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vais penchans et la perpétuation du repentir. Je suis donc bien persuadé que cette méthode ne pourrait qu'être extrêmement favorable à l'amendement réel des condamnés.

Mais on peut opposer à cela une considération bien importante, eu égard aux rapports sociaux qui doivent exister après l'achèvement du ban entre le condamné libéré et ses concitoyens si malheureusement peu favorablement disposés à le bien accueillir.

L'un des effets les plus incontestables de l'octroi d'une grâce royale, et de la publicité qu'elle reçoit, c'est d'imprimer dans l'esprit du peuple, ( et tout le monde est peuple) cette idée, que le gracié fut condamné avec trop de rigueur, et que la grâce qu'il reçoit est plutôt une manifestation de la justice que de la clémence du prince. Or, cette idée, toute fausse qu'elle soit, n'en est pas moins la base d'un préjugé extrêmement favorable à l'avenir du condamné; car l'humiliation qui l'attend et ne lui faillit jamais, est une des causes les plus absolues de sa rechute dans le crime et des jugemens par récidives qui le démoralisent à tout jamais: J'ai donc également la plus intime conviction qu'on ne saurait, sans imprudence, renoncer aux grâces pleines et entières en faveur de nos prisonniers.

il

Mais serait-il donc si difficile de combiner les deux systèmes, et d'en faire un élément pénitentiaire des plus rationnels? je le crois possible : et pour cela, suffirait ce me semble, d'établir, en principe, que les condamnés ne pourront obtenir qu'une ou plusieurs commutations de la nature ou de la durée de leur peine; sauf à la clémence royale de les en gracier totalement, suivant qu'ils auront donné plusieurs preuves

indubitables de leur repentir et de l'amélioration de leurs mœurs.

Par ce moyen, les deux opinions se trouvent conciliées sans que la couronne perde rien de sa plus noble et de sa plus sainte prérogative. C'est une ordonnance à rapporter et une ordonnance à faire, et quoi de plus aisé ?

On me pardonnera de m'être beaucoup étendu sur cet objet majeur de la réforme de notre régime actuel des prisons. Et si l'on veut bien me comprendre, on concevra qu'il ne m'est pas besoin de formuler ici les modifications qu'il conviendra d'obtenir, relativement au droit de grâce, pour arriver à la création de notre unité de système; tant il est facile d'effectuer le bien qu'on conçoit clairement, et qu'on a la ferme volonté de réaliser un jour.

CHAPITRE SIX.

De l'Efficacité du Système pénitentiaire.

'EST une chose singulière à constater que la marche de l'esprit humain! il tourne incessamment autour d'une circonférence immense et raboteuse ; et chaque halte qu'il fait, ébranle tout l'univers d'une secousse plus ou moins violente, plus ou moins funeste ou propice, suivant qu'il met plus ou moins de temps à se rendre compte et à se débarrasser des obstacles qui l'arrêtent !

Ces haltes ont été lucidement annotées par l'histoire qui a pris soin de les transcrire dans ses fastes universels.

Tout ce mouvement's'est appelé civilisation, et chaque temps d'arrêt, époque. Ainsi, il y eut une époque où l'on croyait que la terre était immobile, et une autre époque où il fut démontré qu'elle tournait autour du soleil. L'histoire politique et civile, les sciences et les arts, la religion et la philosophie eurent leurs époques de repos et de renouvellement; et toujours l'enthousiasme accueillit avec effervescence les divers systèmes des novateurs, sauf à discuter plus tard sur l'erreur ou la vérité de ce qu'ils venaient offrir ex professo, comme la panacée infaillible de la perfectibilité sociale.

que

Or, ce fut environ vers l'époque où Parmentier invitait ses amis à un banquet tout servi en pommes de terre, que la charité pieuse et philosophique d'un homme de bien donna par son exemple, l'élan à la réforme de l'odieux et barbare système des prisons. Howard, de l'autre côté du rivage criait aux hommes, prenez pitié des pauvres prisonniers, tandis Parmentier leur répétait : voilà de quoi les nourrir! Et je ne saurais dire, en vérité, qui de ces deux philantropes célèbres a rendu le plus de service à l'humanité à notre avis du moins, la science du dernier a fait de bien plus rapides et de bien plus heureux progrès que celle de son immortel contemporain ; car nourrir le corps des prisonniers à bon marché, n'est plus un mystère pour personne; tandis que régénérer leurs ames est encore pour tout le monde, un problême difficile à résoudre.

Et ce n'est assurément pas faute de calculateur. Qu'en conclure? c'est qu'il est insoluble; et que semblable à la fameuse question de la quadrature du cércle, tout ce qu'on peut espérer de mieux, c'est d'en approcher le plus près possible.

Mais qu'est-il arrivé? c'est qu'au lieu de s'adresser à des expérimentateurs de la difficulté qu'on veut vaincre, on n'a prêté l'oreille qu'au langage de la théorie. Ge sont les théoriciens qu'on a chargé de cette étude ardue; et comme il n'en est pas un seul qui n'ait dans sa conviction d'honnête-homme que son système de réforme est le plus infaillible, il faut voir avec quelle superbe ces hautes puissances investigatrices interrogent dans le cours de leur cosmopolisme-philantropique, ces metteurs en œuvre, comme ils disent, qui

vouent leur déplorable existence à la vie administrative des prisons! Il faut voir avec quelle bienveillance ils approuvent tout ce qui dans la pratique a quelque chose de ressemblant avec leur chère marotte, et quel sourire de pitié vient errer sur leurs lèvres à la plus légère marque d'opposition de la part de ces pauvres diables d'employés auxquels ils semblent dire alors: ces gens là n'y comprennent rien.

Pour nous qui croyons, à tort peut-être, qu'ils y comprennent quelque chose, nous avons cru néces saire de les consulter un peu sur la grande question qui nous occupe.

Et voici ce que nous avons appris.

D'abord, M. Colquhoun, directeur de la police de Londres, en 1797, déclare au parlement, « que rare»ment, ou même jamais, il n'avait vu un individu >> sorti des pontons, se livrer à une profession hon»> nête. >>>

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Mais ajoute M. Julius: « Quand l'inspection supé >> rieure des pontons fut confiée à M. Capper, tout >> changea et devint le mieux du monde. »

Ecoutons - donc maintenant ce que répond M. Capper lui-même à l'enquête qui fut faite auprès de lui par un comité du Parlement, à l'égard des améliorations introduites dans l'administration pénitentiaire des pontons. Il s'agit ici des jeunes délinquans..

« D.- Avez-vous eu des moyens d'apprendre » quelle a été la conduite qu'ont tenue depuis leur » libération les jeunes gens qui y ont été détenus ? » « R. Il m'est triste d'avouer que leur détention

2 Leçons de Julius, vol. 1, p. 293.

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