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canon,

et fait 15 cents prisonniers. La garde regrette beaucoup le colonel des chasseurs à cheval Morland, tué d'un coup de mitraille, en chargeant l'artillerie de la garde impériale russe. Cette artillerie fut prise; mais ce brave colonel trouva la mort. Nous n'avons eu aucun général tué. Le colonel Mas, du 14e de ligne, brave homme, a été tué. Beaucoup de chefs de bataillon ont été blessés. Les voltigeurs ont rivalisé avec les grenadiers. Le 55, le 43, le 14o, le 36°, le 40°, le 17.... mais on n'ose nommer aucun corps; ce serait une injustice pour les autres; ils ont tous fait l'impossible. Il n'y avait pas un officier, pas un général, pas un soldat qui ne fût décidé à vaincre ou à périr.

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Il ne faut point taire un trait qui honore l'ennemi: le commandant de l'artillerie de la garde impériale russe venait de perdre ses pièces; il rencontra l'Empereur : « Sire, lui dit-il, faites-moi fusiller; je viens de perdre mes pièces.»-«Jeune homme, lui répondit l'Empereur, j'apprécie vos larmes; mais on peut être battu par mon armée, et avoir encore des titres à la gloire. »

Nos avant-postes sont arrivés à Olmutz; l'impératrice et toute sa cour s'en sont sauvés en toute hâte.

Le colonel Corbineau, écuyer de l'Empereur, commandant le 5e régiment de chasseurs, a eu quatre chevaux tués; au cinquième, il a été blessé lui-même, après avoir enlevé un drapeau. Le prince Murat se loue beaucoup des belles manœuvres du général Kellermann, des belles charges des généraux Nansouty et d'Hautpoult, et enfin de tous les généraux ; mais il ne sait qui nommer, parce qu'il faudrait les nommer tous.

Les soldats du train ont mérité les éloges de l'armée. L'artillerie a fait un mal épouvantable à l'ennemi. Quand on en a rendu compte à l'Empereur, il a dit : « Ces succès me font plaisir, car je n'oublie

pas que c'est dans ce corps que j'ai commencé mą carrière militaire. >>

L'aide-de-camp de l'Empereur, le général Savary, avait accompagné l'empereur d'Allemagne après l'entrevue, pour savoir si l'empereur de Russie adhérait à la capitulation. Il a trouvé les débris de l'armée russe sans artillerie ni bagages, et dans un épouvantable désordre. Il était minuit; le général Meerfeld avait été repoussé de Godding par le maréchal Davoust; l'armée russe était cernée; pas un homme ne pouvait s'échapper. Le prince Czartorinski introduisit le général Savary près de l'empereur: « Dites à votre maître, lui cria ce prince, que je m'en vais; qu'il a fait hier des miracles; que cette journée a accru mon admiration pour lui ; que c'est un prédestiné du ciel; qu'il faut à mon armée cent ans pour égaler la sienne. Mais puis-je me retirer avec sûreté? Oui, sire, lui dit le général Savary, si V. M. ratifie ce que les deux empereurs de France et d'Allemagne ont arrêté dans leur entrevue. -Eh qu'est-ce? Que l'armée de V. M. se retirera chez elle par les journées d'étape qui seront réglées l'Empereur, et qu'elle évacuera l'Allemagne et la Pologne autrichienne. A cette condition j'ai l'ordre de l'Empereur de me rendre à nos avantpostes qui vous ont déjà tourné, et d'y donner ses ordres pour protéger votre retraite, l'Empereur voulant respecter l'ami du Premier Consul.- Quelle garantie faut-il pour cela? Sire, votre parole.

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Je vous la donne. » Cet aide-de-camp partit surle-champ au grand galop, se rendit auprès du maréchal Davoust, auquel il donna l'ordre de cesser tout mouvement et de rester tranquille. Puisse cette générosité de l'Empereur des Français ne pas être aussitôt oubliée en Russie, que le beau procédé de l'Empereur qui renvoya 6 mille hommes à l'empereur Paul avec tant de grâce et de marques d'estime pour lui! Le général Savary avait causé une heure avec l'empereur de Russie, et l'avait trouvé tel que

doit être un homme de cœur et de sens, quelques revers d'ailleurs qu'il ait éprouvés. Ce monarque lui demanda des détails sur la journée : « Vous étiez inférieurs à moi, lui dit-il, et cependant vous étiez supérieurs sur tous les points d'attaque. Sire, répondit le général Savary, c'est l'art de la guerre et le fruit de quinze ans de gloire; c'est la quarantième bataille que donne l'Empereur. Cela est vrai; c'est un grand homme de guerre. Pour moi, c'est la première fois que je vois le feu. Je n'ai jamais eu la prétention de me mesurer avec lui. -Sire, quand vous aurez de l'expérience, vous le surpasserez peutêtre. Je m'en vais donc dans ma capitale. J'étais venu au secours de l'empereur d'Allemagne ; il m'a fait dire qu'il est content. Je le suis aussi. »

A son entrevue avec l'empereur d'Allemagne, l'Empereur lui a dit : « M. et Mme Collorédo MM. Paget et Rasumowski ne font qu'un avec votre ministre Cobenzel : voilà les vraies causes de la guerre; et si V. M. continue à se livrer à ces intrigans, elle ruinera toutes ses affaires et s'aliénera les cœurs de ses sujets, elle cependant qui a tant de qualités pour être heureuse et aimée ! »

Un major autrichien s'étant présenté aux avantpostes, porteur de dépêches de M. de Cobenzel pour M. de Stadion à Vienne, l'Empereur a dit : « Je ne veux rien de commun avec cet homme qui s'est vendu à l'Angleterre pour payer ses dettes, et qui ‘a ruiné son maître et sa nation, en suivant les conseils de sa sœur et de Mme Collorédo. »

L'Empereur fait le plus grand cas du prince Jean de Lichtenstein; il a dit plusieurs fois : « Comment, lorsqu'on a des hommes d'aussi grande distinction, laisse-t-on mener ses affaires par des sots et des intrigans?» Effectivement le prince de Lichtenstein est un des hommes les plus distingués, non-seulement par ses talens militaires, mais encore par ses qualites et ses connaissances.

On assure que l'Empereur a dit, après sa confé

rence avec l'empereur d'Allemagne : « Cet homme me fait faire une faute, car j'aurais pu suivre ma victoire, et prendre toute l'armée russe et autrichienne; mais enfin quelques larmes de moins

seront versées. »

XXXIIe BULLETIN.

Austerlitz, 15 frimaire an 14 (6 décembre).

Le général Friant, à la bataille d'Austerlitz, a eu quatre chevaux tués sous lui. Les colonels Conroux et Demoustiers se sont fait remarquer. Les traits de courage sont si nombreux, qu'à mesure que le rapport en est fait à l'Empereur, il dit : « Il me faut toute ma puissance pour récompenser dignement tous des braves gens..» ;

Les Russes, en combattant, ont l'habitude de mettre leurs havre-sacs bas. Comine toute l'armée russe a été mise en déroute, nos soldats ont pris tous des havre-sacs. On a pris aussi une grande partie de ses bagages, et les soldats y ont trouvé beaucoup d'argent.

Le général Bertrand, qui avait été détaché après la bataille avec un escadron de la garde, à ramassé un grand nombre de prisonniers, 19 pièces de canon et beaucoup de voitures remplies d'effets. Le nombre des pièces de canon prises jusqu'à cette heure, se monte à 170.

L'Empereur a témoigné quelque mécontentement de ce qu'on lui eût envoyé des plénipotentiaires la veille de la bataille, et qu'on eût ainsi prostitué le caractère diplomatique. Čela est digne de M. de Cobenzel, que toute la nation regarde comme un des principaux auteurs de tous ses malheurs.

Le prince Jean de Lichtenstein est venu trouver l'Empereur au château d'Austerlitz. L'Empereur lui

a accordé une conférence de plusieurs heures. On remarque que l'Empereur cause volontiers avec cet officier - général. Ce prince a conclu, avec le maréchal Berthier, un armistice de la teneur suivante : M. Talleyrand se rend à Nicolsburg, où les négociations vont s'ouvrir.

Armistice conclu entre LL. MM. II. de France et d'Autriche.

Sa majesté l'Empereur des Français et sa majesté l'empereur d'Allemagne, voulant arriver à des négociations définitives pour mettre fin à la guerre qui désole les deux Etats, sont convenus au préalable de commencer par un armistice; lequel aura lieu jusqu'à la conclusion de la paix définitive ou jusqu'à la rupture des négociations; et dans ce cas, l'armistice ne devra cesser que quinze jours après cette rupture, et la cessation de l'armistice sera notifiée aux plénipotentiaires des deux puissances et au quartier-général des deux armées.

Les conditions de l'armistice sont :

Art. 1er. La ligne des deux armées sera en Moraravie, le cercle d'Iglau, le cercle de Znaïm, le cercle de Brünn, la partie du cercle d'Olmutz sur la rive droite de la petite rivière de Trezeboska, en avant de Prosnitz jusqu'à l'endroit où elle se jette dans la Marck, et la rive droite de la Marck jusqu'à l'embouchure de cette rivière dans le Danube, y compris cependant Presbourg.

Il ne sera mis néanmoins aucune troupe française ni autrichienne dans un rayon de cinq à six lieues autour de Holitch, à la rive droite de la

Marck.

La ligne des deux armées comprendra en outre, dans le territoire à occuper par l'armée française, toute la Basse et Haute - Autriche, le Tyrol, l'Etat dé Venise, la Carinthie, la Styrie, la Carniole, le comté de Goritz et l'Istrie; enfin, dans la Bohême,

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