Page images
PDF
EPUB

pourrez bien dans l'état d'ignorance ét de stupide impiété, de misère et d'abandon où il végéte encore de nos jours, le rendre aussi farouche et aussi altéré de sang que le tigre ou le jaguar; mais dans son état normal vous n'en sauriez faire un bourreau de sang-froid, dussiez-vous comme autrefois dans plusieurs endroits de l'Allemagne, lui concéder les titres et les privilèges de la noblesse, après avoir coupé un certain nombre de têtes!

Le maintien des peines infamantes, par rapport à la moralité du peuple, est donc évidemment nul; et par rapport à ceux qui les subissent, il est incontestablement un obstacle presque invincible à leur repentir et à leur amendement. Supprimez donc ce cachet ignominieux de vos codes pénaux, puisqu'il est plus préjudiciable qu'utile à la moralité de vos concitoyens.

Et d'ailleurs, quelle différence si grande apporterait donc cette modification dans le cours ordinaire de votre justice pénale actuelle ? Ce que vous appelez crime, délit ou contravention changerait-il de nature par cela même que vous n'adopteriez plus que le nom générique d'infractions ? L'application des peines, suivant le caractère et le degré de culpabilité, seraitelle moindre parce que vous en auriez écarté le stygmate inutile d'infamie à l'aide duquel vous en aviez fait trois classes différentes? Ne vous est-il pas démontré par toutes les investigations les plus scrupuleuses de l'expérience, qu'en général vos condamnés criminels sont moins corrompus et plus aptes au repentir que vos condamnés correctionnels? Que résulte-t-il donc

Musée de Familles, 24 Octobre 1833, p. 30.

maintenant du caractère spécial que vos catégories pénales impriment à vos arrêts de condamnation ? Que le plus souvent, l'opprobre pèse sur celui dont l'âme est le moins corrompue ! Et ne dites pas que, par conséquent, ce hideux caractère que la loi imprime aux condamnés est utile en ce sens qu'il les prédispose davantage au retour à la vertu ; car, N'OUBLIEZ PAS CECI: Ce n'est pas sous le rapport de son amendement en prison qu'il importe d'effacer l'infamie du condamné; c'est sous le rapport de la tache dont elle le souille aux yeux de ses concitoyens après sa libération. Et comme c'est surtout de l'avenir moral des condamnés que le système pénitentiaire s'occupe, et qu'il n'a même de but utile que sous ce point de vue, c'est à les faire persévérer dans le bien que doivent tendre tous vos efforts; or, la persévérance dans le bien est impossible à celui qui ne doit recueillir que la honte et le mépris pour toute récompense de ses souffrances et de son repentir?

MM. de Beaumont et de Tocqueville ont donc eu raison de dire, qu'il n'y a rien d'inconséquent comme de déclarer infáme PAR JUGEMENT, un homme qui plus tard doit reparaître dans la société.

[ocr errors]

Cette inconséquence, la reconnaîtra-t-on ? C'est ce qu'il ne m'appartient pas de décider. J'apprécie la puissance du talent de nos criminalistes de profession et tout l'empire qu'elle doit exercer sur des innovations de ce genre, dont la simplicité même peut d'autant mieux les effrayer qu'elle se révèle pour ainsi dire aux yeux de tout le monde, et que vouloir ce que veut

1 Page 168.

tout le monde c'est un effort de modestie qui, aux yeux de beaucoup de gens, ravale la science et le talent au niveau du plus simple bon sens.

Le seul fait qu'il nous importe de décider, quant à nous, homme d'expérience seulement, c'est celui de l'urgence des modifications que nous demandons dans l'intérêt spécial du succès de la réforme pénitentiaire; et nous croyons fermement à l'indispensabilité de ces modifications.

Qu'ensuite il soit décidé, par qui de droit, que le succès de la réforme n'est pas d'une telle importance qu'il faille lui sacrifier aucune des dispositions pénales en vigueur? C'est possible, et nous n'en serions nullement étonnés. Nous avons déjà cité cette opinion de M. Muralt de Zurich, rapportée par M. Ch. Lucas, qu'une fois notre crise philantropique passée, la société reviendrait à se débarrasser plus économiquement des malfaiteurs à l'aide de l'échafaud et du bourreau, ce qui me paraît en effet infiniment économique, mais un tant soit peu moins humain, cependant, que l'avis de Messieurs de l'Académie française qui ont décidé en faveur de M. Ernest de Blosseville, qu'il valait encore mieux se contenter de déporter les malfaiteurs que de les guillotiner. *

Toutefois, comme il n'y a heureusement encore aucun parti de pris à cet égard, nous qui conservons l'espérance qu'on ne les déportera ni ne les tuera, nous allons suivre l'exposé de notre système comme s'il ne s'agissait que d'aviser aux moyens de les régénérer.

[ocr errors][merged small]
[merged small][ocr errors][merged small]

On s'est demandé 1°, si la durée des peines était ou non avantageuse à l'amendement des condamnés? 2o, S'il devait y avoir des peines perpétuelles ? 3o, De quelle époque devait dater le commencement d'exécution de la peine à subir ?

Pour nous, en France, nous admettons dans plusieurs circonstances, l'arbitrage par le juge, de la durée de la peine entre deux limites données : nous admettons les peines perpétuelles, et pour époque de laquelle toutes doivent commencer à courir, celle où le jugement est devenu définitif.

!

Ces différentes dispositions peuvent-elles influer sur le succès de la réforme pénitentiaire en ce qui touche à son mode d'exécution? C'est ce que nous allons examiner.

En principe, quel a dû être le motif du plus ou du moins de durée des châtimens infligés par le législateur? Il ne faut pas s'abuser à cet égard; c'est évidemment le plus ou le moins de danger que le condamné présentait par son infraction, sous le rapport de son retour à la liberté. Car jamais, convenons-en, il n'était entré dans l'esprit d'aucun jurisconsulte de ce temps là, que la peine pût devenir un moyen de régénération

pour celui qui la subissait. Comment espérér, en effet, que dans l'état de corruption où se trouvait le régime de nos pris ns, et dans lequel il se trouve encore à peu de choses près, elles parussent jamais, aux yeux de qui que ce fût, une école de mœurs et un stimulant au repentir !

Séparer un condamné de la société pour plus ou moins de temps, suivant que, par la nature de son crime, il avait inspiré plus ou moins de crainte et fait redouter pour l'avenir plus ou moins de dangers, fut donc, incontestablement, le but réel des dispositions pénales relatives à la durée de l'emprisonnement.

Mais voilà qu'un autre système a généralement prévalu, et l'on s'est dit : Le but de la peine infligée doit être l'amendement du coupable. Il importe donc essentiellement de savoir, pour entrer franchement dans cette ère nouvelle de juridiction pénale, si la durée de la peine influe sur l'espérance et la possibilité d'amender le condamné. — C'était là une déduction toute rationnelle du nouveau principe; il est donc conséquent de s'en occuper.

En thèse générale, quand la cause est modifiée dans son principe, les effets doivent nécessairement l'être dans leurs résultats.

Dans le premier cas, c'est sous l'empire de la crainte qu'inspirait le coupable, que la législation pénale à été déterminée.

Dans le second cas, c'est sous l'empire de l'espérance qu'on a d'amender le coupable, que cette même législation doit être déterminée.

D'où il suit, que notre ancien code pénal doit subir

« PreviousContinue »