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L'article 1, § 2 du sénatus-consulte du 22 avril 1863, confirmant les distractions de territoires intervenues antérieurement entre l'État et les indigènes de l'Algérie, est applicable aux biens que l'État avait distraits des territoires d'une tribu et qu'il s'était appropriés comme biens vacants et sans maître.

Le décret du 23 mai 1863 qui, réglant le mode de répartition du territoire des tribus entre les douars, exige à peine de déchéance que les propriétaires de biens melks, et l'État pour les beylicks, forment leurs revendications ou contre-revendications dans un délai déterminé, est applicable au cas où des biens sont distraits des territoires d'une tribu, au profit de l'État, comme

vacants et sans maître.

MOUSSA BEN EL HADJ et consorts c. MOHAMED BEN BABAH et consorts.

Sur le moyen pris de la violation des articles 402 et 403 du Code de procédure civile et des arrêtés du gouverneur général de l'Algérie des 20 mai 1868 et 24 novembre 1877: Attendu, en droit, que, du moment où l'instance est contradictoirement engagée, le demandeur n'est plus maître de l'anéantir par sa volonté seule, et que, dans cet état de la procédure, le désistement n'est valable qu'autant que la partie à laquelle il est proposé l'accepte, ou qu'il est reconnu, si elle ne l'accepte pas, par le tribunal saisi de la contestation que son refus ne repose sur aucun motiflégitime;

Attendu, en fait, que, si les demandeurs originaires, Abdallah et joints, ont eu le tort, soit dans leurs exploits d'ajournement des 12 juin et 6 août 1872, soit dans leurs conclusions du 3 mars 1873, de revendiquer le Bled-Bou-Djemâa contre l'État et contre les Amrams, non seulement, comme ils le pouvaient sans doute, en leur propre et privé nom, mais encore sans droit et sans qualité, au nom des autres fractions des OuledZiad ou de leur djemâas, ce vice de procédure, qui ne rendait l'action non recevable que du chef des parties au nom desquelles on avait agi sans mandat, a été réparé par l'intervention des Ouled-Ziad, dont les consorts. Abdallah s'étaient constitués les représentants, et qui, en approuvant la demande de leurs cointéressés, s'y sont adjoints personnellement; que c'est après cela qu'il a été conclu au fond par toutes les parties, sans que l'Etat ni les Amrams aient opposé à la demande aucune fin de non recevoir tirée de son irrégularité; que, dès lors, l'action ainsi rectifiée à son point de départ, et engagée au fond, n'était, dans sa forme, ni attaquée ni attaquable; que c'est donc vainement que les demandeurs originaires, se désistant ensuite, ont prétexté qu'ils avaient lieu de craindre que leur procédure ne fût entachée d'un vice irremédiable; qu'ainsi est-il constant, suivant les constatations de l'arrêt dénoncé, qu'Abdallah et joints ne voulaient, en désertant l'instance, qu'échapper à la perte imminente de leur procès; d'où il suit que c'est avec raison qu'il a été reconnu et jugé que les Amrams avaient eu le droit de refuser le désistement qui leur était offert;

Sur le moyen tiré de la violation des articles 1er et 5 du sénatus-consulte du 22 avril 1863, de la violation de l'article 5 du décret d'administration publique du 23 mai suivant, et de la fausse application des articles 11, 12 et 13 du même décret :

Attendu, au fond, que l'arrêt n'est pas moins juridique dans sa thèse principale que dans sa thèse subsidiaire;

Attendu en effet, d'une part, que le domaine de l'État comprend, en Algérie comme en France, des biens vacants et sans maître; que c'est à ce titre qu'en 1858, à la suite d'une vérification opérée en présence des indigènes de la localité, sans réclamation de leur part, et dont le résultat a été officiellement consigné dans un procès-verbal de reconnaissance, l'État a pris publiquement possession du Bled-Bou-Djemâa et l'a distrait du territoire de la tribu pour le placer dans son domaine;

Que le sénatus-consulte du 22 avril 1863, après avoir reconnu les tribus de l'Algérie propriétaires des territoires dont elles ont la possession permanente et traditionnelle, réserve expressément, avec le domaine public, le domaine de l'État, et déclare par une disposition générale et absolue que les distractions de territoires intervenues entre l'État et les indigènes, relativement à la propriété du sol, sont et demeurent confirmées; qu'ainsi donc le sénatus-consulte a rendu définitive et irrévocable la distraction de territoire en vertu de laquelle le Bled-Bou-Djemâa était entré, en 1858, comme bien vacant et sans maître dans le domaine de l'Etat;

Attendu, d'autre part, que le décret du 23 mai 1863, en réglant le mode de répartition du territoire des tribus entre les douars, exige, à peine de déchéance, que, dans les deux mois de la publication ordonnée par l'article 1er, les propriétaires de biens melk, et l'État pour les beylicks, forment leur revendication devant le président de la commission, prescrit, sous la même peine, aux représentants des tribus et des douars intéressés de frapper d'opposition, dans le mois à partir du jour où ils ont reçu communication, les revendications qui ne leur paraissent pas fondées, et décide que, s'il n'y a pas d'opposition dans le délai de droit, le bien sera acquis au revendiquant;

Qu'il résulte, en fait, des déclarations de l'arrêt que, lorsqu'il a été procédé, par application du sénatus-consulte, à la répartition des territoires de la tribu dont dépendait originairement la terre du Bled-Bou-Djemâa, l'État l'a régulièrement revendiquée; que les demandeurs actuels n'en ont réclamé que quelques parcelles, qui leur ont été accordées, et qu'ils n'ont pas opposé de contre-revendication pour le corps du domaine à la revendication de l'État; que, par conséquent, alors même que l'action en revendication n'aurait pas cessé d'appartenir aux Ouled-Ziad, après le sénatusconsulte, ils en auraient été déchus pour ne l'avoir pas formée en temps utile, et qu'ainsi, encore dans ce cas, l'État aurait acquis le Bled-bouDjemâa par l'effet de sa revendication exercée et non suivie d'opposition dans les délais réglementaires;

D'où il suit qu'en déboutant les demandeurs de leur revendication et en déclarant les Ouleds-Amrams, comme subrogés aux droits de l'État, leur cédant, propriétaires du Bled-Bou-Djemâa, la Cour d'appel d'Alger, loin de violer les principes, s'y est au contraire exactement conformée; Par ces motifs :- Rejette le pourvoi.

MM. GUILLEMARD, cons. rapp.; Robinet de Cléry, av. gén.

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En principe, les conditions attachées à la distraction ou à la réunion des communes doivent être réglées par l'autorité qui prononce cette distraction ou cette réunion;

Par suite, lorsqu'un décret a érigé une section de commune en commune, il n'appartient pas au préfet, même en Algérie, d'arrêter la répartition de l'actif et du passif entre l'ancienne et la nouvelle commune.

Le conseil d'Etat ne peut user de la faculté d'évocation lorsqu'il annule pour excès de pouvoirs une décision qui constituerait un acte d'administration non susceptible de recours contentieux si elle avait été rendue par l'autorité compétente.

COMMUNE De Chebli.

Considérant que, en vertu des ordonnances et décrets ci-dessus visés (ord. 28 sept. 1847; décr. 19 déc. 1868, 23 sept. 1875, 24 oct. 1870, 2 nov. 1864), c'est par décret, que, en Algérie, une section de commune peut être érigée en commune;

Considérant qu'il est de principe que, à moins de disposition contraire. de la loi, les conditions attachées à la distraction ou à la réunion des communes doivent être réglées par l'autorité qui prononce cette distraction ou cette réunion, sauf réserve de toutes les questions de propriété ;

Considérant que la législation spéciale à l'Algérie ne contient aucune dérogation à cette règle; qu'ainsi, à la suite du décret du 10 août 1875, qui a érigé en commune la section de Birtouta distraite de la commune de Chebli, il n'appartenait pas au préfet d'Alger d'arrêter entre l'ancienne et la nouvelle commune la répartition de l'actif et du passif; que dès lors, le préfet, en procédant à cette répartition par son arrêté du 17 octobre 1876 et en inscrivant d'office au budget de la commune de Chebli, par son arrêté du 5 avril 1877, la somme dont, par son précédent arrêté, il avait declaré la commune de Chebli débitrice envers celle de Birtouta, et le ministre de l'intérieur en confirmant les deux arrêtés du préfet par sa décision du 19 septembre 1877, ont excédé la limite de leurs pouvoirs; Sur les conclusions de la commune de Chebli tendant à ce que le conseil d'État, évoquant et statuant au fond, règle, conformément aux bases spécifiées dans les mémoires de la commune requérante, la répartition de

l'actif et du passif des deux communes à l'époque de la séparation: Considérant que cette répartition est un acte d'admistration non susceptible d'être déféré au conseil d'État par la voie contentieuse, et auquel il ne peut être procédé que par décret, aux termes des dispositions qui précèdent;

En ce qui touche les conclusions de la commune de Chebli a fin de dépens: Considérant que les pourvois ci-dessus visés ne rentrent dans aucun des cas où il peut être prononcé de condamnation à fin de dépens, etc.; (Décisions du ministre et arrêtés du préfet annulés. - Surplus des conclusions de la commune de Chebli rejeté.)

MM. BRAUN, rapp.; LE VAVASSEUR DE PRÉCOURT, com. du gouv.
Mc MAZEAU, av.

COUR D'APPEL D'ALGER (Ch. des app. musulm.).

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Le habous étant une dérogation aux droits ordinaires des successions, il doit s'entendre dans le sens le plus restrictif; ainsi, le habous de troupeaux de cha meaux et de juments ne saurait être étendu aux produits de ces troupeaux. D'après la plupart des jurisconsultes musulmans, il n'est pas permis d'habouser des animaux, à moins qu'ils ne soient attachés à une exploitation et immobilisés avec la terre habousée dont ils sont ainsi une sorte de dépendance.

MOHAMED BEN EL KHIDER C. FATHMA BENT BOU ADDA.

Attendu que l'appel est régulier et cela d'autant plus que, le cadi ne s'étant pas conformé à l'avis du midjelès, il n'était pas même besoin que Fathma interjetât appel de son côté à l'égard dudit avis, qui n'est que consultatif, aux termes du décret de 1870 sur les appels de la région hors Tell, et qui ne suffit pas dès lors pour infirmer le jugement du cadi;

Au fond: Attendu que Fathma réclame tant pour elle que pour sa fille Mira ou Mérienne, copropriétaire avec elle, une jument baie suite de sa pouliche, ledit animal provenant, ce qui n'est pas contesté, de la succession de feu Si Deradji ben El Khider, père de Mira et mari de Fathma; Attendu qu'il est constaté par le cadi que Fathma a été mise légalement en possession de ladite jument, que son adversaire l'a reprise ensuite par dol ou violence, et que l'on voit même dans l'inventaire

dressé le 30 novembre 1865, à la mort du défunt, figurer ladite jument; Attendu que vainement Mohamed ben Khider oppose que ladite jument provient du père de Derradji qui l'aurait habousée en l'an 1243 de l'hégire (1827), c'est-à-dire il y a environ 50 ans; que, si celle qui fait l'objet du procès est âgée, elle est suite de sa pouliche, ce qui indique une bête pouvant encore donner des produits et d'un âge moyen; — Que la prétention de Mohamed ben Khider à cet égard est donc insoutenable; - Qu'il ne saurait prétendre davantage que la jument actuelle est un produit de celle primitivement habousée sans produire des preuves certaines de son dire; Qu'il est même à remarquer que l'acte de habous du mois de moharem 1243 qu'il présente à la Cour à l'appui de sa prétention parle bien de troupeaux de chameaux et de juments habousés, mais qu'il ne dit pas que les produits en seront aussi habousés'; — Que, le habous étant une dérogation au droit ordinaire, il doit s'entendre dans le sens le plus restrictif et que même la plupart des jurisconsultes musulmans n'admettent pas qu'on puisse habouser des animaux, à moins qu'ils ne soient attachés à une exploitation et immobilisés avec la terre même habousée, aussi dont ils sont ainsi une sorte de dépendance;

Adoptant en conséquence les motifs du cadi et sans avoir égard à l'avis du midjelès;

Considérant en outre que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens;

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Par ces motifs : En la forme reçoit le double appel de Mohamed ben El Khider et de Fathma bent Bou Adda ; Au fond: Confirme le jugement du cadi en ce qui touche la jument et sa pouliche; Condamne Mohamed ben El Khider en tous les dépens.

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MM. LOURDAU, cons. rapp.; CAMMARTIN, av. gén. -Me MALLARMÉ, av.

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Il n'appartient pas au gouverneur général de l'Algérie d'intervenir devant le conseil d'État pour défendre à un recours formé pour excès de pouvoir contre l'arrêté par lequel il a donné l'autorisation d'exécuter des recherches de mines et de disposer des produits à provenir des travaux de recherche.

Les propriétaires du sol qui ont effectué eux-mêmes des recherches de mines et demandé la concession du gisement souterrain sont recevables à attaquer pour excès de pouvoirs l'arrêté du gouverneur général accordant à

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