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corps. Le sixième corps, (Comte de Lobau,) se forma en colonnes serrées sur la droite de la chaussée de Charleroi: il se trouvait ainsi en réserve derrière la gauche du premier corps, et en potence derrière le centre de la première ligne. La garde impériale, en troisième ligne, formait une réserve générale, ayant l'infanterie au centre, la division de cavalerie du Général Lefebvre Desnouettes à la droite, la division des grenadiers à cheval et dragons à la gauche.

Ces dispositions indiquaient le projet de l'Empereur, qui était de percer le centre de l'armée anglaise, de le pousser sur la chaussée, et arrivant sur le débouché de la forêt, de couper la retraite à la droite et à la gauche de la ligne. Le succès complet de cette attaque devait rendre toute retraite impossible, entraîner la destruction de l'armée anglaise, et dans tous les cas la séparer de l'armée prussienne.

Vers onze heures le Général Reille engagea la canonnade pour chasser l'ennemi du bois de Hougoumont. L'engagement devint bientôt très vif sur ce point. Le Prince Jérôme, avec sa division, s'empara de ce bois: il en fut chassé; une nouvelle attaque l'en rendit maître, mais l'ennemi s'était maintenu dans le château qui était

au millieu. Ce château avait été crénelé; ce qui rendait ce poste de campagne assez fort, et le mettait à l'abri d'un coup-demain. L'Empereur envoya l'ordre au Général Reille de former une batterie d'obusiers, et de mettre le feu au château. On voyait avec plaisir que les meilleures troupes anglaises étaient sur ce point; entr'autres la division des gardes (Général Cooke). Dans ce moment on apperçut fort au loin, du côté de St. Lambert, un corps de cinq à six mille hommes de toutes armes. On crut d'abord que c'était le Maréchal Grouchy, mais un quart d'heure après, des hussards amenèrent un ordonnance prussien, porteur d'une dépêche, qui apprit que les troupes que l'on appercevait, étaient l'avant-garde du corps de Bulow. Le Major Général (Soult) expédia au Maréchal Grouchy un officier pour l'instruire de cet évènement; il lui envoya même la dépêche interceptée. L'officier d'état-major, qui sentait l'importance de sa mission, pouvait joindre le Maréchal en moins de deux heures de tems. On se promettait un grand succès de l'arrivée du maréchal sur les derrières du corps de Bulow. Cependant, comme ce corps ne paraissait plus éloigné que de deux petites lieues du champ de bataille, il devint nécessaire de lui opposer des

forces. Le Maréchal Grouchy pouvait tarder plus ou moins à passer la Dyle, ou pouvait même en être empêché par des évènemens inattendus. Le Lieutenant Général Domont fut envoyé avec sa cavalerie légère, et la division (Subervick) du corps de cavalerie de Pajol, ce qui devait faire près de trois mille chevaux, à la rencontre de l'avant-garde de Bulow; il avait l'ordre d'occuper tous les débouchés, d'empêcher les hussards ennemis de se jetter sur nos flancs, et d'envoyer des coureurs à la rencontre du Maréchal Grouchy. Le Comte de Lobau, avec les deux divisions de soncorps, (sept mille hommes), alla reconnaître son champ de bataille derrière la cavalerie du Général Domont, afin que si le mouvement du Général Bulow n'était pas arrêté par le Maréchal Grouchy, il pût se porter à la rencontre des Prussiens pour garantir nos flancs. Par là, la destination de ce corps se trouva changée.

L'Empereur ayant ainsi pris toutes les précautions pour parer au corps de Bulow, envoya l'ordre au Maréchal Ney, de commencer l'attaque projettée, avec le premier corps, renforcé des batteries de réserve, et de s'emparer de la Haie Sainte, située sur la chaussée de Charleroi, où était appuyé le centre de l'ennemi. Celui

par

ci, attaqué sur son centre, devait se décider à des contre-mouvemens sur ses ailes; ce qui ferait connaître parfaitement la situation de la bataille, déployer toutes les forces de l'ennemi, et mettrait au jour tous ses projets. Une bataille, comme une action dramatique, a un commencement, un milieu, et un dénouement. Le commencement donne lieu à des contre-mouvemens de l'ennemi, fait naître des incidens qu'il faut surmonter, et qui influent sur le dernier mouvement qui décide la bataille.

Les troupes étaient pleines d'enthousiasme; l'Empereur parcourut toute la ligne, les acclamations de joie étaient telles qu'elles gênaient les manœuvres, et empêchaient les commandemens d'être entendus. Il se plaça sur une éminence près la ferme de la Belle Alliance, d'où il appercevait tout, les ailes ennemies aussi bien que celles françaises. De là, il était en état de bien juger tous les mouvemens que l'ennemi ferait, aussitôt qu'il se verrait menacé sur son centre; et Sa Majesté avait sous sa main toutes les réserves pour pouvoir en disposer rapidement, se mettre à leur tête, et remédier aux manœuvres inattendues de l'ennemi. Il était midi; quatre-vingt pièces de canon commencèrent leur feu. Au bout d'une demi-heure, les batteries enne

mies opposées s'éloignèrent, et des différens points de la ligne, on vit de nouvelles batteries venir pour les renforcer. Tous les tirailleurs ennemis évacuèrent le bas du rideau ; l'ennemi plaça ses masses en arrière des crêtes des hauteurs pour s'en abriter, et diminuer les pertes que lui causait notre artillerie. Notre infanterie se porta en avant. On remarqua alors beaucoup de mouvement sur la route de Bruxelles; toutes les voitures et bagages de la droite et de la gauche, éloignées de cette route, voyant le feu s'en approcher, s'y précipitèrent en tumulte pour gagner Bruxelles. Cependant la ligne ennemie ne fit aucune grande manœuvre; elle resta dans son immobilité. Plusieurs charges de sa cavalerie furent faites avec succès sur le flanc d'une des colonnes du premier corps, et une quinzaine de nos pièces qui se portaient en avant, furent culbutées dans un chemin creux: une brigade de cuirassiers de Milhaut s'avança contre cette cavalerie, et bientôt elle en couvrit de morts le champ de bataille. Aussitôt que l'Empereur s'apperçut que l'ennemi ne faisait pas de grand mouvement de sa droite, et qu'il y avait du désordre à la nôtre, il s'y porta au galop. Les cuirassiers Milhaut, et derrière eux en seconde ligne la cava

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