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d'une ville où prend naissance un cours d'eau qui alimente une propriété, ne donne droit à une indemnité ou à sa conservation de la part de ce propriétaire, qu'autant qu'il a devant l'autorité compétente établi sa propriété par actes privés ou adjudication nationale (Cons. d'Et., 22 juill. 1818) (1).

156. Citons encore, comme exemples de restrictions apporlées dans l'intérêt public, celles qui résultent, notamment 1° de la loi du 21 avr. 1810, d'après laquelle le gouvernement peut accorder la concession d'une mine qui se trouve dans un fonds à un autre qu'au propriétaire de ce fonds (V. vo Mines); — 2o Des différentes lois en matière d'alignement sur le bord des grandes routes, des chemins vicinaux, des rues des villes (V. Voirie); 3o Des lois sur la propriété des marais, d'après lesquelles le gouvernement peut ordonner les desséchements qu'il juge utiles ou nécessaires (V. vo Marais); 4o Du décret du 9 déc. 1811, qui défend d'élever aucun bâtiment, clôture ou autres constructions de quelque nature qu'elles puissent être, dans le rayon kilométrique des places de guerre (V. vo Place de guerre); 5o Du

code forestier, qui défend aux propriétaires de bois de les défricher sans autorisation (art. 219); d'abattre des arbres, futaies, épars ou en plein bois, sans déclaration préalable (art. 124); de détourner, sous aucun prétexte, les arbres marqués sur les propriétés particulières pour le service de la marine (art. 153, V. vo Forêts);-6° Des lois successivement renouvelées qui défendent de se livrer à la culture du tabac (V. Imp. ind.);—7o Du décret du 15 oct. 1810, qui défend d'établir, sans l'observation des formalités et des conditions prescrites, des manufactures qui répandent une odeur insalubre (V. v° Manufactures); 8o Des lois qui prescrivent la confiscation des gravures obscènes, des substances vénéneuses, des armes prohibées, etc., dont la possession est contraire à l'ordre public. V. vis Armes, Presse-outrage, Substances vénéneuses.

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157. Des mesures spéciales, prises dans un but d'utilité générale pour prévenir les effets désastreux de la mobilité des sables, limitent aussi, quant aux dunes, l'exercice du droit de propriété ainsi des arrêtés administratifs en prohibent, suivant les cas, le défrichement; et il a été jugé que le fait d'avoir fiché

cas, le dommage imposé à un ou à plusieurs habitants, dans l'intérêt de tous, doit être l'objet d'une indemnité supportée par tous, suivant le vœu de l'art. 10 de la charte constitutionnelle, des art. 545 et 1582 c. civ.; Attendu que, d'après ces principes, déjà reconnus par un arrêt de la cour de cassation du 18 janv. 1826, il ne s'agissait plus, dans l'espèce, que de déterminer dans lequel des deux cas ci-dessus se trouvait placé le demandeur originaire relativement aux travaux faits dans la rue du Louvre de la ville d'Aix; Attendu, en fait, qu'il est constaté, par l'arrêt attaqué, que ces travaux lui occasionnent un préjudice majeur d'autant plus notable, qu'il excède les trois vingtièmes de la valeur capitale desdites maisons; Attendu que les principes de droit et les faits ci-dessus exposés justifient l'application faite à la cause de l'art. 10 de la charte et des art. 545 et 1582 c. civ.; - Rejette, etc.

Du 11 déc. 1827.-C. C., ch. req.-MM. Henrion, pr.-Borel, rap.Latruffe, av.

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(1.) Espèce (Baligant.) — Baligant fondait sa demande en indemnite et en réintégrande sur la vente qui lui avait été faite par Possel et sur l'adjudication faite à ce dernier par l'Etat devant le conseil de préfecture de l'Aisne, le 21 juill. 1807.

Louis, etc.;-Vula requête à nous présentée au nom du sieur AndréFrançois Bal gant, demeurant à Saint-Quentin, tendante à l'annulation d'une décision du ministre de l'intérieur, en date du 14 nov. 1812, qui le déclare sans droit à la propriété des sources qui se trouvaient dans les fossés de la ville de Saint-Quentin et que des travaux publics ont comblées; et par suite, à ce que lesdites sources soient rouvertes et rendues à leur première destination; ladite requête tendante en outre, subsidiairement et dans le cas où la suppression desdites sources aurait eu lieu pour cause d'utilité publique, à ce qu'il lui soit payé, en raison de la privation d'eau qui en résulte, une indemnité qui serait réglée par experts nommés tant par lui que par la ville de Saint-Quentin; la lettre de notre ministre secrétaire d'Etat de l'intérieur, en date du 8 janv. 1818, en réponse à la communication à lui donnee de la requête en pourvoi du sieur Baligant; laquelle lettre porte: « Que les droits accordés par les lettres patentes de 1679 ont été divisés dans les reventes partielles qu'en ont faites les concessionnaires, et que les eaux qui servaient au moulin Garant ayant été distraites de cette propriété par le contrat de revente, le sieur Baligant, substitué aux droits du tiers acquéreur sur le moulin, ne saurait avoir de prétention à la jouissance des eaux qui avaient cessé d'en dépendre par l'effet d'actes antérieurs a

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en terre des brins de sarment de vigne dans les dunes, sans culture préalable ni postérieure, uniquement pour essayer d'empêcher, par un peu de pelouse et de végétation, l'éboulement du sable, a pu être considéré comme constituant le defrichement de ces dunes, prohibé par les arrêtés, sans qu'il y ait, dans cette décision, une violation de la loi (Crim. rej. 8 juill. 1837) (2). — Il a été toutefois décidé que l'arrêté d'un préfet qui défend le pacage et l'abatis des arbres dans les dunes, n'est pas applicable au pacage et à l'abatis d'arbres opérés dans des terres appelées landes, et reconnues plus solides que les dunes (Crim. rej. 8 juill. 1837, aff. min. pub. C. Dubost précité).

158. Notons aussi que l'art. 5 de la loi du 3 mars 1822 sur la police sanitaire dispose « qu'en cas d'impossibilité de purifier, de conserver ou de transporter sans danger des animaux ou des objets matériels susceptibles de transmettre la contagion, ils pourront être, sans obligation d'en rembourser la valeur, les animaux tués et enfouis, les objets matériels détruits et brûlés »> (V. v° Salubrité).-C'est à tort que M. Foucard, Dr. administ., t. 1, no 617, semble admettre, contre ce texte formel, que le propriétaire des objets détruits a droit, dans ce cas, à une indemnité on notera, au reste, à l'appui de cette décision rigoureuse de la loi, que le propriétaire lui-même ne pourrait pas conserver l'objet que l'on détruit, et que ce n'est pas la destruction, dès lors, qui lui fait éprouver le dommage, mais bien le fait fortuit qui a rendu cette destruction nécessaire.-Conf. M. Demolombe, t. 3, n° 570.

159. L'arrêté préfectoral qui prescrit des poursuites contre ceux qui se permettront de détourner des eaux à volonté, est (suivant un arrêt) applicable au propriétaire qui perce, sans autorisation, les berges d'une rivière, même non navigable, pour amener dans sa propriété un volume d'eau qui ne lui a pas été accordé, et le rend passible de l'action en dommages-intérêts de l'usinier dont la force motrice a été diminuée (Req. 9 mai 1843, aff. Ansiaume, V. Eau, no 157-1o).

160. Une autre classe de limitations du droit de propriété a pour objet de sauvegarder les intérêts privés : à cet égard, le principe général est qu'on ne peut jouir de sa propriété qu'à la

son titre; que, dès lors, la jouissance qu'il a pu en avoir ne résultait que d'une simple tolérance qui ne pouvait être opposée à la décision attaquée ; » — Considérant que la réclamation du sieur Baligant, soit pour la conservation des sources dont il s'agit, soit en indemnité, ne serait fondée qu'autant qu'il aurait, sur lesdites sources, un droit de propriété provenant, soit d'actes privés, soit d'adjudication nationale et que cette question doit être préalablement soumise à l'autorité compétente; Art. 1. La requête du sieur Baligant est rejetée, sauf à lui à se pourvoir, sur sa prétention à la propriété desdites sources, devant qui de droit.

Du 22 juill. 1818.-Ord. cons. d'Et.

(2) 1re Espèce :-(Min. pub. C. Perry.)-LA COUR;-Attendu que le fait de défrichement reproché aus ieur Arnaud Perry, consistait à avoir planté de la vigne sur une étendue de 2 hectares dans des dunes qui lui appartiennent; que le jugement attaqué, en reconnaissant qu'il n'y avait eu aucune culture préalable ou postérieure à cette plantation, et que lo défendeur s'était borné à ficher dans le sable des broches ou brins de sarmen pour essayer de retenir par un peu de pelouse et de végétation les éboulements de sable qui menaçaient d'envahir la forêt, a pu déclarer qu'il n'y avait pas eu défrichement, et qu'en conséquence l'arrêté du préfet de la Charente-Inférieure, du 2 pluv. an 13 (qui défend le défrichement des dunes), était sans application ;-Qu'en le décidant ainsi, il n'a violé aucune loi;-Rejette.

Du 8 juill. 1837.-C. C., eh. crim.-MM. Bastard, pr.-Gartempe, rap. 2o Espèce (Min. pub. C. Dubost.)-LA COUR ;-En ce qui concerne le fait de défrichement reproché au régisseur du sieur Dubost, et défendu par l'art. 2 de l'arrêté du préfet du 2 pluv. an 13: — Attendu qu'il résulte des faits consignés dans le jugement et contredits par le procèsverbal du garde, qu'il n'y a pas eu défrichement et qu'on n'a pas dû considérer comme tel le fait d'avoir fiché dans le sable des broches ou brins de sarment, sans qu'il y ait eu aucune espèce de culture, soit avant, soit après cette plantation de vignes; qu'il en a été de même de l'ensemencement d'une partie de la dune, en graines de pins et de genets; -Que loin d'avoir contrevenu par là aux mesures prescrites dans un but d'utilité générale pour prévenir les effets désastreux de la mobilité des dunes, on s'est au contraire conformé aux dispositions commandées dans cet intérêt;-Rejette.

Du 8 juill. 1857.-C. C., ch. crim.-MM. Bastard, pr.-Gartempe, rap.

charge de ne point causer de dommage réel aux particuliers. Un intérét opposé ne suffirait pas, toutefois, pour entraver l'exercice du droit de propriété : ainsi un voisin ne peut, sous prétexte d'une gêne qui en résulterait pour lui, empêcher son voisin d'élever telles constructions qu'il lui convient dans son héritage (V. Toullier, t. 3, nos 327 et suiv., 336). A cet égard, il a été jugé qu'il ne saurait être donné prise à la cassation par l'arrêt qui rejette la réclamation formée par le propriétaire d'une maison dans la cour de laquelle s'exhale du fourneau d'une cuisine voisine une fumée épaisse, sur le motif, qu'en fait, cette fumée s'évapore avant de pouvoir atteindre les appartements de la maison (Req. 30 déc. 1824, aff. Ducasse, V. Servitude).- Mais la réclamation devrait-elle être admise si la fumée atteignait les appartements? La négative a été jugée par le motif que cet inconvénient doit être considéré comme une charge du voisinage (Bordeaux, 9 mai 1823, même affaire). — V. aussi vo Eau, no 390.

161. En tout cas, le copropriétaire d'une cour commune peut pratiquer des entonnoirs dans son mur et sur cette cour, s'il n'en résulte aucun inconvénient pour les autres copropriétaires (Req. 6 fév. 1822) (1).

162. Pothier, après avoir défini le droit de propriété, « le droit de disposer à son gré d'une chose, sans donner néanmoins atteinte au droit d'autrui, » explique cette restriction en ces termes : « Cela, dit-il, loc. cit., no 13, doit s'entendre nonseulement du droit actuel que d'autres y ont, mais encore du droit de ceux auxquels la chose doit passer un jour. Cela doit s'entendre non-seulement des droits réels que d'autres ont dans l'héritage, auxquels le propriétaire qui n'a qu'une propriété résoluble ou imparfaite ne peut porter atteinte, comme nous l'avons vu jusqu'à présent; cela s'entend aussi du droit des propriétaires et possesseurs des héritages voisins, auxquels le propriétaire d'un héritage, quelque parfait que soit son droit de propriété, ne peut donner atteinte, ni par conséquent faire dans son héritage ce que les obligations, qui naissent du voisinage, ne lui permettent pas de faire dans son héritage au préjudice de ses voisins...>>

163. Différents articles du code Napoléon, par exemple les art. 640, 671, 672, 681, etc., modifient le droit de jouir de sa propriété pour l'utilité d'un fonds voisin. Le législateur qualifie ces limitations de servitudes. V. pour ce qui les concerne, yo Servitude.

164. La règle, qu'un propriétaire ne peut rien faire sur son héritage qui soit nuisible à l'héritage voisin, a été consacrée par la jurisprudence. Ainsi, d'abord, il a été jugé que le droit de propriété n'est pas tellement absolu que l'on puisse faire de sa

(1) Espèce: (Corbier C. Bizardière.)-Les héritiers Corbier, propriétaires d'une maison située à Laval, séparée par une cour commune d'un corps de logis, dont le rez-de-chaussée leur appartient, et dont les étages supérieurs appartiennent à la veuve Bizardière, ont demandé que celle-ci fut tenue d'enlever des entonnoirs ou larges cuvettes avec tuyaux qu'elle avait fait placer dans son mur pour y jeter ses eaux ménagères. -16 août 1819, jugement du tribunal de première instance, qui adoptant les conclusions de l'expert condamne la veuve Bizardière à enlever les entonnoirs qu'elle avait placés dans son mur.— Appel, arrêt infirmatif de la cour d'Angers; Pourvoi en cassation pour violation des principes consacrés, en matière de servitude, par les art. 640 et 702 c. civ.-Arrêt.

LA COUR;-Attendu qu'il a été reconnu, en fait: 1o que ce n'est pas par droit de servitude dans la chose d'autrui, mais bien et seulement par droit de copropriété dans la chose commune, que les auteurs de la veuve Bizardière ont pratiqué les entonnoirs dont il s'agit; 2o que, par ces ouvrages, ils se sont servis de la cour commune pour un usage auquel la même cour était destinée et dans les limites prescrites par la loi; 3° enfin que, de ces mêmes ouvrages, il ne résulte aucun inconvénient au préjudice des demanderesses en cassation; -Que, dans ces circonstances, en décidant que les entonnoirs dont il s'agit devaient être maintenus, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des principes qui régissent les droits des coproprietaires, principes qui seuls étaient applicables à l'espèce; - Rejette.

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chose un usage qui, bien que non contraire aux lois et règlements, est cependant nuisible à autrui (Metz, 10 nov. 1808, aff. Lingard, et 16 août 1820, aff. Mercy, V. Industrie, no 212-1o).

Pareillement il a été jugé que le droit qu'a un propriétaire d'user et d'abuser de la chose est limité, dans son exercice, par le préjudice qui en résulte pour les voisins, et ces derniers sont fondés à prévenir le dommage et à en exiger la réparation (Bordeaux, 30 janv. 1839, aff. Pennetier, vo Responsabilité).

165. Et, de ces prémisses, on a déduit, qu'un propriétaire peut être condamné à faire le pavé d'une cour qui lui appartient, de telle manière que les eaux qui tombent dans cette cour ne puissent pas nuire, par leurs infiltrations, à une cave qui se trouve immédiatement au dessous, et qui appartient à un autre propriétaire. Ainsi, le vendeur d'une cave située sous un terrain sur lequel il a depuis bâti une maison et établi une cour qu'il a fait paver, peut, dans le cas où, par la mauvaise qualité du pavé, les eaux qui tombent de la maison s'infiltrent dans la cave, être condamné à paver sa cour, de telle manière que le propriétaire de la cave n'en ressente aucun préjudice; et c'est à tort qu'on prétendrait qu'une telle décision viole l'art. 690 c. | nap., en ce que la maison aurait été grevée d'une charge ou servitude qui n'était établie ni par titre ni par possession (Req. 13 mars 1827) (2). —On a dit à l'appui de cette dernière prétention un propriétaire a le droit de faire de sa propriété et sur sa propriété tout ce qu'il juge à propos de faire, à moins que la loi ne s'y oppose. Dès lors celui qui, en usant de sa propriété, porte préjudice à autrui, n'est tenu à aucune indemnité. En effet, nullum videtur dolum facere, qui suo jure utitur (L. 55, f., De reg. jur.). Aussi l'art. 1382 c. nap. n'est-il applicable que dans le cas où le fait préjudiciable est commis sans droit (Voy. M. Toullier, t. 11, no 119). Or, dans l'espèce, la demanderesse n'a fait qu'user de son droit.

166. On a déduit aussi, 1o qu'il suffit qu'une construction portant atteinte à des propriétés riveraines, en ce que, par exemple, elle obstrue des croisées légalement établies, ait été élevée sans payement préalable d'indemnité, pour que la démolition ait pu, sur la demande de la partie lésée, être ordonnée par les tribunaux... Et la circonstance, que cette construction a été élevée par alignement et avec l'autorisation de l'administration, qui a, du reste, réservé les droits des tiers, ne met pas obstacle à la démolition, et ne rend pas les tribunaux ordinaires incompétents pour la prononcer, sous prétexte qu'ils empièteraient sur les actes du pouvoir administratif (Req. 12 juill. 1842) (3); — 2o Que le propriétaire d'un établissement insalubre et incommode pour les voisins peut être contraint, ou à

geait le propriétaire de la maison, des toits de laquelle les eaux s'écou laient, à les faire cesser et à les prévenir; qu'en le décidant ainsi, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi ;-Rejette.

Du 13 mars 1827.-C. C., ch. req.-MM. Botton, pr.-Favard, rap. (3) Espèce :-(David C. demoiselle Drahon.)-L'administration municipale de la ville de Lure avait résolu la suppression d'une place publique : le sieur David, propriétaire riverain, ayant demandé l'alignement et un permis de construire, l'autorité municipale l'obligea à acquérir une certaine portion de la voie publique, dépendant de la place à supprimer. Apres le règlement de la cession du terrain et le payement du prix, le sieur David fut autorisé à construire, sans préjudice « des contestations qui pourraient s'élever entre le sieur David et les propriétaires des maisons contigues. » Le sieur David avait déjà commencé ses constructions sur l'alignement donné, lorsque la demoiselle Drabon, propriétaire d'une maison contiguë, et faisant saillie sur la place publique, s'opposa à la continuation des travaux et assigna le sieur David en démolition des travaux commencés, par le motif qu'ils interceptaient les vues dont la demoiselle Drahon jouissait légalement sur la place. La réclamante se pourvut aussi administrativement en réformation de l'arrête d'alignement obtenu par le sieur David; mais un arrêté de M. le préfet de la Haute-Saône maintint l'arrêté municipal. Le sieur David continua ses travaux.

18 fév. 1841, jugement du tribunal de Lure qui se déclare incompétent et déclare la demoiselle Drahon non recevable, quant à présent, dans sa demande en dommages, particulièrement par les motifs suivants : « Considérant, en droit, qu'aux termes des art. 50 de la loi du 14 déc. 1789, et du tit. 2 de celle du 24 août 1790; 2, 9, 46 de celle du 22 juill. 1791, l'autorité municipale a le droit de déterminer les alignements dans les rues autres que celles qui sont le prolongement des grandes routes ;-Qu'en prescrivant des plans d'alignement pour les villes, les

supprimer son établissement, ou à y apporter des changements propres à faire disparaître les inconvénients dont on se plaint

quels devront être adressés aux préfets, transmis au ministre de l'intéfieur et arrêtés en conseil d'Etat, l'art. 52 de la loi du 16 sept. 1807 n'a pas suspendu, pour le temps intermédiaire, jusqu'à l'exécution des plans, le droit que la législation existante attribuait aux autorités chargées de la voirie-Considérant, en fait, qu'il est constant 1° que le terrain sur lequel le sieur David a élevé sa construction, quelle que soit d'ailleurs sa nature, n'est pas compris dans le prolongement de la grande route de Paris à Dôle; 2° qu'en bâtissant, il s'est conformé à l'alignement qui lui a été prescrit par l'arrêté du premier adjoint de Lure, du 25 sept. 1840-Qu'il suit de là qu'en occupant le terrain dont il s'agit, le défendeur s'est conformé à une mesure prise par l'autorité municipale dans la limite de ses pouvoirs; - Qu'ordonner la démolition des ouvrages exécutés ensuite de l'alignement prescrit... serait de la part du tribunal empiéter sur les attributions de l'autorité administrative; que vainement on objecte qu'il s'agit de réprimer une atteinte à la propriété, et que la demanderesse se trouve expropriée des droits de servitude qui lui étaient acquis sur le terrain en question, sans que la cause d'utilité publique ait été légalement reconnue ;-Que, sans examiner s'il s'agissait, au cas particulier, d'appliquer la loi sur l'expropriation publique, il faut reconnaître que cette loi ne fait pas obstacle à l'application des principes énoncés précédemment, et qu'on ne peut induire d'aucune de ses dispositions que le pouvoir judiciaire puisse jamais, en consacrant les droits des particuliers, s'opposer à l'action du pouvoir admiDistratif... >>

Appel par la demoiselle Drahon.-29 avril 1841, arrêt infirmatif de la cour de Besançon, dont voici les motifs : « Considérant que les lois des 14 déc. 1789, 24 août 1790 et 22 juillet 1791, en attribuant à l'autorité municipale le droit de déterminer l'alignement des rues et places publiques, ne dessaisit point les tribunaux des contestations relatives à la proprieté; Que l'appelante ne demande point aux tribunaux d'annuler ni même de modifier l'alignement donné à l'intimé par le maire de Lure, le 25 sept. 1840, comme aliénation d'une place publique, parce que cette aliénation indirecte aurait eu lieu sans enquête préalable, et sans les autres formalités; qu'elle se borne, sous ce rapport, à demander acte de ce qu'elle justifie que, par pétition du 24 avril courant, elle s'est pourvue devant le préfet de la Haute-Saône aux fins de réformation de l'alignement du 25 sept. 1840; - Que l'appelante fonde ses conclusions en suppression des travaux commencés par le sieur David sur le préjudice porté à sa maison, et sur ce que, quelle que soit la compétence de l'autorité qui autorise les divers travaux, le sieur David ne pouvait les exécuter qu'à charge d'une juste et préalable indemnité, conformément à l'art. 545 c. civ.;- Que toutes les contestations qui s'élèvent sur le fond du droit, touchant l'existence, l'exercice et la jouissance des servitudes, doivent être portées en justice ordinaire, comme étant des questions de propriété ;-Qu'il y a donc lieu de réformer;— Et attendu que la cause est en état de recevoir décision définitive, évoquant et prononçant par jugement définitif;

» Au fond, considérant, en fait, qu'il est constaté par trois délibérations de la ville de Lure des 25 sept. et 14 oct. 1837, et encore par autre délibération du 17 fév. 1840, que le terrain sur lequel le sieur David, intimé, a commencé des constructions, ensuite de l'alignement qui lui a été donné le 25 sept. 1840, est une place publique de la ville de Lure, dont la location temporaire à des étalagistes était un revenu pour la ville; - Que l'appelante est propriétaire d'une maison faisant angle, avec façade sur la voie publique et sur la place publique; qu'elle y avait établi une boutique avec ouverture en arcade, l'une sur la rue, l'autre sur la place publique, et que, depuis peu d'années seulement, elle a substitué des fenêtres à ses ouvertures ;-Qu'il est encore reconnu par les parties qu'il existe actuellement quatre vues droites ou fenêtres d'aspect sur la place publique cédée au sieur David, intimé, par voie d'alignement, et qu'il n'est pas même allégué que les auteurs de l'appelante aient bâti, contrairement aux prescriptions municipales ;-Que le préjudice résultant de l'aliénation de cette place publique, avec autorisation d'y bâtir, est évident;

>> Considérant, en droit, que les obligations imposées aux propriétaires des terrains adjacents aux rues et aux places publiques, et les obligations des villes à l'égard des propriétaires qui ont construit, sont des charges imposées sur un héritage, pour l'usage et l'utilité d'un autre héritage appartenant à un autre propriétaire; qu'elles constituent, dès lors, de véritables servitudes dérivant d'obligations imposées par la loi, pour l'utilité publique ou communale ;-Qu'en effet, les propriétaires des terrains adjacents aux rues et aux places publiques ne peuvent construire qu'en suite d'autorisation de l'autorité compétente, et d'approbation des plans de construction; que les constructions ne peuvent être exécutées qu'en se conformant aux règlements locaux sur la qualité des matériaux à employer, en ce qui concerne les façades; qu'ils contractent l'obligation d'établir et d'entretenir les pavés, de nettoyer la rue au devant de leurs maisons, etc.;-Que, d'autre part, les rues et places publiques sont des fonds servant, par rapport aux maisons riveraines, en ce qui TOME XXXVIII.

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concerne les eaux pluviales des toits, les vues droites ou fenêtres d'aspect, et généralement tous les avantages qui ne sont pas en opposition avec la destination des rues et places publiques;-Que nos lois sont confirmatives des lois romaines et de la jurisprudence ancienne, ainsi que le constate un arrêt de la cour de cassation du 11 fév. 1828;- Que si, pour canse d'utilité publique, une ville change la destination d'une rué ou d'une place publique, ce n'est qu'ensuite d'enquête de commodo et incommodo, et que si, malgré l'opposition des propriétaires riverains, la suppression est ordonnée, les actes définitifs de l'autorité supérieure n'interviennent que sous la condition implicite que la ville ou son ces-sionnaire ne mettrait à exécution la concession que moyennant une juste et préalable indemnité, conformément à l'art. 545 c. civ.; Que le sieur David, intimé, peut d'autant moins méconnaître les droits de l'appelante et les obligations de la ville, que le maire de Lure, en lui donnant l'alignement du 25 sept. 1840, a ajouté : « La ville de Lure reste entièrement étrangère à toutes les contestations qui pourraient s'élever entre le sieur David et les maisons contigues aux maisons qu'il veut construire, le présent arrêté n'ayant pour but unique que de faciliter l'alignement auquel il doit se conformer ; » - Que, dès lors, le 29 sept. 1840, l'appelante a fait sommation audit sieur David d'avoir à cesser tout travail de construction à raison des droits qui lui étaient acquis; - Qu'au mépris des droits revendiqués par cette sommation et de la condition imposée par l'acte d'alignement, il a continué les constructions par lui commencées; qu'il y a donc lieu, faisant droit aux conclusions de l'appelante, et par application de l'art. 545 c. civ., d'ordonner la suppression des travaux commencés, en le condamnant à tous les dépens tant d'instance que d'appel, pour tous dommages-intérêts;

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» Par ces motifs, prononçant sur l'appellation émise par la demoiselle Drahon du jugement rendu le 18 fev. 1841, par le tribunal de première instance de Lure, a mis et met ladite appellation et le jugement dont elle provient au néant; évoquant et faisant droit, condamne le sieur David, intimé, à supprimer les travaux commencés, et qu'il a fait pratiquer au devant de sa maison située à Lure, depuis le 27 septembre dernier, et à remettre les lieux dans lenr ancien état, dans les trente jours de la signification du présent arrêt; sinon, et passé ce délai, autorise la demoiselle Drabon à procurer le rétablissement aux frais dudit sieur David à recouvrer sur simples quittances d'ouvriers; le condamne aux dépens tant d'instance que d'appel, pour tous les dommages-intérêts, donne acte à l'appelante de ce qu'elle entend faire réformer par toutes les voies légales l'alignement du 25 sept. 1840, et de ce qu'elle s'est déjà pourvue par-devant le préfet de la Haute-Saône, etc., etc. »>

Pourvoi du sieur David.-1° Excès de pouvoir, en ce que l'arrêt attaqué a empêché l'exécution d'un acte emané de l'administration, en ordonnant la démolition des constructions élevées d'après autorisation, et par suite en empêchant l'exécution d'un projet résolu par l'administration, consistant à supprimer une place publique, en la réduisant aux dimensions d'une rue ordinaire. - 20 Fausse application de l'art. 545 c. civ., en ce que le sieur David bâtissant sur un terrain qui lui appartenait, il ne pouvait y avoir lieu à payer une indemnité pour usurpation de la propriété d'autrui, mais seulement à réparer le dommage que ces constructions pouvaient occasionner à la propriété d'autrui. Avant de dire qu'on ne pouvait exproprier mademoiselle Drahon sans l'accomplissement des formalités ordinaires, il fallait établir qu'elle était propriétaire. Or, il s'agit ici d'une portion de la place publique sur laquelle mademoiselle Drahon avait des vues et dont la suppression lui cause préjudice. L'art. 545 ne s'applique évidemment qu'au cas où il y a cession de propriété, et mademoiselle Drahon n'est pas propriétaire. L'arrêt, par une assimilation forcée, a donné à la servitude prétendue par la demoiselle Drahon sur la place publique, un caractère de droit réel qui l'assimilerait à la propriété. Y a-t-il d'ailleurs, en ce cas, un droit de servitude acquis au profit de mademoiselle Drahon? Non sans doute, car on ne peut appliquer la dénomination d'héritage à une place publique, et, dès lors, pas d'application possible de l'art. 637 c. civ. Un fait domine la cause: c'est qu'il ne s'agit plus au procès et d'après les considérants de l'arrêt, de vues prétendues par mademoiselle Drahon sur la propriété de David (contestation qui serait du ressort des tribunaux civils), mais d'un droit de vue sur une portion de place publique, prétention évidemment du ressort de l'autorité administrative et souverainement décidée par l'arrêté d'alignement et l'ordonnance royale qui a autorisé l'aliénation. Ainsi, de quelque façon qu'on interprète les actes et les faits de la cause, la demoiselle Drahon n'avait et ne pou vait avoir aucun droit de propriété, qui permit l'application même par induction de l'art. 545 c. civ.-Arrêt.

LA COUR;-Attendu que la faculté de bâtir accordée par l'administration sous le seul point de vue de l'intérêt général dont elle est chargée, laisse parfaitement intacte la question des droits des tiers qui peuvent être blessés par les constructions, et que les contestations qui viennent à s'élever sur l'existence de ces droits, sont du ressort des tribunaux. Attendu que l'arrêt attaqué a constaté, en fait, que les constructions

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Reg. jur. L. 1, § 12, ff. De aq.; Pothier, Append. au contr. de soc., no 255; Toullier, t. 3, nos 327 et 328). · Et remarquons qu'il a d'ailleurs été jugé que le propriétaire ne peut écarter l'action dirigée contre lui, par le motif qu'il n'a fait qu'user de sa propriété, qu'il n'a agi que d'après l'agrément de la police, et qu'aucune disposition de loi ne lui défendait ce qu'il a fait (même arrêt de Metz, 10 nov. 1808-V. aussi Req, 11 et 19 juill. 1826, aff. Rigaud-Arbaud, vo Responsabilité; et Nancy, 14 janv. 1850, aff. Ancilon, eod.).

167. Il a été décidé, par application des mêmes principes, 1° qu'on ne peut, sans violer le droit de propriété, faire des constructions sur un canal appartenant à son voisin et destiné au service des usines de celui-ci, même lorsqu'on ne diminue point le volume d'eau nécessaire aux usines du propriétaire du canal (Cass. 9 déc. 1818, aff. Bodin, V. Eau, no 358); — 2o Que si le propriétaire d'un domaine faisant corps avec un moulin, avec un canal et les eaux qui font mouvoir le moulin, n'a, en aliénant ce moulin, vendu que l'eau limitativement nécessaire pour son jeu, l'acquéreur a pu être déclaré sans droit pour user des eaux autrement que pour le service de son moulin; et l'arrêt qui, par appréciation des titres, lui ordonne, en conséquence, de détruire un canal qu'il avait établi pour dériver les eaux, ne saurait tomber sous la censure de la cour de cassation (Req.

élevées par le demandeur portaient préjudice à la défenderesse éventuelle, en la privant de quatre vues droites ou d'aspect par elle possédées sur la place publique devenue la propriété du demandeur en cassation, et qu'il n'était pas même allégué que les auteurs de la défenderesse eussent bâti contrairement aux prescriptions municipales ; — Attendu qu'en l'état de ces faits déclarés constants, la cour royale de Besançon ayant ordonné la démolition des travaux attentatoires aux droits de la demoiselle Drahon, n'a violé aucune des lois citées et s'est, au contraire, conformée aux principes de la matière;-Sur le second moyen, attendu que l'arrêt attaqué, en assimilant un droit de servitude foncière à un droit de propriété, a fait une juste application de l'art. 545 c. civ.; -Rejette.

Du 12 juill. 1842.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Pataille, rap. (1) (Degros C. Clément.) LA COUR ;- Attendu que la cour royale de Grenoble, usant du droit qui lui appartient, comme à toutes les autres cours, d'apprécier et d'interpréter les actes, déclare que, de ceux produits devant elle, il résulte que le comte de Saint-Vallier n'avait vendu au sieur Degros et à ses auteurs que l'eau limitativement nécessaire pour le jeu des moulins Curson et Terrail; Attendu que ce fait, une fois reconnu constant par la cour de Grenoble, elle a pu, sans violer aucune loi, et même elle a dû, pour être conséquente, juger, comme elle l'a fait, que le sieur Degros ne pouvait user des eaux de la nouvelle Veaune que pour le service de ses moulins, et que tout autre usage lui en était interdit; Rejette.

Du 18 juill. 1822.-C. C., sect. req.-MM.Vallée, rap.-Lebeau, av. gén. 2) (Hellot C. Leclerc-Morlet.) LA COUR; Vu les art. 545 et 555, c. civ.; Attendu que les dispositions contenues dans ces articles sont un hommage rendu au droit sacré de la propriété, lequel toujours, hors le cas d'utilité publique, doit être d'autant plus scrupuleusement respecté, qu'y porter atteinte c'est non-seulement troubler, mais même ébranler la société dont il est le fondement; - Attendu qu'il est constant en fait que c'est contre le consentement du sieur Hellot, et malgré son opposition formellement exprimée par la sommation du 51 janv. 1820, que le sieur Leclerc-Morlet a, pour son intérêt privé, bâti sur le terrain dudit Hellot; - Qu'ainsi la cour royale (de Rouen), en rejetant la demande en démolition intentée par ce dernier a violé les articles susréférées. Casse, etc.

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Du 22 avr. 1823.-C. C., sect. civ.; MM. Brisson, pr.-Rupérou, rap. (3) (Beaulieu C. Halary.) LA COUR; Attendu que Beaulieu n'étant pas propriétaire de la rivière sur l'une des rives de laquelle est situé son moulin, l'art. 544 c. civ., qu'il invoque, n'a pu être violé par l'arrêt attaqué (de Limoges) qui, en confirmant le jugement de première instance, et en conformité de différents actes administratifs, a rejeté sa demande à fin d'ouvertures dans son écluse, de nouvelles vannes au préjudice des sieurs Alary et Leblanc, propriétaires d'un autre moulin, sur la rive opposée de la même rivière;- Rejette.

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Du 30 juin 1824.-C. C., sect. req.-MM. Brillat, pr.-Dunoyer, rap. (4) Espèce (Forbin-Janson C. Dautant.) En 1780, le roi, par arrêt de son conseil, autorisa le sieur de Forbin-Janson à prendre de l'eau dans la Durance, rivière dépendant du domaine public, et à creuser sur les terrains limitrophes un fossé destiné à conduire l'eau à l'usine du sieur Forbin, sauf, pour les propriétaires de ces terrains, une indemnité préalable, fixée à l'amiable, ou par des experts convenus ou nommés d'office. - En 1791, le sieur de Croze avait sur le bord de la Durance une étendue de terre considérable; une convention entre lui et Forbin,

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18 juill. 1822) (1); — 3° Que celui qui, sans avoir égard à l'opposition qui lui a été signifiée, a fait construire un bâtiment qui empiète sur le sol d'un propriétaire voisin, peut être contraint, non-seulement à des dommages-intérêts, mais encore à démolir son édifice, quelque léger que soit l'empiétement (Cass. 22 avril 1823) (2); · 4° Que les tribunaux peuvent ordonner la fermeture de vannes ouvertes par le propriétaire d'une usine sur une digue à lui appartenant sur un cours d'eau non navigable, s'il en résulte un préjudice pour le propriétaire voisin. Une telle décision ne contrevient pas au droit de propriété tel qu'il est établi par l'art. 544 c. nap., qui n'est pas applicable à une cause de cette espèce (Req. 30 juin 1824) (3);—5° Que, de ce que, par un arrêt de l'ancien conseil non enregistré, il a été fait concession à un particulier d'une prise d'eau dans une rivière domaniale, avec faculté de construire un fossé ou canal sur le fonds des riverains, moyennant indemnité à payer à ceux-ci, il n'en résulte pas que le concessionnaire ait le droit de s'emparer du fonds des voisins, sans aucun arrangement préalable; et si un arrangement a eu lieu entre eux pour la construction du canal, il n'est pas vrai de dire que l'arrêt qui ordonne l'exécution de cet arrangement porte atteinte à l'arrêt du conseil (Req. 19 juill. 1827) (4); — 6o Que le propriétaire du lit d'un ruisseau l'est aussi des bords; qu'il a le droit, par conséquent,

du 6 sept. 1791, permit à Forbin d'ouvrir un fossé sur le domaine de Croze, et d'effectuer la prise d'eau à travers les graviers attenant à ce domaine. La dimension et la direction du fossé furent déterminées par les parties; Croze s'obligea à faire édifier un fort, à l'ouverture du canal, pour empêcher l'irruption des eaux sur les propriétés riveraines. En 1816, Forbin cite le sieur Dautant, ayant cause de Croze, à l'effet, 1o de construire le fort et le fossé dans l'emplacement désigné par la convention du 6 septembre; 2o de faciliter par des travaux l'écoulement des eaux de la Durance à travers les graviers. Dautant répond que la Durance a changé entièrement son cours, et rendu impossible, depuis 1792, l'exécution de la convention; du reste, il offre à Forbin, comme un moyen d'utiliser sa prise d'eau, la partie la moins dommageable de ses terrains, moyennant une juste indemnité. 30 août 1823, jugement du tribunal d'Apt, qui démet Forbin.- Appel. 10 déc. 1824, arrêt de la cour de Nîmes, qui confirme, attendu (entre autres motifs) que la Durance, ayant changé son cours, ne pourrait plus passer dans le fossé et à travers les graviers dont il est mention dans la convention de 1791. De plus, cet arrêt ordonne, d'après les offres de Dautant, que la prise d'eau sera effectuée sur un endroit de son domaine, autre que celui désigné en 1791.

Pourvoi de Forbin.- 1o Violation de l'arrêt du conseil de 1780. Il prétend que cet arrêt a force de loi; qu'il en résulte, pour le concessionnaire de la prise d'eau, le droit de l'utiliser par tels ouvrages qu'il Jui plaira de construire sur les propriétés voisines; que l'arrêt ne l'assujettit qu'au payement d'une indemnité, qui peut être fixée par experts nommés d'office, et qu'ainsi le consentement des propriétaires des terrains envahis n'est pas indispensable. 2o Violation de la convention de 1791. La Durance peut varier la direction de ses eaux. Le changement de son cours, qui a motivé l'arrêt, est momentané; la convention subsiste toujours; on peut l'exécuter en construisant les ouvrages convenus; plus tard, ces ouvrages serviront à la conduite des eaux, quand elles auront pris un autre cours.- Arrêt. LA COUR; En ce qui touche le premier moyen, fondé sur un arrêt du conseil, du 11 mars 1780;-Attendu que ce fut une maxime incontestable de notre droit public que les rois de France furent toujours dans l'heureuse impuissance de porter aucune atteinte aux propriétés de leurs sujets; aussi, dans les arrêts du conseil, portant quelques concessions au profit des particuliers, on lisait cette formule par laquelle ils se terminaient, sauf notre droit en autres choses, et l'autrui en tout; clause toujours supposée, lors même qu'elle n'était pas écrite, de manière que ces arrêts n'avaient aucune efficacité, s'ils n'étaient revêtus de lettres patentes qui devaient être enregistrées dans les cours souveraines, lors duquel enregistrement les parties intéressées, et qui pouvaient se prétendre lésées dans ces actes de l'autorité publique, avaient la faculté de former opposition à l'arrêt d'enregistrement; et le parlement, saisi par cette opposition, statuait contradictoirement sur les moyens respectifs des concessionnaires et des opposants; ainsi faisait, d'après les titres et les circonstances, l'application de la clause restrictive, sauf notre droit en autres choses, et l'autrui en tout;

Attendu que, de l'arrêt du conseil du 11 mars 1780, dont n'apparaît pas l'enregistrement au parlement de Provence, il ne résultait aute chose que la concession d'une prise d'eau dans la Durance, rivière navigable, dépendant du domaine de l'Etat, avec la faculté de la dériver pour la conduire dans un canal appartenant au concessionnaire (le mar quis de Forbin-Janson), à l'aide d'un fossé à creuser dans des terrains

de s'opposer à ce que les riverains construisent des digues sur les bordures du ruisseau, dans le but de s'emparer d'une partie des eaux (Pau, 24 fév. 1854, M. Figarol, pr., aff. Lalanne);-7° Que si un canal construit de main d'homme sur une propriété donne lieu à des infiltrations causant préjudice aux propriétés voisines, le propriétaire du canal peut être condamné à faire cesser la cause de ce dommage... encore bien que ces infiltrations, reçues dans une fosse creusée sous le sol de ce dernier, ne se soient introduites ensuite dans les fonds des voisins que par suite de l'ouverture de la fosse opérée par eux, mais sans qu'il y ait faute de leur part, et en creusant eux-mêmes dans leur sol une fosse semblable (Req. 12 nov. 1858) (1). Quoique la décision que la cour d'appel a rendue dans l'espèce ait paru à la cour de cassation ne présenter qu'une simple appréciation de fait, celte décision ne résout pas moins au fond une question de propriété d'un véritable intérêt, surtout en présence des progrès de l'industrie; -8° Qu'au reste, et suivant un arrêt, chacun peut faire dans sa propriété telles constructions qu'il lui convient, et le voisin qui prétend au droit de les empêcher ne peut, par la simple dénonciation de nouvel œuvre, suspendre la continuation des travaux, et le juge ne peut intervenir ni par voie de défense de continuer, ni par le refus d'entendre l'auteur de nouvel œuvre jusqu'à ce qu'il ait satisfait à l'opposition du voisin (Cass. 11 juill. 1820, aff. Calvet, V. Action possessoire, no 169).

cessités dans une rivière non navigable, sous les ordres du direoteur des ponts et chaussées, dans l'intérêt réciproque des propriétaires riverains, et par suite des dégradations commises par eux ou leurs fermiers, ils en doivent supporter les frais par égale portion (cons. d'Ét. 8 avr. 1809) (2);-2o Le droit qu'a tout propriétaire de disposer de sa chose de la manière la plus absolue, ne s'oppose pas à ce qu'une vérification soit ordonnée pour savoir si les travaux qu'il exécute sur son fonds ne seront pas nuisibles aux droits des tiers, et spécialement à l'exercice d'une servitude (Req. 30 janv. 1845, aff. de Pennautier, D. P. 45. 1. 119).

169. Il est bien entendu qu'en posant le principe que le propriétaire peut exercer librement son droit de propriété à la charge de ne pas nuire aux tiers, nous ne le séparons pas de la sanction qui le rend obligatoire ainsi le propriétaire serait tenu de réparer le dommage qui serait résulté pour le voisin de l'exercice illicite de son droit de propriété. C'est surtout lorsque l'on procède à des fouilles et excavations ou à l'exploitation d'une mine, qu'il peut y avoir lieu à des questions d'indemnités et de dommages-intérêts au profit des voisins qui fréquemment sont lésés par ces travaux (V. vo Mines, nos 297 et s.). A cet égard, il a été toutefois jugé que le propriétaire d'un terrain en culture, dont une partie est tombée dans la carrière de son voisin, ne peut exiger qu'il lui soit fait des remblais et des constructions, pour lui restituer les terres qu'il a perdues, et les soutenir à l'avenir : il n'a

168. Suivant des arrêts: 1o lorsque des travaux ont été né- droit qu'à des dommages-intérêts (trib. de la Seine, 9 fév. 1836)(3).

particuliers, sauf l'indemnité aux propriétaires des fonds sur lesquels il serait creusé, ou dont il endommagerait les propriétés riveraines; Attendu que, d'une telle faculté, il ne s'ensuivait pas que le concessionnaire pût, à son gré et arbitrairement, s'emparer des terrains appartetenant à autrui, pour construire, sans arrangements préalables avec eux. le fossé ou canal qu'il lui était nécessaire de creuser pour user de la prise d'eau concédée; aussi, ce ne fut qu'en vertu de la convention synallagmatique entre le marquis de Forbin-Janson et le sieur de Croze, propriétaire du domaine de la Bastide, sur la propriété duquel devait avoir lieu la prise d'eau, et fut construit en partie le fossé où canal qui la dérivait (convention du 6 sept. 1791), que celui-là obtint le droit d'établir, ainsi qu'il est stipulé entre les parties, la prise d'eau et les ouvrages nécessaires pour en user sur le domaine de son voisin; d'où il suit qu'il ne pouvait s'agir dans la cause, comme en effet il ne s'est agi en première instance, ainsi que devant la cour royale, que de l'exécution de cette convention, sans qu'on ait pu exciper de l'arrêt du conseil, dont on ne peut reprocher, sous aucun rapport, à l'arrêt, d'avoir violé les dispositions;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation de la loi du contrat entre les parties; Attendu qu'il résulte des faits, constants dans la cause, reconnus par toutes les parties et déclarés par l'arrêt, que, par suite des changements provenus dans le cours de la Durance, il n'a plus été possible d'exécuter la convention du 6 septembre 1791, entre M. de Janson et M. de Croze; qu'ainsi, les ouvrages projetés n'ont pu et ne peuvent encore être exécutés, d'où résultait la nécessité de fixer un autre mode de parvenir au même but; Attendu que les défendeurs éventuels n'ont pas donné à M. de Janson la faculté de passer sur leur terrain, en vertu de la convention, mais se sont opposés à la construction d'ouvrages qui endommageaient sans nécessité leurs propriétés, ainsi que l'a reconnu formellement l'arrêt attaqué, offrant néanmoins de souffrir la construction du fossé et des ouvrages nécessaires pour utiliser la prise d'eau, dans l'endroit le moins dommageable pour leurs propriétés, et sous la condition d'une indemnité préalable et proportionnelle à la valeur des terrains employés, ou au dommage résultant pour la propriété envahie; - Attendu que l'arrêt ne s'est pas permis d'annuler la convention, mais s'est contenté, au défaut de son exécution, reconnue impossible actuellement, de déterminer, d'après la situation des choses, la nature de la cause, l'intérêt et les droits respectifs des parties, un mode propre à amener la fin de leurs contestations, et le résultat qu'il importe au concessionnaire de la prise d'eau dans la Durance d'obtenir;- Attendu qu'une pareille décision en barmonie avec les règles du droit, les principes d'équité, et qui ne contrarie même en aucun sens, ni l'arrêt du conseil dont voudrait se prévaloir le demandeur, ni la convention du 6 sept. 1791, ne peut mériter les reproches que lui a faits le demandeur.

Du 19 juill. 1827.-C. C., ch. req.-MM. Henrion, pr.-Gartempe, rap. (1) (Société de Rimogne C. Beauvalet.) — La société anonyme des ardoisières de Rimogne est propriétaire d'une fosse souterraine, dite fosse floraine, établie dès longtemps pour son exploitation. A la superficie se trouve un canal de main d'homme destiné à alimenter une usine appartenant à la même compagnie, et dont les eaux s'infiltrent en partie dans la fosse floraine. - Tel était l'état des choses quand la société Beauvalet s'est formée à côté de la société de Rimogne et a ouvert de son côté

une autre ardoisière. Les fouilles sont bientôt arrivées jusqu'auprès dé
la fosse foraine. Là, une nouvelle fosse ayant été creusée latéralement
à celle-ci, la société Beauvalet a fait donner, pour éclairer sa marche,
un coup de tarière qui a brisé la paroi qui séparait les deux fosses et a
fait jaillir l'eau que contenait la première dans la seconde. La société
Beauvalet a prétendu que cet épanchement des eaux de la fosse floraine
lui causait un préjudice qui devait être imputé à l'infiltration des eaux
du canal supérieur, et elle a demandé contre la société de Rimogne
qu'elle fût tenue d'établir, sur le canal, des bacs pour empêcher cette
infiltration. La défenderesse répondait que la société Beauvalet ne
devait s'en prendre qu'à elle-même si elle éprouvait du dommage, puis-
que le coup de tarière en était seul la cause. — - Expertise. Rapport
qui déclare que le coup de tarière ne constitue pas une faute de la part
de la compagnie Beauvalet. - Jugement qui condamne la compagnie de
Rimogne à faire les travaux nécessaires pour arrêter l'infiltration des
eaux du canal dans la fosse floraine. Appel. — 26 avril 1837, arrêt
confirmatif de la cour de Metz. - Pourvoi. — Arrêt.
LA COUR;

- Attendu que la cour royale, en décidant, conformément au rapport des experts: 1o qu'il n'y avait eu nullement faute de la part de la compagnie Beauvalet, en frappant le coup de tarière qui a donné issue aux eaux de la fosse floraine; 2o que les eaux de cette fosse, quand elles n'étaient pas retenues et conduites par des bacs, s'épanchaient, en partie, dans la fosse de la compagnie Beauvalet; 3° que ces eaux de la fosse floraine étaient des eaux détournées de leurs cours, n'a fait que constater des points de fait qu'il était dans ses attributions de fixer; Attendu qu'en condamnant la société anonyme des ardoisières de Rimogne et de Saint-Louis à faire les ouvrages nécessaires pour empêcher cet épanchement des eaux de la fosse floraine, l'arrêt attaqué, loin de violer les art. 640, 1582, 1385, c. civ., en a fait, au contraire, une juste application;- Rejette.

Du 12 nov. 1838.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-de Gaujal, rap.-Hervé, av. gen., c. conf.-Lucas, av. (2) (Gruguelu-Martin.) - NAPOLÉON, etc.; -Vu la requête prêsentée par la dame Gruguelu-Martin, épouse séparée, quant aux biens, du sieur Jean-Antoine-Martin, et autorisée par justice à la poursuite de ses droits, tendante à ce qu'il nous plaise annuler un arrêté du conseil de préfecture du département des Deux-Sèvres, en date du 23 fév. 1808, qui la condamne à payer, conjointement avec le sieur Martin-Monteuil, la somme de 2,714 fr. 55 c., pour travaux faits sur la Sèvre-Niortaise, pour l'avantage réciproque de leurs moulins; Vu la lettre de notie directeur général des ponts et chaussées, en date du 3 fruct. an 12, ordonnant la construction, aux frais des parties, d'un seuil ou déversoir, tant dans le lit de la rivière qu'au canal de dérivation de la dame Gruguelu; Considérant que les travaux ordonnés par notre directeur gé néral des ponts et chaussées, l'ont été par suite de dégradations commises par les meuniers des sieurs Martin-Monteuil et Gruguelu-Martin, et que les frais de construction peuvent être également supportés par ceux dans l'intérêt réciproque desquels ils ont été entrepris: La réclamation de la dame Gruguelu-Martin contre l'arrêté du conseil de préfecture des Deux-Sèvres, en date du 5 fév. 1808, est rejetée. Ledit arrêté sera exécuté suivant sa forme et teneur. Du 8 avr. 1809.-Décr. cons. d'Et. (3) (Sollet C. Saudollier.)

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Art. 1.

LE TRIBUNAL; Attendu qu'il ne

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