Page images
PDF
EPUB

ne pas l'adopter? Qu'il reçoive de l'institution même de votre nouveau système pénitentiaire un degré de plus d'importance et de légalité, et vous verrez après si je vous ai trompés.

Et d'ailleurs, à quoi bon des primes ou gratifications pécuniaires? On n'en concevrait le bénéfice qu'en perpétuant l'usage des cantines. Or, c'est un critérium pénitentiaire qu'il n'y a point de réforme possible avec la conservation des cantines. Et dussent tous les geoliers du monde se réunir pour vous prouver que j'ai tort: Songez-y bien, c'est en cela que j'ai le plus incontestablement RAISON.

Je ne prétends pas, du reste, qu'aucune gratification pécuniaire ne doive être la récompense de la bonne conduite, de l'intelligence ou de l'amour du travail; je crois, au contraire qu'on ne peut se dispenser d'en accorder; mais que dans ce cas, elles ne doivent qu'accroître la masse du détenu dont le décompte, à la fin de son ban, sera d'autant plus avantageux pour lui qu'il se sera mieux conduit, et qu'il aura donné le plus de preuves d'un sincère repentir.

Oh! que c'est pénible et difficile à conduire une agglomération de condamnés !

CINQUIÈME POINT.

DE LA GYMNASTIQUE.

Ce qu'on voit le plus ordinairement régner en prison, c'est une gaieté turbulente et brusque, ou une

apathie rêveuse et triste. Et pour qui n'a pas pu se procurer à la bienheureuse cantine de quoi passer ses heures de recréation à godailler sur les tables des réfectoires, il n'y a, en général, que deuil et morosité. Delà, ces rangées de prisonniers qu'on rencontre couchés au soleil dans leurs préaux ; ou, quand le temps est humide ou froid, se promenant lentement sous les voûtes les plus sombres et les plus silencieuses de la prison.

Ces deux conditions d'intempérance folle ou de sauvageté farouche, sont également funestes à la conservation de la santé comme à l'amélioration du moral des condamnés. Il faut y porter remède.

Il le faut surtout, pour ne laisser aux condamnés aucun instant d'oisiveté dont ils puissent profiter pour se corrompre par la pensée ou par la lubricité.

Eh! grand Dieu! nos soldats sont de braves gens qu'aucune infamie n'a souillés, Cependant, que deviendrait le moral de votre armée, principalement en garnison, sans l'obligation de l'exercice et de l'entretien du fourniment? Vous le savez bien !

Or, le meilleur moyen d'empêcher le désœuvrement de vos détenus qui n'ont point de fourniments à entretenir, d'école de peloton à faire ni de garde à monter, c'est de les occuper à des exercices gymnastiques pendant l'une des récréations, et à l'étude de ce qu'on leur enseigne durant l'autre.

Et rien de plus facile, ainsi que nous allons bientôt le démontrer.

On sait quelle est, en général, la passion du jeu chez les prisonniers, et qu'il n'est pas de ruses qu'ils n'emploient pour s'y livrer.

Les cartes, les dés, le petit palet, les dames et le domino sont à peu près les recréations qu'ils préfèrent. Toutes sont dangereuses, parce que tous ces délassemens leur offrent le moyen de jouer de l'argent, jusqu'à leurs vivres, et que le besoin de gagner les entraîne à devenir escrocs. Vous sentez que c'est une nécessité contre laquelle dans le séjour qu'ils habitént, leur conscience n'a guère de solides raisons à opposer.

On a dit avec beaucoup de justesse de la presque totalité des joueurs, qu'ils commençaient par être dupes et finissaient par devenir fripons. Il y a pour nos condamnés la moitié de la besogné de faite en entrant en prison; et comme c'est pour désapprendre ce qu'ils ont acquis de science en ce genre qu'on les renferme, il he convient nullement de leur en faciliter la dangereuse étude.

Conséquemment point de jeux de quelque espèce qu'ils soient ni quelqué innocents qu'ils vous paraissent, ou point de régénération possible. C'est à choisir.

De l'air, du mouvement, de l'exercice, de la gymnastique enfin; l'hygiène et la morale vous le commandent, il faut les écouter, les comprendre et leur obéir.

Mais en quoi consistera cette gymnastique?

Il faut se conformer en cela aux habitudes locales. Il serait ridicule d'astreindre les Flamands à se recréer à cet élégant jeu de paume dans lequel les Basques sont d'une si étonnante habilité, de même qu'il serait absurde de forrer ceux-ci à se contenter du modeste volant que se poussent et repoussent avec un sérieux inébranlable, les bons et flegmatiques habitans de la majeure partie du nord.

A chacun ses habitudes et ses mœurs, et tout moyen gymnastique sera utile et bon, du moment toutefois où vous n'en ferez pas un travail obligé et fatiguant à l'imitation de celui du tread-mill, qu'on a si philantropiquement imposé comme une recréation aux malheureux convicts des pénitenciers d'Angleterre et des États-Unis.

Des réglemens d'administration locale peuvent donc seuls déterminer convenablement, quel sera le mode de gymnastique à introduire dans telle ou telle prison ou pénitencier.

SIXIÈME POINT.

DE LA DISCIPLINE.

J'ENTENDS par discipline la manifestation de l'ordre dans tous ses rapports avec l'ensemble du service général.

Considérée ainsi, la discipline ne consiste pas seulement à maintenir les condamnés dans les limites des devoirs qui leur sont imposés; elle consiste encore à y contenir les employés de tout grade, ce qu'il est, incontestablement, cent fois plus difficile d'obtenir de ceux-ci que des premiers.

A l'égard des prisonniers, la discipline commande une surveillance de tous les instants de jour et de nuit, afin de pouvoir connaître, apprécier et punir toutes les infractions dont ils se rendent coupables.

A l'égard des employés, elle exige une obéissance absolue dans l'exécution prompte et complète des ordres qu'ils reçoivent de la part de leurs chefs supérieurs. Tout employé qui les discute, les commente, les censure, les modifie ou, ce que j'ai vu arriver quelquefois, se refuse tout nettement à leur exécution, se constitue en état de révolte et doit être immédiatement révoqué. Car par son exemple, il a provoqué l'insubordination parmi les détenus, et ruiné, pour longtemps, toute la moralité de l'établissement auquel il est attaché.

Que si les ordres qu'il a reçus lui paraissent arbitraires, il n'en est pas le juge; et celui qui les lui a donnés en demeure seul responsable. Or, comme un acte d'injustice hurle en prison et trouve des centaines d'échos pour le redire et le flétrir, l'auteur n'échappera point au contrôle légal et sévère dont nous l'avons environné, et, comme dit le langage sacré, il en recevra la récompense.

On sent trop combien cette obéissance hiérarchique est indispensable au développement et aux progrés du système pénitentiaire, pour qu'il me soit besoin de citer, comme je le pourrais, de nombreux exemples des dangers que son infraction entraîne.

Je me bornerai donc ici à l'indication de quelques moyens de discipline et de police, dont l'usage me semble on ne peut plus funeste à l'amendement des condamnés.

Il en est un surtout dont l'adoption presque générale en prison, est d'une profonde immoralité. Je veux parler de l'espionnage.

Que dans l'intérêt des honnêtes-gens on alloue

« PreviousContinue »