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CHAPITRE II.

Situation des Armées Françaises en Avril, Mai, et Juin.-Préparatifs de Défense.

L'EMPEREUR NAPOLEON était arrivé à Paris le 20 Mars. La ville de Marseilles n'arbora le drapeau tricolore que le 12 Avril; et le Duc d'Angoulème ne s'embarqua que le 16 du même mois: ce ne fut donc réellement que vers les premiers jours de Mai, que la France fut pacifiée et tout-àfait soumise au gouvernement impérial. La France comptait cent cinq régimens d'infanterie, dont trois étaient aux colonies: quelques-uns avaient trois bataillons organisés, mais en général, ils n'en avaient que deux. L'un portant l'autre, l'éffectif de chaque régiment montait à neuf cents hommes; sur ce nombre, environ six cents étaient présens sous les armes, et pouvaient entrer en campagne. Toute l'infanterie présentait donc quatrevingt mille hommes disponibles. Les troupes du génie, formées en trois beaux régimens, étaient de cinq à six mille hommes. L'artillerie avait huit régimens à pied et quatre à cheval: les premiers

étaient d'environ quinze cents hommes; les derniers avaient au plus cent canonniers montés. Les bataillons du train avaient été amalgamés; ils ne comptaient presque que des cadres, et n'avaient qu'un très-petit nombre de chevaux de trait. Le personnel de l'artillerie et du génie était cependant encore suffisant pour les plus grandes armées, et quant au matériel, quelques grandes qu'ayent été les pertes que l'on avait éprouvées par la cession des équipages d'artillerie renfermés dans les places d'Anvers, Vésel, Mayence, et Alexandrie, il était encore en suffissance, et pouvait fournir à toutes les pertes que l'on pourrait essuyer pendant plusieurs campagnes. I se trouvait environ cent cinquante mille fusils neufs dans les magasins, indépendamment de ceux entre les mains des soldats, et de ceux fournis à la garde nationale; et il existait trois cent mille armes, tant en pièces de rechange qu'en fusils à réparer.

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La cavalerie était dans le plus mauvais état: réduite à cinquante-sept régimens, (deux de carabiniers, douze de cuirassiers, trente de dragons et chasseurs, six de lanciers, et sept d'hussards), elle ne pouvait pas mettre quatorze mille hommes à cheval. Le nombre des cavaliers était beaucoup plus considérable, mais on manquait de

selles, d'équipemens, et de chevaux pour les monter. Les deux régimens de carabiniers n'avaient chacun que quatre-vingt chevaux prêts à entrer en campagne. Tous les régimens et leurs dépots formaient au plus un total de seize à dix-sept mille chevaux.

Dans tout 1814, on n'avait rien donné aux corps pour l'habillement, si ce n'est à quelques régimens privilégiés. L'armée était entièrement nue. Les manufactures de draps pour la troupe étaient même désorganisées. Il n'y avait pas une aune de drap en magasin.

Ainsi, l'état militaire de la France avait été tellement réduit, que cette puissance pouvait à peine, dans le courant d'Avril, assembler une armée de cent mille hommes, force à peu-près suffisante pour pouvoir fournir des garnisons à nos places fortes. Il ne restait rien de disponible pour former une armée mobile.

L'Empereur rendit à tous les régimens les anciens numeros, qu'ils avaient illustrés dans tant de batailles. Dans chaque régiment les troisième, quatrième, et cinquième bataillons furent récréés; ce qui donna de l'emploi à tous les officiers à demi-solde. On appela sous les drapeaux tous les hommes en congé, tous les anciens

militaires, et la conscription de 1815. On leva deux cents bataillons de chasseurs et de grenadiers de garde nationale; ce qui présenta une force de cent-vingt mille hommes. Tous ces bataillons, dès le lendemain de leur formation, sans être ni habillés ni armés, partaient pour les diverses places où ils devaient être en garnison; et là, ils recevaient des armes, et l'on y terminait leur organisation. Des mesures étaient prises pour leur habillement; mais cette opération ne pouvait être entièrement achevée que dans le courant de Juillet et d'Août. Toutes les places fortes et les côtes furent réarmées avec la plus grande promptitude. Six mille canonniers gardescôtes furent organisés. La création de vingt régimens d'infanterie de marine, chacun de deux bataillons, et composés de tous les matelots qui avaient servi sur les escadres, fut ordonnée. Ils furent formés par le département de la marine; leurs officiers étaient des enseignes, des lieutenans, et des capitaines de vaisseau. Ces régimens se réunissaient à Cherbourg, Brest, Rochefort et Toulon; ils étaient destinés à garder nos côtes, nos ports, nos établissemens; et l'on comptait sur la moitié ou les deux-tiers de ces régimens pour en renforcer l'armée active dans le courant

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d'Août. On forma une vingtaine de bataillons d'officiers et de soldats en retraite, qu'on réunit dans les places fortes pour diriger les gardes nationales, surveiller le service, et encourager les habitans. On en plaça à Marseilles, à Bordeaux, et dans plusieurs autres grandes villes, où l'on les jugeait utiles pour électriser l'esprit public. Tous les dépots des régimens furent dirigés vers l'intérieur, sur Paris et Lyon.

La réorganisation de la cavalerie présentait beaucoup d'obstacles. On contracta des marchés de chevaux; on en leva par département, et l'on adopta l'excellente mesure de prendre douze mille chevaux de gendarmerie, en en payant le prix, comptant aux gendarmes, qui en quinze jours se remontèrent eux-mêmes. Par là, l'armée se trouva recevoir un grand nombre de chevaux tout dressés.

L'infanterie de la garde impériale fut doublée, et sa cavalerie triplée. Son artillerie, qui avait été licentiée, fut réorganisée et composée de cent-vingt bouches-àfeu attelées. Les équipages de pont, ceux du génie, et ceux de l'administration, furent formés. On ne peut reprocher ni à l'Empereur, ni au ministère, ni à la nation, aucun retard; tout se fit comme par enchantement; et au commencement de Juin,

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