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quisition; l'acquisition qui résulte ici du fait de l'accession, n'étant subordonnée par la loi à aucune condition résolutoire, se réalise par là même avec un caractère définitif.

possession, et par application de l'art 2279 c. nap. C'est aussi l'observation que fait M. Demolombe, no 658.

414. L'art. 554, après avoir parlé des constructions et plantations faites avec les matériaux d'autrui, et refusé au propriétaire de ces matériaux le droit de les enlever, applique la même solution au cas d'ouvrages faits également avec les matériaux d'autrui. Ce mot ouvrages est ici employé dans un sens trèscompréhensif, et ne désigne pas seulement les édifices qui sont déjà indiqués par le mot constructions, mais d'une manière tout à fait générale, les travaux quelconques qui peuvent être exécutés soit à la surface, soit dans l'intérieur même du sol, tels que les égouts, les canaux, le pavage, etc.-V. conf. M. Demo

409. Si, lorsque les matériaux d'autrui ont été employés par le maître du sol, le propriétaire de ces matériaux cesse par le seul fait de l'accession d'en être propriétaire, et doit se contenter d'une indemnité fixée d'après leur valeur, en revanche il est certain que le propriétaire du sol ne pourrait, au lieu de payer celte indemnité, offrir au propriétaire des matériaux de les lui rendre en nature l'art. 554 ne lui accorde aucun droit semblable, l'emploi des matériaux d'autrui eût-il été fait par lui de bonne foi d'ailleurs cet emploi ne peut guère avoir eu lieu sans que les matériaux aient été altérés ou défigurés.—Conf. M. De-Lombe, no 664. molombe, no 663.

410. Quoi qu'il en soit, un point sur lequel il ne peut y avoir de difficulté, c'est qu'à la différence de ce qui avait lieu en droit romain, le propriétaire des matériaux n'a plus aujourd'hui l'action in duplum: cette action se trouve formellement abrogée par l'art. 554 précité qui accorde seulement au propriétaire de ces matériaux le droit d'en exiger la valeur de la part du propriétaire du sol. Et l'on remarquera que ce dernier ne doit que cette valeur, sans qu'il y ait à distinguer si c'est par erreur, ou au contraire sciemment et de mauvaise foi qu'il a employé les matériaux d'autrui (V. conf. M. Demolombe, no 660). — Quant à l'obligation de payer s'il y a lieu des dommages-intérêts, qui pèse éventuellement, d'après les termes de la loi, sur le propriétaire du sol, elle n'est qu'une application directe du principe général que consacre l'art. 1382 c. nap. (V. vo Obligation). Ce sera au propriétaire des matériaux qui réclame, outre la valeur de ces matériaux, une indemnité à titre de dommages-intérêts, à établir qu'en effet il a éprouvé quelque dommage, comme si par exemple il avait été obligé d'acquérir d'autres matériaux à un prix trèsélevé.

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411. Notons, au reste, qu'indépendamment des actions civiles dont on vient de parler, l'action pénale de vol ou d'abus de confiance pourrait aussi, suivant les circonstances, être intentée contre le propriétaire du sol qui a fait emploi des matériaux d'autrui (V. c. nap. art. 577). — V. vo Vol.

418. Le code Napoléon s'est encore écarté des anciennes règles sous un autre rapport. Ainsi, en droit romain, le propriétaire d'un arbre planté sans sa volonté dans le terrain d'autrui, pouvait le revendiquer tant que les racines n'étaient pas adhérentes à ce terrain (V. L. 8, ff., de adq. rer. dom., Instit. § 31, de rer. divis.); au lieu que l'art. 554 précité, ne faisant à cet égard aucune distinction, l'on doit, au contraire, décider, sous l'empire de notre législation, plus favorable peut-être en cela aux intérêts de l'agriculture, que, même quand ils n'auraient pas pris racine dans le terrain d'autrui, les arbres qui s'y trouvent plantés sans le consentement de leur propriétaire, n'en appartiendraient pas moins, la question d'indemnité toujours réservée, au maître de ce terrain. Cette décision offre aussi l'avantage de couper court à des difficultés que fait naître le système opposé où l'on doit examiner si l'arbre a ou non pris racine dans le terrain d'autrui (V. conf. MM. Duranton, t. 4, no 374, Taulier, t. 2, p. 272, Marcade, t. 2, art. 554, no 1, Demolombe, 9, no 667: Bugnet sur Pothier, t. 9, p. 158, en note: Contra: Pothier, de la Propr., no 171, Toullier, t. 5, no 127, Hennequin, Trait. de législ., etc., t. 1, p. 246, Chavot, de la Propriété mobilière, t. 2, no 524). Nous n'estimons pas d'ailleurs que l'on doive, en présence des termes de l'art. 554 qui sont généraux, et excluent, par cela même, tout amendement, toute restriction, excepter de l'application de la règle le cas où il s'agirait de plantes exotiques, que leur nouveauté et leur rareté rendraient précieuses. Tel n'est pourtant pas l'avis de M. Duranton, loc. cit. : Suivant cet auteur, si ces plantes n'avaient pas encore pris racine, on serait en droit, nonobstant la disposition précitée de l'art. 554, de les réclamer: «<et très-probablement, ajoute-t-il, les tribunaux accueilleraient la demande en revendication. On sait quel est le prix d'affection que les amateurs attachent à cette sorte de plantes >>.

418. Le législateur se plaçant dans l'art. 554 en présence du cas où le propriétaire du sol a employé les matériaux d'autrui, il est bien clair qu'il n'y est pas question du cas où le propriétaire aurait acquis la propriété des matériaux par le fait seul de la

Quant aux matériaux dont la propriété passe ici en vertu de l'accession au propriétaire du sol, il ne s'agit que de matériaux proprement dits, tels que pierre, sable, fer, bois, etc., qui, par leur nature, sont employés dans les constructions, plantations et ouvrages que l'on vient de spécifier: mais si, par exemple, le propriétaire du sol avait eu la fantaisie de placer dans l'édifice en construction, soit une statue, soit une colonne de marbre précieux appartenant à autrui, nous ne pensons pas que ce fût le cas de l'en déclarer propriétaire en vertu de l'art. 554; ce ne sont point là des matériaux dans le sens de la loi : le propriétaire de l'objet employé pourrait donc exercer ici l'action en revendication. C'est aussi l'opinion qu'a émise M. Toullier, t. 3, no 126. V. dans le même sens Maleville sur l'art. 554, et MM. Duranton, t. 4, no 374, note 2, Zachariæ, t. 1, p. 425, Chavot, t. 2, nos 354 et suiv., Demolombe, t. 9, nos 216 et 297.

415. Ajoutons que l'art. 554 ne s'occupant du droit d'accession que relativement aux choses immobilières, se trouve par là même inapplicable aux constructions faites avec les matériaux d'autrui, qui n'auraient pas le caractère d'immeubles, telles, par exemple, qu'un moulin ou une usine ne faisant pas partie du bâtiment ou ne reposant pas sur des piliers. C'est aussi l'observation que fait M. Demolombe, no 666 Contra, M. Taulier, t. 2, p. 272.

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416. M. Demolombe, no 668, suppose cette espèce : « Je suis propriétaire d'une maison, d'un château, d'un bâtiment quelconque, ou bien d'un bois, d'une forêt, etc. Je vends à Paul ce château, ce bâtiment, pour les démolir; cette forêt pour l'abattre ; je lui vends, en un mot, les matériaux à provenir de la démolition, les bois à provenir de la coupe.- Puis, la vente étant bien et dûment consentie, je me ravise et je déclare à Paul que je m'oppose à ce qu'il démolisse mon bâtiment, à ce qu'il abatte ma forêt, eu lui offrant d'ailleurs de lui payer les dommagesintérêts auxquels il pourra avoir droit par suite de l'inexécution de notre contrat. Suis-je fondé dans ma résistance? ou, au contraire, Paul peut-il, malgré moi, faire démolir le bâtiment et faire abattre la forêt?» )) - Et le savant auteur embrasse, à cet égard, l'opinion, que l'acheteur de la maison pour la démolir, ou de la forêt pour l'abattre, ne peut forcer le vendeur à l'exécution réelle du contrat, et n'a que le droit, en cas de résistance de la part de ce dernier, d'obtenir des dommages-intérêts. Son principal argument, pour le décider ainsi, est que le propriétaire du sol qui, même par suite d'un vol, a employé les matériaux d'autrui à une construction, ayant le droit, aux termes de l'art. 554, de garder en toute propriété, sauf indemnité, les matériaux d'autrui, il en doit être, a fortiori, de même dans notre espèce, où le propriétaire du sol, qui a vendu sa maison pour être démolie, ou sa forêt pour être abattue, ne peut être obligé plus rigoureusement en vertu d'un contrat qu'il ne le serait par suite d'un délit. Mais dans le cas réglé par l'art. 554, il y a immobilisation des matériaux d'autrui, eussent-ils été volés, et c'est en vertu de la réalisation du fait de l'accession que le propriétaire du sol devient exceptionnellement, nonobstant qu'il y ait eu vol, propriétaire de ces matériaux; au lieu que, dans notre espèce, il ne s'est opéré aucune immobilisation de telle sorte que le propriétaire du sol ne peut se prévaloir de l'accession: toute base manque donc pour invoquer ici l'art. 554 qui, comme on le voit, se réfère à une hypothèse toute différente. Nous sommes ici en présence d'un contrat, et c'est dès lors le cas d'invoquer l'art. 1134 c. nap. qui veut que les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites (V. v° Obligation).

Qu'importe maintenant que l'acquéreur dont il s'agit n'ait jamais été propriétaire des matériaux, qu'il n'ait jamais eu qu'une créance personnelle, à la différence de celui dont les matériaux ont été employés sans son consentement, et qui, lui, en a été propriétaire, ce qui ne l'empêche pas cependant, aux termes de l'art. 554, d'en perdre la propriété, et de n'avoir plus qu'une simple action en indemnité. Il n'en est ainsi à l'égard de ce dernier qu'à cause de l'accession: mais ici il n'y a rien de semblable qui vienne soustraire à l'empire des règles générales le contrat de vente consenti entre les parties et la créance personnelle qui en résulte. Non-seulement, au reste, l'art. 1134 c. nap. donne, dans notre espèce, gain de cause à l'acquéreur, et l'autorise à poursuivre l'exécution réelle du contrat, mais c'est encore ce que demande l'équité, puisque, si l'on adoptait l'opinion contraire, le sort de la convention dépendrait uniquement du vendeur, qui serait donc libre de se refuser à une exécution à laquelle cependant il pourrait, de son côté, contraindre l'acheteur, et qu'ainsi toute égalité de position serait rompue entre les parties, bien qu'il s'agisse d'un contrat synallagmatique où pourtant, comme on sait, l'obligation de l'un des contractants a pour cause l'obligation contractée par l'autre. Les motifs juridiques les plus sérieux se réunissent donc pour faire rejetter l'opinion qui veut assimiler le vendeur au propriétaire du sol dont il est question dans l'art. 554, et il serait dès lors inutile de rechercher si d'ailleurs cette opinion est plus conforme en soi, comme on le prétend, à l'intérêt public et privé, de semblables considérations ne pouvant peser dans la balance que s'il s'agissait, non plus de l'interprétation des lois existantes, mais d'une loi à faire, comme, par exemple, de ressusciter le sénatus-consulte qui avait défendu à Rome la vente des bâtiments pour les démolir et en vendre les matériaux (V. Lois 52, ff. De contrah. empt., 41, § 2, ff. De kg.-1°; 2 cod. De ædif. priv.).

417. Il est, en tout cas, sans difficulté que, si le propriétaire du sol avait vendu des fruits pour être récoltés, il ne pourrait invoquer la disposition de l'art. 554 à l'effet d'être autorisé à se départir du contrat, et à garder les fruits dont il s'agit, sous la seule obligation de payer une indemnité à l'acquéreur. C'est ce que reconnaît M. Demolombe lui-même, no 671.

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LA COUR;

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(1) (Eyraud C. Lanessant.) Considérant, en fait, sur l'appel principal, qu'un sieur Lafon vendit à Mathurin et Catherine Eyraud, frère et sœur, par contrat public, à la date du 4 avr. 1801, une grange située dans la commune d'Asque, ensemble des eysines, confrontant, du nord et du levant, à d'autres eysines que le vendeur se réservait, les murs étant mitoyens; Que, le 11 mai 1810, le même Lafon vendit au sieur Lanessant un domaine situé dans la commune d'Asque, et dont avaient autrefois fait partie la grange et les eysines acquises en 1801 par Eyraud et sa sœur; Que le contrat énonce que les bâtiments confrontent au midi à Mathurin Eyraud et au chemin qui existe dans cette partie, haie appartenant au bien vendu; - Que LaDessant ne tarda pas à faire enlever la baie, qu'il remplaça par un mur qui fit suite au mur mitoyen; que ce fait est avoué par toutes parties, et qu'il est également reconnu que Lanessant a bâti son mur sur un terrain dont la moitié appartenait à la famille Eyraud;

Considérant, en droit, que Lanessant était de bonne foi, lorsqu'à la place de la haie, il fit construire le mur dont il s'agit; qu'il ignorait entièrement et le vice de son titre et les droits antérieurs acquis par Eyraud; qu'évincé de la moitié du terrain sur lequel repose le mur, sa bonne foi lui donne le droit d'invoquer les dispositions finales de l'art. 555 c. civ.; qu'aux termes de ces dispositions, quand les plantations et constructions ont été faites par un tiers évincé, non condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne peut demander la suppression desdites plantations et constructions, mais il a le choix ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur; Que les droits des appelants sont réglés par le texte qu'on vient de rappeler; qu'ils peuvent choisir entre le remboursement du prix des constructions ou le payement d'une somme égale à celle dont le fonds aurait augmenté de valeur; mais que, placés dans le cas exceptionnel prévu par le dernier paragraphe de l'art. 555 c. civ., ils ne peuvent pas obtenir la démolition du mur dont il s'agit; qu'ainsi,

que les constructions, plantations et ouvrages ont été faits par un tiers, et avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a droit, ou de les retenir ou d'obliger ce tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui: il peut même être condamné à des dommages-intérêts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds. Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir. Néanmoins, si les constructions, plantations et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions; mais il aura le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur. » Par application de cet article, il a été jugé que le propriétaire du fonds sur lequel des constructions ont été faites par un tiers de bonne foi ne peut pas en exiger la démolition, ni réclamer une indemnité pour la valeur du terrain occupé; il n'a que l'option ou de rembourser le prix des matériaux et de la main-d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur (Bordeaux, 12 déc. 1835) (1).

419. Il a d'ailleurs été jugé que la simple possession des arbres ne peut faire attribuer à celui qui les a plantés sur le sol d'autrui, aucun droit sur leur propriété contre le propriétaire du sol qui les revendique en vertu de l'art. 555 c. nap. Et spécialement que, lorsque celui qui a planté des arbres se borne à opposer à la partie qui en réclame la propriété, comme étant propriétaire du sol, en vertu d'une possession qu'elle offre de prouver, qu'il a possédé exclusivement ces arbres depuis la plantation, sans exciper en même temps de son côté d'une possession à titre de propriétaire du sol, cette possession des arbres doit être déclarée inefficace contre la possession du sol, animo domini, et, dès lors, l'offre en preuve de cette dernière possession ne peut être rejetée comme non pertinente, ni admissible sous le

prétexte que la possession du sol n'était pas incompatible avec la

possession des arbres, et que ces deux possessions étaient concurrentes et simultanées (Cass. 11 juin 1839) (2). · Mais il a été jugé que le propriétaire sur le terrain duquel des arbres

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en refusant d'ordonner cette démolition, le tribunal de Libourne a bien jugé; Considérant, sur l'appel incident interjeté par les Lanessant, qu'il est de la dernière évidence qu'on ne devait pas les soumettre à payer à leurs adversaires une indemnité de 20 fr., puisque c'étaient ces derniers qui leur devaient une indemnité quelconque, conformément aux dispositions déjà rappelées de l'art. 555 c. civ.; Que les dépens doivent être supportés par Eyraud et sa sœur, puisqu'on vient de décider que leur demande en démolition du mur n'était pas fondée;

-

LA

Met au néant l'appel que Mathurin et Catherine Eyraud ont interjeté du jugement rendu le 11 mars 1824 par le tribunal de première instance de Libourne, et faisant droit de l'appel incident interjeté par la veuve et les enfants Lanessant, du même jugement, dans le chef qui a condamné ces derniers à payer une indemnité de 20 fr. à Eyraud frère et sœur, pour la valeur de la moitié du mur, ainsi que dans le chef qui a condamné les Lanessant aux trois quarts des dépens; émendant et réformant, quant à ce, relaxe ces derniers desdites condamnations. Du 12 déc. 1835.-C. de Bordeaux, 2° ch.-M. Dégranges, pr. (2) (Commune de Cheillé C. Perthuis et Veau-de-Rivière.) COUR; Statuant sur le pourvoi formé par la commune de Cheillé contre les frères Perthuis, en présence de Veau-de-Rivière : vu les art. 555, 1315, 1341 et 1348 c. civ.; - Attendu que la commune de Cheillé fondait sa demande sur le droit; qu'en qualité de propriétaire du terrain sur lequel étaient plantés les arbres, lui donnait l'art. 555 c. civ. dont elle réclamait l'application, et aux conditions duquel elle offrait de se soumettre; Attendu qu'à l'appui de sa demande, elle avait articulé et offert de prouver, tant par titres que par témoins, que les arbres avaient été plantés en dehors du fossé ou ruisseau limitatif du terrain affermé aux frères Perthuis par Veau-de-Rivière, et sur une dépendance d'un pâtis appartenant à la commune, pâtis dont elle était en possession; Attendu que l'arrêt attaqué (de la cour d'Orléans) a rejeté la demande de la commune, et a déclaré non pertinente ni admissible la preuve par elle offerte, sur le fondement que la commune

ont été plantés par un tiers, ne peut plus, lorsqu'ils ont été vendus, abattus et enlevés par ce tiers, sans opposition et sans fraude, les revendiquer ni en réclamer la valeur, mais il a seulement droit à des dommages-intérêts, pour la privation de jouissance du sol sur lequel existaient les plantations (Douai, 18 mars 1842) (1).

et ouvrages, ce qui équivaut à peu près au droit de le ruiner, tandis que, s'il s'agit du second, le propriétaire du sol n'est point autorisé à exiger cette suppression, mais qu'il est obligé de conserver les ouvrages sur son terrain sous l'alternative ou de payer au constructeur le prix de la main-d'œuvre et des maté riaux, ou le montant de la plus-value qui est résultée des travaux pour l'immeuble. Mais, sous un autre rapport, le possesseur de mauvaise foi paraît, au contraire, plus favorisé que le

420. Notons qu'il a été décidé, par déviation de l'art. 555 qui laisse au propriétaire une alternative, que les améliorations faites à un immeuble par un adjudicataire déchu de son acquisi-possesseur de bonne foi; c'est quand le propriétaire du sol, au lieu tion doivent lui être remboursées, non pas d'après les sommes qu'il a payées pour améliorer, mais d'après la plus-value de l'immeuble (cons. d'Et. 28 mai 1812, aff. dom. C. Rochet).

421. Il suffit que des possesseurs appelés en abandon de terrains, sur lesquels ils ont fait des contructions, aient articulé leur bonne foi et leur fait de plantations et constructions comme fondement de leur droit, pour que le juge, qui ordonne leur dépossession, et tout en reconnaissant leur bonne foi, les dispense de la restitution des fruits, doive ordonner aussi qu'ils seront indemnisés pour leurs constructions (Cass. 1er déc. 1817) (2). On le voit, il n'était pas conclu expressément à cette indemnité, mais la conclusion a été probablement regardée par la cour comme virtuelle et comme résultant de cela seul que les détenteurs s'étaient fondés sur leur bonne foi et les plantations qu'ils avaient faites. Mais, en cela, l'arrêt n'est-il pas allé trop loin et n'auraitil pas dû rejeter le pourvoi formé contre l'arrêt qui était présenté comme ayant violé l'art. 555 c. nap., sauf aux demandeurs à former une demande nouvelle à cet égard devant les tribunaux ? La chambre civile ne l'a pas pensé, puisqu'elle a cassé l'arrêt attaqué. Du reste, il résulte spécialement de sa solution que lorsqu'un arrêt reconnaît que des détenteurs de terrains communaux sont possesseurs de bonne foi et qu'il leur donne l'option, conformément à l'art. 3 de la loi du 9 vent. an 12, ou de retenir ces terrains en payant une rente à la commune ou de les déguerpir en restituant seulement les fruits échus depuis la demande de cette dernière; cet arrêt doit, pour le cas où les détenteurs préféreraient le déguerpissement, leur accorder une indemnité pour les plantations et constructions qu'ils ont faites sur lesdits terrains, et qu'en cas d'omission, à cet égard, l'arrêt doit être cassé (même arrêt).

422. C'est sur l'observation de la section de législation du tribunat qu'a été introduite dans la loi la disposition finale qui établit, comme fondement de tout le système adopté en cette matière, une distinction entre le possesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi (V. Fenet, t. 11, p. 94 et 100). Cette économie de la loi donne lieu, au reste, à quelques observations ainsi, en premier lieu, sous un rapport, le possesseur de mauvaise foi est traité plus rigoureusement que le possesseur de bonne foi, puisque, à son égard, le propriétaire du sol peut exiger la suppression des constructions, plantations

n'articulait aucun fait de possession, ou de jouissance incompatible avec la possession et la jouissance des frères Perthuis, et que les parties avaient pu simultanément planter et faire paître des troupeaux dans le terrain de la plantation, sans qu'on puisse induire de cette circonstance en faveur de la commune un droit exclusif du droit de planter, exerce par les frères Perthuis; Mais attendu qu'il est expressément déclaré par l'arrêt attaqué que ni Veau-de-Rivière, ni les frères Perthuis, ne prétendaient être propriétaires du sol sur lequel les arbres avaient été plantés; Qu'en se fondant, pour rejeter la preuve offerte par la commune, sur ce que sa possession avait été concurrente et simultanée avec certains actes possessoires des frères Perthuis, qui n'excipaient point d'une possession à titre de propriétaires du sol, et en s'arrêtant ainsi à des faits sans valeur légale pour effacer la possession à titre de propriétaire, articulée par la commune, l'arrêt attaqué a violé les principes en matière de preuves, et les art. 1515, 1341, 1348, et par suite l'art. 555 c. civ.; Casse.

-

Du 11 juin 1839.-C. C., ch. civ.-MM. Dunoyer, pr.-Miller, rap,Tarbé, av. gén., c. conf.-Gatine, Nicod et Godart, av.

(1) (Watelet C. Laroche.)LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 555 c. civ., lorsque les plantations ont été faites par un tiers à ses frais, le propriétaire du fonds a le droit de les retenir ou de forcer ce tiers à les enlever; Que cette faculte de conserver les arbres ne peut subsister que tant qu'ils sont inhérents au sol, et que le propriétaire est censé avoir opté pour leur enlèvement quand ils en ont été détachés sans opposition de sa part.

Du 18 mars 1842.-Cour d'appel de Douai.

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d'exiger la suppression des travaux, les garde pour son comple: il doit alors indemniser le possesseur de mauvaise foi sur le pied de la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, soit, par exemple, 100,000 fr., sans avoir, comme lorsqu'il a affaire, pour le même règlement de compte, au possesseur de bonne foi, le choix entre ce dernier mode de libération et le payement de la plus-value seulement survenue à l'immeuble, laquelle peut être très-inférieure aux 100,000 fr. qu'ont coûtés, par hypothèse, les constructions et ouvrages. Cette incohérence dans la loi n'est toutefois qu'apparente; car le propriétaire du sol étant toujours maître, vis-à-vis du possesseur de mauvaise foi, de faire enlever sans indemnité les matériaux, forcera toujours ce dernier, en le menaçant d'en agir ainsi, à se contenter, pour les constructions et plantations qui sont conservées, d'une indemnité inférieure au prix des matériaux et de la maind'œuvre, inférieure même à la plus-value de l'immeuble, et bien plus faible que celle qu'il devra payer, au même cas, au possesseur de bonne foi, dans les limites infranchissables de l'alternative qui est posée par la loi. Ainsi, quel que soit le parti que prenne le propriétaire du sol, le possesseur de mauvaise foi est toujours plus rigoureusement traité que le possesseur de bonne foi. On peut même reprocher au législateur d'avoir fait au possesseur de mauvaise foi la position trop dure par suite du droit qui est ici accordé au propriétaire du sol de demanderi a suppression des ouvrages sans indemnité. V. M. Demolombe, nos 674 et suiv.

423. En tout cas, il a été jugé que le droit que l'art. 555 c. nap. donne à tout détenteur qui a bâti sur le fonds d'autrui de réclamer les constructions qu'il a faites, ou leur prix, au choix du propriétaire du fonds, est pour lui un droit de propriété, même à l'égard des créanciers inscrits sur l'immeuble, et non une simple créance privilégiée sujette, pour être conservée, à la formalité de l'inscription. Et, spécialement, que le locataire qui, après avoir fait dresser un état des lieux, a bâti sur le fonds loué, a le droit de revendiquer les constructions ou leur prix, sans que les créanciers antérieurement inscrits sur l'immeuble puissent s'y opposer, sous le prétexte que le locataire n'a qu'une simple créance sujette à l'inscription. - Ici ne s'appliquent pas

les règles relatives aux entrepreneurs et architectes (Rouen, 11 août 1820) (3).—Mais on remarquera que le droit que l'art. 555

(2) (Paris et autres C. comm. de Maubert-Fontaine.)—LA COUR (après délib. en la ch. du cons.); -Vu l'art. 555 c. civ. ;-Considérant que l'arrêt attaqué reconnaît en fait que les Paris et consorts sont possesseurs de bonne foi, et qu'en leur ordonnant de déguerpir les terrains qu'ils occupent il les dispense de la restitution des fruits échus avant la demande; d'où il suit qu'en leur refusant une indemnité pour les plantations et les constructions qu'ils y ont faites, l'arrêt attaqué contrevient à la dernière disposition de la loi ci-dessus citée; Casse, etc.

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Du 1er déc. 1817.-C. C., sect. civ.-MM. Desèze, 1er pr.-Zangiacomi, rap.-Jourde, av. gén., c. couf.-Duprat et Dupont, av. (3 (Perreau C. le syndic Lescouvé.) - En 1816, Chefdrue loua à Lescouvé une bâtisse, n'ayant pour ainsi dire que les quatre murailles; un état de lieux fut dressé le 6 oct. 1816. Lescouvé fit dans le lieu loué de grandes constructions: tout l'intérieur fut bâti à ses frais. Chefdrue tombe en déconfiture et la maison louée est adjugée à Grandin, sur les poursuites de créanciers inscrits même avant le bail de 1816.De ce nombre était Perreau. — Lescouvé tombe aussi en faillite; son syndic réclame contre l'adjudicataire les impenses faites par Lescouvé sur le fonds loué, si mieux il n'aime en payer la valeur, aux termes de l'art. 555 c. civ. Grandin résiste; Perreau intervient en sa qualité de créancier inscrit pour s'opposer à l'enlèvement d'une partie du gage affecté à sa créance. Le 9 oct. 1819, jugement qui ordonne à Grandin d'opter, dans la buitaine, entre le payement du prix et l'enlèvement des matériaux. Appel. Arrêt. Vu les art, 555 el 1731 c. civ.; ·

LA COUR;

-

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Vu aussi l'art. 731

c. nap. accorde à celui qui a élevé des constructions sur le terrain d'autrui de réclamer le remboursement de ses matériaux et de la main-d'œuvre, ne peut être exercé que contre celui à qui le terrain appartenait lors des constructions, et non contre le tiers à qui il a été adjugé depuis (Cologne, 14 mars 1853, aff. Milz, D. P. 53. 5. 381).

11. La combinaison des art. 554 et 555 fait apparaître un résultat qui semble donner prise à la critique: ainsi, lorsque c'est le propriétaire du sol qui a fait les ouvrages avec les matériaux d'autrui, même volés, pourquoi la loi ne permet-elle pas au propriétaire de ces matériaux de demander la destruction des ou vrages, tandis que, dans le cas inverse, elle autorise le propriétaire du sol à demander la suppression des constructions et plantations faites sur son terrain par un tiers de mauvaise foi, ce qui entraîne les destructions et dévastations qu'il y avait ici même raison que dans la précédente hypothèse pour prévenir et empêcher? Tout ce que l'on peut dire, à cet égard, est qu'il y a atteinte plus grave au droit de propriété dans le cas de l'art. 555, c'està-dire lorsque c'est un tiers qui a fait lui-même de mauvaise foi avec ses propres matériaux des constructions et plantations sur le terrain d'autrui, que lorsque c'est le propriétaire du sol qui a employé, fût-ce sciemment, les matériaux d'autrui à des constructions sur son propre terrain d'où la conséquence, que la punition, en quelque sorte, doit, dans le premier cas, être plus sévère. D'ailleurs on ne peut, sans injustice, forcer un propriétaire à se gêner et à dépasser ses moyens pécuniaires en conservant sur son terrain des constructions qu'il n'eût pas faites, et qui n'entrent ni dans ses facultés, ni dans ses convenances; au lieu que, dans le cas de l'art. 554, en refusant au propriétaire des matériaux le droit de les enlever, on ne lui cause guère de préjudice, puisqu'il est toujours facile de se procurer d'autres matériaux. Ainsi, c'est en conformité de l'équité ellemême que la destruction des plantations, constructions et ouvrages peut être demandée dans le cas de l'art. 555, vis-à-vis du possesseur de mauvaise foi, par le propriétaire du sol, tandis qu'elle ne peut l'être vis-à-vis de ce même propriétaire par le propriétaire des matériaux dans le cas inverse réglé par l'art. 554. - V. Conf. M. Demolombe, n° 675.

425. Quoi qu'il en soit, on notera que le propriétaire sur le terrain duquel un tiers a fait des constructions avec ses propres matériaux, peut se placer dans l'une des deux positions que lui fait l'art. 555, en considérant comme étant de bonne foi le possesseur même de mauvaise foi. D'une part, en effet, la loi présume la bonne foi (V. c. nap., art. 2268, et vo Prescription), et, d'autre part, le possesseur ne serait pas admis à se prévaloir de sa mauvaise foi pour échapper à la condition qui lui serait faite. Il est maintenant bien entendu que, quand le propriétaire considère ainsi comme étant de bonne foi le possesseur même de mauvaise foi, il renonce par là même au droit de lui demander compte des fruits perçus (V. dans ce sens MM. Duranton, t. 4, no 379; Ducaurroy, Bonnier et Roustain, t. 2, no 112; Demolombe, no 676). La faculté que l'on accorde au propriétaire, d'après ce qui précède, de considérer le constructeur comme étant de bonne foi,

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c. pr.;- Attendu qu'il ne s'agit point dans la cause de l'exercice d'un privilége, ni d'un droit de créance, mais d'un droit de revendication,par le locataire, des objets qu'il a fait placer ou édifier sur la chose louée; Attendu que ce n'est pas par conséquent par les règles du régime bypothécaire que doit se décider la contestation qui divise les parties; que c'est, au contraire, par les lois et la jurisprudence existant sur les impenses et constructions volontairement faites par le locataire ou le ferinier pendant la durée de sa jouissance; Attendu qu'il résulte des articles du code civil précités, lesquels sont en parfaite harmonie avec l'ancienne jurisprudence, que tout locataire a le droit de remporter, à sa sortie, toutes les impenses et constructions qu'il a faites, à la charge de rendre les lieux dans l'état où il les a pris, si mieux n'aime le propriétaire les retenir, en en remboursant la valeur, conformément à la loi; Attendu que, d'après l'art. 751 c. pr., l'adjudicataire ne peut pas plus s'opposer à l'exercice de ce droit qu'à toute autre demande légaleinent justifiée en revendication de propriété ; Et vu que le fait des apports, impenses et constructions réclamés par le syndic de Lescouvé n'est pas contesté; - Confirme.

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Du 11 août 1820.-C. de Rouen, 2 ch,-MM. Eude, pr -Boulanger, av. gen., c. conf.-Houel et David père, av. (1) Espèce: (Robert C. Courtin et Dethan.) En 1791, le sieur

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semble toutefois ne pouvoir être exercée dans le cas où il résulterait de la situation même des parties que le constructeur qui, par exemple, est le fermier du propriétaire, a su nécessairement qu'il bâtissait sur le terrain d'autrui il ne peut alors être fait abstraction de la qualité de possesseur de mauvaise foi (Conf. M. Demolombe, loc. cit.).

496. A quelle époque faut-il se placer pour apprécier si le constructeur est de bonne ou de mauvaise foi? On est généralement d'accord pour décider que c'est à l'époque où les travaux ont été faits que l'on doit se référer, et qu'il y a lieu à cet égard de faire abstraction du temps antérieur ou postérieur à ces travaux; c'était aussi l'opinion de Pothier, Propr., no 351, qui s'appuie en cela sur le droit romain (V. L. 37, ff., De rei vind.) V. dans ce sens M. Demolombe, no 677.

427. On a remarqué que le texte de l'art. 555, en réglant les rapports entre le propriétaire du sol et les tiers qui ont fait les constructions ou ouvrages, suppose que le tiers possédait le fonds sur lequel se sont élevées les constructions, et qu'il y a employé ses propres matériaux. Mais il n'est point douteux, par identité de motifs, que le cas où le tiers aurait fait les constructions, non plus avec ses propres matériaux, mais avec des matériaux appartenant à autrui, ne doive aussi être régi par l'art. 555 (Conf. MM. Taulier, t. 2, p. 274; Marcadé, sur l'art. 555, no 7; Demolombe, no 678). De même, il faudrait encore appliquer l'art. 555 au cas où le tiers, qui a exécuté les travaux, n'était pas en possession du fonds, soit que le fonds fût possédé par le propriétaire, soit qu'il fût possédé par un autre tiers. Dans cette dernière hypothèse, la position du constructeur serait déterminée vis-à-vis du propriétaire, d'après sa bonne ou sa mauvaise foi personnelle, à l'époque des travaux, et non d'après celle du tiers qui possède le fonds.-V. dans ce sens MM. Taulier et Demolombe, loc. cit.

428. On a énoncé plus haut, d'après le texte même de la loi, que lorsque le propriétaire préfère garder les constructions et plantations faites par un possesseur de mauvaise foi, il doit le remboursement de la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus-value: ajoutons qu'il a d'ailleurs été jugé : 1° que le règlement des droits respectifs entre le tiers qui a construit de mauvaise foi sur le terrain d'autrui et le propriétaire qui opte pour la conservation de ces constructions, conformément à l'art. 555 c. nap., doit être tel qu'en aucun cas les répétitions du tiers constructeur ne puissent entamer soit le montant de la restitution des fruits dont il est tenu envers le propriétaire, à compter de son indue occupation, eu égard à l'état primitif de l'immeuble, soit la valeur même qu'avait cet immeuble avant les constructions ou autres améliorations qui y ont été ajoutées; que, par suite, dans le compte à régler entre les parties, un arrêt ne peut pas admettre le tiers constructeur à présenter comme article de déduction le montant des intérêts des sommes employées aux constructions, à dater de leur emploi, sous le prétexte que ce sont là des avances faites par un mandataire à son mandant, ni à compenser ces intérêts avec les fruits à restituer (Cass. 9 déc. 1839) (1); — 2o° Que le tiers constructeur de mau

Leconte s'était marié avec la demoiselle Salienne, sous le régime de la communauté. Pendant leur union, les époux avaient acquis une maison située à Paris, rue du Rocher. En l'an 7, Leconte fit prononcer son divorce, et en l'an 9 il se remaria. De son côté, la dame Salienne convola en secondes noces avec le sieur Robert. Avant la celébration de son second mariage, et le 28 frim. an 9, le sieur Leconte avait fait procéder à la liquidation de la communauté qui avait existé entre lui et sa première femme; mais dans cette liquidation n'avait pas été comprise la maison rue du Rocher. Il est vrai que déjà l'immeuble avait été revendu à un sieur et dans Simshenser; toutefois le sieur Leconte était, à l'époque de la liquidation, en instance avec les acquéreurs pour faire prononcer la résolution du contrat, résolution qui fut en effet prononcée peu de temps après, par jugement du 12 therm. an 9. Ce jugement semblait devoir replacer la propriété de la maison dans la communauté d'où elle était sortie par l'effet de la vente résolue. Cependant Leconte en garda seul la jouissance, et la revendit seul aussi, par acte du 29 août 1810, aux époux Dethan, moyennant 18,000 fr.

Il est décédé en 1818, laissant pour héritière une fille unique mariée au sieur Courtin, et pour légataire en usufruit sa seconde femme, devenue ensuite dame Marquet. Par acte du 1er avr. 1825, les dames Courtin et Marquet reconnurent avoir recu des époux Dethan la somme

vaise foi, dont le propriétaire veut conserver les constructions, ne peut être assimilé à un mandataire de ce dernier, ni réclamer,

de 18,220 fr., montant en principal et intérêts du prix de la vente de la maison rue du Rocher.

Plus tard, les époux Dethan réclamant à la ville de Paris une indemnité pour certaines portions de leur maison qu'ils avaient été forcés de céder à la voie publique, et la ville leur ayant opposé que la vente du 29 août 1810 n'avait pas été ratifiée par la dame Robert, quoiqu'elle parut être propriétaire de la moitié de l'immeuble, ils actionnèrent cette dame, par exploit du 14 fév. 1829, pour voir dire qu'elle était sans droit ni qualité pour prétendre à tout ou partie de la maison dont il s'agit, et qu'il n'était, dès lors, besoin d'aucune ratification de sa part. Par le même exploit, ils assignèrent aussi les dames Courtin et Marquet pour s'entendre condamner à rapporter ladite ratification, dans le cas où elle serait jugée nécessaire, et pour avoir en outre à garantir les requérants de toute éviction.

C'est alors que la dame Robert, par exploit du 22 avr. 1829, a assigné reconventionnellement les époux Dethan à fin de revendication de la moitié de l'immeuble, de licitation de cet immeuble et de restitution de la moitié des loyers perçus à son préjudice pendant l'indue jouissance des acquéreurs.

Sur cette demande et après action en garantie formée par les époux Dethan contre les dames Courtin et Marquet, il intervint, le 13 août 1829, un jugement qui débouta la dame Robert de ses prétentions et accueillit celles des époux Dethan.-Mais, sur l'appel, un arrêt infirmatif de la cour royale de Paris, du 19 juin 1850, débouta, au contraire, Dethan et sa femme de leur demande en ratification; Déclara la femme Robert et son mari (en sa qualité) propriétaires pour moitié de la maison dont il s'agit, mais à la charge par ces derniers, suivant leurs offres, de tenir compte pour moitié aux époux Dethan de toutes les dépenses faites par eux pour augmentations, embellissements, réparations et autres charges de la propriété ; comme aussi à la charge par les époux Dethan de compter aux époux Robert des loyers et revenus de ladite maison, le tout à partir de l'entrée en jouissance desdits Dethan (qui étaient déclarés de mauvaise foi); - Ordonna qu'il serait procédé en la forme ordinaire à la licitation de l'immeuble devant le tribunal de la Seine, après expertise, publications, etc.; - En conséquence, ordonna que la maison serait préalablement vue et visitée par les experts commis à cet effet, lesquels estimeraient quelle était la valeur de ladite maison, eu égard à son état lors de la vente du 29 août 1810, et quelle était la valeur des améliorations et constructions opérées par Dethan et femme...; Condamna enfin les époux Courtin et Marquet à garantir les époux Dethan des frais de l'éviction prononcée contre eux.

En exécution de cet arrêt, une expertise fixa d'abord la valeur totale de la maison en litige, à 158,700 fr. divisés ainsi qu'il suit : 1° 49,100 fr. pour la valeur de l'immeuble dans l'état où il se trouvait en 1810, époque de la vente; 2o et 109,600 fr. pour la plus-value résultant des améliorations et constructions effectuées par les acquéreurs. Puis la licitation ayant été poursuivie sur ces bases, les époux Dethan se rendirent adjudicataires moyennant 160,200 fr., suivant jugement du 16 fév. 1833. Il restait à établir le compte ordonné par l'arrêt susmentionné. Les époux Courtin et les époux Marquet présentèrent, comme représentants du sieur Leconte, les articles des répétitions auxquelles ils prétendaient avoir droit pour les dépenses faites par leur auteur avant la vente de 1810 et depuis qu'il était rentré en possession de la maison, sous la déduction des loyers perçus.· - Un jugement du 8 août 1853 fixa le solde de ce compte, en faveur des réclamants, à une somme de 24,556 fr. 76 c., mais refusa de leur allouer les intérêts qu'ils demandaient à compter du jour des avances.

De leur côté, les époux Dethan présentèrent le compte général des recettes et dépenses relatives à la même maison, depuis leur entrée en jouissance en 1810 jusqu'au 1er avr. 1833, époque où ils étaient devenus propriétaires incommutables par suite de la licitation. Les dépenses de ce compte pour travaux de reconstruction et de maçonnerie, éclairage, impositions, frais de portier, etc., s'élevaient à 176,081 fr. 52 c. : les recettes, consistant en loyers, prix de vente à la ville de Paris, etc., montaient à 114,920 fr. 17 c.; d'où résultait, en faveur des époux Dethan, un excédant de dépense sur la recette de 61,161 fr. 35 c. qu'ils demandaient à compenser jusqu'à due concurrence avec la moitié du prix de leur adjudication qui était dû aux époux Robert.

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Ce compte fut contesté tant par ces derniers que par les époux Courtin; quant aux époux Marquet, ils ne figuraient plus dans l'instance par suite du décès de la dame Marquet, simple usufruitière. Sur ces débats, il intervint un jugement interlocutoire qui chargea de nouveaux experts de constater et estimer : 1o les travaux faits sur l'immeuble par le sieur Dethan en sa qualité d'entrepreneur de maçonnerie; 2o la valeur année par année des loyers de l'appartement occupé dans la maison par les époux Dethan.

Après cette expertise, le tribunal de la Seine a rendu, à la date du 25 juill. 1835, un jugement définitif par lequel, entérinant le rapport dos experts, il a : 1o condamné éventuellement les époux Courtin à ga

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par suite, les intérêts de ses impenses utiles, en vertu de l'art. 2001 c. nap. (jugé implicit.); ...alors même qu'il serait proprié

rantir et indemniser les époux Dethan de toutes les sommes dont ceux-ci ne seraient pas payés par les époux Robert; 2o autorisé les époux Dethan à comprendre dans les recettes, et ce à partir de leur entrée en jouissance, l'universalité des loyers produits par la maison, y compris ceux représentant les fruits provenant des améliorations et constructions nouvelles, et que les époux Courtin prétendaient devoir être distraits des recettes; 3° maintenu, sauf quelques légères rectifications, le chiffre du compte présenté par les époux Dethan, en ordonnant toutefois entre toutes les parties un compte supplémentaire; 4o fixé enfin à 49,100 fr. la valeur de l'immeuble au moment de l'éviction, eu égard à son état en 1810, et abstraction faite par conséquent des constructions et modifications effectuées par les acquéreurs.

Appel par les époux Courtin, qui, aux conclusions par eux prises en première instance, en ont ajouté de nouvelles tendant à ce que la dame Robert fût tenue de faire raison en leur acquit aux époux Dethan, des intérêts des diverses sommes employées par ces derniers en impenses et améliorations, et que ces intérêts fussent compensés jusqu'à due concurrence avec ce qui était dû à la dame Robert.

7 janv. 1857, arrêt de la cour de Paris qui, tout en confirmant le jugement, décide que les intérêts des sommes dépensées pour constructions nouvelles, etc., sont dus aux époux Dethan par les époux Robert, et autorise la compensation de ces intérêts avec les loyers et revenus produits par les nouveaux travaux. Les motifs de cet arrêt sont ainsi conçus«En ce qui touche les loyers :-Considérant que l'arrêt du 19 juin 1850 a déclaré la femme Robert propriétaire pour moitié de la maison dont il s'agit, mais à la charge de tenir compte pour moitié à Dethan de toutes les dépenses faites pour augmentations, réparations, embellissements, impositions et autres charges de la propriété, comme aussi à la charge par Dethan et femme de compter à la femme Robert des loyers et revenus de la maison à partir de leur entrée en jouissance; qu'il résulte évidemment de cette disposition que, si la femme Robert est obligée de rembourser à Dethan la moitié de toutes les dépenses d'augmentations, embellissements et réparations, Dethan, de son côté, doit faire compte à la femme Robert de tous les loyers et revenus produits tant par la maison que par les constructions nouvelles qui y ont été ajoutées; En ce qui touche la compensation des intérêts des impenses avec les loyers :- Considérant que les époux Courtin, garants de Dethan, peuvent opposer à la femme Robert toutes les exceptions qui appartiennent à Dethan; qu'aux termes de l'art. 464 c. pr. civ., la compensation peut être opposée en cause d'appel, bien qu'elle ne l'ait pas été en première instance; Que les sommes employées aux constructions nouvelles par Dethan sont des avances faites par un mandataire à son mandant, et que, par conséquent, les intérêts en sont dus, aux termes de l'art. 2001 c. civ., du jour des avances; que, s'il est juste d'attribuer à la femme Robert la moitié de toutes les augmentations et constructions nouvelles et de tous leurs fruits et revenus, Dethan a droit aux intérêts de la moitié des sommes dépensées par ces augmentations et constructions... >>

Pourvoi des époux Robert, pour violation des art. 1153, 549, 555 c. civ.; fausse application de l'art. 2001 du même code, en ce que l'arrêt attaqué a alloué à un tiers constructeur de mauvaise foi les intérêts de ses avances, comme s'ils avaient couru de plein droit, et en a autorisé la compensation avec les fruits produits par la chose, de manière à faire perdre au propriétaire ces fruits que la loi lui accorde contre le possesseur de mauvaise foi. Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu les art. 549 et 555 c. civ.; Attendu qu'il est constaté, en fait, et souverainement jugé entre les parties, que les mariés Dethan étaient des possesseurs de mauvaise foi, tenus, comme tels, de restituer à la dame Robert les fruits de la moitié qui lui appartenait dans l'immeuble dont il s'agit;

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Attendu que, aux termes des art. 549 et 555 c. civ., les fruits produits par l'immeuble, eu égard à son état primitif, devaient être dans tous les cas, restitués pour moitié à la dame Robert, sans aucune déduction procédant des constructions que les mariés Dethan avaient ajoutées à cet immeuble, et abstraction faite desdites constructions;

Attendu qu'après avoir opté, conformément au même art. 555, pour la conservation des constructions nouvelles ainsi incorporées à l'immeuble par voie d'accession, la dame Robert ayant demandé aux mariés Dethan un compte genéral des loyers produits par l'immeuble depuis leur entrée en possession, il en est bien résulté que, relativement à la partie des loyers qui excédait les produits imputables à l'immeuble dans son état primitif, et qui, par suite, devenait spécialement imputable aux constructions nouvelles, l'arrêt attaqué a pu admettre en dépense, comme déduction corrélative, les intérêts des impenses faites par les mariés Dethan pour leurs constructions, par lesquelles ces loyers excédants avaient été produits;

Mais que la restitution de la partie de ces mêmes loyers, qui était afférente à l'immeuble, eu égard à son état primitif, n'a pu, en aucun cas, être subordonnée au résultat final du compte qui avait été présenté e

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