leur seront fournis.

Quelles seront donc les catégories de détenus dont il nous parait nécessaire de modifier l'uniforme? les voici :

1°

Les Condamnés militaires auxquels les rangs de l'armée ne seront pas définitivement fermés.

Cet uniforme, ainsi que je l'ai fait observer en dis

1

cutant l'ordonnance sur les pénitenciers militaires,

ne doit pas être celui de l'armée; mais il doit s'en rapprocher le plus possible par sa couleur, ou tout au moins par sa forme, et n'avoir rien de commun avec celui des autres prisons. Je le répète, et qu'on s'en pénètre bien, cette mesure a plus d'importance qu'on ne le présume sur l'amendement et sur l'avenir des condamnés de cette classe.

2o

Les Ministres des cultes divers.

Et ce n'est pas pour eux que je sollicite cette exception. C'est pour le caractère indélébile qui leur a été imprimé. Si à l'égard des prisonniers de familles royales, les peuples ont senti qu'il ne saurait être de leur propre dignité d'avilir ceux qu'ils avaient reconnus pour maîtres; il ne serait pas conséquent d'avilir ceux que le Ciel a revêtus du sacerdoce. Dans le premier cas, les hommes se manqueraient à eux-mêmes, et dans le second, ils insulteraient à Dieu.

Conséquemment, les ministres des cultes ne devront pas être assujettis à l'uniforme ordinaire des prisonniers; le leur, conservera de même que pour les condamnés militaires, un caractere particulier, mais invariable. Et cela est nécessaire, puisque dans chaque prison de telle ou telle catégorie, (les prisonniers politiques et ceux pour dettes exceptés), la surveillance doit être facile, et que rien n'y contribue autant que l'uniformité des vêtemens dont on couvre les détenus.

2me partie, des Condamnés Militaires.