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Le projet autorisait l'association de communes limitrophes d'un même département. La commission, d'accord avec le gouvernement, étendait la faculté d'association aux communes limitrophes appartenant à des départements différents.

En ce qui concerne le mandat des délégués d'un conseil municipal au comité du syndicat, la commission, d'accord avec le gouvernement sur ce point encore, introduisait dans le projet une disposition analogue à celle de la loi du 5 août 1879, qui détermine la durée du mandat de délégué du conseil municipal à la commission administrative des établissements de bienfaisance.

Prévoyant le cas de retard dans la nomination des délégués du conseil municipal, la commission désignait le maire et le premier adjoint de la commune pour remplir provisoirement les fonctions de délégués.

Par une addition apportée à l'article 4 du projet, la commission provoquait un accord des communes associées sur le choix du siège du syndicat.

Une autre addition, faite par la commission à ce même article 4, déclarait expressément les règles de la comptabilité des communes applicables à la comptabilité des syndicats.

La commission stipulait par l'article 5 que les fonctions exécutives seraient remplies par le président du comité, sous la réserve des délégations au gérant institué facultativement par l'article 7.

Le projet portait que les délibérations du comité seraient régies par les dispositions de la loi du 5 avril 1884 sur les délibérations des conseils municipaux. La commission, modifiant légèrement l'article 6 du projet, déclarait non publiques les séances du comité. Mais, par l'article 9, elle ajoutait que copie du budget et des comptes serait remise aux conseils municipaux des communes intéressées, et que le registre des délibérations du comité serait tenu à la disposition des conseillers municipaux de ces communes.

Enfin par un article additionnel, la commission rendait les dispositions de la nouvelle loi applicables par décrets à l'Algérie et aux colonies.

La première délibération sur le projet modifié par la commission eut lieu à la Chambre des députés, le 22 janvier 1889. M. Charles Dupuy exprima la crainte que certaines communes ne s'emparassent des dispositions de la loi nouvelle, pour se soustraire notamment à l'application des principes établis par les lois scolaires sur l'enseignement laïque.

M. Doumer, rapporteur, déclara que les craintes de M. Dup y étaient sans fondement : « Les syndicats de communes qui représentent la collectivité des communes associées, dit l'honorable rapporteur, n'ont pas de pouvoirs autres que ceux des communes elles-mêmes. Ce qui de par la loi est interdit aux communes, par une conséquence naturelle, est interdit aux syndicats. >>

A la même séance, M. Charles Dupuy soumit à la Chambre un contreprojet dont le but était de rendre le principe des associations facultatives applicable aux départements comme aux communes. Sans se montrer

hostile à cette extension de la loi, M. Floquet, président du conseil, fit remarquer qu'il s'agissait là d'une réforme considérable et non suffisamment étudiée. Il demanda en conséquence le rejet du contre-projet de M. Dupuy, afin de hâter le vote de la loi sur les syndicats de communes. En présence des explications du président du conseil, M. Dupuy retira lui-même son contre-projet.

Le projet de la commission fut voté sans autre modification qu'un changement de rédaction dans l'article 12 relatif à l'application de la loi dans les colonies. Ce changement de rédaction avait d'ailleurs été arrêté par la commission elle-même à la suite d'un amendement proposé par MM. Dureau de Vaulcomte et de Mahy. La deuxième délibération eut lieu le 7 mars 1889: le projet fut adopté sans discussion.

La présentation du projet fut faite au Sénat le 8 avril 1889, par M. Constans, qui avait remplacé M. Floquet au ministère de l'intérieur. L'exposé des motifs se réfère à l'exposé présenté à la Chambre des députés.

Outre quelques changements dans la rédaction de certains articles (notamment des articles 4, 5, 9 et 11) la commission du Sénat apporta au projet quelques modifications:

Les territoires des communes autorisées à se syndiquer devaient être limitrophes d'après le projet voté par la Chambre. La commission du Sénat autorisait à se syndiquer des communes même non limitrophes, pourvu qu'elles appartinssent à des départements limitrophes (art. 1er). Considérant que les ressources des syndicats pouvaient être constituées en grande partie par des donations particulières ou des subventions départementales, la commission du Sénat autorisait le gouvernement à déroger par le décret d'institution aux règles tracées par le projet pour la composition du comité du syndicat (art. 3).

A raison des mêmes considérations, la commission autorisait également le gouvernement à ne pas confier les fonctions de receveur du syndicat au receveur municipal de la commune siège de ce syndicat (art. 4).

Enfin préoccupée du nombre, parfois considérable, des membres d'un comité de syndicat constitué conformément au projet de la Chambre des députés, la commission du Sénat, craignant qu'il ne fut très difficile de réunir de tels comités, autorisait l'institution de commissions de surveillance analogues aux commissions départementales (art. 7).

Le rapport fait au nom de la commission, par M. Emile Labiche, fut déposé au Sénat le 18 novembre 1889.

Le Sénat, en première délibération, adopta sans discussion le texte proposé par sa commission (Séance du 3 décembre 1889). M. de Marcère demanda seulement que l'on fit rentrer la loi nouvelle dans le code municipal du 5 avril 1884.

La commission donna satisfaction à ce désir entre les deux délibérations. Lors de la seconde délibération qui eut lieu dans la séance du 17 décembre 1889, M. Bozérian provoqua des explications sur la modification apportée par la commission aux dispositions du projet réglant la composition du comité.

L'honorable sénateur craignait que, grâce à cette modification, on ne puisse écarter du comité tous les membres des conseils municipaux intéressés. M. Labiche, rapporteur, fit remarquer que «< cela ne pourrait se faire qu'avec l'assentiment préalable des conseils municipaux, puisque l'association ne peut-être constituée que dans les conditions prévues, stipulées à l'unanimité par les conseils municipaux des communes syndiquées ».

Le projet fut adopté en seconde délibération par le Sénat sans autre discussion. Il fut de nouveau présenté à la Chambre des députés le 8 février 1890 par M. Constans, avec un exposé de motifs où le ministre de l'intérieur déclarait, au nom du gouvernement, donner son adhésion aux modifications faites par le Sénat. Le rapport fait au nom de la commission de la Chambre des députés par M. Joseph Reinach approuvait également ces modifications. Ce rapport fut présenté à la Chambre des députés le 27 février 1890.

Dans sa séance du 6 mars 1890, la Chambre des députés déclara l'urgence et vota sans modifications le projet adopté par le Sénat. IV. Économie de la loi. L'objet de la loi, ses origines, et sa discussion au parlement font bien connaître la pensée du législateur. Remédier à l'état d'impuissance d'un trop grand nombre de nos administrations communales, ne pas créer un nouveau rouage inutile dans notre système administratif général, et par suite laisser les intérêts similaires se grouper d'eux-mêmes d'une manière harmonique: telles ont été les pensées maîtresses auxquelles ont obéi les auteurs de la loi nouvelle.

Les principes de cette loi sont en conséquence des plus simples.

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a) L'association des communes est absolument facultative. Laisser aux communes intéressées le soin de former elles-mêmes les syndicats, était le plus sûr moyen d'éviter la création d'associations inutiles, ou réunissant des communes dont les intérêts ne seraient pas harmoniques. b) Les associations des communes sont placées sous la tutelle de l'État. - C'est le gouvernement qui, par décret en conseil d'État, institue le syndicat. Il était nécessaire de réserver à l'administration supérieure un pouvoir de contrôle, car les communes auraient pu trouver dans la loi nouvelle les moyens d'éluder certaines dispositions de notre droit public. Il était rationnel d'autre part d'organiser la tutelle des syndicats de communes d'après la tutelle des communes elle-mêmes

-

II

c) Les syndicats de communes jouissent de la personnalité civile. serait très difficile au syndicat de veiller à la bonne organisation et au bon fonctionnement des services qu'il a mission d'assurer, s'il ne constituait lui-même un organisme complet ayant son budget distinct et son administration propre. La personnalité civile étant en outre nécessaire au syndicat pour lui permettre de recevoir les libéralités des particuliers.

Tels sont les trois principes qui nous paraissent dominer toute la loi; les divers articles ne sont en quelque sorte que des applications

de ces principes. Nous ne pensons pas qu'il faille attribuer à la loi du 22 mars 1890 une portée plus lointaine.

M. Charles Dupuy, cependant, y a vu le germe de toute une révolution dans notre organisation administrative. En demandant à la Chambre des députés d'étendre aux départements la faculté d'association accordée aux communes, l'honorable député s'exprimait en ces termes: «< De même que nous allons par la loi sur les syndicats de communes substituer, par une pratique qui s'imposera quelque jour et très prochainement, des organismes correspondant à la réalité à ces organismes mal faits, mal façonnés, arbitraires et abstraits, de même pour l'organisation départementale, nous arriverons sans doute à voir se grouper des unités qui aujourd'hui vivant isolées se maintiennent dans un état d'abstraction et d'insuffisance trop notoires; nous verrons alors éclater ces moules qu'il a pu être nécessaire à un moment donné d'établir pour réagir contre un certain esprit ancien et hostile. Mais la France, je pense, n'aurait rien à perdre si, par une loi semblable, nous pouvions reprendre quelque chose de la vitalité, de la réalité, du caractère concret des institutions et des groupes régionaux que les départements ont remplacés, caractère concret que les découpures administratives que nous subissons depuis un siècle nous ont fait perdre ».

Les résultats que donnera l'expérience tentée avec la loi sur les syndicats des communes seront certainement, quels qu'ils soient, de nature à exercer une influence sur les idées de ceux qui cherchent à refondre notre organisation administrative. Mais en votant cette loi, le législateur de 1890 a entendu maintenir notre organisation actuelle dans son intégrité. Lorsqu'il a fait de la loi nouvelle un titre de la loi municipale du 5 avril 1884, le Sénat, comme le remarque M. Reinach dans son rapport à la Chambre des députés, a bien montré qu'en autorisant la création de syndicats de communes, on n'entendait nullement faire un pas vers la création de nouvelles circonscriptions administratives.

V. Application de la loi. L'application de la loi relative aux syndicats de commune a été l'objet d'une circulaire de M. le ministre de l'intérieur en date du 10 août 1890. Cette circulaire, qui comporte d'assez longs développements, a été insérée au Bulletin officiel du ministère de l'intérieur (année 1890, no 9, p. 249).

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Il est ajouté à la loi du 5 avril 1884 un titre ainsi

TITRE VIII. Des syndicats de communes.

Art. 169. Lorsque les conseils municipaux de deux ou de plusieurs communes d'un même département ou de départements

(1) C'est à la demande de M. de Marcère que la loi nouvelle a été intercalée dans la loi du 5 avril 1884. M. de Marcère déclarait cette intercalation indis

limitrophes (1) ont fait connaître, par des délibérations concordantes leur volonté d'associer les communes qu'ils représentent en vue d'une œuvre d'utilité inter-communale (2) et qu'ils ont décidé de consacrer à cette œuvre des ressources suffisantes (3), les délibérations prises sont transmises par le préfet au ministre de l'intérieur, et, s'il y a lieu, un décret rendu en conseil d'Etat autorise la création de l'association qui prend le nom de syndicat de com

munes.

D'autres communes que celles primitivement associées peuvent être admises avec le consentement de celles-ci, à faire partie de l'association. Les délibérations prises à cet effet par les conseils municipaux de ces communes et des communes déjà syndiquées sont approuvées par décret simple (4).

Art. 170. Les syndicats de communes sont des établissements publics investis de la personnalité civile.

pensable pour ne pas briser l'unité d'une législation faite avec beaucoup de peine lors de la discussion de la loi municipale. (Sénat, 3 décembre 1889, J. Off. p. 1167). La loi sur les syndicats de communes, ajoutait M. Reinach dans son rapport à la Chambre des députés, n'est pas un acheminement vers le conseil cantonal. «Il convient dès lors que par sa place même dans nos lois, comme déjà par son esprit et par sa lettre, le projet sur les syndicats se rattache directement à la loi constitutive de nos communes, à la charte municipale de 1884. »

(1) Il n'est pas besoin que les communes soient limitrophes, mais les départements où sont situées les communes qui désirent s'associer doivent être limitrophes. Le nombre des départements, pas plus que celui des communes n'est d'ailleurs limité. (Circulaire du ministre de l'intérieur.)

(2) Les œuvres en vue desquelles les syndicats de communes peuvent se former n'ont pas été déterminées par la loi. Le législateur a eu spécialement en vue les œuvres d'assistance (création et entretien d'hôpitaux, d'hospices, institution de caisses de prévoyance), l'enseignement agricole et l'enseignement primaire supérieur, la formation et l'entretien de voies d'un intérêt collectif, la création d'un musée ou d'une bibliothèque, les entreprises de dessèchement, d'éclairage, les constructions d'aqueducs, canaux, etc., la création de moyens de transports. (Exposé des motifs de M. Floquet. Rapport de M. Labiche.) - Certains membres de la commission de la Chambre des députés ont émis le vœu qu'une modification du décret réglementaire du 29 décembre 1875 rendit possible aux syndicats de communes la formation et l'entretien de compagnies de sapeurs-pompiers. Les œuvres qui poursuivraient un but de propagande politique ne peuvent rentrer dans la sphère d'action des syndicats de communes. (Circulaire du ministre de l'intérieur.)

(3) « Ces engagements, une fois pris, ne pourront être retirés, ni modifiés tant que l'œuvre ne sera pas terminée. On ne saurait, en effet, sans compromettre l'existence d'établissements créés sur la foi de ces engagements, permettre à une commune de se retirer de l'association.» (Circulaire du ministre de l'intérieur.)

() Il semble bien résulter de la discussion, où l'on a constamment assimilé les syndicats de communes à des contrats de société entre particuliers, que l'accord unanime des communes syndiquées est nécessaire pour l'admission d'une nouvelle commune dans le syndicat; l'avis conforme de la majorité ne suffirait pas.

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