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surer dans l'avenir un repos qu'ils étaient aussi incapables de donner que de goûter. Cette classe de politiques, douée de plus d'imagination que de jugement, et n'ayant pour règles de conduite que des préjugés haineux, manquait surtout d'élévation d'ame et de ce désintéressement, base des vertus publiques. Le résultat de tant d'erreurs devait être d'ouvrir entre tous les peuples uné lutte dont la plupart sont sortis appauvris et ensanglantés.

L'assemblée constituante, se hâtant d'abjurer ses professions de foi pacifiques, n'avait pas tardé à prendre des résolutions hostiles. Tel fut le décret de réunion d'Avignon, et celui de la suppression des droits féodaux garantis aux princes allemands possessionnés en Alsace et en Lorraine. On crut qu'il suffisait, pour colorer de semblables mesures, de promettre des indemnités, comme si, entre princes indépendants, et pour des droits assurés par les traités, l'indemnité n'était pas acceptable ou rejetable à volonté. L'assemblée législative, héritière de faux principes, déclara, par bravade, la

guerre à l'Autriche, le 5 avril 1792; jour tristement fameux, puisqu'il commença cette ère de désolation qui devait renverser vingt États, et donner la mort à cinq millions d'in

dividus.

Les cours de Vienne et de Berlin avaient contracté, en 1791, une alliance qui ne fut pas combinée sur une assez large échelle pour arrêter la révolution, quoiqu'elle fût encore chancelante. La retraite précipitée des coalisés et l'évacuation subite de Verdun et de Longwy enhardissent la Convention flattée de répandre la terreur qu'elle venait d'éprouver; et cette assemblée impie immole un prince qui n'eut d'autres torts qu'une clémence intempestive, et une vertu dont l'image exaspérait ses ennemis; mais, comme si l'esprit d'humanité et de retenue eût disparu avec celui qui en avait donné de si touchans exemples, les auteurs de cet exécrable attentat déclarent dès-lors haine aux rois et à la royauté. Ils défient, au mois de février 1793, l'Angleterre, les Provinces - Unies et l'Espagne, quoique la république française eût déja la guerre avec l'Autriche, la Prusse et l'Empire. Confondant

l'héroïsme et la frénésie, le grand et le gigantesque, ils ne semblent plus aspirer qu'à l'honneur insensé d'étonner par des coups téméraires, et de provoquer des événemens dont les moteurs ne pouvaient entrevoir le résultat. Un des plus funestes effets de cette manie provocante fut de persuader, à la faveur de quelques succès, que l'audace et la témérité valaient mieux que la prudence.

La cour de Turin devait être une des premières victimes de la révolution française. L'asile donné à des princes français, le refus de recevoir un ministre dont la réputation était suspecte, et plus encore l'ambition de frapper un roi faible, avaient servi de prétexte à l'invasion de la Savoie et du comté de Nice. Ces pays, d'après un vœu prétendu de la population, avaient été réunis à la France, quoique le droit des gens s'oppose à l'incorporation d'un pays avant le traité de paix, la conquête ne pouvant être considérée jusqu'alors que comme un séquestre; mais la Convention avait déja résolu de faire prévaloir partout le principe de la souveraineté du peuple, et de se donner pour

auxiliaires tous les hommes insoumis ou mé

contens.

la

Cependant la Belgique, acquise aux Français par la victoire de Jemmapes, avait été promptement évacuée après la bataille de Nerwinde. Condé, Valenciennes, Bouchain, Landrecies, avaient ouvert leurs portes aux alliés; et la France, ébranlée au midi par révolte de Toulon, à l'ouest par les succès des Vendéens, et dans la capitale par le choc des factions, semblait toucher à sa dissolution, lorsque la mésintelligence des alliés et la vigueur du système militaire français changent la face des choses. La révolution triomphe au dehors; mais le gouvernement démagogique ne tarde pas à réagir sur lui-même; et le 10 thermidor fait justice de ses principaux membres.

Le second comité de salut public, ou celui qui succéda à Robespierre, Barrère et SaintJust, montre plus de sagacité et d'adresse. Désavouant le système de la guerre universelle, il n'hésite point à faire des avances à plusieurs cours; et il signe, en 1795, divers traités qui valurent aux Français quel

que retour d'estime et un repos momentané sur plusieurs points. Tels furent les traités conclus avec la Suède, l'Espagne, la Prusse, le nord de l'Allemagne et les Provinces-Unies, quoiqu'on doive regarder les paix de Bâle et de La Haye comme le principe de la désorganisation politique de l'Europe. Par la première, la cour de Berlin cédait, moyennant des indemnités à prendre sur l'Empire, toutes les provinces qu'elle possédait sur la rive gauche du Rhin; ce qui jetait la France dans le système envahisseur de la limite du Rhin, et pronostiquait la ruine de l'empire germanique ; tandis que, par la paix de La Haye, les Provinces-Unies, dépouillées d'une partie de leur territoire et de leurs places de sûreté, tombaient dans une telle dépendance de la France, qu'on pouvait prévoir que leur réunion ne tarderait pas à suivre celle de la Belgique. La Convention, pour faire ses adieux par un coup digne de tant d'envahissemens précédens, avait, par pure convenance, incorporé la Belgique à la république française. Cette mesure suffisait seule pour rendre impossible la réconciliation en

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