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RECUSATION.-SECT. 4. ART. 1.

causés de récusation peut être attaqué par la voie de l'appel (Demiau-Crouzilhac, p. 286). Quant à l'enquête, elle n'est pas assujettie aux règles ordinaires de ces opérations; elle se fait à l'audience et aucune disposition ne prescrit de faire à l'adversaire du récusant ni signification ni communication de cette procédure. Il faut donc s'en tenir à l'ancien usage consacré par l'art. 4 de l'ord. de 1563. suivant lequel cette enquête devait se faire sans aucune assignation ni communication à la partie ni au juge. L'ord. de 1667 était muette sur ce point. Dans le projet de cette ordonnance, les art. 28 et 29, ayant pour objet de régler les formes de l'enquête, furent supprimés, sur les observations des commissaires, pour s'en tenir aux anciens usages. Le silence de l'ordonnance explique pourquoi les rédacteurs du code n'ont pas réglé cette partie de la procédure. p. 516; Chauveau sur Carré, quest. 1405 quinq.; Thomine, t. 1, V. MM. Bourbeau, t. 5, p. 602; Pigeau, Comm., t. 1, p. 670.

130 Lorsque l'enquête est terminée, il intervient un troisième jugement pour apprécier le résultat des dispositions et statuer défin tivement sur le sort de la récusation. M. Bourbeau, t. 5, p. 516, fait remarquer, avec raison, que lorsqu'une enquête étant ordonnée, il est ainsi rendu trois jugements consécutifs, la procédure rappelle les trois périodes de l'instance en faux mcident civil.

13. La récusation a toujours été considérée comme injurieuse pour le juge omnino certè grave est judicem recusare temerè. Celui dont la récusation a été déclarée non admissible ou non recevable doit être condamné à telle amende qu'il plait au tribunal, laquelle ne peut être moindre de 100 fr., et sans préjudice, s'il y a lieu, de l'action du juge en réparation et dommages-intérêts, auquel cas il ne peut rester juge (c. pr., art. 390). Cette amende est distincte des dommages-intérêts que peut réclamer le juge récusé, et elle doit appartenir non à ce juge mais au fisc. (Req. 16 nov. 1825, aff. Tivolier, V. no 82). 132. Il a été décidé que la disposition de l'art. 390 étant pénale, ne peut être étendue à la récusation d'un arbitre forcé, bien que cet arbitre ait le caractère de juge (Orléans, 21 mai 1818, M. Loyré, pr., aff. Cosme C. Maltre). sons, avec M. Chauveau, Journal des avoués, t. 44 p. 8, que cette décision ne doit pas être suivie, et que, soit les juges du tribunal de commerce, soit les arbitres forcés qui les remplacent dans certains cas, doivent être garantis, par la crainte d'une amende, des récusations que voudraient mal à propos exercer des commerçants ou des membres d'une société commerciale assignée devant eux.-Un autre arrêt a jugé, avec raison, que l'amende pouvait être prononcée au cas de rejet d'une récusation dirigée contre un membre d'un tribunal de police correctionnelle (Crim. cass. 3 août 1838, aff. Lemeneur, V. no 113).

Mais nous pen

133. La partie qui succombe sur son action en récusation de juges, est passible d'autant d'amendes qu'il y a eu de juges distinctement récusés (Montpellier, 14 août 1848, aff. Groc, D. P. 48. 2. 177).

Pourvoi

Arrêt.

134. De ce que l'art. 390 prononce l'amende contre celui dont la récusation a été déclarée non adm ssible ou non recevable, il ne faut pas conclure que la partie qui a produit une récusation gement de la récusation au fond. sidérant que des faits allégués et des réponses mêmes du juge récusé, il Le 25 sept. 1819, le tribunal, conrésultait suffisamment qu'il y avait de sa part opinion défavorable manifestee et même inimitié, a déclaré la récusation bien fondée et ordonné que le sieur Giroux s'abstiendrait. été confirmé. Sur l'appel, ce jugement a LA COUR; Sur les divers moyens de cassation présentés et pris d'une prétendue contravention aux art. 384, 385, 386 et 359 c. pr. civ., en ce que, suivant le demandeur, la récusat on a été jugée fondée sur des fa ts non proposés par le récusant, non préalablement jugés admissibles et non prouves par écrit ou par temoins; la récusation a été proposée dans la forme prescrite par l'art. 584 c. pr. Attendu 1° que civ. Attendu 2o que si la récu-ation fondee sur des faits énoncés d'une manière générale et sans determination bien précise de leur caractère, a été déclarée admissible, sur te motif qu'il pouvait en résulter que le juge recuse aurait donné conseil on sollicité, le tribunal qui, par Suite de l'appel de ce jugement par le juge récusé, a eu à prononcer sur le fond de la récusation, n'était pas lié par cette appréciation desdits faits, et qu'il avait le droit de juger quelles étaient les véritables causes de récusation qui en résultaient; qu'il suffit que toutes les conséquences

déclarée par jugement mal fondée en soit affranchi. En effet, ce lui qui a récusé un juge pour une cause fausse est plus répré hensible que l'auteur d'une récusation fondée sur des motifs non donc être condamné à l'amende par un à fortiori (V. Reg 16 admis par la loi, ou introduite après les délais. Le premier doit nov. 1825, aff. Tivolier, no 82; Bourbeau, t. 5, p. 517; Carré et Chauveau, quest. 1406). —L'ord. de 1667 appliquait l'amende d'une manière expresse à tous ces différents cas.

135. Par exception à ce qui vient d'être dit, il ne parall pas que l'amende doive être prononcée dans le cas où l'acte de récusation serait annulé pour vice de forme, parce qu'alors il résulterait du jugement que la récusation n'aurait réellement pas existé.-V. Thomine-Desmazures, t. 1, p. 603.

136. Le jugement par lequel il est statué sur la récusation ne doit être ni levé ni signifié.-V. MM. Boucher-d'Argis, vo Récusation, no 3; Delaporte, t. 1, p. 365; Bioche, eod. v°, no 139; Carré, Taxe, p. 156, no 270; Chauveau sur Carré, sur l'art. 396, n° 324.

137. Ce jugement est-il susceptible d'opposition? L'art. 26 du tit. 24 de l'ord. de 1667 portait : « Les jugements rendus sur récusation seront exécutés nonobstant oppositions ou appellations. » Le code de procédure se tait sur l'opposition ce qui de l'ordonnance. D'ailleurs, le jugement sur récusation ne pourindique que le législateur n'a pas entendu suivre les errements rait être frappé d opposition qu'autant qu'on le considérerait comme étant rendu par défaut, et il n'a ce caractère ni à l'égard du récusant ni à l'égard de son adversaire. Bien qu'aucune disposition de loi ne prescrive de faire aucune signification ni communication de procédure, soit à l'une, soit à l'autre des parties, le récusant et la partie adverse ne peuvent être considérés comme étrangers à l'instance, et ce qui prouve que la loi les considère jusqu'à un certain point comme parties en cause, c'est qu'elle leur reconnaît le droit d'appeler du jugement ainsi que nous allons le voir. Ce jugement ne saurait donc être par défaut contre eux (V. Delaporte t. 1, p. 363; Chauveau sur Carré, quest. 1409). Ces auteurs pensent que chacune des parties pourrait se présenter dans l'instance pour plaider, si son intérêt l'exigeait. cusation, no 137. -V. en sens contraire MM. Rodière, t. 2, p. 93; Bioche, v Ré

138. Lorsque la récusation est faite devant une cour impériale l'arrêt ne peut être attaqué que par la voie de cassation. L'opposition ne serait pas plus admissible contre cet arrêt qu'elle ne l'était contre le jugement de première instance (Chauveau sur Carré, quest. 1409; Favard, t. 4, p. 768).

139. Appel.

- Tout jugement qui statue sur une récusation est susceptible d'appel, même dans les matières où le tribunal de première instance juge en dernier ressort (c. pr., art. 391). Ce principe est général et s'applique indistinctement: 1° au ju̸gement qui déclare la récusation admissible ou inadmissible; 2o à celui qui la déclare non recevable; 3° ou à celui qui admet à la preuve lorsqu'il y a lieu; 4o à celui qui déclare la récusation mal fondée (Conf. M. Carré, sur l'art. 391, no 323). L'appel se porte devant la juridiction qui connalt des appels des jugements du tribunal du premier degré.— Jugé spécialement que la

tirées des faits allégués s'y rattachent d'une manière quelconque, pour qu'elles ne puissent pas être considérées comme des faits nouveaux Don proposés par le récusant, et non compris dans l'admissibilité déclaree de la récusation; Attendu 3o que, dans le cas où le récusant n'aurait pas apporté preuve par écrit ou commencement de preuves des causes de rejeter la récusation sur la simple déclaration du juge, ou d'ordonner la la récusation, l'art. 389 dudit code laisse à la prudence du tribunal de preuve testimoniale; que a loi elle-même lui donne donc à cet égard un pouvoir discrétionnaire, en vertu duquel il peut ne point ordonner une preuve qu'il juge inutile, lorsque, comme dans l'espèce, il a été res connu et déclaré que des reponses mêmes du juge il resultait suffisam ment preuve de causes valables de récusation dans les faits allégués;— Attendu enfin que les faits d'après le quels la révusation a éte jugee fondée, et d'après lesquels il a été ordonné que le président du tribunal de première instance de l'arrondissement de Nogent-le-Rotrou s'ab tiendrait de la connaissance du fait d'escroquerie dont est prévenu le nomme Chaline, sont du nombre de ceux que l'art. 378 c pr. déclare cau-es de récusation; et que le jugement attaqué est d'ail.eurs regulier en la forme; Rejette.

Du 11 fév. 1820.-C. C., sect. crim.-M. Rataud, rap.

cour ou le tribunal qui doit connaître de l'appel du jugement du tribunal de police correctionnelle est seul compétent pour statuer зur l'appel du jugement relatif à la récusation (Rej. 24 oct. 1817, aff. Charrier-Yvert, V. no 97).

140. L'adversaire du récusant peut-il interjeter appel du jugement qui a statué sur la récusation? L'affirmative paraît résalter d'une manière certaine de la rédaction de l'art. 391, suivant lequel tout jugement sur récusation est susceptible d'appel, et de celle de l'art. 392, portant que « celui qui voudra appeler sera tenu, etc., » ce qui s'applique également aux deux parties. D'ailleurs l'adversaire de la partie récusante peut avoir le plus grand intérêt à empêcher le succès d'un moyen de procédure qui, d'une part, tend à enlever à l'un des juges le droit de prendre part au jugement du fond, et qui pourrait, de l'autre, même avoir pour effet d'enlever les parties à leurs juges naturels, si, par suite du nombre des juges récusés, le tribunal se trouvait dans l'impossibilité de juger. V. MM. Berriat, t. 1, p. 332; Chauveau sur Carré, quest. 1409; Delaporte, t. 1, p. 363; Demiau, p. 286; Poncet, p. 265; Bourbeau, t. 5, p. 529; Bioche, no 148. Contrà, MM. Pigeau, Proc., t. 1, p. 438, et Comm., 1. 1, p. 672; Lepage, t. 1, p. 257; Thomine, t. 1, p. 605.

141. Il a été décidé, en ce sens, que l'adversaire du récusant, qui a été partie au jugement de récusation, peut en interjeter appel (Req. 28 fév. 1838, aff. Rapilly, V. Arbitrage, n° 661-5). Et qu'une partie ne peut former tierce opposition au jugement admettant la récusation exercée contre un juge contre son adversaire (Besançon, 27 août 1808, M. Vejux, rap., aff. Cretin C. Voisard). Cette dernière décision est fondée sur ce que l'adversaire du récusant étant partie en cause, c'est par la voie de l'appel qu'il doit se pourvoir contre le jugement.

149. Le juge récusé paraît avoir aussi le droit d'interjeter❘ appel lorsqu'il s'agit d'un jugement portant atteinte à son honneur, ou lorsqu'il a formé une demande en dommages-intérêts contre la partie récusante (V. MM. Pigeau, Comm., t. 1, p. 435; Lepage, p. 258; Berriat, p. 332; Demiau, p. 287). Il a été cependant décidé que le juge récusé qui n'a fait que s'expliquer sur les faits qui motivent sa récusation, ne pouvant être considéré comme partie dans l'instance, n'est pas recevable à interjeter appel du jugement qui admet la récusation proposée contre lui (Cass. 14 avr. 1829) (1) Cette décision est approuvée par M. Chauveau sur Carré, quest. 1409, qui, tout en reconnaissant le droit d'appel au magistrat récusé qui est intervenu dans l'instance pour demander une réparation, conteste ce droit à celui qui ne critique le jugement que comme blessant son honneur.

143. L'appel est suspensif. Il a de plus cela de particulier que le tribunal ne peut ordonner l'exécution provisoire du jugement (MM. Carré el Chauveau, loc. cit.; Pigeau, t. 1, p. 672; Favard, t. 4, p. 769, no 7). Si néanmoins la partie soutient qu'attendu l'urgence

(1) Espèce-Violle C. Destanne.)-Me Violle traduisit devant le tribunal correctionnel d'Aurillac, M Grognier, avoué, en réparation d'injures contenues dans un mémoire imprimé et publié; mais trouvant au nombre des juges M. Destanne, avec qui il avait eu des discussions très-vives, au sujet d'un procès civil, et qu'à cette occasion le conseil de discipline des avocats avait blâmé, il déclara le récuser pour juge de cette affaire, pour cause d'inimitié capitale et de litige;- Les moyens de récusation ayant paru relevants, s'ils étaient vrais, le tribunal rendit, le 11 avr. 1826, un jugement portant que M. Destanne s'expliquerait ce concernant. L'explication ayant eu lieu, deuxième jugement, du 14 avril, qui admet la récusation. Le 19, M. Destanne déposa au greffe du tribunal, un acte par lequel il déclara appeler de ce jugement.

Le 2 mai 1826, la cour d'appel de Riom (chambre civile) rendit un arré par lequel elle déclara mal fondée et comme non avenue la récusation portée par Me Violle contre M. Destanne, et condamna Me Violle en l'amende de 100 fr. et aux dépens.

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Les motifs furent, notamment, que l'inimitié capitale est un sentiment trop indigne d'un magistrat, pour qu'il puisse être supposé; qu'en ce qui concernait le prétendu procès civil, que Me Violle disait exister entre lui et M. Destaune, à l'occasion de l'appel interjeté par ce derpier, de la décision du conseil de discipline de l'ordre des avocats, résultat de cette décision ne présentait, au fond, rien de fâcheux pour M. De-tanne, rien qui eût pú compromettre la delicatesse et exciter en Aui une inimitié telle que le supposait Me Violle; Que son intent on n'avait pas été d'appeler de la décision contre Me Violle; qu'il reconnaissait qu'il n'en avait pas le droit; qu'en effet, il n'avait donné aucune suite à son appel; que l'appel d'une décision du conseil de discipline

il est nécessaire de procéder à une opération sans attendre que l'appel soit jugé, l'incident doit être porté à l'audience sur un simple acte, et le tribunal qui aura rejeté la récusation, peut ordonner qu'il sera procédé à l'opération par un autre juge (c. pr., art. 391). A bien plus forte raison, devrait-on procéder de même si la récusation avait été admise par les premiers juges (M. Bourbeau, l. 5, p. 530).

144. Il y aurait nullité des jugements auxquels le juge récusé aurait participé, ou des opérations qu'il aurait faites au mépris de l'appel et hors le cas d'urgence reconnue, lors même que la récusation serait, en définitive, jugée mal fondée. En effet, l'annulation de la récusation n'empêcherait pas que, pendant l'instance, le magistrat n'eût été frappée d'une incapacité momentanée. Les jugements auxquels il aurait concouru seraient nuls, lors même que les juges qui y auraient participé avec lui auraient été seuls en nombre suffisant, parce que sa présence a pu changer le résultat de la délibération (MM. Pigeau, Comm., t. 1, p. 672 et 673; Chauveau sur Carré, quest. 1409 bis).

145. L'appel doit être interjeté dans le délai de cinq jours du jugement (c. pr., art. 392).-Ce délai court à partir de la prononciation du jugement et non à partir de sa signification (Carré sur Chauveau, sur l'art. 396, no 324). D'ailleurs nous avons vu suprà, no 136, que le jugement qui statue sur la récusation n'avait besoin ni d'être levé ni d'être signifié.

146. Il a été jugé que le délai de cinq jours, prescrit par l'art. 392, n'était pas prescrit à peine de nullité (Bordeaux, 8 juin 1809, M. Perrin, rap., aff. Rigonneau et Bertrand C. Rochette et autres). Mais cette décision paralt aussi contraire au texte qu'à l'esprit de la loi, et presque tous les auteurs s'accordent à enseigner, au contraire, que le délai est fatal. (V. MM. Favard, t. 4, p. 768, no 7; Pigeau, Comm., t. 1, p. 649; Demiau, p. 288; Carré, sur l'art. 396, no 324; Bioche, no 131; Thomine, t. 1, p. 606).—Il a été décidé, dans ce dernier sens, que l'appel d'un jugement de commerce fondé sur ce qu'un juge récusé verbalement y a concouru, est non recevable s'il n'a été formé qu'après le délai de cinq jours (Colmar, 7 janv. 1828. aff. Kœclin, V. no 115; V cependant M. Chauveau sur Carré, loc. cit., note 3). -Suivant MM. Bioche, vo Récusation, no 153, et Rodière, t. 2, p. 96, le délai de cinq jours n'est pas susceptible d'augmentation à raison des distances.-V. aussi Montpellier, 14 août 1848, aff. Groc, D. P. 48. 2. 177.

147. Les art. 392 et suiv. c. pr. sur les formes et les délais de l'appel du jugement qui statue sur la récusation d'un juge, s'appliquent à la récusation d'arbitres forcés (Rennes, 26 mars 1847, aff. Guillet de la Brosse, D. P. 49. 2. 63).

148. La procédure organisée par la loi pour le jugement de l'appel est simple, sommaire. En prescrivant les formalités dont elle se compose, le législateur a voulu que cet appel fût jugé

ne constituait point un procès civil proprement dit; qu'enfin, il ne résultait de la cause aucun fait suffisant pour motiver la récusation. Pourvoi de Me Violle, pour violation de l'art. 443, et fausse application de l'art. 301 c. pr., en ce que l'arrêt avait reçu M. Destanne appelant du jugement de récusation; il invoquait M. Favard, vo Récusation, § 2, n° 6.

Le défendeur a soutenu que le juge récusé est partie dans l'instance en récusation; que, par suite, il peut appeler de ce jugement, lorsqu'il y trouve son honneur intéressé; que tel est le vœu de l'art. 391 c. pr., qui dispose que tout jugement de récusation est susceptible d'appel. Arrêt (ap. dél. en ch. du cons.).

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LA COUR; Vu les art. 445 et 391 c. pr.;-Attendu que, suivant l'art. 443 c. pr., la voie de l'appel n'est ouverte qu'à ceux qui ont été parties dans le jugement; que l'art. 391 du même code ne déroge point à cette règle, puisqu'il se borne à dire que tout jugement sur récusation sera susceptible d'appel; qu'il suit de là que le juge récusé, qui n'a pas été partie dans l'instance en récusation, est non recevable à appeler du jugement rendu sur cette récusation;

Que, dans l'espèce, le juge récusé ne s'est point rendu partie dans l'instance en récusation; qu'il n'y a pris aucunes conclusions dans son intérêt personnel; qu'il y a seulement donné sa déclaration sur les faits, conformément à ce qui est prescrit par les art. 385 et 386 du code précité, ce qui ne le constituait point partie dans l'in-tance; que, neanmoins, l'arrêt attaqué l'a reçu à appeler du jugement de recusation; Casse. qu'en cela, il viole les art. 443 et 391 ci-dessus citės;

Du 14 avr. 1829 −C. C., ch. civ.-MM. Boyer, pr.-Cassaigue, rap.Joubert, av.; c.conf. -Scribe et Jacquemin, av.

rapidement pour que le juge restat le moins longtemps possible sous le coup de la récusation dont il a été frappé. L'appel doit être formé par acte au greffe, lequel est motivé et contient énonciation du dépôt au greffe des pièces au soutien (c. pr., art. 392). L'expédition de l'acte de récusation, de la déclaration du juge, du jugement et de l'appel, et les pièces jointes sont envoyées sous trois jours, par le greffier, à la requête et aux frais de l'appelant, au greffier de la cour d'appel, (art. 395). Dans les trois jours de la remise de ces différentes pièces au greffier de la cour d'appel, celui-ci présente lesdites pièces à la cour, laquelle indique le jour où sera rendu l'arrêt et commet l'un des conseillers. Sur le rapport de ce magistrat et sur les conclusions du ministère public, il est rendu un arrêt à l'audience, sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties, (art. 394). Enfin, l'arrêt étant rendu, et dans les vingt-quatre heures de son expédition, le greffier de la cour d'appel renvoie les pièces à lui adressées, au greflier du tribunal de première instance (art. 595).

149. La loi n'exigeant pas que l'acte d'appel soit signé de la partie elle-même ou de son fondé de pouvoir spécial et authentique, cet acte ne serait pas nul par cela seul qu'il n'aurait été signé que de l'avoué; mais cet officier ministériel agira prudemment en ne signant l'acte d'appel qu'après s'être fait remettre un pouvoir à cet effet. Autrement il s'exposerait à un désaveu de la part de son client (V. MM. Lepage, p. 255; Carré, loc. cit.; Demiau, p. 287; Bioche, vo Récusation, no 154; Rodière, loc. cit.). Dans tous les cas, il est certain que l'acte d'appel formé par exploit serait radicalement nul.

150. L'effet suspensif de l'appel n'est pas indéfini. Afin de prévenir les lenteurs de la procédure et le préjudice qu'elles entraînent, la loi veut que, dans le mois du jugement qui aura rejeté sa récusation, l'appelant fasse signifier aux parties l'arrêt intervenu constatant que l'appel n'est pas jugé et indication du jour fixé par la cour. Sinon le jugement qui rejette la récusation est exécuté par provision, et ce qui est fait en conséquence est valable, encore que la récusation soit admise plus tard sur l'appel (c. pr., art. 396). Cette dernière disposition est remarquable en ce qu'elle déroge au principe d'après lequel ce qui a été fait en vertu d'un jugement, même exécutoire par provision, doit être annulé en cas de réformation du jugement.

151. L'arrêt qui statue sur la récusation doit être signifié à la partie seulement. Il ne doit pas l'être au juge récusé. Ce dernier doit avoir connaissance de l'arrêt par l'entremise du greffier de la cour. Conf. M. Chauveau sur Carré sur l'art. 396 no 324 in fine.

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152. L'art. 394 disposant que l'arrêt qui statue sur l'appel doit être rendu sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties, il en résulte qu'il n'est pas besoin que l'appelant soit représenté par un avoué dans l'instance. Le ministère du greffier suffit pour instruire la procédure.—Il a été décidé, par application de cet article, que sur l'appel d'un jugement qui a statué sur la récusation d'un juge, le demandeur en récusation ne peut être entendu après le rapporteur; et qu'on doit assimiler le rapport fait, dans ce cas, à celui qui a lieu dans les instructions par écrit, et après ¡equel les défenseurs n'ont jamais la parole (Grenoble, 15 fév. 1826) (1). — Nous ne pouvons qu'approuver cette décision. La

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(1) Espèce: (Le sieur S... C. le sieur R..., juge.) — La cour était saisie de l'appel d'un jugement rendu sur la récusation d'un juge. Après le rapport fait par l'un des conseillers, l'avocat du sieur S..., demandeur en récusation, demande à faire quelques observations; il soutient que l'art. 394 ne s'oppose pas à ce qu'il soit entendu, parce qu'il porte seulement qu'il n'est pas nécessaire d'appeler les parties, mais non qu'elles ne pourront être entendues, lorsqu'elles seront présentes, et qu'elles le demanderont. - Arrêt.

LA COUR; Attendu que le code de procédure a, dans le titre 21 du livre 2, 1re partie, établi une forme particulière pour statuer sur les récusations des juges; qn'il a voulu que les moyens de récusation et les réponses du juge récusé fussent présentées au greffe, et éviter par là les débats publics entre les parties; que, quand l'art. 59% du code a énoncé qu'il ne serait pas nécessaire d'appeler les parties, il a voulu qu'elles ne fussent ni appelées ni entendues, s'en référant, pour l'instruction des magistrats, aux moyens et réponses fournis devers le greffe, et assimilant le rapport à celui fait dans les instructions par écrit, où, d'après l'art. 111 du même code, les défenseurs n'ont, sous aucun prétexte, la parole après le rapport;- Par ces motifs, rejette l'instance du demandeur.

doctrine qu'elle consacre est, du reste, enseignée par MM. Chauveau sur Carré, loc. cit.; Pigeau, t. 1, p. 674; et Bioche, vo Récusation, no 160.

ART. 2.-Justices de paix.

153. La récusation des juges de paix, de même que celle des juges ordinaires, n'est recevable qu'autant qu'elle est présentée avant toutes défenses au fond. Il en serait autrement, toutefois, si la cause de la récusation n'était survenue que depuis la première audience et ce serait alors le cas d'appliquer l'art. 382 c. pr. Il pourrait se faire que la récusation ne fût pas sérieuse et qu'elle n'eût d'autre but que d'empêcher le juge de procéder à une opération par lui ordonnée. La partie ayant intérêt à faire procéder promptement à cette opération pourrait alors se pourvoir devant le tribunal et faire décider, en exposant l'urgence, que l'opération sera faite par un autre juge. Conf. MM. Carré et Chauveau, quest. 197.

154. La procédure créée par la loi, en matière de récusation des juges de paix, est d'une grande simplicité, et les délais qui doivent être observés entre les divers actes dont elle se compose, sont aussi courts que possible, de manière à faire juger l'incident avec rapidité. La partie qui veut récuser le juge est tenue de former la récusation et d'en exposer les motifs par un acte qu'elle fait signifier, par le premier huissier requis, au greffier de la justice de paix qui vise l'original. L'exploit est signé sur l'original et la copie par la partie ou son fondé de pouvoirs spécial. La copie est déposée au greffe, et communiquée immédiatement au juge par le grellier (c. pr., art. 45). Le juge est tenu de donner au bas de l'acte de récusation, dans le délai de deux jours, sa déclaration par écrit portant, ou son acquiescement à la récusation, ou son refus de s'abstenir, avec ses réponses aux moyens de récusation (art. 46). Dans les trois jours de la réponse du juge qui refuse de s'abstenir, ou faute par lui de répondre, l'expédition de l'acte de récusation, et de la déclaration du juge, s'il y en a, est envoyée par le greffier, sur la réquisition de la partie la plus diligente, au ministère pubiic près le tribunal de première instance dans le ressort duquel la justice de paix est située; la récusation y est jugée en dernier ressort dans la huitaine, sur les conclusions du ministère public, sans qu'il soit besoin d'appeler les parties (art. 47).

155. En présence des termes de l'art. 47 c. pr., il ne peut s'élever aucune difficulté sur la compétence pour le jugement de la récusation proposée contre un juge de paix. Le tribunal de première instance peut seul en connaître. Il a donc été décide avec raison que le juge de paix tenant le tribunal de police ne peut statuer sur la récusation proposée contre lui (Crim. cass. 30 nov. 1809 (2). —Conf. Crim. cass. 14 frim, an 2, M. Lions, rap., aff. Lagoardette; Crim. rej. 1er mars 1811, MM. Barris, pr., Lamarque, rap., aff. Raynal); et que le juge de paix constitué en tribunal de police doit, s'il a été récusé, s'abstenir de juger, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation par le tribunal civil, alors même que le procureur du roi près ce tribunal lui aurait mandé que ce jugement préalable n'est point nécessaire (Crim. cass. 15 fév. 1811, M. Busschop, rap., aff. Conduzorgues).

Du 13 fév. 1826.-C. de Grenoble, 1re cb.-MM. Noaille, 1er pr.Marion, av. gén., c. conf.

(2) Espèce: (Aubry C. Rivière.)- Le sieur Aubry avait cité le sieur Rivière devant le tribunal de police du canton de Thouzai, afin de réparations d'injures verbales. Rivière a, par un acte déposé au greffe, déclaré récuser M. Lecomte, juge de paix tenant le tribunal de police. - A l'audience du 9 oct. 1809, ce juge, croyant devoir s'expliquer publiquement sur les moyens de récusation proposés contre lui et ne pas s'abstenir, s'est livré à la discussion de ces moyens; et, sans s'arrêter à la récusation, il a prononcé sur les fins de la citation et a condamné le défendeur. - Pourvoi. -- Arrêt.

-

LA COUR; Considérant que le juge de police, par son jugement du 6 octobre, a statue lui-même sur sa récusation personnelle et de suite a prononcé sur la contestation d'entre la partie qui l'avait ré cusé et son adversaire; que la récusation, formant un incident qui était personnel à ce juge, il ne pouvait y statuer sans se rendre juge dans sa propre cause; qu'en ce faisant, il a excédé ses pouvoirs; Casse.

Du 30 nov. 1809.-C. C., sect. crim.-M. Vasse-Saint-Ouen, rap.

156. On vient de voir que l'art. 45 exige que le greffier de la justice de paix, auquel doit être signifié l'acte de récusation, mette son visa sur cet acte. En cas de refus par ce greffier de remplir cette formalité, l'huissier devrait faire mention de ce refus sur l'acte et présenter l'original au procureur impérial qui ie viserait.-V. en ce sens MM. Thomine Desmazures, t. 1, p. 124, Carré et Chauveau, quest. 194, Delaporte, t. 1, p. 40.

157. En disposant que l'exploit contenant récusation du juge de paix sera signé par la partie ou par son fondé de pouvoirs, l'art. 45 ne dit pas que, si l'un ou l'autre ne sait ou ne peut signer, il sera fait mention des causes du refus. Aussi le greffier n'aurait-il pas qualité pour constater les causes du défaut de signature. L'acte de récusation pourrait donc se trouver nul dans ce cas. M. Carré, quest. 195, fait observer avec raison que, pour éviter cette difficulté, il est prudent que le récusant ne sachant ou ne pouvant signer, donne, à l'effet de former la récusation, un pourvoi spécial à une personne sachant signer. Il est manifeste, du reste, qu'une récusation faite verbalement contre le juge de paix serait radicalement nulle.

158. Lorsque l'acquiescement du juge de paix à la récusation a été donné régulièrement, cet acquiescement est acquis à la partie récusante et le magistrat ne pourrait plus le rétracter. C'est, du reste, un acte tout spontané de la part du juge de paix, qui, sous ce rapport, est seul juge de l'appréciation à faire des motifs de récusation invoqués contre lui. Bien que l'adversaire du récusant puisse avoir un grand intérêt à opposer à un acquiescement dont l'effet doit être de dessaisir un magistrat dans les lumières et la probité duquel il peut avoir une grande confiance, rien n'indique que la loi ait voulu lui conférer ce droit. C'est ce qu'enseignent avec raison MM. Carré et Chauveau, quest. 201, et Delaporte, t. 1, p. 41.

159. Le juge de paix étant récuse, la procédure sur l'instance principale est nécessairement suspendue jusqu'au jugement de la récusation. Cette suspension courrait, suivant M. Pigeau, Com., t. 1, p. 117, à partir du jour de la signification de l'acte de récusation au greffier. Nous pensons qu'il est préférable de la faire courir à partir du moment où cet acte a été communiqué au juge. Lorsqu'il s'agit de la récusation d'un juge ordinaire, la procédure n'est interrompue qu'à partir du jugement qui ordonne la communication à ce juge de l'acte de récusation, et l'on ne voit pas pourquoi une règle différente serait adoptée lorsqu'il s'agit d'un juge de paix. V. du reste, en ce dernier sens, Chauveau sur Carré, quest. 193 bis; Thomine, t. 1, p. 124.

160. Si la partie récusante ne faisait aucunes diligences pour provoquer l'envoi des pièces au procureur impérial dans les trois jours à partir de la réponse du juge, conformément à l'art. 47, le greffier ne devrait pas faire cet envoi d'office. En effet, la partie peut se désister de sa récusation, ce qui rendrait le déplacement du procès inutile. D'ailleurs le greffier ne peut être tenu de faire un semblable envoi tant que la partie n'a pas consigné les frais d'expédition et de transport des pièces.

161. La loi ne dit pas ei, lorsque le tribunal civil est saisi de la récusation proposée contre le juge de paix, les parties peuvent se présenter devant ce tribunal pour plaider sur l'incident. Suivant MM. Thomine, t. 1, p. 125, et Pigean, Comm., t. 1, p. 122, le tribunal ne doit jamais admettre les parties à se présenter à l'audience. Cette opinion nous paraît trop absolue, car il pourrait arriver que des explications orales données par les parties fournissent des lumières au tribunal sur certains faits. Nous préférons décider avec MM. Carré et Chauveau, quest. 202, que le tribunal devra apprécier s'il y a quelque utilité à entendre les Darties et qu'il est libre de se déterminer à cet égard suivant les circonstances.

162. Les art. 45 et suiv. c. proc. étant muets sur la marche qui doit être suivie pour le jugement de la récusation par le tribunal et pour le renvoi des pièces après ce jugement, il faut s'en référer sur ces deux points aux art. 394 et 595 du même code (V. no 148 et suiv.), dont les dispositions doivent être appliquées par analogie. Ainsi le procureur impérial remettra les pièces au président qui nommera un juge sur le rapport duquel il sera rendu jugement, le ministère public entendu. La partie la plus diligente requerra ensuite expédition du jugement et le greffier renverra les pièces au greffier de la justice de paix.

TOME XXXVIII.

163. Si le jugement sur la récusation du juge de paix n'é tait pas rendu dans un délai de huitaine, comme le veut l'art. 47 c. pr., il ne paraît pas qu'on puisse faire de cette circonstance un grief contre le récusant. Tel n'est cependant pas l'avis de M. Pigeau, Comm., t. 1, p. 121. «En cette circonstance, dit cet auteur, le récusant doit signifier à l'autre partie un certificat du greffier constatant ce fait et indication du jour déterminé par le tribunal, sinon il sera passé outre par le juge récusé, et ce qu'il fera sera valable encore que la récusation fût ensuite admise. » La marche ainsi tracée par M. Pigeau est celle qu'indique l'art. 396 c. proc. (V. no 150). Mais il faut remarquer que dans l'hypothèse régie par ce dernier article, la récusation a été déjà rejetée par un jugement, ce qui peut faire présumer qu'elle n'est pas fondée, tandis que rien de semblable n'a eu lieu, lorsque le tribunal est appelé à statuer sur la récusation d'un juge de paix. En outre, le partie ne peut être victime de la négligence des magistrats qui ne rendraient pas dans les délais un jugement, lors duquel elle ne doit pas être appelée. Enfin le délai accordé par l'art. 47 est beaucoup plus court que celui fixé par l'art. 396, ce qui rend l'application de ce dernier article à la récusation des juges de paix d'une rigueur excessive. Nous estimons donc que la partie adverse du récusant pourra seulement, après l'expiration des délais, faire des diligences auprès du tribunal pour le presser de rendre jugement. - V. conf. MM. Carré et Chauveau, quest. 203 bis.

164. La disposition de l'art. 390 c. pr. (V. no 131) qui prononce une amende contre la partie qui a proposé contre un magistrat une récusation reconnue par jugement mal fondée, ne paraît pas devoir être appliquée à la récusation des juges de paix, bien que, dans une circulaire en date du 6 juin 1831, la régie de l'enregistrement ait cru devoir adopter la doctrine contraire. Il est de principe, en effet, qu'une peine ne peut être étendue par voie d'analogie d'un cas à un autre. D'ailleurs, les art. 382 et suiv., c. proc., ne doivent être appliqués aux justices de paix, qu'autant que cela est indispensable pour combler une lacune. Or, l'amende dont peut être passible l'auteur d'une récusation téméraire, n'a rien d'essentiel, et l'on comprend que le législateur n'ait pas voulu en autoriser la prononciation lorsqu'il s'agit des juges de paix, à cause du peu d'importance des affaires que ces magistrats sont appelés à juger.

165. Le principe suivant lequel le juge ne doit jamais être considéré comme étant partie en cause dans l'instance relative au jugement de la récusation dont il a été l'objet, s'applique à la récusation des juges de paix (Cass. 30 juill. 1834, aff. Juge de paix de Châlons, vo Frais et dépens, no 325).

166. Quand le juge de paix a donné son acquiescement à la récusation, ou quand cette récusation a été admise par le tribunal, devant quelle juridiction la cause doit-elle être renvoyée ? II peut y avoir de l'inconvénient à renvoyer devant le juge suppléant de la même justice de paix, à cause de l'influence que le juge titulaire est supposé devoir exercer sur ce dernier. Néanmoins on ne voit pas où le tribunal puiserait le droit d'ordonner le renvoi devant un autre juge de paix en l'absence de tout texte de loi qui l'y autorise. La loi du 16 vent. an 12 ne prescrit le renvoi des parties devant le juge de paix du canton le plus voisin qu'en cas d'empêchement légitime du juge de paix et de ses suppléants. Ce n'est donc pas sur cette loi que le tribunal pourrait se fonder pour saisir de la cause un autre juge de paix dans une hypothèse où l'empêchement est exclusivement personnel au juge titulaire. Aussi faut-il décider que lorsque ce dernier est dessaisi par suite de récusation, l'affaire doit être renvoyée devant son suppléant. Il faut remarquer, du reste, que le juge de paix ne pourrait pas, après avoir acquiescé à la recusation, ordonner luimême le renvoi de la cause devant qui de droit. A partir du moment où cel acquiescement a été donné, le juge a perdu tout pouvoir, et c'est par le tribunal de première instance que le renvoi devrait être prononcé. — V. Carré et Chauveau, quest. 199.

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sation est le fait du plaideur refusant pour juge de la contestation celui qui, légalement, est appelé à en connaître. En enjoignant au magistrat de s'abstenir lorsque sa conscience lui fait un devoir de rester étranger au procès, la loi n'a pas voulu qu'il fût obligé d'attendre sur son siége que la récusation vint le forcer à en descendre. Elle lui donne ainsi les moyens de mettre sa dignité à l'abri de toute atteinte et de suivre les inspirations que lui dicte sa probité ou sa délicatesse. « Tout juge qui saura cause de récusation en sa personne, porte l'art. 380 c. pr., sera tenu de le déclarer à la chambre qui décidera s'il doit s'abstenir. » Cette obligation est commune au ministère public lorsqu'il agit comme partie jointe (Arg. art. 381, c. pr., V. no 17). L'ordonnance de 1667, tit. 24, art. 17, contenait une disposition semblable à celle de l'art. 380. On décidait sous l'empire de cette ordonnance que la circonstance, pour un juge, d'avoir connu d'un procès, n'était pas une cause de récusation qu'il dût avoir nécessairement présente à la mémoire lorsque l'affaire lui était soumise pour la seconde fois, et que, dès lors, il pouvait valablement concourir au jugement bien qu'il n'eût fait aucune déclaration à cet égard, si d'ailleurs il n'avait pas été récusé (Req. 27 fruct. an 10) (1). 168. Il faut remarquer qu'alors même que le juge a déclaré qu'il sait cause de récusation en sa personne, et que la chambre a décidé qu'il ne devait pas s'abstenir, les parties n'en ont pas moins le droit d'exercer la récusation. La décision de la chambre est, comme nous allons le voir, un acte de discipline intérieure qui ne peut préjudicier en rien aux droits des parties. En exigeant que le juge consulte ses collègues avant de s'abstenir, la loi a voulu seulement qu'il ne pût pas s'affranchir arbitrairement de l'exercice de ses fonctions. Quant au point de savoir s'il y a nullité lorsqu'un juge récusable a pris part au jugement sans avoir déclaré la cause de récusation qu'il savait être en lui, V. no 9.

169. Dans un grand nombre de tribunaux, il est d'usage qu'un juge ait la faculté de s'abstenir sans déclarer à ses collègues quelles sont les véritables causes de son déport. Cet usage est approuvé par M. Thomine, t. 1, p. 594, qui fait observer que la déclaration du juge, pas plus que la décision de la chambre, ne laissent de trace sur le plumitif. M. Carré, quest. 1387, paraît être du

(1) (N... C. N...)LE TRIBUNAL;-Attendu que l'art. 17 du tit. 24 de l'ordonnance de 1667 ne prescrit aux juges de déclarer les causes de récusation qui peuvent exister en la personne qu'autant qu'il sait qu'elles existent; que la circonstance d'avoir précédemment connu comme juge d'un procès, ne peut pas être mise au nombre des causes de récusation qu'un juge doit être présumé de droit avoir eu présente à sa mémoire lorsque l'affaire lui a été soumise une seconde fois, principalement s'il s'est écoulé un assez long intervalle; que, dans l'espece, le silence des parties sur le moyen de récusation qu'elles devaient mieux connaître, dont elles pouvaient faire la proposition ou donner l'avertissement jusqu'au jugement, fait présumer qu'elles ne tenaient pas ce juge pour suspect et que lui-même avait perdu de vue qu'il eût précédemment pris connaissance de l'affaire ;- Rejette.

Du 27 fruct. an 10.-C. C., sect. req.-MM. Vermeil, pr.-Delachèze, r. (2) Espèce :-(Min. pub. C. Thévenot.) - Des poursuites, pour crime de faux, ayant été dirigées contre le sieur Thévenot, le juge d'instruction s'est transporté au domicile de ce notaire, et a dressé procès-verbal de l'état de ses minutes. Traduit devant la cour d'assises, à raison de trois chefs d'accusation, le sieur Thévenot fut déclaré non coupable des trois crimes qui lui étaient imputés ; seulement le jury reconnut la réalité de l'un des faits: mais la cour pensa que, si le faux matériel était constaté par la réponse du jury, l'intention de nuire ne l'était pas en conséquence, l'accusé fut acquitté.

Le procureur du roi près le tribunal de Limoges a demandé judiciairement la destitution de Thévenot: celui-ci a offert sa démission, et l'a réitérée par écrit. Le garde des sceaux répondit qu'elle ne pouvait être acceptée, à cause des malversations qui avaient donné lieu aux poursuites.

Le 31 août 1831, jugement du tribunal de Limoges, qui prononça la destitution. Appel par Thévenot. Plusieurs membres de la chambre saisie de cette affaire se sont abstenus, les uns, parce qu'ils avaient concouru à l'arrêt de renvoi devant le jury; les autres, parce qu'ils avaient fait partie de la cour d'assises qui avait prononcé sur l'accusation. Ces abstentions ont été acceuillies, et deux membres de la chambre des mises en accusation ont été appelés pour compléter la chambre saisie de la demande en destitution.

Dans le cours de la discusion, M. le procureur général, pour justifier les inculpations dirigées contre le notaire, et qui motivaient sa demande,

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même avis, tout en convenant cependant que cet usage n'est pas absolument dans l'esprit de la loi. Enfin M. Chauveau sur Carré, loc. cit., ne croit pas que la dérogation introduite par le même usage soit susceptible d'abus. Quant à nous, il nous paraît impossible d'admettre comme régulière une manière de procéder qui nous paraît inconciliable soit avec le texte, soit avec l'esprit de l'art. 380. Sans doute, la décision de la chambre sur la déclaration du juge n'a pas le caractère d'un jugement, mais il n'en résulte pas que le juge ne soit pas tenu de faire cette déclaration d'une manière explicite, et qu'il puisse ainsi se dispenser de l'accomplissement de ses devoirs de magistrat sans faire connaître les motifs de son déport (V. dans ce dernier sens MM. Pigeau, comment. t. 1, p. 658 et 659, et Favard, t. 4, p. 765, no 1). – Sous l'empire de l'ordonnance de 1667, on tenait pour constant que le juge ne pouvait se déporter qu'en déclarant à ses collègues les causes pour lesquelles il ne pouvait concourir au jugement (Cass. 17 germ. an 8, M. Delaunay, rap., aff. Philippe et autres).

Du reste, c'est avec raison qu'il a été décidé que les formes et conditions prescrites pour la récusation ne sont pas exigées pour | l'abstention volontaire d'un juge; qu'en conséquence, il n'est pas nécessaire qu'un jugement ou arrêt, ou un procès-verbal constate les motifs d'abstention et leur admission par le tribunal ou la cour qui doit prononcer sur le fond; et qu'il suffit d'en faire mention dans le jugement ou l'arrêt définitif (Req. 2 juin 1832 (2); conf. req. 12 pluv. an 9, M. Lachèze, rap., aff. Gehier C. Marlot; 19 août 1828, MM. Dunoyer, rap., de Broë, avoc. gen., concl. conf., aff. Vivié C. Gay). Remarquons seulement avec un arrêt que lorsque les abstentions des juges sont assez nombreuses pour que le tribunal ne puisse plus se composer, le tribunal doit statuer par des jugements distincts sur l'admissibilité de chacune des abstentions proposées (Bastia, 12 fév. 1855, af. Benedetti, D. P. 55. 2. 285).

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Pourvoi contre ces deux arrêts, par M. le procureur général. Premier moyen: composition irrégulière de la chambre qui a rendu l'arrêt attaqué. - Arrêt.

LA COUR ; — Considérant, sur le premier moyen, qu'il existe une différence essentielle entre la récusation autorisée par l'art. 378 c. pr. civ., et l'abstention volontaire d'un juge que les formes et les conditions prescrites à l'égard de la première, ne sont pas ordonnées pour la saconde; que, dans le premier cas, il s'agit d'un incident élevé dans le but d'enlever à un juge la connaissance d'un procès dont il est saisi par lå loi; que c'est là une procédure qui donne lieu à un véritable jugement; que, dans le deuxième cas, il ne s'agit que d'un acte de discipline inté rieure, qui doit émaner de la compagnie à laquelle ce juge appartient; qu'il n'existe ni procès, ni débat, lorsque le fonctionnaire à qui la juridiction est confiée, reconnaît et déclare spontanême t qu'une cause legitime l'oblige à s'abstenir; qu'aucune disposition de loi n'exige, soit ufi jugement ou arrêt, soit un procès-verbal, pour constater les motifs d'abs tention, et leur admission par le tribunal ou par la cour saisi de la contestation; qu'il suffit d'en faire mention dans la décision définitive qui intervient dans le procès, à l'effet de motiver la présence des magistrats qui sont appelés pour compléter le tribunal ou la cour qui statue;Considérant que, si tout juge qui sait cause de récusation en sa personne est tenu, aux termes de l'art. 380 c. pr., de la déclarer à la chambre, qui décide s'il doit s'abstenir, cette disposition n'est pas limitative, el n'exclut pas les motifs d'abstention, qui ne seraient pas des causes va→ lables de récusation; que la loi s'en remet à la conscience du magistrat, et aux lumières de la chambre dont il est membre, d'apprécier les mo tifs qui le déterminent à s'abstenir;- Considerant, en fait, que l'arrêt attaqué constate les motifs d'abstention qui ont éte proposés par plusieurs des membres de la chambre saisie, de l'appel inter cté par Thévenol, et l'admission de ces motifs par cette chambre; - Rejette.

Du 2 juin 1852.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Tripier, rap.

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