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Attendu que, s'il est aussi de jurisprudence (selon arrêts d'Alger du 29 juillet 1874, du 2 mars 1875, du 2 avril 1878, du 1er mai 1879, selon arrêts de cassation du 25 mars 1873, du 10 janvier 1877, du 9 juillet 1878, du 4 avril 1882) qu'après comme avant la loi du 26 juillet 1873, les habous, le régime légal et successoral propre aux habous et à leur dévolution (si différents de celui des melks) doivent être respectés dans l'ordre successoral et héréditaire (que ce soit la juridiction française pure ou la juridiction musulmane qui ait à statuer suivant la situation des immeubles), il est aussi de législation et de jurisprudence que, depuis l'ordonnance de 1844, le décret de 1858 précités (et sauf alors à perdre leur nature de habous pour devenir absolument des melks), les immeubles habousés peuvent être valablement aliénés, donnés à bail, grevés d'hypothèques (au risque d'entraîner plus tard saisie immobilière) par leurs dévolutaires ou bénéficiaires, ainsi que le décident les arrêts d'Alger du 4 novembre 1863, du 2 avril 1878, du 19 février 1878, du 1er mai et du 25 novembre 1879, de cassation du 4 avril 1882;

Attendu qu'il est aussi de jurisprudence que, dans les habous constitués suivant le rite hanéfite, le habousant peut légalement stipuler qu'il conservera sa vie durant la jouissance des biens habousés; qu'ainsi le décident les arrêts d'Alger du 19 novembre 1862, du 13 mai 1861, du 20 mars 1867;

Attendu qu'il est aussi décidé, par arrêt d'Alger du 6 juillet 1880, qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter au habous, à l'acte de habous, au régime légal de dévolution spécial aux habous, mais de suivre au contraire les règles de dévolution héréditaire des melks (autrement dit des successsions musulmanes normales et ordinaires), lorsqu'il apparaît que, depuis ou avant le décès du habousant, le habous et ses règles propres, au lieu d'être suivis et respectés, ont été mis de côté, non exécutés, méconnus, que notamment ceux qui auraient un droit exclusif ou de participation au habous ont négligé d'arguer de ce droit ;

En fait et faisant application des principes et solutions de jurisprudence qui précèdent tant aux faits de la cause qu'aux quatre intimés (clients de Me Massador), qu'aux appelants (clients, les uns de M° Gaudry, les autres de Me Fontaneau), qu'enfin aux huit clients de Me Bozzo, intervenants pour la première fois en cause d'appel, admis à ce titre, et en conformité d'une jurisprudence de cette chambre attestée par jugements des 26 novembre 1881, 19 mai 1883, par un jugement incident du 26 mai 1883;

Attendu qu'en septembre 1835 (dans une période se plaçant du 13 au 24 septembre), le nommé Chaban ben El Abiol (que les intimés prétendent être leur quadrisaïeul, que les clients de M Gaudry envisagent aussi comme tel en ce qui les concerne, que les clients de Me Fontaneau appellent leur trisaïeul), constitua habous, suivant le rite hanéfite, par un acte qui peut n'avoir pas été dressé par un cadi, mais sur lequel il ne s'élève aucun débat, déposé en première copie aux minutes de Me Ceccaldi, notaire, les 7/8 (ou 14/16) indivis d'un immeuble sis à l'intérieur même de la ville de Constantine, quartier, à cette époque, d'El-Botha ou El-Batha, près de la mosquée de Sidi-Chokfa (ou grande mosquée), immeuble en nature de maison portant actuellement le n° 9 de la rue Namouri ou des Zouaves (immobilisant le dernier huitième de cet immeuble en une autre fondation de habous étrangère au procès actuel); que dans cet acte, après s'être réservé, sa vie durant, la jouissance de ces 7/8, il réglait ainsi la chaîne

des dévolutions et dévolutaires éventuels du habous: en première ligne et au premier degré de vocation éventuelle au bénéfice du habous, ses descendants de n'importe quel sexe à la première génération seulement, nés lors du habous ou pouvant naître par la suite; en seconde ligne et au deuxième degré de vocation éventuelle au bénéfice du habous, la lignée måle à n'importe quelle génération à provenir de ses descendants mâles de la première génération (ou fils), à l'exclusion de la lignée mâle ou femelle à provenir de ses filles (ou descendants femelles de la première génération); en troisième ligne et dans le cas où sa descendance (mâle ou femelle) à la première génération se serait éteinte sans postérité, comme aussi dans le cas où il n'existerait plus de représentants mâles de la lignée mâle, issue de sa descendance mâle du premier degré et de celle-ci seule, la zaouïa représentée au procès actuel par les huit intervenants, clients de Me Bozzo, et surtout par le principal d'entre eux Si Hamouda ben Cheick, zaouïa fondée en 1662, dans une rue de Constantine, s'appelant de nos jours rue Fontanille, et existant encore aujourd'hui ;

Attendu que cet acte de habous était, d'après la jurisprudence précitée, et quoiqu'aucun simulacre de procès sur la validité n'apparaisse avoir eu lieu, quoiqu'il n'institue à aucun degré les villes saintes de la Mecque et de Médine comme dévolutaires éventuels, parfaitement régulier et légal;

Attendu que, si aucun événement postérieur n'était venu l'invalider, comme il va être dit, le tribunal n'aurait qu'à appliquer ses dispositions; mais attendu qu'il a cessé d'exister, de régir les biens habousés, et que, en l'état de la cause, il n'y a plus ni immeuble habousé, ni habous, ni dévolution régie par les règles spéciales des habous, mais un prix d'argent de nature melk, à distribuer et répartir entre les litigants suivant les règles de dévolution des melks et non point des habous; qu'au point de vue de la compétence notamment cette transformation de l'immeuble habousé en un prix d'argent restitue à la juridiction musulmane de tous degrés, pour examiner et juger le litige, une compétence qu'elle eût dù décliner d'office si le habous était demeuré en nature d'immeuble, et d'immeuble sis à l'intérieur même de la ville de Constantine; étant donné encore que cet immeuble habousé avait pour ainsi dire été francisé, au point de vue de son statut réel, par les actes de notaire français du 13 septembre 1874, par les décisions de justice française ordinaire des 11 janvier et 14 mars 1882, dont il sera ci-après parlé;

Attendu en effet, à un premier point de vue, qu'avant sa conversion de habous en melk et, qui plus est, d'immeuble en prix d'argent par voie d'aliénation, ce habous et l'acte de habous avaient été mis de côté, méconnus, négligés, par le fait même de la jouissance exclusive qu'en avail eue pour 3/8 et demi (ou 7/16), pendant un assez long temps le nommé Si Omar ben Si Ali ben El Abiod, interdit judiciaire, presque aliéné mentalement, dont El Guidoun, l'unique fils du habousant était le bisaïeul, interdit judiciaire qui a compté parmi ses tuteurs, selon actes de cadi des 17-27 août 1851 et 1er décembre 1877, les nommés Si Chérif ben Si Mustapha ben El Abiod (oncle de deux des intimés) et Si Omar ben El Hadj Ammar, l'un des quatre intimés actuels; que cette jouissance exclusive est surabondamment attestée au procès tant par les deux susdits actes (qui ont passé sous les yeux de MM. les assesseurs commis pour faire rapport sur l'affaire, et aussi sous les yeux du tribunal) que par un acte de notoriété du

18 juin 1865, de la mahakma de Constantine (qui a été l'objet de pareil examen); que dans ces actes figurent comme témoins ou protecteurs légaux (à titre de tuteurs) de cette jouissance exclusive plusieurs des intimés, qui, pour être logiques avec leur attitude en la cause de seuls ayants droit au habous, auraient dû s'élever de toutes leurs forces contre le caractère exclusif de cette jouissance;

Attendu qu'avant cette jouissance exclusive de 7/16 par ce Si Omar ben Ali ben El Abiod, actuellement décédé sans postérité, les intimés ou leurs ancêtres avaient souffert sans mot dire la jouissance exclusive (alternée par une espèce de roulement annuel entre eux trois), non pas de 7/16 seulement, mais des 14/16 ou des 7/8 habousés, par le susdit Si Omar, les nommées Hïasia et Zorha;

Attendu, en effet, à un second point de vue (qui a une importance bien plus considérable pour établir qu'il ne reste du habous, de l'immeuble habousé, que des biens melks, qu'un prix d'argent dont la dévolution héréditaire est à régler par la juridiction musulmane, selon les règles exclusivement de dévolution des melks), qu'il est constant que l'immeuble habousé a été dépouillé par voie d'aliénation de tout caractère de habous et investi du caractère de melk, soumis au régime légal des melks postérieurement à l'acte de habous et au décès du habousant; que la susdite Zohra, arrière-petite-fille du habousant par son père Abdi et son aïeul El Guidoun, a aliéné 3/8 et de demi (ou 8/16) du habous;

Attendu que la preuve de ces aliénations de l'immeuble habousé résulte au procès tant d'un acte du 13 mai 1874, aux minutes de Me Chambige (alors notaire à Constantine), acte qui constate une aliénation partielle, volontaire, par voie gracieuse et volontaire, que de deux jugements d'adjudication rendus en l'audience des criées de la chambre civile du tribunal civil de Constantine aux dates des 11 janvier 1882 et 14 mars 1882, jugements ordonnant tous deux la licitation de l'immeuble habousé entre les ayants droit, sa conversion en prix d'argent devant M. Alessandri, juge du siège et la liquidation de ce prix devant Me Massonnié, notaire, avec cette différence entre ces deux jugements que le premier (celui du 11 janvier 1882) ordonnait cette licitation sans mentionner comme ayant qualité de colicitants ni les clients de M° Fontaneau les Ben Djelloul, ni Si Omar ben El Abiod (ou son hoirie), ni Si Hassen ben Mohamed ben Cheick Lefgoun, client de Me Fontaneau; tandis que dans le second (celui du 14 mars 1882), on voit figurer et admis pour la première fois comme colicitants tant lesdits Ben Djelloul (clients de Me Fontaneau à cette heure, alors représentés par Me Massador) d'une part, que l'hoirie vacante de l'interdit décédé sans postérité Si Omar ben El Abiod (hoirie représentée le 14 mars 1882, par le représentant à Constantine du Bit-el-Mal), d'autre part, et qu'aussi le sieur Hassen ben Mohamed ben Cheick Lefgoun (déjà nommé), d'une troisième part, ce dernier admis comme colicitant en qualité d'acquéreur, aux termes dudit acte du 13 mai 1874, reçu Mc Chambige, de 4/8 et demi ou 9/16 de l'immeuble habousé (objet de ces jugements de licitation des 11 janvier et 14 mars 1886);

Attendu que de tout ce qui précède il résulte qu'il n'y a plus de habous ni d'immeuble habousé, qu'il n'y a plus qu'un prix d'argent, qu'un bien melk, qu'une dévolution de ce prix d'argent et de ce bien melk à opérer suivant les règles des melks entre les colitigants, dans la mesure où ils

établiront représenter à cette heure la descendance du défunt et sans s'inquiéter s'ils sont la lignée descendant par une génération mâle ou par une génération femelle du habousant;

Attendu dès lors que les huit intervenants, clients de Me Bozzo, groupés sous l'appellation commune d'Oulad Sidi Cheick M'hamed El Lefgoun, ayant à leur tête Si Hamouda ben Cheick, muphti et gérant de la zaouïa ciaprès, qui n'ont pris qualité qu'en instance d'appel, et qui représentent la zaouïa familiale de la rue Fontanille, instituée au troisième plan dans la chaîne des dévolutaires éventuels du habous de 1835, se trouvent d'abord sans aucun droit au prix d'argent représentatif de l'immeuble ci-devant habousé, puisque le habous, seul titre de leur vocation éventuelle, est anéanti, n'existe plus légalement, est devenu un prix d'argent et un melk; Attendu, en ce qui touche les quatre intimés, clients de Me Massador, qu'il n'a nullement été établi par les témoins qu'ils ont fait entendre soit lors du jugement de cadi du 6 mars 2882, soit devant MM. les assesseurs musulmans de cette chambre, ni par le rapport de ces magistrats dressé le 6 juillet 1883 pour rendre compte de la mission qui leur avait été confiée par le jugement d'avant dire droit de cette chambre du 26 mai 1883, qu'ils se rattachent par un lien de parenté et généalogie non interrompu au habousant et qu'ils appartiennent d'une manière quelconque à sa descendance autrement que par une similitude fortuite de nom ; que diverses circonstances considérables de la cause viennent encore formellement combattre leurs prétentions à cet égard;

Attendu qu'en effet les témoins produits par les intimés devant MM. les assesseurs, comme la majorité de leurs témoins entendus auparavant, le 6 mars 1882, ne déposent que par ouï dire, et encore tiennent les faits (dont ils déposent ainsi par ouï-dire seulement) des intimés eux-mêmes, c'est-à-dire des intéressés; qu'à tout prendre au reste, ces ouï dire (desquels il résulte que les intimés sont cousins germains entre eux) ne relient que très vaguement les intimés au habousant, n'établissent pas un lien généalogique bien enchaîné; que le huitième témoin (qui est le moins nébuleux), enchaîne assez bien généalogiquement les intimés Si Omar, Si Ahmed et Si Mustapha à leur arrière-grand-père Si Feraht, l'intimé Si Hamana à son arrière-grand-père Mohamed, mais que la trace se rompt au delà quand il s'agit (ce qui est capital) de relier généalogiquement ces deux arrièregrand-pères des quatre intimés au habousant lui-même, que les intimés prétendent être leur quadrisaïeul, ou à son fils El Guidoun, qu'ils prétendent être leur trisaïeul;

Attendu qu'ainsi les dix-sept témoins produits par les intimés n'ont point suffisamment établi que les intimés fussent les descendants à la cinquième génération de l'auteur commun et habousant Chaban ben El Abiod (qui serait ainsi leur quadrisaïeul), les descendants à la quatrième génération de son fils unique Guidoun, tous points essentiels à démontrer; qu'ils ont établi tout au plus qu'ils étaient liés, les trois premiers, par le lien d'arrière-petit-fils, au nommé Feraht, le quatrième et dernier, par le même lien, au nommé Mohamed; que, lors du jugement de cadi du 6 mars 1882, leur preuve n'a pas été au-delà non plus; que leurs bisaïeuls Feraht et Mohamed ne sont nullement démontrés être parents d'une façon quelconque de ce soi-disant quadrisaïeul des intimés, le habousant Chaban; - Qu'il y a d'autre part lieu de ne pas s'arrêter au système de généalogie

par lequel ils veulent se rattacher tous au habousant comme à un quadrisaïeul commun qui aurait été l'aïeul de Feraht (bisaïeul, celui-ci, de trois d'entre eux) et de Mohamed (bisaïeul, celui-là, du quatrième intimé Si Hamana), quand on voit que ce système heurte carrément un acte de l'état civil de Constantine du 9 mars 1852 (dressé trente ans avant le procès actuel), dans lequel le fils du habousant, El Guidoun, est présenté comme ayant eu un fils du nom de Si Omar, alors que les intimés dans leur tableau généalogique refusent absolument ce fils Si Omar à El Guidoun;

Attendu aussi que, contrairement à leurs intérêts les plus manifestes, on ne voit pas les intimés ou leurs ancêtres s'opposer aucunement, eux les soi-disant uniques ayants droit au habous, à un compromis du 6-16 septembre 1851, versé aux débats, et arrêté devant un midjlès, par lequel il est créé une sorte de roulement alternatif, dans la jouissance exclusive de l'immeuble babousé, [entre trois personnes toutes autres que les intimés ou leurs ancêtres;

Attendu que ce lien de généalogie et de parenté articulé par les intimés exister entre le habousant Chaban et eux-mêmes, au nom duquel, si le habous avait tenu debout (comme ils le prétendaient), il eussent primé et exclu comme soi-disant seule postérité mâle du habousant par son unique fils El Guidoun tant les appelants (clients de Mes Fontaneau et Gaudry), que les intervenants (clients de Me Bozzo), est encore démenti par leur attitude effacée et très significative sous ce rapport à diverses époques; qu'ainsi, lors des jugements des 11 et 24 mars 1882, du dernier surtout, qui élargissait considérablement et pour la première fois le cadre des colicitants, qui tenait pour vacante (faute d'héritiers connus) l'hoirie de feu Si Omar ben Ali ben El Abiod et admettait le Bit-el-Mal à le représenter à ce titre, qui faisait pour la première fois entrer dans ce cadre d'une part les Ben Djelloul (appelants actuellement par Me Fontaneau), d'autre part le sieur Hassen ben Mohamed ben Cheick Lefgoun (autre appelant actuellement aussi par Me Fontaneau), d'une troisième part l'hoirie réputée vacante de Si Omar ben El Abiod, les intimés n'ont pas donné signe de vie pour écarter tous ces colicitants ou tout au moins se faire admettre à côté de ces colicitants et dans leur cadre; que c'était le cas ou jamais;

Attendu qu'il est acquis aussi tant par l'acte de notoriété reçu par le cadi de Constantine, le 18 juin 1865, acte où figurent comme témoins précisément plusieurs des intimés, que par un acte du cadi du 7-16 septembre 1851, produit à MM. les assesseurs, relaté par eux dans leur rapport du 6 juillet 1883, que par un acte encore du 19-27 août 1851 (acte du cadi également), produit aussi à MM. les assesseurs et relaté de même dans leur rapport du 6 juillet 1883, que les intimés ont couvert par un silence absolu la jouissance exclusive de l'immeuble qu'en a eue pour 3/8 et demi, ou 7/16, à leur vu et su, ce Si Omar ben El Abiod, depuis décédé, interdit judiciaire, frappé d'aliénation mentale, pourvu de tuteurs successifs, aux termes de l'acte précité du 19-27 août 1851, comme de l'acte du cadi de Constantine du 1er décembre 1877, ce Si Omar ben El Abiod, qui, n'étant qu'un descendant à la quatrième génération du habousant, son trisaïeul par son aïeul Abdi (petit-fils du habousant et fils d'El Guidoun), comme ils se disaient eux-mêmes descendants du habousant à la cinquième génération par leurs arrière-grand'mères Mohamed et Feraht (petit-fils du habousant, fils d'El Guidoun), eût dû voir les quatre intimés s'élever résolument

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