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Napoléon, Empereur des Français et Roi d'Italie, Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. Nous adoptons tous les enfans des généraux, officiers et soldats français morts à la bataille d'Austerlitz.

2. Ils seront tous entretenus et élevés à nos frais, les garçons dans notre palais impérial de Rambouillet, et les filles dans notre palais impérial de SaintGermain. Les garçons seront ensuite placés, et les filles mariées par nous.

3. Indépendamment de leurs noms de baptême et de famille, ils auront le droit d'y joindre celui de Napoléon. Notre grand-juge fera remplir à cet égard toutes les formalités voulues par le Code civil.

4. Notre grand-maréchal du palais et notre intendant-général de la couronne sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera mis à l'ordre du jour de l'armée, et

inséré au Bulletin des Lois.

Par l'Empereur

Signé, NAPOLÉON.

Le ministre secrétaire-d'état, signé, H. B. MARET.

XXXIV BULLETIN.

Brünn, le 19 frimaire an 14 (7 décembre ).

L'EMPEREUR a reçu aujourd'hui M. le prince Repnin, fait prisonnier à la bataille d'Austerlitz à la tête des chevaliers - gardes, dont il était le colonel. Sa Majesté lui a dit qu'elle ne voulait pas priver l'empereur Alexandre d'aussi braves gens, et qu'il pouvait réunir tous les prisonniers de la garde impériale

russe et retourner avec eux en Russie. Sa Majesté a exprimé le regret que l'empereur de Russie eût voulu livrer bataille, et a dit que ce monarque, s'il l'avait cru la veille, aurait épargné le sang et l'honneur de son armée.

M. le prince Jean de Lichtenstein est arrivé hier avec de pleins-pouvoirs. Les conférences entre lui et M. de Talleyrand sont en pleine activité.

Le premier aide-de-camp Junot, que Sa Majesté avait envoyé auprès de l'empereur d'Allemagne et de Russie, a vu à Holitz l'empereur d'Allemagne, qui l'a reçu avec beaucoup de grâce et de distinction. Il n'a pu continuer sa mission, parce que l'empereur Alexandre était parti en poste pour Saint-Pétersbourg, ainsi que le général Kutuzow.

Sa Majesté a reçu à Brünn M. d'Haugwitz, et a paru très-satisfaite de tout ce que lui a dit ce plénipotentiaire, qu'elle a accueilli d'une manière d'autant plus distinguée, qu'il s'est toujours défendu de la dépendance de l'Angleterre, et que c'est à ses conseils qu'on doit attribuer la grande considération et la prospérité dont jouit la Prusse. On ne pourrait en dire autant d'un autre ministre qui, né en Hanovre, n'a pas été inaccessible à la pluie d'or. Mais toutes les intrigues ont été et seront impuissantes contre le bon esprit et la haute sagesse du roi de Prusse. Au reste, la nation française ne dépend de personne, et cent cinquante mille ennemis de plus n'auraient fait autre chose que de rendre la guerre plus longue. La France et la Prusse, dans ces circonstances, ont eu à se louer de M. le duc de Brunswick, de MM. de Mollendorff, de Knobolsdorff, Lombard, et surtout du roi lui-même. Les intrigues anglaises ont souvent paru gagner du terrain; mais comme, en dernière analyse, on ne pouvait arriver à aucun parti sans aborder de front la question, toutes les intrigues ont échoué devant la volonté du roi. En vérité, ceux qui les conduisaient, abusaient étrangement de sa confiance : la Prusse peut-elle avoir un

ami

ami plus solide et plus désintéressé que la France? La Russie est la seule puissance en Europe qui puisse faire une guerre de fantaisie; après une bataille perdue ou gagnée, les Russes s'en vont la France, l'Autriche, la Prusse, au contraire, doivent méditer long-temps les résultats de la guerre ; une ou deux batailles sont insuffisantes pour en épuiser toutes les chances.

Les paysans de Moravie tuent les Russes par-tout où ils les rencontrent isolés. Ils en ont déjà massacré une centaine. L'Empereur des Français a donné des ordres pour que des patrouilles de cavalerie parcourent les campagnes, et empêchent ces excès. Puisque l'armée ennemie se retire, les Russes qu'elle laisse après elle sont sous la protection du vainqueur. Il est vrai qu'ils ont commis tant de désordres, tant de brigandages, qu'on ne doit pas s'étonner de ces vengeances. Ils maltraitaient les pauvres comme les riches; trois cents coups, de bâton leur paraissaient une légère offense. Il n'est point d'attentats qu'ils n'aient commis. Le pillage, l'incendie des villages, le massacre, tels étaient leurs jeux. Ils ont même tué des prêtres jusque sur les autels! Malheur au souverain qui attirera jamais un tel fléau sur son territoire! La bataille d'Austerlitz a été une victoire européenne, puisqu'elle a fait tomber le prestige qui semblait s'attacher au nom de ces barbares. Ce mot ne peut s'appliquer cependant ni à la cour ni au plus grand nombre des officiers, ni aux habitans des villes, qui sont au contraire civilisés jusqu'à la corruption...

XXX Ve BULLETIN.

Brünn, le 20 frimaire an 14 (11 décembre).

L'ARMÉE russe s'est mise en marche le 17 frimaire sur trois colonnes, pour retourner en Russie. La première a pris le chemin de Cracovie et de Therespol; la seconde celui de Kaschau, Lemberg et Brody; et la troisième celui de Cizrnau, Watrell et Hussiatin. A la tête de la première, est parti l'Empereur de Russie, avec son frère le grandduc Constantin.

Indépendamment de l'artillerie de bataille, un parc entier de 100 pièces de canon a été pris aux Russes avec tous leurs caissons.

L'Empereur est allé voir ce parc; il a ordonné que toutes les pièces prises fussent transportées en France. Il est sans exemple que, dans une bataille on ait pris 150 à 160 pièces de canon, toutes ayant fait feu et servi dans l'action.

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Le chef d'escadron Chaloppin, aide-de-camp du maréchal Bernadotte, a été tué.

Les colonels Lacour, du 5e régiment de dragons; Digeon, du 26o de chasseurs; Bessières, du 11o de chasseurs, frère du maréchal Bessières; Gérard colonel, aide-de-camp du maréchal Bernadotte; Marès, colonel, aide-de-camp du maréchal Davoust, ont été blessés.

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Les chefs de bataillon Perrier, du 36e régiment d'infanterie de ligne; Guye, du 4 de ligne; Schwitter, du 57 de ligne; les chefs d'escadron Grumblot, du 2 régiment de carabiniers; Didelon, du 9 de dragons; Boudichon, du 4o de hussards; le chef de bataillon du génie, Abrissot; Rabier et Mobillard, du 55° de ligne; Proffit du 43o, et les chefs d'escadron Trévillé, du 26° de chasseurs, et David, du 29 de hussards été blessés.

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Les chefs d'escadron de chasseurs à cheval de la garde impériale, Beyermann, Bohn et Thiry, ont été blessés.

Le capitaine Tervé, des chasseurs à cheval de la garde, est mort des suites de ses blessures.

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Le capitaine Geist, les lieutenans Bureau Barbanègre, Guyot, Fournier, Adet, Bayeux et Renno, des chasseurs à cheval de la garde, et les lieutenans Ménager et Rollet, des grenadiers à cheval de la garde, ont été blessés.

XXXVIe BULLETIN.

Schoenbrunn, 23 frimaire an 14 (14 décembre).

Ce sera un recueil d'un grand intérêt, que celui des traits de bravoure qui ont illustré la Grande

Armée.

Un carabinier du 10e régimeut d'infanterie légère a le bras gauche emporté par un bouler de canon : « Aide-moi, dit-il à son camarade, à ôter mon sac, et cours me venger; je n n'ai pas besoin d'autres secours.>> Il met ensuite son sac sur son bras droit, et marche seul vers l'ambulance."

Le général Thiébaut, dangereusement blessé était transporté par quatre prisonniers russes; six Français blessés l'aperçoivent, chassent les Russes et saisissent le brancard, en disant : « C'est à nous seuls qu'appartient l'honneur de porter un général français blessé. >>

Le général Valhubert a la cuisse emportée d'un coup de canon, quatre soldats se présentent pour l'enlever: « Souvenez-vous de l'ordre du jour, leur » dit-il d'une voix de tonnerre, et serrez vos rangs! » Si vous revenez vainqueurs, on me relèvera après >> la bataille; si vous êtes vaincus, je n'attache plus » de prix à la vie. »

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