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que, dans la campagne de septembre 1792, avait paru à la tête des émigrés armés. A Vérone, il avait soutenu la dignité de sa maison dans sa réponse à l'envoyé du sénat de Vénise. A l'armée de Condé, il s'était exposé pour parler en roi et en père, aux avant-postes des républicains. A Dillingen, blessé par une main cachée, il avait conservé seul son sang-froid au milieu des courtisans éperdus. A Varsovie, il avait repoussé les propositions de Bonaparte qui, tantôt par des menaces, tantôt par l'offre d'un sort plus brillant, croyait le faire renoncer à ses droits. En Angleterre, dans le château d'Hartwell, il adoucissait avec un modique revenu beaucoup de malheurs, et régnait par l'estime sur le pays environnant. Or, il est dans les lois morales du monde, qu'à la longue la sagesse triomphe de l'aveugle témérité; et quoique l'époque de ce succès soit souvent fort retardée par des événemens difficiles à calculer, le résultat n'est pas moins probable. Il est vrai que les princes français et beaucoup de loyaux sujets secondèrent de tous leurs moyens la cause de Louis XVIII.

Tandis que le duc d'Angoulême, sous les drapeaux de Wellington, s'attirait le reproche de ne pas assez ménager ses jours, et entrait dans Bordeaux; le comte d'Artois, qui avait pénétré en Franche-Comté et en Lorraine, y réveillait l'amour des Français pour leurs anciens maîtres. Précurseur de son frère, il fait son entrée à Paris, le 12 avril, et dit ces mots partis du cœur: « Je ne vois rien ici de

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changé, si ce n'est un Français de plus. Le retour du prince était urgent. La France presque entièrement envahie, n'offrait plus qu'un tableau de désolation : l'ennemi avide et irrité, ardent à rendre tous les maux qu'il avait reçus, la parcourait en tous sens; et le peuple, foulé par les réquisitions et les taxes de guerre, tendait au désespoir. Cette situation était intolérable pour un pays dont la paix intérieure n'avait pas été troublée depuis tant de siècles, et qui, dans sa disgrace, avait cette élévation de sentimens propre aux grandes nations. Le gouvernement provisoire ouvre des négociations avec les alliés; et ceux-ci, maîtres des conditions, exigent que la France rentre, sauf quelques améliorations, dans ses anciennes frontières.

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Une convention préliminaire est bientôt conclue, le 23 avril, à Paris, entre les puissances alliées et le comte d'Artois, comme lieutenant-général du royaume. Tout le territoire de la France, tel qu'il était le 1o janvier 1792, devait être évacué par les alliés; et en retour, toutes les places situées sur le Rhin et au-delà, en Italie et en Espagne, occupées par les Français, devaient être remises aux alliés, dans des délais déterminés, etc.

Cette convention, douloureuse sans doute, était compensée par le départ de 800,000 étrangers y vivant à discrétion, et que suivaient d'immenses réserves. Il faut encore observer que les places que la France possédait encore sur l'Escaut, le Rhin, l'Oder, le Weser, l'Elbe et la Vistule, tombaient chaque jour; et leur restitution n'était qu'un échange contre les villes de l'intérieur occupées par l'ennemi. La convention du 23 avril prévenant la guerre civile et terminant la guerre étrangère, était donc un acte de haute sagesse, justifié par la loi de la nécessité. Dès lors, l'Europe commença à reprendre son assiette, et la France elle-même, sa véritable

l'EMPIRE

force; car il est aisé de prouver que de 1814 était moins puissant que la monarchie française de 1789. Celle-ci protégée par les deux mers, les Pyrénées et les Alpes, le Rhin, la Moselle, et par une ceinture de villes fortifiées, ressemblait à une vaste citadelle, et sa marine rivalisa plus d'une fois avec celle de l'Angleterre. Au commencement de 1812, la France, dans la bouffissure de sa puissance, avait perdu ses meilleures frontières, parce que, reculées dans l'intérieur, elles ne couvraient plus son territoire, et les lignes de forteresses élevées par le génie de Vauban étaient devenues inutiles : sa marine était passée dans les ports de l'ennemi. Tandis qu'au midi il n'existait aucune combinaison régulière de défense, du côté de l'est, la puissance de la France était d'autant moins solide qu'elle s'avançait jusqu'à Dantzick, à travers quelques places éparses dans le nord de l'Allemagne. Dans un pareil désordre politique qui ne peut être comparé qu'au désordre moral de ceux qui le dirigeaient, doit-on s'étonner que la France disséminée ait été envahie en tous sens, et prise, pour ainsi

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dire, d'assaut, comme une place dégarnie d'ouvrages bien liés? Les parties faibles devaient entraîner la chute des parties fortes.

Le système fédératif de la France, avant la révolution, reposait principalement sur l'alliance perpétuelle avec l'Espagne, et sur des alliances aussi étroites que solides, avec l'Autriche, la Sardaigne et quelques états d'Empire. En 1812, la France semblait avoir presque toute l'Europe pour alliée; et en un instant, tous ses prétendus amis tournent leurs armes contre elle, prouvant ainsi le vice d'un système de cabinet fondé sur la violence et l'artifice. Si on considère la force d'opinion et l'esprit public, on sentira qu'ils diminuaient en raison de l'extension de l'empire français; car celui-ci, en s'incorporant plusieurs nations différentes de mœurs, d'intérêts, de génie et de langage, avait détruit ce sentiment patriotique qui ne se rencontre dans son énergie que chez les peuples homogènes, ou du même sang et de la même origine, et qui ne s'élèvent pas au-dessus de ces proportions qui, en toutes choses, constituent le solide ensemble. Ainsi il est vrai

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