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par la cour de cassation de l'appel d'un jugement correctionnel, lequel avait été rendu sur la plainte de la partie civile, a constaté l'existence du délit de contrefaçon qui avait motivé cette plainte, est-elle compétente pour statuer sur la demande en dommages-intérêts formée devant elle par la partie civile, lorsque le ministère public ne s'est pas lui-même pourvu contre l'arrêt qui a été cassé, et qui l'a été sur le pourvoi de la partie civile seule? L'affirmative n'est pas douteuse. Le défaut de pourvoi de la part du ministère public ne peut avoir pour effet de faire perdre à l'instance le caractère correctionnel qu'elle avait à l'origine. La cour impériale se trouve saisie de l'appel du jugement correctionnel, et doit avoir les mêmes pouvoirs que les premiers juges (Conf. Orléans, 29 août 1854, aff. Thoisnier-Desplaces, D. P. 55. 2. 159. On s'est désisté du pourvoi qui avait été formé contre cet arrêt). — V. Cassation, no 958.

472. Les tribunaux sont-ils compétents pour connaître de l'infraction à la loi du 7 germ. an 13, qui défend de publier les livres d'église sans la permission spéciale de l'évêque? L'affirmative n'est pas douteuse, puisqu'aux termes mêmes de cette loi, les infractions qui y sont commises doivent être poursuivies conformément à la loi du 19 juill. 1793 (Décret rendu sur conflit, 1er juill. 1809).

473. Le délit de contrefaçon commis par un militaire est de la compétence des conseils de guerre (Crim. cass. 9 fév. 1827) (1). 474. Suivant un arrêt, dans le cas où un auteur se serait plaint de ce qu'une ordonnance du roi était conforme à l'ouvrage par lui publié, l'autorité administrative supérieure serait seule compétente pour statuer sur les plaintes par lui élevées contre la rédaction de cette ordonnance (Crim. rej. 26 mars 1851, MM. de Bastard, pr., Crouseilhes, rap., aff. Muller).

475. Et dans le cas où un ouvrage qui a été contrefait dans une ville est saisi dans une autre ville chez un autre individu que le contrefacteur, c'est devant le tribunal du lieu où la contrefaçon a été faite et où ce dernier demeure, qu'il doit être ac

(1) (Le comte de Durfort C. Muller.)—LA COUR ; · - Statuant sur les pourvois du général comte de Durfort et du procureur général à la cour royale de Paris;-Vu l'art. 3 du tit. 1 de la loi du 3 pluv. an 2, attribuant à la juridiction militaire la connaissance de tous les délits, de quelque nature qu'ils soient, commis par des militaires aux armées, dans les cantonnements, dépôts, etc.;-Vu l'avis du conseil d'Etat, du 7 fruct. an 12, portant que les délits, formant des contraventions aux lois générales du royaume, commis par les militaires sous les drapeaux ou à leurs corps, sont de la compétence des tribunaux militaires; - Attendu qu'un officier général, appelé par le roi au commandement d'une école militaire, est par cela seul réputé militaire en activité de service, puisqu'une semblable école constitue un véritable corps militaire, le temps que les élèves y passent étant censé passé sous les drapeaux, et comptant pour l'ancienneté du rang dans l'armée ;-Que, dans l'espèce, le général comte de Durfort était commandant de l'école militaire de Saint-Cyr, que, dès lors, il était militaire en activité;-Qu'aux termes des lois en vigueur, tout crime et délit, de quelque nature qu'il soit, commis par des militaires en activité de service, est de la compétence des tribunaux militaires; - Que le fait de contrefaçon est qualifié délit par l'art. 425 c. pén. ;-Qu'en retenant néanmoins la connaissance de la cause, dans l'espèce, sur le fondement que ce délit intéressait spécialement la propriété littéraire, et n'entraînait pour ainsi dire, qu'une pure réparation civile, la cour royale de Paris a introduit dans la législation une restriction que le législateur n'a point autorisée et une exception qui n'est point son ouvrage; Qu'elle a dès lors excédé ses pouvoirs, et évidemment violé les dispositions des lois qui règlent la compétence des tribunaux militaires et la sienne propre ;-Casse.

Du 9 fév. 1827.-C. C., ch. crim.-MM. Portalis, pr.-Ollivier, rap.Nicod et Isambert, av.

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(2) Espèce: (Muller C. Degouy.) Degouy publie un ouvrage à Saumur; Le capitaine Muller, qui en était l'auteur, a fait saisir cet ouvrage chez Labro, bouquiniste, et cite Degouy devant le tribunal de cette ville qui acquitte celui-ci ; Appel par Muller; Le ministère public oppose d'office l'incompétence. Muller prétend qu'il a le droit de poursuivre à son choix, tant au domicile du débitant, qu'à celui de l'imprimeur.

LA COUR ; Attendu que le sieur Degouy a imprimé à Saumur l'ouvrage qui fait l'objet de la plainte, et qu'il a été mis en cause devant des juges qui ne sont point ses juges naturels; Se déclare incompétente, et renvoie la cause devant le tribunal qui doit en connaître, etc. Du 17 sept. 1827.-C. de Paris, ch. corr.-M. de Frasans, pr. (3) (Chapsal et autres C. Barbou et autres.)LA COUR; Sur le moyen de nullité, pris de la violation de l'art. 3 de la loi du 19 juil.

tionné, et non devant le tribunal du lieu où la saisie a été faite et où d'ailleurs le saisi n'a pas été mis en cause (Paris, 17 sept. 1827) (2). — Il en aurait été autrement si le libraire avait été poursuivi comme débitant en même temps que le contrefacteur. La connexité aurait rendu le tribunal compétent (V. Compét. civ. n° 58; Conf. M. Et. Blanc, p. 201).

476. De même, la loi de 1793, qui accorde aux propriétaires d'ouvrages contrefaits le droit de les faire saisir par les officiers de police des lieux où ils peuvent être trouvés, n'établit pas, quant à la compétence, une règle différente de celle qui est posée dans les art. 23, 29 et 65 c. inst. crim. Jugé qu'en conséquence, le tribunal du lieu où des ouvrages contrefaits, qui étaient expédiés d'une ville pour une autre ville, ont été saisis à la requête des propriétaires au moment où ils étaient en route pour leur destination, est incompétent pour connaître du délit de contrefaçon imputé à l'expéditeur et au destinataire. - Ce tribunal n'étant ni le lieu de la residence des prévenus, ni celui où aucun d'eux a été trouvé, ni celui où le délit a été commis, encore bien que le corps du délit y ait été saisi, doit renvoyer les prévenus devant leurs juges naturels (Crim. rej. 22 mai 1835) (3).

477. Nous savons qu'en matière de contrefaçon, comme lorsqu'il s'agit de tout autre délit, l'action civile peut être intentée séparément de l'action criminelle; mais les tribunaux civils ne sont compétents que lorsqu'on demande devant eux des dommages-intérêts, et non lorsque l'on conclut à ce qu'il soit appliqué une peine (Colmar, 30 juin 1828, aff. Moglin, V. Compét. com., no 345). Dans cet arrêt il s'agissait de la contrefaçon d'un dessin de fabrique, mais il est évidemment applicable au cas où il s'agit de propriété littéraire.

478. Lorsque, sur une poursuite en contrefaçon, l'inculpé soutient que l'ouvrage qu'on prétend qu'il a contrefait n'est pas la propriété du plaignant ou bien est sa propriété à lui, le tribunal de police correctionnelle est-il tenu de surseoir?- Jugé, dans le sens négatif (Paris, 1er avril 1830) (4). — V. au reste

1793, et de la fausse application des art. 23, 29, 63 et 69 c. inst. crim., en ce que la cour royale de Paris s'est déclarée incompétente pour connaître d'un délit qui avait été commis dans l'étendue de sa juridiction, et qui, d'ailleurs, lui était déféré par le texte précis d'une loi spéciale;

Attendu que, d'après les dispositions ci-dessus citées code instruction criminelle, il n'y a de tribunal compétent que celui du lieu du délit, celui de la résidence du prévenu, et celui du lieu où il peut être trouvé; que les sieurs Barbou et consorts étaient prévenus du délit prévu par l'art. 426 c. pén.; que le délit d'ouvrages contrefaits se commet dans le lieu où ces ouvrages sont mis en vente, vendus ou livrés; que, dans l'espèce, les livres ont été expédiés de Limoges à la destination d'Amiens; que, lorsqu'ils ont été saisis à Paris, à la demande des parties civiles, ils étaient en route; que Paris ne peut, dans ces circonstances, être considéré ni comme le lieu du contrat de vente, ni comme celui de la livraison; Que l'art. 3 de la loi de 1793, qui accorde aux propriétaires le droit de faire saisir les contrefaçons par les officiers de police des lieux où elles peuvent être trouvées, ne peut avoir pour effet de changer l'ordre des juridictions; que, toutes les fois qu'à l'occasion de la saisie, une action est introduite contre les auteurs ou complices présumes du délit de contrefaçon, soit par le ministère public, soit par la partie civile, elle doit être portée devant le juge du lieu du délit, ou devant celui de la résidence du prévenu; Qu'ainsi, la cour royale de Paris, en confirmant le jugement du tribunal correctionnel de la Seine, par lequel ce tribunal a renvoyé la cause et les parties devant les juges qui doivent en connaître, s'est conformée à la loi; Rejette. Du 22 mai 1855.-C. C., ch. crim.-MM. Choppin, pr.-Vincens, rap. (4) Espèce: -(Pellée C. Mastres de Tyrennes.)-Jugement du tribunal de la Seine ainsi conçu : - «Attendu que le juge du délit est aussi juge des exceptions proposées contre la prévention de ce délit; que, d'après la loi et la jurisprudence, les tribunaux criminels ne sont tenus de surseoir que lorsqu'il s'agit de réclamations d'état, ou lorsqu'on excipe devant eux d'un droit de propriété immobilier, sauf à eux, dans le jugement de la question de propriété mobilière ou de la convention prétendue et contestée, à se conformer aux règles prescrites par la législation générale sur la matière; - Attendu que, dans l'espèce, il ne s'agit que d'un droit de propriété purement mobilière, de nature à être facilement apprécié à l'aide du mode d'instruction ordinairement suivi devant les tribunaux correctionnels; ce tribunal, sans s'arrêter ni avoir égard à la demande de Mastres de Tyrennes, à fin de renvoi devant les tribunaux civils pour être statue sur la question préjudicielle de propriété, ordonne qu'il sera passé outre aux débats. » - Appel. Arrêt. Adoptant les motifs, confirme. Du 1er avril 1850.-C. de Paris.

LA COUR;

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vo Question préjudic. Mais le sursis est obligatoire quand le !
prévenu justifie qu'antérieurement à la poursuite correctionnelle
la question de propriété a déjà été portée devant le tribunal civil
(M. Rendu, no 832).

479. Le tribunal compétent, en général, s'il s'agit de l'action civile proprement dite, est le tribunal civil, en verta du principe constant que l'auteur ou ses représentants ne font pas acte de commerce en exploitant la propriété littéraire. Toutefois, ils pourront agir devant le tribunal de commerce s'ils ont pour adversaire un négociant. — Le tribunal compétent est d'ailleurs celui du domicile du défendeur (Conf. M. Rendu, no 830).

480. Les traités internationaux n'ont rien changé aux règles de la compétence. L'auteur étranger qui saisit la justice française de son action en contrefaçon doit suivre la prescription de la loi française; de même, le Français qui s'adresse à la justice étrangère doit se conformer aux lois du pays. - V. M. Blanc, p. 202.

481. Peines.-La peine est une amende de 100 à 2,000 fr. contre le contrefacteur introducteur, et de 25 à 200 fr. contre le débitant. La confiscation de l'édition contrefaite est prononcée; les planches, moules ou matrices des objets contrefaits sont aussi confisqués (c. pén. 427).

482. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu saisie, pour que la confiscation soit prononcée, pourvu qu'elle porte sur des exemplaires trouvés en la possession des parties comprises dans la poursuite et non de tiers non poursuivis (Conf. MM. Renouard, t. 2, no 255; Rendu, no 837).

483. Quand il n'y a eu ni saisie opérée, ni confiscation prononcée, l'indemnité tout entière doit être réglée par les voies ordinaires; c'est-à-dire, abstraction faite de la valeur des objets qui auraient pu être saisis et qui ne l'ont pas été (Orléans, 7 fév. 1855, aff. Thoisnier-Desplaces, D. P. 55. 2. 159).

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(1) Espèce : (Hacquart C. Gadrat, etc.) Le sieur Hacquart, propriétaire, par cession, de l'Epitome historie græca de Bret, poursuivit les sieurs Gadrat, Polerc et Arnaud, libraires à Carcassonne, qui avaient fait et débitaient une contrefaçon de ce livre. Le tribunal correctionnel de Carcassonne renvoya ces derniers de la plainte. - Sur l'appel, la cour de Montpellier, par arrêt du 12 mai 1835, attendu qu'il ya contrefaçon, mais que les prévenus pouvaient ignorer le délit dont ils se sont rendus coupables; que, si la bonne foi anéantit le délit, elle laisse subsister le dommage, les condamne solidairement à payer 50 fr. de dommages-intérêts au sieur Hacquart, et déclare les exemplaires saisis, confisqués, lesquels seront à la disposition de Hacquart. Pourvoi par ce dernier. 10 Violation de l'art. 427 c. pen., en ce que l'arrêt attaqué n'a pas puni les prévenus, déclarés coupables, de l'amende prévue par cet article. 20 Violation de l'art. 51 c. pén., des art. 6 de la loi du 19 juill. 1795, et 42 du décr. du 3 fév. 1810, en ce que l'arrêt n'a condamné les prévenus qu'à 50 fr., c'est-à-dire à 16 fr. 50 c. chacun, de dommages-intérêts, tandis que, d'après les lois citées, ces dommagesintérêts devaient être de la valeur de cinq cents exemplaires de l'édition originale. - Arrêt.

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LA COUR; Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'art. 427 c. pén., en ce que les prévenus n'ont pas été condamnés à l'amende fixée par cet article: Attendu que, d'après l'art. 1 c. inst. crim., l'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi; que la partie civile est, par conséquent, sans qualité pour se plaindre, devant la cour de cassation, de ce que les peines légales n'ont point été appliquées; Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'art. 5 de la loi du 19 juill. 1793, en ce que les prévenus n'ont point été condamnés, à titre de dommages-intérêts, à une somme équivalente au prix de cinq cents exemplaires de l'édition originale : Attendu que d'après l'art. 45 du décr. du 5 fév. 1810, les dommages-intérêts doivent être arbitrés, selon les cas, d'après les lois; que, d'après l'art. 429 c. pén., le propriétaire de l'ouvrage contrefait doit être indemnisé du préjudice qu'il aura souffert, par la remise qui lui est faite du produit des confiscations; et que, si ce produit est insuffisant, ou s'il n'y a pas eu saisie et confiscation, le surplus de l'indemnité ou l'indemnité entière doit être réglée par les voies ordinaires ; que les termes, dans lesquels sont conçus ces deux articles, sont exclusifs du système d'une indemnité fixe qu'avait établi la loi du 19 juill. 1795, dans ses art. 4 et 5; que ces deux derniers articles ont donc été virtuellement abrogés par le décr. du 5 fév. 1810, et par le code pénal; d'où il suit que la cour royale de Montpellier, en arbitrant, d'après les circonstances de la cause et les documents à elle soumis, les dommagesintérêts auxquels les prévenus, déclarés coupables de débit d'ouvrages contrefaits, devaient être condamnés envers le demandeur, n'a fait qu'user d'un droit que lui attribuent les lois actuellement en vigueur; — Rejette.

484. Conformément à l'art. 429, le produit des confiscations doit être remis au propriétaire pour l'indemniser d'autant du préjudice qu'il aura souffert; le surplus de son indemnité, s'il n'y a pas eu vente d'objets confisqués, sera réglé par les voies ordinaires.

485. Aux termes de l'art. 4 de la loi du 19 juillet 1793, les dommages-intérêts devaient être d'une somme équivalente au prix de 3,000 exemplaires. Comment devait être fixé ce prix ? Après un arrêt qui a décidé que le prix qui doit servir de base à l'indemnité doit être fixé d'après une expertise (Crim. cass. 6 niv. an 13, M. Babille, rap., aff. Williams C. Collignon), il a été reconnu avec plus de raison, aux tribunaux, le droit de régler cette indemnité sur le prix public ou sur le prix marchand (Crim. rej. 29 frim. an 14, M. Babille, rap., aff. Wahlen C. Guillaume). Cette disposition de la loi de 1793, a été abrogée par le décret de 1810, art. 45, ou du moins par le code pénal, art. 429, qui a décidé que l'indemnité sera fixée par les voies ordinaires.

486. Il a été jugé, en ce sens, que les tribunaux de répression ne sont pas tenus de prononcer toujours des dommages-intérêts égaux à la valeur de cinq cents exemplaires de l'ouvrage contrefait; qu'ils peuvent arbitrer le préjudice éprouvé par l'auteur et se borner à l'indemniser de ce préjudice (Crim. rej. 26 juin 1835)(1).

Il a aussi été décidé: 1° que la loi du 19 juill. 1793, relative à l'indemnité due aux auteurs ou éditeurs d'ouvrages contrefaits, a été abrogée par l'art. 429 c. pén., portant que les donimages, dans ce cas, seront réglés par les voies ordinaires; Que le juge peut, s'il trouve dans les circonstances de la cause des éléments suffisants, apprécier les dommages souflerts et arbitrer lui-même le montant de l'indemnité (Toulouse, 3 et 17 juill. 1835) (2);-2° Que les dommages-intérêts auxquels peut donner lieu le délit de contrefaçon, s'estiment suivant les règles du droit

Du 26 juin 1855.-C. C., ch. crim.-MM. Bastard, pr.-Vincens, rap. (2) 1re Espèce: -(Hacquart C. Devers, Paya et Rodiere.) LA COUR; Attendu que le sieur Hacquart ayant, par la notification faite devant les premiers juges aux intimés de l'acte de cession du 29 déc. 1809, enregistré au mois de mars 1854, justifié qu'il est au lieu et place du sieur Siret, a tout droit et qualité pour exercer les actions de celui-ci, à raison de l'ouvrage intitulé Epitome historia Græcæ, etc., dont il ne peut être contesté que celui-ci est l'auteur;

Attendu que, pour repousser cette induction, les intimés soutiennent vainement que ledit acte de cession étant sous signature privée, et n'ayant été soumis à la formalité de l'enregistrement qu'au mois de mars 1854, ledit Hacquart était sans qualité pour faire procéder à une saisie de contrefaçon dudit ouvrage, au mois de janvier précédent, puisque les intimés n'excipant d'aucune cession de l'auteur, propriétaire primitif, l'appelant ne pouvait être forclos de justifier de son droit de propriété;

Attendu qu'un certificat légal et régulier prouvant que, le 16 frim. an 8, deux exemplaires de cet ouvrage avaient été déposés à la bibliothèque nationale, ce dépôt a garanti à l'auteur ou à ses cessionnaires tous les droits inhérents à la propriété littéraire;

Attendu qu'un procès-verbal régulier, dressé par un des commissaires de police de cette ville, constatant, 1° que quatre exemplaires de cet ouvrage ont été trouvés dans le magasin du sieur Devers, libraire en cette ville, et cent dans celui du sieur Paya, et les documents mis sous les yeux de la cour ne permettant pas de douter que ces exemplaires ne soient une contrefaçon de l'ouvrage original, qui, à moins d'autorisation expresse, ne pouvait être imprimé que par l'appelant, seul cessionnaire de Siret, les intimés Devers et Paya seront passibles des peines applicables au débit d'ouvrages contrefaits, à moins qu'ils ne justifient, ainsi qu'ils l'ont allégué, 1° ou que cet ouvrage avait cessé d'être une propriété privée, et était tombé dans le domaine public, 2° ou qu'il n'y a pas eu débit de leur part, 30 ou que des faits établis par eux, en prouvant la plus complète bonne foi de leur part, les affranchissent des peines qui présupposent toujours l'existence d'un délit;

Attendu que, quoiqu'il soit constant qu'un ouvrage imprimé, et portant pour titre Tablettes bibliographiques, énonce qu'un sieur Siret est décédé en 1796, et qu'au nombre des ouvrages dont on le proclame l'auteur, on cite l'Epitome historiæ Græca, on ne saurait induire de ce fait l'extinction des droits du sieur Hacquart, soit parce que les prénoms de cet auteur sont différents de ceux de celui dont il est cessionnaire, et dont des actes authentiques, communiqués dans la cause, établissent l'existence actuelle, soit parce que la qualité d'auteur, chez celui-ci, peut être d'autant moins méconnue par les intimés, que le Journal de la Librairie par eux produit sur l'audience constate que, postérieurement à 1796 plusieurs nouvelles éditions de l'Epitome ont eu lieu sous les nom et prénoms du cessionnaire de l'appelant, avec cette observation im

commun; qu'ils ne sont plus d'une somme équivalente au prix de trois mille exemplaires, ainsi que le portait l'art. 4 de la loi du 19 juut 1795, abrogée par l'art. 429 c. pén. (Rouen, 25 oct. 1842, aff. Didot, V. no 82); 3° Que le juge, pour arbitrer les dommages-intérêts en matière de contrefaçon d'une publication, doit prendre en consideration, non-seulement le tort que la concurrence a pu causer au plaignant, mais encore la nécessité où a été celui-ci de défendre la propriété de son œuvre dans de longs procès, et l'atteinte qui a pu être portée à son crédit alors qu'il exploite lui-même cette œuvre, par le système de défense du prévenu, consistant à mettre en question son privilège d'auteur (Orléans, 7 fév. 1855, aff. Thoinier-Desplaces, D. P. 55. 2. 160); −4o Que l'indemnité à accorder à l'auteur contrefait peut consister uniquement dans la remise des ouvrages trouvés chez le débitant de la contrefaçon (Même arrêt, Toulouse, 3 juillet 1835).

487. Pour arbitrer l'indemnité due par le contrefacteur, il n'est pas nécessaire que le juge ordonne une expertise, lorsque

portante, qu'elles étaient plus amples que les précédentes, ce qui exclut, n'indiquant pas le nom du continuateur, toute idée du décès de l'auteur; Attendu que n'étant pas contesté, 1° que les intimés ne soient marchands libraires; 2° que les exemplaires saisis ont été trouvés dans leurs magasins, il y a présomption légale de débit qui existe d'après ces deux circonstances, indépendamment de toute vente effective et actuelle; Attendu que si les droits à la propriété et les conditions auxquelles l'exercice en est subordonné ont été fixés par la loi du 10 juill. 1793 et le décret du 5 janv. 1810, les atteintes que la contrefaçon ou débit peuvent lui porter ont été caractérisées délit, et réprimées par les art. 426, 427 et 429 c. pén. qui, en organisant une nouvelle pénalité, soit dans l'intérêt de la vindicte publique, soit dans celui de l'auteur lésé, a implicitement abrogé les dispositions de la première de ces lois, qui déterminaient l'indemnité due à celui-ci ;

Attendu que.... (la cour expose ici des circonstances justificatives en faveur des libraires intimés);

Attendu que si ces diverses circonstances doivent faire affranchir lesdits Devers et Paya des peines dont les art. 426, 427 et 429 c. pén. punissent les débiteurs d'ouvrages contrefaits, ils n'en doivent pas moins, comme ayant, par leur fait, occasionné un préjudice réel à l'appelant, être tenus de l'en indemniser; mais que cette indemnité sera renfermée dans ses justes limites, en la faisant consister dans l'attribution, au profit de celui-ci, des exemplaires saisis chez les prévenus;

Par ces motifs, vidant le renvoi au conseil, disant droit sur l'appel d'Hacquart envers le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Toulouse, le 28 nov. 1854, icelui réformant, déclare produits de contrefaçon lesdits exemplaires, etc.; ordonne qu'en sa qualité, et vu ses droits d'éditeur propriétaire de cet ouvrage, lesdits exemplaires lui seront incontinent remis; relaxe Devers, Paya et Rodière du surplus des conclusions par eux prises.

Du 3 juill. 1835.-C. de Toulouse, ch. corr.-MM. Garrisson, pr.Tarroux, av. gén.-Fourtanier et Bahuaud, av.

2o Espèce (Veuve Nyon C. Douladoure, Dagalier, etc.) - LA COUR; Attendu que, si la loi du 19 juill. 1793 subsiste encore dans celles de ses dispositions qui n'ont été ni virtuellement, ni implicitement abrogées par des lois postérieures, il n'en saurait être de même pour celles relatives aux objets dont les lois plus récentes se sont plus spécialement occupées ;

Attendu que le code pénal actuellement en vigueur règle dans son art. 29, le mode d'indemnité qui doit être attribuée au propriétaire d'ouvrages contrefaits; et que, dès lors, c'est d'après les bases déterminées par cet article que les tribunaux doivent, en cette matière, statuer sur les dommages-intérêts réclamés par la partie civile;

Attendu qu'il est dit, dans cet article, qu'indépendamment de la confiscation des ouvrages saisis et attribués au propriétaire, le surplus de Son indemnité sera réglé par les voies ordinaires; que, par conséquent, la cour peut, si elle trouve dans les circonstances de la cause les éléments suffisants, apprécier les dommages soufferts, et arbitrer elle-même le montant de l'indemnité; que le préjudice causé résulte de la mise en circulation des livres contrefaits, puisqu'elle a dù nécessairement diminuer la vente de l'édition originale; et qu'ainsi, pour fixer la quotité du dommage, il convient d'avoir égard à la valeur de l'ouvrage original, et au nombre des exemplaires contrefaits;

Par ces motifs, vidant le renvoi au conseil, déclare les intimés convaincus du délit de contrefaçon; pour réparation de quoi, les condamne, Douladoure et Dagalier, chacun à 12 fr., et Rey à 2 fr. de dommagesintérêts, etc.

Du 17 juill. 1855.-C. de Toulouse, ch. corr.-MM. Garrisson, pr. Tarroux, av. gén.-Fourtanier, Balinaud et Bilhard, av. (1) Espèce : (Dentu C. Guillaume.) En 1810, Dentu fait réimprimer en deux volumes in-8 la traduction des Poésies d'Ossian, par Letourneur ; il y joint la traduction de quelques poésies bardes, par

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surtout il existait au procès des renseignements suffisants pour évaluer le dommage (Rej. 30 janv. 1818, aff. Michaud, V. suprà, n 550).

488. Il s'est présenté, relativement à l'application de la peine de la confiscation une question, assez difficile à resoudre. Un libraire publie un livre dans lequel il joint à un ouvrage qui est dans le domaine public un autre ouvrage qui est une propriété particulière. Faut-il ordonner la confiscation du livre entier?-11 a été décidé qu'il ne devait pas en être ainsi. Mais pour éviter l'inconvénient que pouvait avoir la division des deux ouvrages qui dans certains cas peut n'être possible, qu'en causant un très-grand préjudice au contrefacteur, les tribunaux l'ont autorisé à ne pas remettre les exemplaires saisis de la contrefaçon partielle, mais à payer leur valeur, fixée soit par le jugement même soit par experts (Crim. rej. 4 sept. 1812) (1). Cette décision paraît équitable; mais elle est contraire à la loi qui veut que la confiscation de l'édition contrefaisante soit pronon

Saint-Georges, publiée dans le principe par Gueffier. — Guillaume, cessionnaire des droits de Saint-Georges, poursuit Dentu en contrefaçon. -9 mai 1812, jugement du tribunal de première instance de la Seine, qui, « attendu que les deux ouvrages ne peuvent être séparés et que Dentu a fait imprimer celui de Saint-Georges sans son consentement, ordonne que l'édition entière, tirée par lui, suivant son aveu, à mille exemplaires, sera et demeurera confisquée au profit de Guillaume; et attendu que, d'après la déclaration de Dentu, il ne lui reste plus que cent vingt-quatre exemplaires de cette édition, le condamne à les représenter et remettre à Guillaume, sinon à lui payer la somme de 1,488 fr. pour leur valeur, condamne pareillement Dentu à payer à Guillaume la somme de 10,502 fr. pour la valeur de huit cent soixante-seize exemplaires qu'il a déclaré avoir vendus, le tout à raison de 12 fr. par exemplaire.» -Appel; 27 juin, arrêt. -«Attendu que Dentu a fait imprimer, en 1810, un ouvrage sans le consentement du propriétaire; qu'il a, par conséquent, encouru les peines portées par le décret du 5 fév. 1810; qu'en appliquant les peines prononcées par ce décret, les premiers juges ont fait porter la confiscation même sur l'Ossian de Letourneur que Dentu avait droit de réimprimer, et dont les poemes de quelques bardes publiés par Gueffier et contrefaits par Dentu ne forment qu'un accessoire; que, si l'on ne peut séparer matériellement ces deux parties de l'édition, on doit considérer que, conformément à l'art. 429 c. pén., l'objet de la confiscation est d'indemniser le propriétaire de l'ouvrage contrefait, du préjudice qu'il a souffert; que par conséquent les premiers juges devaient évaluer les exemplaires confisqués, non pas au prix de l'édition complète d'Ossian, publiée par Dentu, mais à celui de l'édition de quelques poëmes publiés par Gueffier; et qu'à cet égard, leur jugement doit être réformé. Met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, va les art. 41, § 7, et 42 du décret du 5 fév. 1810, et l'art. 52 c. pén., déclare Dentu coupable du délit de contrefaçon, confisque au profit de Guillaume l'édition faite en 1810 de quelques poèmes d'Ossian et autres bardes, publiée précédemment par Gueffier, et que Dentu a déclaré avoir tirée á mille exemplaires; et attendu qu'il n'en a été saisi que cent vingtquatre chez Dentu, ordonne qu'il les remettra à Guillaume, et faute par lui de les remettre, le condamne par corps à payer audit Guillaume la somme de 372 fr. pour leur valeur, si mieux n'aiment l'une ou l'autre des parties en faire estimer la valeur par experts, ce qu'elles seront tenues d'opter dans les trois jours, sinon déchues; condamne Dentu, pareillement par corps, à payer à Guillaume la somme de 2,628 fr. pour l'indemnité qui lui est due à raison de huit cent soixante-seize exemplaires qui ont été vendus par Dentu antérieurement à la saisie.» — Pourvoi par Guillaume. Arrêt.

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-

LA COUR; Attendu que le délit de contrefaçon dont s'est plaint Guillaume, ayant été commis sous l'empire du décret du 5 fév. 1810, les indemnités qui lui ont été accordées, ont dû être réglées d'après ce décret, et que Guillaume l'a reconnu en n'appelant pas du jugement du tribunal correctionnel qui avait établi sur ce décret ses dispositions; qu'il résulte des art. 45 et 44 de ce même décret, que la confiscation qui est prononcée en faveur de l'auteur ou de l'éditeur de l'édition originale, lui est accordée à titre d'indemnité; que l'art. 43 a conféré aux tribunaux correctionnels le droit d'arbitrer les dommages et intérêts qui doivent être accordés à l'auteur ou à l'éditeur qui a été lésé par la contrefaçon; qu'il s'agissait d'une contrefaçon partielle, et que le contrefacteur avait renfermé dans son édition l'ouvrage appartenant à autrui, avec un autre plus considérable qu'il avait le droit de réimprimer; que bien qu'il ait été reconnu que ces deux ouvrages ne pouvaient pas être séparées matériellement dans l'édition nouvelle, la cour d'appel a pu diteur lésé, le prix des exemplaires de l'ouvrage original qui a été conprendre pour règle de l'évaluation des dommages et intérêts dus à l'étrefait, plutôt que celui de l'édition nouvelle, et proportionner ainsi l'indemnité au préjudice causé; - Rejette.

Du 4 sept. 1812.-C. cass., sect. crim.-M. Massillon, rap.

cée. En effet, une peine ne peut être remplacée par des dommages-intérêts.

489. Et il a été jugé que la confication est une peine. « La destination ultérieure, a dit la cour de cassation, des choses qui en sont le produit ne change pas sa nature et ne saurait avoir pour effet de la dépouiller du caractère essentiellement répressif qui lui est propre (Crim. cass. 5 juin 1847, aff. Belin-Leprieur, D. P. 47. 1.170). Il nous semble donc devoir être établi en principe que si la partie contrefaisante ne peut être facilement détachée du reste, tout l'ouvrage devra être confisqué. Nous avouons cependant qu'il y a des cas où la confiscation de l'ouvrage entier peut causer au contrefacteur un dommage qui, par son étendue, ne serait point en rapport avec le préjudice causé. Peut-être une disposition spéciale devrait-elle, dans la loi qui doit nécessairement être faite sur la propriété littéraire, trancher cette difficulté réelle que la jurisprudence n'a levée qu'en méconnaissant les principes.-V. M. Renouard, t. 2, no 259.

490. Comme la confiscation est une peine, elle ne peut être prononcée contre le contrefacteur qui a été reconnu de bonne foi, et acquitté de la prévention (Crim. rej. 18 juin 1847, aff. Philippon, D. P. 47. 1. 253).

491. L'impression de livres d'église, sans la permission de l'évêque, emporte, outre la condamnation à l'amende, la confiscation des ouvrages illégalement imprimés, encore bien que le bénéfice de cette confiscation ne doive être appliqué ni à l'évêque ni aux libraires autorisés (Crim. cass. 5 juin 1847, aff. Belin Leprieur, D. P. 47. 1. 170).

Mais

492. La douane ne peut demander la confiscation, à son profit, d'ouvrages contrefaisants, alors même que la saisie a été faite sur la frontière et non à l'intérieur, par ses employés (trib. de Pontarlier, 25 juill. 1835, aff. Verdier, V. no 433). · celui qui est convaincu d'introduction d'ouvrages contrefaits, et d'importation frauduleuse de livres de l'étranger peut être puni, à la fois, des deux peines dont il est passible, soit à raison de la contravention aux lois sur les douanes, soit à raison du délit spécial d'introduction d'ouvrages contrefaits. Ce n'est pas violer l'art. 365 c. inst. crim. (même jugement).-V. d'ailleurs vo Peine.

noncée, en vertu de l'art. 427 c. pén., que par la juridiction criminelle. Les tribunaux, lorsqu'ils ne statuent que civilement, doivent ordonner, non la confiscation, mais la remise au propriétaire des objets contrefaisants (Conf. MM. Gastambide, no 175; Renouard, t. 2, no 254).

Ce serait au civil que devrait être portée la demande en remise des exemplaires contrefaisants, si le contrefacteur est reconnu avoir agi de bonne foi, dans le cas, par exemple, où il devait croire cessionnaire de l'auteur, celui qui lui avait accordé le droit de faire une nouvelle édition.

495. Lorsque, le ministère public n'ayant pas interjeté ap pel, il n'y a pas lieu d'appliquer une peine, celui au préjudico duquel le délit de contrefaçon a été commis peut cependant obtenir des dommages-intérêts, et faire ordonner la saisie et la destruction des ouvrages contrefaits (Paris, 19 août 1843, M. Grandet, pr., aff. Charpentier C. Didier).

496. Lorsque le jugement qui prononce la confiscation ne la restreint pas aux exemplaires déjà saisis, elle s'étend également aux exemplaires ultérieurement trouvés en la possession du condamné. Lorsque l'imprimeur qui a obtenu contre un autre imprimeur des condamnations correctionnelles pour contrefaçon, fait saisir, indépendamment des exemplaires contrefaisants, les clichés qui ont servi à leur impression, cette dernière saisie, quoique non expressément autorisée par les jugements de condamnation, doit néanmoins être considérée comme leur consé→ quence et leur exécution, alors même qu'elle aurait été opérée, non par un huissier, mais par un commissaire de police. - Par suite, sur la demande en validité de la même saisie, les juges civils ne peuvent se déclarer incompétents, sous prétexte qu'il s'agit de l'application de l'art. 427 c. pén., et que l'emploi du ministère du commissaire de police est attributif de juridiction à l'autorité répressive.

497. La confiscation ne doit pas être étendue aux objets qui, bien qu'ayant servi à la contrefaçon, ne sont cependant pas plus spécialement destinés à cet usage qu'à tout autre emploi licite, comme par exemple les presses et les caractères d'imprimerie (M. Renouard, t. 2, no 256).

498. En matière de contrefaçon, les procès-verbaux de saisie des commissaires de police ne préjugent rien sur la nature de l'action que la partie plaignante peut intenter, à son choix, soit au civil, soit au correctionnel (Cass. 10 janv. 1837) (1).

499. Quant à la revendication d'exemplaires possédés par timés la faculté d'intenter leur action soit devant les tribunaux civils, soit devant les tribunaux correctionnels, ils ont choisi cette dernière voie, en faisant procéder à la saisie des clichés, non par un huissier, et d'après les formes établies par le code de procédure civile, mais par un commissaire de police;

493. La contrefaçon commise par plusieurs rend chacun d'eux passible de l'amende. Au contraire, une seule amende devrait être prononcée si la condamnation était portée contre une réunion d'individus formant ensemble un seul être moral, une société. 494. La confiscation, étant une peine, ne peut être pro(1) Espèce -Leclerc, de Haussy et cons. C. Gauthier frères.)-Sur des poursuites correctionnelles en contrefaçon dirigées par les sieurs Leclerc, de Haussy, Debure et autres, imprimeurs associés pour l'exploitation du privilége à eux exclusivement accordé d'imprimer notamment le Bréviaire pour l'usage du diocèse de Paris, contre les frères Gauthier, de Besançon, prévenus d'avoir imprimé ce dernier ouvrage, les sieurs Gauthier avaient été condamnés, par jugement confirmé par la cour royale de Paris, dont l'arrêt fut maintenu par la cour de cassation elle-même (V. no 137), à1,500 fr. de dommages-intérêts envers les éditeurs privilégiés et à la confiscation des exemplaires contrefaits. — Voici, au reste, comment était conçu le dispositif de l'arrêt correctionnel qui portait ces condamnations: «La cour autorise lesdits Leclerc et consorts à faire saisir, partout où ils se trouveront, tous exemplaires de l'édition du Breviarium parisiense, imprimé par les frères Gauthier. Mais les sieurs Leclerc et comp. ne se contentèrent pas de faire exécuter cette décision sur les exemplaires contrefaits proprement dits; s'autorisant des termes de l'art. 427 c. pén., ils voulurent aussi faire saisir les feuilles de clichés qui avaient servi à l'impression du bréviaire. A cet effet, un commissaire de police de Besançon se transporta dans l'imprimerie des frères Gauthier et opéra la saisie d'environ cent cinquante clichés.Assignation devant le tribunal civil en mainlevée de cette sai-jugement...» sie. Les sieurs Gauthier, demandeurs en mainlevée, soutinrent que les clichés saisis n'avaient pas servi à l'impression du Bréviaire de Paris, mais à celle des bréviaires d'Aire, de Tulle et d'Evreux, à laquelle ils avaient été autorisés par les évêques de ces derniers diocèses. - Une expertise ordonnée démentit cette allégation; après quoi le tribunal de Besancon valida la saisie.

Sur l'appel, les frères Gauthier proposèrent une exception nouvelle ; ils soutinrent que, s'agissant uniquement de l'application de l'art. 427 c. pén., et non simplement de l'exécution de l'arrêt correctionnel en contrefaçon susmentionné, les juges civils étaient imcompétents pour en connaître. Ces conclusions furent accueillies par arrêt de la cour de Besançon, du 13 août 1833, dont voici les motifs : « Attendu, sur l'incompétence proposée, que, si l'art. 3 c. inst. crim. accordait aux inTOME XXXVIII.

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>> Attendu que, suivant l'art. 43 du décret du 5 fév. 1810, les tribunaux correctionnels sont seuls compétents pour statuer sur les peines encourues par le contrefacteur et même sur les dommages-intérêts; que si, d'après le décret du 7 germ. an 15 et de la loi du 19 juill. 1793, à laquelle il renvoie, on pouvait se pourvoir devant les tribunaux civils, c'est parce que ces lois ne prononçaient aucune peine proprement dite, mais seulement des dommages-intérêts; - Attendu que les intimés, en concluant à ce que la saisie fût déclarée valable, et que les clichés leur fussent remis, n'ont pu évidemment prendre ces conclusions qu'en les basant sur l'art. 427 c. pén., qui est la seule loi qui prononce la confiscation des planches et matrices en pareille matière; que, d'après l'art. 11 c. pén., la confiscation est une peine qui ne peut être prononcée que par les tribunaux criminels ou correctionnels; que le tribunal civil de Besançon était incompétent pour statuer sur les conclusions en confiscation ou remise des objets saisis; que c'est donc le cas d'annuler ce

Pourvoi des sieurs Leclerc et consorts pour fausse application de l'art. 43 du décret du 5 fév. 1810, des art. 11, 427 c. pén., de l'art. 3 c. inst. crim., et violation de la règle des deux degrés de juridiction, de l'autorité de la chose jugée, de la règle non bis in idem et de l'art. 464 c. pr. civ.; subsidiairement, violation de la loi du 19 juill. 1795, du décret du 7 germ. an 13 et de l'art. 3 c. inst. crim., en ce que 1o l'arrêt attaqué a déclaré la juridiction civile incompétente pour connaître de l'exécution d'un arrêt émané de la juridiction correctionnelle et qui était passé en force de chose jugée; 2° que, dans le cas même où la saisie des clichés n'aurait pas été faite en exécution d'un arrêt irrévocable, mais aurait été le principe d'une action nouvelle en contrefaçon, la cour royale n'aurait pas dû se déclarer incompétente. Arrêt (après délib. en ch. du cons.).

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des tiers étrangers au jugement qui a prescrit la confiscation,cial de vente. Il faut remarquer aussi que le débit constitue un elle donne lieu, si le droit de revendication est contesté, à un procès nouveau.

500. L'affiche du jugement ne pourrait être prescrite par le tribunal correctionnel, s'il n'y avait pas de partie civile en cause. - V. Affiche nos 84 et suiv.

501. La condamnation civile à la remise des objets contrefaisants, doit comprendre non-seulement ceux de ces objets qui ont été saisis, mais encore tous ceux dont la fabrication est prouvée au procès. Pour prévenir l'inexécution de la condamnation en cette partie, les juges déterminent le montant de l'indemnité pécuniaire qui doit résulter de cette inexécution.

502. Une contrefaçon, bien qu'elle soit reconnue n'être pas dommageable à l'auteur contrefait, suffit néanmoins pour faire condamner le prévenu à tous les dépens (Paris, 7 nov. 1835, aff. Beuchot, V. suprà, no 95).

503. Prescription. - La prescription des actions en matière d'infraction aux droits d'auteurs, est soumise aux règles du droit commun (V. les art. 636, 637 et 658 c. inst. crim. et nos observ. yo Prescript, en mat. crim.). — Il suit de là que ces actions, alors même qu'elles seraient portées devant les tribunaux civils ou de commerce, peuvent être repoussées par la prescription triennale, si les faits sur lesquels elles reposent constituent un délit, tandis que, dans le cas contraire, on ne peut leur opposer que la prescription trentenaire.

Quant à la prescription des condamnations, V. l'art. 636 c. inst. crim., vo Prescription crim.

Aux termes de la loi anglaise (statut Victoria), toute action en contrefaçon doit être intentée dans les douze mois. Les sculpleurs n'ont que six mois pour poursuivre ceux qui reproduisent indûment leur œuvre. D'après la loi portugaise du 8 juill.

délit différent du délit de contrefaçon, et dès lors la prescription de ce délit n'entraîne pas la prescription de l'autre (Conf. M. Re nouard, loc. cit.).

507. Il est évident que la prescription relative au délit de contrefaçon est essentiellement distincte de celle relative au délit de représentation illicite. Le premier de ces délits pourrait être prescrit sans que le second le fût (Conf. M. Rendu, n° 878).

508. De quelle époque part le délit de représentation illicite d'une œuvre dramatique? Il est difficile de ne pas voir une répétition ou plutôt un délit nouveau dans chaque représentation nouvelle. « La difficulté nalt, dit M. Rendu, no 880, de ce que la représentation illicite renferme en elle-même tout à la fois le fait de contrefaçon et celui de débit de l'objet contrefaisant. Or, diton, la loi, à l'égard de la publication proprement dite d'un ouvrage, a créé sans doute deux délits distincts résultant, l'un de la fabrication, fait unique, l'autre du débit, fait qui se répète à chaque vente, laquelle sert de point de départ à une nouvelle prescription; mais cette distinction n'est pas faite en ce qui concerne la représentation illicite. Dès lors, le caractère principal de contrefaçon doit l'emporter sur le caractère accessoire et secondaire du débit de la chose contrefaite; d'où il suit que la poursuite donne lieu de rechercher l'existence d'un délit unique et général de contrefaçon, délit qui a été pleinement consommé, suivant l'arrêt de Paris du 24 fév. 1855, aff. Vatel, D. P. 56. 2. 71, le jour où la pièce a été représentée au mépris des droits de l'auteur, sans que l'exploitation de l'œuvre puisse raviver le délit lui-même. On conclut de là qu'il faut appliquer le principe absolu, d'après lequel ni les preuves d'un délit ni le délit lui-même ne peuvent être recherchées après trois ans... » — Aussi il a été

1851, toutes les actions en matière de propriété littéraire se pres-ugé que, lorsque, trois ans s'étant écoulés, sans réclamation aucrivent par un an et jour.

504. D'après un arrêt, l'action publique résultant contre un imprimeur de l'omission du dépôt prescrit par la loi du 21 oct. 1814, étant prescriptible par un an, l'action civile en dommagesintérêts que l'auteur peut exercer contre lui, à raison de cette omission, se prescrit dans le même délai (Paris, 22 nov. 1853, aff. Escriche, D. P. 54. 2, 161). «La mise en vente, dit M. Rendu, no 842, qui est assimilée au délit, est d'ailleurs un fait permanent (délit successif) qui renouvelle à chaque instant le délit même, de telle sorte que la prescription court, non du jour où la vente a commencé, mais du jour où elle a cessé. »

505. Chaque fait de débit de contrefaçon constitue un délit particulier; ainsi la prescription ne court pas de la première mise en vente, mais chaque fait de vente donne ouverture à une action (Conf. M. Renouard, t. 2, no 267).

506. La prescription du délit de fabrication de contrefaçon ne court que du jour où l'achèvement de cette fabrication peut être constaté par un fait destiné à en être la manifestation ou le complément, tel que le dépôt à la direction de la librairie, ou une annonce publique ou une mise en vente (Conf. M. Renouard, t. 2, no 268). — Elle ne court pas à compter du jour de la première mise en vente. Chaque fait de débit constitue un délit particulier, et la prescription ne court qu'à partir de chaque fait spé

LA COUR; Vu les art. 1 et 3 c. inst. crim., l'art. 3 de la loi du 19 juill. 1793, l'art. 1 de la loi du 25 prair. an 3, et le décret du 7 germ. an 15; Attendu que l'arrêt attaqué lui-même reconnaît, en termes formels, que ces lois accordaient aux demandeurs la faculté et le droit d'intenter leur action, soit devant les tribunaux civils, soit devant les tribunaux correctionnels ;-Attendu que, dans l'espèce, l'action correctionnelle était épuisée par les décisions judiciaires qui avaient reconnu et puni la contrefaçon; que la saisie, opérée à la requête des demandeurs, ne pouvait, dès lors, l'avoir été que comme une conséquence nécessaire et une exécution des jugement et arrêt correctionnels, précédemment intervenus sur la plainte en contrefaçon; qu'il importait peu que cette saisie eût été faite et le procès-verbal dressé par un commissire de police, puisque les lois précitées conféraient cette attribution à ces officiers, en même temps qu'elles autorisaient les parties, ainsi que le reconnaît l'arrêt attaqué lui-même, à recourir aux tribunaux civils; d'où il suit que l'intervention d'un commissaire de police n'est, par ellemême, en cette matière, ni exclusive ni attributive de juridiction, soit correctionnelle, soit civile; qu'en effet, les procès-verbaux de saisie, dressés par ces fonctionnaires, ne sont proprement que desactes conser

cune, depuis la représentation d'un ouvrage dramatique contrefait, le délit de contrefaçon se trouve prescrit, cet ouvrage peut continuer à être exploité, de quelque manière que ce soit, par le contrefacteur, sans que l'auteur dont la propriété a été violée soit fondé à se plaindre (Paris, 24 fév, 1855, aff. Vatel, D. P. 56. 2. 71).

Tout cela revient à dire que la représentation illicite ne constitue qu'un seul délit, ce qui est vrai. Mais la question reste toujours de savoir si cette infraction constitue un délit continu. Or le droit de représentation ne consiste pas dans le droit de donner une seule représentation de l'ouvrage dramatique, mais d'en donner une suite de représentations sur un théâtre. Or celui qui usurpe ce droit, le viole toutes les fois que la pièce est représentée, et, dès lors, chaque représentation continue le délit, ou plutôt est un délit nouveau. - «Chaque représentation, dit avec raison M. Rendu, loc. cit., porte donc une nouvelle et spéciale atteinte au droit de l'auteur, comme le ferait chaque édition de l'œuvre imprimée, et donne lieu en conséquence à une nouvelle prescription. (Conf. arrêt de Paris du 27 juin 1844, qui a admis l'action an contrefaçon pour représentation illicite de la Gazza Ladra; bien que l'auteur l'eût laissé jouer pendant vingt-trois ans ; » Paris, 6 nov. 1841, aff. Victor Hugo).

509. La prescription du délit de contrefaçon n'exclut pas vatoires; qu'ils ne sont point introductifs d'instance, et que, dès lors ils ne lient point les parties, quant à la nature de l'action dont la loi leur laisse le choix, et ne préjugent rien à ce sujet ;-Qu'en cet état, la cour royale de Besançon était appelée à décider si, ou non, aux termes de l'art. 427 c. pén., la saisie des planches, moules ou matrices des objets contrefaits, était la pure exécution des jugement et arrêt rendus par les tribunaux compétents qui avaient déclaré et puni le délit de contrefaçon ; qu'elle avait à statuer sur le mérite et la validité d'une saisie attaquée à fins civiles, comme nulle en la forme, ou faite sans titre et sans droit, et non sur une saisie tendant à constater un délit, en un mot, sur la question de savoir si les objets saisis devaient appartenir aux saisissants comme une portion nécessaire de l'indemnité et de la réparation civile qui leur avait été accordée par les tribunaux correctionnels, et non sur un accroissement de peine; qu'il lui appartenait d'en connaître, et qu'en renvoyant la cause devant la juridiction correctionnelle, elle a méconnu les règles de la compétence, faussement interprété et expressément violé les lois précitées ;-Casse.

Du 10 janv. 1837.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Legonidec, rap.-Laplagne-Barris, 1er av. gėn., c. contr.-Teysseyrre et Dalloz, or.

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