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»saire à l'ordre et à la distribution des travaux ; avec » une administration fortement et hiérarchiquement » organisée pour le maintien de la discipline et le >> scrupuleux accomplissement de toutes les condi>>tions nécessaires à la régénération des condamnés, >> on puisse enfin obtenir que ces êtres sortent de » prisons tout autres qu'ils n'y sont entrés? »>

Laissez-moi vous le dire; ces hommes dont vous parlez ne croiront en rien ni pour rien à l'efficacité de tout ce fatras de précautions systématiques, en tant qu'un fort petit nombre de condamnés puissent échapper à la régénération que vous leur assurez mais ils croiront à la possibilité d'un grand nombre de conversions au bien, du moment où, laissant de côté la métaphysique du crime, vous oserez le considérer tel qu'il est, et lui proposer des remèdes plus simples, plus naturels et surtout infiniment moins onéreux.

Ils ne croiront point à la nécessité de votre incompréhensible mécanisme pénitentiaire, parce que vous n'y croyez pas vous-même; et que vous confessez, (même page) « — qu'en l'absence de tous ces >> moyens précités, de tous ces ressorts, que sans le >> concours des architectes et de toute cette force >> d'organisation administrative et disciplinaire, nous » avons vu à la voix d'une femme, de madame Fry, » s'opérer l'incroyable métamorphose de Newgate, >> par la seule puissance du repentir!

Que son exemple nous serve donc de leçon, et craignons d'oublier qu'en toutes choses, le mieux est l'ennemi du bien. Ce bien est si facile pour peu qu'on veuille s'y tenir ! si facile en France surtout, pour peu qu'on n'ait pas la singulière prétention de ne vouloir

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y croire et l'entreprendre qu'à la condition expresse qu'elle réformera par une refonte générale et ses vieilles lois et ses vieilles mœurs ! M. Lagarmitte va même jusqu'à dire que l'honneur national l'exige, parce que cet honneur là « s'indigne de voir la France > conserver dans ses lois pénales un degré de bar» barie qu'ont déjà secoué la plupart des nations qui » l'environnent. >>

En vérité, si j'étais étranger, et que ce passage vînt à me tomber sous les yeux, je croirais la France un véritable pays d'antropophages dont je garderais bien d'oser jamais approcher, tant je craindrais d'en revenir, si non tout-à-fait dévoré, pour le moins tout couvert du sang dont le pouvoir s'abreuve à longs flots dans ses orgies légales de meurtres et d'assassinats!

Pauvre France! pauvre pays de monarchisme et de religion! que ne brises-tu de nouveau le sceptre de tes Rois, les autels de ton Dieu ? tu serais libre alors! alors seulement tu comprendrais comment la dignité de l'homme doit être respectée jusques dans ces êtres tarés, avilis, corrompus, dégradés, que le glaive de ton despotisme a souillés d'infamie; et comment aussi tu peux régénérer leurs âmes par l'infaillible panacée

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• Cette réforme dcs prisons, cette législation relative à leur nouveau régime transitoire, puis définitif, entraîne nécessairement la révision dú code pénal, qui doit se combiner avec le code disciplinaire. Telles sont les conditions, les nécessités même de la réforme. »

Ch. Lucas, vol. 3. p. 35.

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En France la réforme des prisons devra coïncider avec un travail bien autrement large, la révision générale des lois criminelles. Tout exige cette refonte.

H. Lagarmitte. Préface de la traduction des leçons de Julius, p. XXV.

morale du régime pénitentiaire largement conçu, prodiguement développé. Car «-avec les meilleurs inten» tions, dit M. Rossi, les gouvernemens absolus ne >> sauraient dépasser la mesure de leur capacité. » Quand ils font tout le bien dont ils sont capables, >> encore restent-ils à une immense distance du but » qu'un gouvernement national doit atteindre : et, » demander quelle sera l'époque de la véritable ré» forme du système pénal dans un pays, c'est de>>> mander quel sera le jour où la liberté luira sur ces >>> contrées. >>

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Or, comme il est bien prouvé aux yeux de certaines gens, que la monarchie n'est pas pour la France un gouvernement national; il faut en conclure que nous ne pourrons jouir d'une véritable réforme pénitentiaire, qu'au jour où la liberté luira sur nos contrées ; c'est-àdire, qu'après qu'une bonne et solide révolution nouvelle aura fait table rase de toutes nos institutions séculaires, et les aura remplacées par le gouvernement modèle du peuple par lui-même !

Va donc pour une révolution, puisque c'est à ce prix seul qu'on peut obtenir la régénération du petit nombre d'assassins et de bandits à divers titres, que la société détient dans ses prisons. La retarder serait de notre part un véritable massacre, car ainsi que le dit l'un des plus illustres génies romantiques de l'époque.«- La France est toujours à la mode en Europe.»>

Charles Lucas, vol. 3, p. CXV.

• Victor Hugo, Europe Littéraire, cahier du 19 septembre 1833, page 238.

Le même penseur a dit à la page suivante que :

Une révolution est la larve d'une civilisation.» A un près hous serions quasi de son avis: qu'il écrive Larves.

Et pour peu que les choses durassent encore quelque temps sur le pied où elles sont, il se pourrait bien faire qu'il advînt, par la suite, que la république n'advînt pas du tout.

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Et voilà pourtant à quelle exagération l'esprit de système entraîne les hommes les meilleurs et les plus honorables! Supprimez un seul iota de leurs combinaisons politiques, religieuses ou philantropiques c'est que vous êtes de vils esclaves, de niais fanatiques ou d'imbécilles inhumains! Tout ou rien, voilà leur devise: nous dirons, nous, avec moins de vanité et plus d'espérance de succès dans notre cause,AUTANT QUE POSSIBLE, et c'est assez.

Nous aimerons à retrouver l'humanité jusques dans les gouvernemens les moins avancés sur la voie de la civilisation nouvelle, et notre tâche sera facile. De même que pour ne pas tomber dans le vague indéfini que nous reprochons aux autres, eu égard au but qu'ils se proposent, nous établirons ainsi notre principe d'administration.

- Chercher par quels moyens identiques à notre état social, on peut améliorer tout-à-la-fois notre régime des prisons, tant sous le rapport matériel que sous le rapport moral,

DEUXIÈME DIVISION.

DE LA CLASSIFICATION

DES PRISONS.

Ce fut un Roi absolu qui dictait il y a quelques cinq cent-quatre-vingt-deux ans, ces paroles remarqua

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bles: Les prisons doivent être faites pour avoir en >> sûreté ceux qui y sont, et nullement pour les affliger >> ou leur faire aucun mal. Car c'est assez qu'ils soient >> prisonniers pour être tourmentés par leur situation » même, et par la crainte de la peine à laquelle ils >> seront condamnés, quand on les jugera. >>

Ceci regarde les prévenus.

Voici pour les condamnés:

<< La loi condamne à mort les gardiens ou con» cierges qui tortureraient malicieusement les pri>> sonniers. >>

Et ce fut depuis, en 1793, sous la république, qu'il y eut de ces grandes journées, où le souverain-multiple d'alors, se gouvernant par lui-même, jugea convenable d'égorger ses prisonniers en masse, attendu, «< comme le proposait Camille-Desmoulins, que les >> mettre en liberté les uns après les autres, eut été » une marche rétrograde, et qu'en révolution il ne » faut jamais reculer. »

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J'établis ce parallèle sans haine et sans intention désobligeante pour qui que ce soit ; mais seulement pour prouver que si la civilisation des peuples est le fruit de l'expérience et du temps, elle est soumise à de bien tristes et bien déplorables anomalies! Profitons de leurs leçons.

Or, il n'est pas douteux que l'expérience et le temps ne nous commandent aujourd'hui d'apporter une classification distincte dans l'établissement des prisons.

Alphonse X. Voyez l'Europe littéraire, 15 septembre 1833. p. 223.

Il succéda à la couronne en 1252.

. Id.

:

3 Voyez Essais historiques sur la Révolution de France, par Beaulieu, vol. 5, p. 326.

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