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Devait-on prendre pour électeurs les seuls ouvriers du fond ou ceux aussi qui travaillent à la surface? Les deux systèmes furent votés tour à tour; le premier, celui qui n'admettait au vote que les ouvriers du fond, fut enfin adopté par ces motifs que les accidents se produisent au fond et non à la surface (sauf de rares exceptions); que seul le travail du fond exige des hommes techniques, les ouvriers de la surface étant souvent des manoeuvres et des nomades; qu'enfin les ouvriers du fond étant seuls éligibles il était naturel de faire nommer les délégués par ceux qui les peuvent connaître et non par les ouvriers de la surface, étrangers à ce qui se passe dans la mine.

On admit facilement comme éligibles les anciens ouvriers bien qu'ils ne fussent pas électeurs. Il y avait bien contre une telle mesure cette grave objection que ces anciens ouvriers peuvent avoir été congédiés par les compagnies, et rentreront la tête haute et la vengeance au cœur dans ces exploitations dont ils auront été exclus et cette autre objection que souvent les anciens ouvriers deviennent cabaretiers, ce qui en fait (on l'a vu à l'épreuve) d'irrésistibles candidats et de fàcheux délégués. Ce qui décida le Parlement est qu'on trouvait chez ces anciens mineurs cette indépendance tant cherchée, puisqu'ils ne relevaient en rien des exploitants. Les Chambres refusèrent même d'admettre des amendements portant que les ouvriers renvoyés pour faute grave contre la discipline, renvoyés même pour avoir été la cause d'accidents sérieux par imprudence et mépris des règlements, ne seraient pas éligibles.

Cette disposition encore fut combattue qui met à la charge des compagnies surveillées le paiement des délégués. Mais on ne voulait pas le mettre à la charge du budget, moins encore à la charge des ouvriers comme a fait la loi anglaise; il suivait donc qu'il doit être supporté par les compagnies.

La loi d'ailleurs fut votée à une très forte majorité et réunit les députés et sénateurs des partis les plus opposés. Tandis qu'un député de la droite M. Le Cour se félicitait d'y avoir contribué comme à la première loi votée par la présente législation dans l'intérêt des ouvriers, divers députés de l'extrême gauche déclaraient y voir un commencement de socialisme qui se développerait peu à peu et dont les conséquences seraient fertiles dans l'intérêt de leur cause.

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Art. 1er. Des délégués à la sécurité des ouvriers mineurs sont institués conformément aux dispositions de la présente loi, pour visiter les travaux souterrains des mines, minières ou carrières, dans le but exclusif d'en examiner les conditions de sécurité pour le personnel qui y est occupé, et, d'autre part, en cas d'accident, les conditions dans lesquelles cet accident se serait produit.

Un délégué et un délégué suppléant exercent leurs fonctions dans une circonscription souterraine dont les limites sont déterminées par un arrêté du préfet rendu sous l'autorité du ministre des tra

vaux publics après rapport des ingénieurs des mines, l'exploitant entendu.

Tout ensemble de puits, galeries et chantiers dépendant d'un même exploitant et dont la visite détaillée n'exige pas plus de six jours, ne constitue qu'une seule circonscription. Les autres exploitations sont subdivisées en deux, trois, etc., circonscriptions selon que la visite n'exige pas plus de douze, dix-huit, etc., jours. Un même arrêté statue sur la délimitation des diverses circonscriptions entre lesquelles est ainsi divisé, s'il y a lieu, l'ensemble des puits, galeries et chantiers voisins dépendant d'un même exploitant, sous le territoire d'une même commune ou de plusieurs communes contiguës.

A toute époque, le préfet peut, par suite de changements survenus dans les travaux, modifier, sur le rapport des ingénieurs des mines, l'exploitant entendu, le nombre et les limites des circonscriptions.

A l'arrêté préfectoral est annexé un plan donnant la délimitation de chaque circonscription et portant les limites des communes sous le territoire desquelles elle s'étend. Ce plan est fourni par l'exploitant en triple expédition, sur la demande du préfet et conformément à ses indications.

L'arrêté préfectoral est notifié dans la huitaine à l'exploitant auquel est remis en même temps un des plans annexés audit arrêté.

Ampliation de l'arrêté préfectoral, avec un des plans annexés, reste déposée à la mairie de la commune qui est désignée dans l'arrêté parmi celles sous lesquelles s'étendent les circonscriptions qu'il délimite; elle y est tenue, sans déplacement, à la disposition de tous les intéressés.

Un arrêté du préfet, rendu sur le rapport des ingénieurs des mines, peut dispenser de délégués toute concession de mines, ou tout ensemble de concessions de mines contiguës, ou tout ensemble de travaux souterrains de minières ou carrières qui, dépendant d'un même exploitant, emploierait moins de vingt-cinq ouvriers travaillant au fond.

Art. 2. Le délégué doit visiter deux fois par mois tous les puits, galeries et chantiers de sa circonscription. Il visitera également les appareils servant à la circulation et au transport des ouvriers.

Il doit, en outre, procéder sans délai à la visite des lieux où est survenu un accident ayant occasionné la mort ou des blessures graves à un ou plusieurs ouvriers, ou pouvant compromettre la

sécurité des ouvriers. Avis de l'accident doit être donné sur-lechamp au délégué par l'exploitant.

Le délégué, dans ses visites, est tenu de se conformer à toutes les mesures prescrites par les règlements en vue d'assurer l'ordre et la sécurité dans les travaux (1).

Le délégué suppléant ne remplace le délégué qu'en cas d'empêchement motivé de celui-ci, sur l'avis que le délégué en a donné tant à l'exploitant qu'au délégué suppléant.

Art. 3. Les observations relevées par le délégué dans chacune de ses visites doivent être, le jour même ou au plus tard le lendemain, consignées par lui sur un registre spécial fourni par l'exploitant, et constamment tenu sur le carreau de l'exploitation à la disposition des ouvriers.

Le délégué inscrit sur le registre les heures auxquelles il a commencé et terminé sa visite, ainsi que l'itinéraire suivi par lui.

L'exploitant peut consigner ses observations et dires sur le même registre, en regard de ceux du délégué.

Des copies des uns et des autres sont immédiatement et respectivement envoyées par les auteurs au préfet, qui les communique aux ingénieurs des mines.

Lors de leurs tournées, les ingénieurs des mines et les controleurs des mines doivent viser le registre de chaque circonscription. Ils peuvent toujours se faire accompagner dans leurs visites par le délégué de la circonscription.

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Art. 4. Le délégué et le délégué suppléant sont élus au scrutin de liste dans les formes prévues aux articles suivants.

Art. 5. Sont électeurs dans une circonscription les ouvriers qui y travaillent au fond, à la condition:

1° D'être Français et de jouir de leurs droits politiques;

2o D'être inscrits sur la feuille de la dernière paye effectuée pour la circonscription avant l'arrêté de convocation des électeurs.

Art. 6. Sont éligibles dans une circonscription, à la condition. de savoir lire et écrire, et, en outre, de n'avoir jamais encouru de condamnation pour infraction aux dispositions soit de la présente

(1) Il avait été proposé, au cours des débats, de reconnaître aux exploitants, le droit, que leur confère d'ailleurs la loi anglaise, de faire accompagner les délégués dans leurs visites, sans que la liberté de ceux-ci fût entravée en rien. Qu'arrivera-t-il, disait au Sénat M. Blavier, ancien ingénieur des mines, dans le cas suivant qui nous a été cité par un concessionnaire ? Le délégué qui visite seul laisse ouverte une de ces portes de ventilation qu'il est indispensable de tenir fermées et il en résulte un coup de grisou. La proposition cependant n'eut pas de succès.

loi, soit de la loi du 21 avril 1810 et du décret du 3 janvier 1813, soit des articles 414 et 415 du code pénal (1) :

1° Les électeurs ci-dessus désignés, âgés de vingt-cinq ans accomplis, travaillant au fond depuis cinq ans au moins dans la circonscription ou dans l'une des circonscriptions voisines dépendant du même exploitant, qui sont délimitées par le même arrêté préfectoral conformément au paragraphe 3 de l'article 1er cidessus;

2o Les anciens ouvriers domiciliés dans les communes sous le territoire desquelles s'étend l'ensemble des circonscriptions comprises avec la circonscription en question dans le même arrêté de délimitation, conformément au susdit paragraphe 3 de l'article 1er, à la condition qu'ils soient âgés de vingt-cinq ans accomplis, qu'ils soient Français, qu'ils jouissent de leurs droits politiques, qu'ils aient travaillé au fond pendant cinq ans au moins dans les circonscriptions comprises dans l'arrêté précité, et qu'ils n'aient pas cessé d'y être employés depuis plus de dix ans, soit comme ouvrier du fond, soit comme délégué ou délégué suppléant;

3o Les anciens ouvriers ne seront éligibles que s'ils ne sont pas déjà délégués non seulement pour une circonscription de la mine de l'exploitant, mais encore pour une circonscription d'une autre mine située dans ou en dehors du territoire de leur commune.

Pendant les cinq premières années qui suivront l'ouverture à l'exploitation d'une nouvelle circonscription, pourront être élus les électeurs justifiant de cinq années de travail au fond, dans une mine, minière ou carrière souterraine de même nature.

Art. 7. Dans les huit jours qui suivent la publication de l'arrêté préfectoral convoquant les électeurs, la liste électorale de la circonscription, dressée par l'exploitant, est remise par lui en trois exemplaires au maire de chacune des communes sous lesquelles s'étend la circonscription. Le maire fait immédiatement afficher cette liste à la porte de la mairie et dresse procès-verbal de cet affichage; il envoie les deux autres exemplaires au préfet et au juge de paix avec copie du procès-verbal d'affichage. Dans le même délai de huit jours, l'exploitant fait afficher ladite liste aux lieux habituels pour les avis donnés aux ouvriers.

(1) La loi du 21 avril 1810 et le décret du 3 janvier 1813 qui la complète, organisent l'exploitation des mines et édictent toutes sortes de mesures techniques destinées à procurer la sécurité des ouvriers, non moins que la conservation des richesses minières du sol national. Les articles 413 et 414 du code pénal punissent tout attentat contre la liberté du travail. Cette dernière mesure n'existait pas dans le projet primitif; elle fut introduite au cours des débats sur l'initiative du Sénat et après une vive résistance à la Chambre des députés.

Si l'exploitant ne remet pas aux maires et ne fait pas afficher la liste électorale dans les délais et conditions ci-dessus prévus, le préfet fait dresser et afficher cette liste, aux frais de l'exploitant, sans préjudice des peines qui pourront être prononcées contre ce dernier pour contravention à la présente loi.

En cas de réclamation des intéressés, le recours doit être formé cinq jours au plus après celui où l'affichage a été effectué par le maire le moins diligent, devant le juge de paix qui statue d'urgence et en dernier ressort.

Si une circonscription s'étend sous deux ou plusieurs cantons, le juge de paix compétent est celui dont le canton comprend la mairie de la commune désignée comme lieu du vote par l'arrêté préfectoral de convocation des électeurs.

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Art. 8. Les électeurs d'une circonscription sont convoqués par un arrêté du préfet.

L'arrêté doit être publié et affiché dans les communes sous le territoire desquelles s'étend la circonscription quinze jours au moins avant l'élection, qui doit toujours avoir lieu un dimanche. L'arrêté fixe la date de l'élection, ainsi que les heures auxquelles sera ouvert et fermé le scrutin.

Le vote a lieu à la mairie de la commune désignée par l'arrêté de convocation parmi celles sous le territoire desquelles s'étend la circonscription.

Art. 9. Le bureau électoral est présidé par le maire, qui prend comme assesseurs le plus âgé et le plus jeune des électeurs présents an moment de l'ouverture du scrutin et, à défaut d'électeurs présents ou consentant à siéger, deux membres du conseil municipal.

Chaque bulletin porte deux noms avec l'indication de la qualité de délégué ou de délégué suppléant à chaque candidat. Nul n'est élu au premier tour de scrutin s'il n'a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix au moins égal au quart du nombre des électeurs inscrits (1).

Au deuxième tour de scrutin, la majorité relative suffit, quel que soit le nombre des votants.

(1) Un sénateur, M. Blavier, fit remarquer que dans certaines mines ou plutôt dans certaines carrières des frontières, notamment dans la Meurthe-etMoselle et en Corse, le personnel était composé d'ouvriers étrangers, à ce point, qu'il se trouvait à peine deux Français qui ainsi seraient forcément délégué et suppléant et élus par eux-mêmes. Le ministre reconnut l'exactitude du fait, tout en déclarant qu'il ne pensait pas qu'on dût en faire l'objet d'une disposition spéciale de la loi. Quelques communes situées dans ces régions et qui devraient, d'après leur population, avoir dix conseillers municipaux, n'ont que sept électeurs et on n'a pas pour de telles exceptions modifié la loi électo

rale.

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